Sibylle (Chapitre 69)
— Tu parles trop le vieux !
La porte de la cellule venait de s'ouvrir en coulissant. Vu les néons bleutés du couloir il ne devait pas encore faire jour car ils éclairaient autrement dans la journée.
L'un des gardes s'avança dans la cellule, arme au poing, et leur lança un regard incendiaire.
— La petite princesse monstrueuse, si tu te transformes, je tire, compris ? cracha-t-il dans sa direction.
Elle inclina la tête en se levant pour faire un pas en avant, devinant qu'ils allaient l'emmener à l'extérieur pour la torturer de nouveau.
Le garde sortit en lui faisant signe de la suivre dans le couloir où les attendait d'autres soldats au cas où. La jeune femme s'efforça d'ignorer la douleur qui la rongeait pour avancer et ne pas au moins leur donner le plaisir de la voir sans volonté. Juste au moment de franchir la porte elle ne se retourna pas mais murmura :
— Je vous aime.
Son oncle répondit de sa voix incroyablement douce qui avait toujours eu le don de la calmer.
— Moi aussi. Un jour on se reverra et si ce n'est pas ici, ce sera ailleurs, sois-en certaine.
Elle ne put répondre, n'en ayant pas la force morale, et la porte se referma lourdement.
Elle dévisagea les gardes, sentant la peur et la haine dilater ses veines.
— Où me conduisez-vous ?
— Aucune importance, lâcha celui qui était entré d'une voix méchante. Tu parleras crois moi malgré tes belles promesses. Et on attrapera l'autre monstre !
Les yeux de Sibylle s'enflammèrent et elle répondit d'une voix folle.
— Mon frère n'est pas un monstre.
Un autre garde répliqua :
— Comme toi peut-être ? Tu t'es vue lorsque tu étais cette espèce de loup ? Crois-moi, après ça tes petits camarades astrayens ne voudront plus de vous et ce seront eux qui vous tueront !
Quelque chose se brisa un peu plus dans l'âme de Sibylle. Les enfants d'Astra était la seule chose qui lui restait désormais avec son frère...
Elle ne sut jamais ce qui la poussa à bondir en avant sur le garde sans se transformer, un véritable miracle, mais un instant plus tard il se défendait en lui envoyant un formidable coup de poing qui l'atteignit en plein visage.
La douleur fut bien au-dessus encore de tout ce qu'elle avait subi jusque là. Elle eut l'impression qu'un milliard d'aiguilles l'avaient profondément transpercée.
Elle tomba et heurta violemment le mur. Ce fut à cet instant précis qu'elle ne put retenir un hurlement si terrible que les gardes eux-mêmes eurent comme une ombre de pitié pendant un dixième de seconde sur leur visage.
— Ahhhh !...
Mais cela ne dura pas assez longtemps pour qu'elle en ait seulement conscience et le chef de l'équipe se précipita pour ordonner à deux de ses hommes de se saisir d'elle en crachant :
— Bougres d'imbéciles ! Le couloir n'est pas insonorisé comme les salles, elle va réveiller tout le monde si vous continuez à faire les imbéciles !
Sibylle se sentit soulevée, mais elle n'avait même plus conscience de la douleur. Un filet de sang coulait de sa bouche entre ses lèvres entrouvertes et elle entendait comme à travers un songe. Pas insonorisé ?
Oh, elle aurait pu crier de nouveau alors... mais qui appeler au secours ? Qui pourrait venir la sauver de cet endroit ?
Sa tête pendait en arrière de même que ses bras mais elle n'avait pas la force de tenter de trouver une autre position.
Les gardes se dirigeaient vers une salle au fond du couloir. Une nouvelle porte s'ouvrit, et elle sentit qu'on la jetait sur une couchette froide et métallique.
Quelqu'un l'attacha rapidement à la surface dure et un instant plus tard il ne restait plus que trois gardes maintenant qu'elle était facile à gérer. Et tandis que l'on braquait sur son visage une lampe horriblement forte qui l'éblouissait et contribuait à augmenter sa terrible migraine, les questions recommençaient à pleuvoir.
— En quoi consiste le plan 439 ? Quelles en sont les étapes ?
— Comment trouver ton frère ?
— Description physique, image à visualiser ?
Elle se contentait de fermer les yeux et de ne pas répondre. Alors, comme au premiers jours, les coups recommencèrent à pleuvoir. Mais cela n'avait rien à voir...
La douleur était décuplée par le Ravageur fixé à son cou comme une horrible bête indétachable.
— Ahhh ! Nooon ! S'il vous plaît...
— Alors parle ! Le plan 439 ? L'empereur ?
Mais elle s'obstinait, invoquant sa haine et tous ceux qu'elle aimait. Et il y avait Saedor dont depuis toute petite elle voulait suivre l'exemple...
— Non ! Il n'y a rien... rien à dire... mais arrêtez ! Je vous en prie, je vous en supplie...
Mais les coups continuaient, semblaient redoubler... Il se passa un siècle pour la jeune femme lui sembla-t-il avant que son tortionnaire ne fasse une pause et ne s'éponge le front. Elle entendit à peine l'un des gardes dire d'une voix sourde :
— Mais qu'est ce qu'ils ont dans cette famille ? Normalement n'importe qui aurait parlé...
Elle rouvrit ses yeux qu'elle avait fermé et cracha sa réponse, le front brûlant et trempée de sueur :
— Vous n'avez pas la haine qui m'empoisonne le cœur vous. Vous ne savez pas ce que c'est.
Mais le garde alors grimaça avant de répondre :
— Et ton oncle ? Tu vas le sacrifier à la haine que tu éprouves pour nous ?
"Jure-le-moi. Je le jure". Sibylle ferma de nouveau les yeux, ne pouvant supporter ce qu'elle allait dire.
— Tuez-le. Vous n'obtiendrez rien de moi.
Un coup. De nouveau. Et d'autres... accompagnés de l'angoissante pensée qu'a priori son oncle n'allait pas tarder à être de nouveau torturé lui aussi devant elle et qu'elle devrait tenir la parole la plus dure qu'elle ait jamais donné.
Elle essaya de se concentrer sur tout ce qu'il y avait eu de beau dans sa vie. Elle n'arrivait plus guère qu'à penser à Rodolphe. Tout le reste disparaissait derrière son frère et un sourire qui n'avait rien de joyeux étirait ses traits.
Il leur ferait payer à tous ! Il la vengerait, il les vengerait tous... Que dirait Aileen le jour où il reprendrait Astra ? Logique que l'empereur s'oppose à la petite reine...
Comme elle la haïssait à cet instant où un nouveau coup tombait !
Le garde qui frappait prit alors la parole d'une voix neutre qui acheva de la détruire :
— Va chercher l'oncle. Prends de l'aide avec toi, je préfère éviter tout risque. On verra si là elle ne parle vraiment pas...
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