Sibylle (Chapitre 63)

Des pas autour d'elle, de nouveaux venus en blouse blanche...

La douleur était affreuse, insoutenable, et tout était égal à la jeune femme maintenant, si ce n'est tenter de ne plus souffrir ainsi.

Toujours sous sa forme de loup et ignorant ses visiteurs, elle se roulait à terre désespérément, courait d'un bout à l'autre, trébuchait, se cognait le museau au mur, comme complètement folle...

Mais elle était si épuisée par les longs derniers jours de mauvais soins et tortures, qui n'avaient pourtant rien à voir avec l'enfer qu'elle vivait actuellement, qu'elle tomba à terre pour ne plus se relever quelques minutes après.

Le loup, efflanqué, leva sa tête fine vers le premier homme qui se trouvait être celui qui venait de lui greffer le Ravageur et elle ne trouva en elle que la force de sourdement gronder en relevant les crocs.

— Oh oh ! Tout doux...

Sibylle reposa sa tête sur le sol, épuisée, mais immédiatement son mal augmenta encore de façon significative.

Comme à travers un rêve tant son esprit restait enfiévré, la jeune femme comprit alors quelque chose : le poison dans ses veines la faisait terriblement souffrir mais encore plus aux points où elle était en contact avec une matière dure.

Ainsi, il suffisait qu'elle s'allonge pour que la douleur augmente de manière significative sur son ventre et ses pattes. Elle tenta de se lever sans un regard pour les hommes restés sur la défensive avant de retomber sans force. Le choc lui arracha un gémissement de douleur.

Le jeune homme le plus proche fit signe à ses camarades de reculer et de rengainer leurs armes qu'ils avaient sorties au cas où.

Il s'agenouilla près de Sibylle et demanda :

— Une drôle de mutation... Voulue ou accidentelle ?

Le loup vrilla sur lui ses prunelles bleu glacé sans répondre. Comme si elle allait l'aider à comprendre ! Oh, mais cette douleur...

L'homme sembla saisir qu'il n'obtiendrait rien d'elle et il se redressa avant de se retourner et de se diriger vers les autres, ignorant le regard chargé de haine que posait dans son dos le fauve.

— Nous l'interrogerons là-dessus dès qu'elle aura repris une forme humaine. Il serait intéressant de questionner son oncle aussi... À mon avis c'est une mutation voulue pour les rendre plus fort et plus dangereux. Ajoutez dans les informations confidentielles qu'a priori l'autre gamin, l'empereur, est un mutant lui aussi.

Ils sortirent tous de la salle et Sibylle entendit l'un des hommes lâcher en réponse :

— C'est absolument monstrueux. Nous aurions intérêt à le faire savoir quand nous les tiendrons tous les deux... Qui suivra des mutants ? Même les enfants d'Astra ne voudront plus de leur empereur !

Non... Un nouveau gémissement s'échappa de la gorge du loup tandis que la lourde porte de refermait. Sibylle sentait en plus de la douleur physique une terrifiante horreur l'envahir mentalement.

Elle venait de trahir l'un de leurs secrets... et ces hommes avaient parfaitement raison. Des mutants ! Oncle Saedor leur avait parlé quelque fois d'autres humains modifiés par les ondes. Aucun ne se métamorphosait en loup à sa connaissance mais tous avaient été unanimement ou presque rejetés par la société.

Sibylle frissonna sous sa forme de loup. Elle rassembla ses forces, se releva lentement et parvint à se redresser. La douleur était toujours aussi effroyable mais un tout petit peu moins forte maintenant que son ventre ne touchait plus le sol.

C'était si cruel... Si cruel comme poison que ce Ravageur ! Comme si la souffrance ne suffisait pas, Sibylle commençait à comprendre qu'elle n'allait plus supporter le moindre contact physique, d'une simple accolade à un baiser sur la joue.

— Grrrr...

Le grognement avait instinctivement franchi sa gorge. Quand lui enlèveraient-ils l'appareil ? Elle avait envie de l'arracher tout de suite de sa gorge mais ce n'était pas possible sans s'ouvrir au passage et probablement mourir.

