Sibylle (Chapitre 25)
Carlys s'était levé d'un bond en hurlant :
-Noooon !
Il ne comprenait pas ce qui arrivait mais son cri immobilisa soudain le "chien" étrange -il préférait malgré tout continuer à l'appeler loup car cela paraissait mieux lui correspondre-. La bête leva vers lui des yeux brillants, lumineux, et souleva ses babines en grognant, le dissuadant ainsi d'approcher.
Le loup se déplaça ensuite légèrement, gardant seulement une patte griffue sur le directeur et la poitrine de celui-ci put de nouveau se soulever régulièrement tandis qu'il respirait. Il tourna la tête vers sa gauche et Carlys aperçut alors le pistolet qui lui avait échappé des mains sur le parquet.
Le jeune homme ne réfléchit plus et se rua dessus avant de s'en emparer d'une main ferme. Le loup aperçut alors l'arme entre ses doigts et Carlys hésita un dixième de seconde.
Il lui semblait un instant que l'animal comprenait ce qu'il s'apprêtait à faire. Mais il se reprit ensuite, secoua la tête, et releva son bras armé. Il était désolé pour le loup, superbe, mais il tenait à la vie d'un homme, même d'un eriquien.
Sibylle cependant ne savait plus que faire car elle n'osait pas attaquer le jeune homme et retrouvait petit à petit ses pensées, n'étant plus dominée par la peur et l'adrénaline.
Lorsqu'elle vit en face de son museau l'arme de Carlys, elle releva la tête, bascula sur le côté, et la balle ne fit que lui déchirer la fourrure sur le côté droit, n'occasionnant qu'une blessure légère.
Alors elle n'attendit pas un instant de plus et bondit de nouveau en avant d'une formidable détente, droit sur la porte de verre.
Elle la percuta de toute sa masse de loup et passa comme prévu au travers. Mais des dizaines d'éclats se fichèrent dans sa peau et elle retint un hurlement de souffrance pour se mettre à courir le plus vite possible à foulées régulières dans le couloir maintenant heureusement désert, les adolescents étant tous partis dans leurs lycées respectifs.
Mais Sibylle ne pouvait s'arrêter malgré la douleur qui la lancinait car Carlys s'était mis à courir derrière elle.
Le jeune homme, après s'être rapidement assuré que le directeur allait bien, était sorti sur les traces du loup en trombe. Pas question de laisser l'animal dangereux errer dans le bâtiment et tomber sur d'autres personnes...
Carlys se sentait plus ou moins responsable de l'avoir amené et cependant une pensée le taraudait. L'animal avait été passif, obéissant avec lui, mais ne s'était révolté en quelque sorte que quand le directeur avait sorti son arme...
Qu'est-ce que cela voulait dire ? Le jeune homme n'y comprenait rien mais il accéléra en tentant de ne plus trop réfléchir. Le principal était qu'il puisse le rattraper avant qu'il fasse du mal à quelqu'un d'autre... S'interroger plus avant sur les particularités de cet animal bizarre n'avait pas de sens.
Plus loin dans le couloir Sibylle haletait. Ses pattes, criblées d'éclats de verre, ne la portait plus, et elle laissait des traînées de sang derrière elle comme une piste facile à suivre pour Carlys... Celui qu'elle considérait comme un véritable ami !
Il était courageux indéniablement, et elle ne savait que faire. Tenter de l'attaquer pour sauver sa vie comme avec le directeur ? Mais elle avait eu tellement peur alors ! Sans le cri de Carlys, elle lui aurait arraché la gorge, dominé par l'instinct de la bête en elle...
Et il n'était pas question qu'elle risque la même chose avec son ami. Sa seule chance était de se retransformer, de...
Il la rattrapait. Bon sang, pourquoi n'arrivait-elle pas à se métamorphoser de nouveau ?
Parce qu'elle avait peur et que tout son corps avait conscience du danger extrême où elle se trouvait. Et ses membres refusaient d'adopter une autre forme que celle qui les mettait le plus en sécurité, qui la rendait plus forte...
Sibylle ralentit pourtant encore dans un nouveau couloir. Comment en était-elle arrivée là ? Elle n'en pouvait plus...
La louve arriva alors dans un cul de sac et n'eut d'autre choix que de se faufiler dans une pièce restée ouverte. Mais celle-ci n'avait pas d'autre sortie...
Paniquée, Sybille fit le