Pourtant, à cet instant précis, elle aurait été parfaitement prête à le faire s'il n'y avait eu dans son esprit le souvenir de Rodolphe et du plan pour la retenir. Et une haine incommensurable contre Aileen...

Jamais Sibylle n'avait ressenti un tel besoin de vengeance, pas à ce point, pas même pour venger tous les adultes d'Astra. Mais maintenant...

L'ouïe fine du loup la tira de ses pensées en lui faisant entendre un léger déclic près de la porte. Elle savait qu'il annonçait l'ouverture.

Elle tressaillit malgré elle, muscles soudain tendus par l'appréhension, paniquée d'instinct à l'idée de souffrir de nouveau.

Elle ne releva pas le museau et la seule chose qu'elle vit ce fut une paire de botte de cuir qui s'avançait dans sa cellule. La porte se referma sans qu'un mot eut été prononcé, laissant son visiteur seul face à elle.

Sibylle ne voulait pas le regarder, reculant de quelques minutes encore l'instant fatal où il trouverait le moyen de la faire encore plus souffrir.

Pourtant... ces bottes de cuir n'étaient pas recouvertes de la blouse blanche de rigueur ici. Alors lentement le loup releva ses babines, grondant sans pouvoir se retenir, ramassé sur lui-même alors qu'elle n'avait de toute façon plus la force de bondir.

Son regard bleu accrocha d'abord un éclat métallique au coup de son visiteur et elle sentit un choc sourd se répandre dans son corps devant l'objet planté dans les chairs.

Un Ravageur...

Mais lorsque son regard s'arrêta enfin sur le visage de l'homme, son rythme cardiaque s'arrêta tout à fait pendant un dixième de seconde lui sembla-t-il.

Un sourire d'une tristesse infinie envahit le visage de son oncle et Saedor s'avança vers elle avant de s'agenouiller devant la jeune femme sous sa forme de loup comme l'avait fait le garde précédemment. Mais leurs deux attitude étaient incomparables. En un instant, Sibylle ressentit le besoin plus fort que tout de courir se jeter dans les bras de son oncle et de pleurer comme une petite fille, en oubliant tout et en le suppliant de lui pardonner son échec et sa capture.

Saedor retira sans un mot la veste qui lui couvrait les épaules et la déposa sur le loup avant de murmurer :

— Change-toi. Qu'on puisse parler...

L'animal hocha la tête et la jeune femme concentra toutes ses pensées pour lui obéir. Un instant après, elle parvenait à vaincre la vague de douleur déferlante qui l'obligeait presque à rester sous sa forme lupine et l'humaine réapparaissait aux yeux de son oncle.

Sibylle s'assit sur le sol froid malgré la douleur qui augmentait à cause de ce simple contact et s'entoura de la veste du mieux qu'elle put avant de relever la tête et de murmurer d'une voix brisée :

— Oh, oncle Saedor, ça fait tellement plaisir de vous retrouver !

Il lui tendit son triste sourire et répondit sans la toucher, sans lui caresser la joue comme il en avait l'habitude :

— Et à moi donc Sibylle ! J'aurais simplement aimé que ce soit ailleurs, à l'air libre...

Et, comme s'il avait peur soudain il ajouta précipitamment :

— Ne dis rien à haute voix qu'ils puissent utiliser contre nous Sib'... Ils nous écoutent derrière les vitres.

Elle acquiesça, avant de poser ses yeux sur l'appareil qui continuait de briller presque avec insolence au cou de Saedor.

— Oncle... Ils vous l'ont mis vous aussi ?

Il inclina la tête. Elle demanda en fermant les yeux, gagnée par l'appréhension :

— Et vous avez parlé ?

Alors Saedor la regarda droit dans les yeux, comme il le faisait toujours quand il pesait chacun de ses mots pour leur donner à elle et à son frère le meilleurs exemple possible :

— Non.

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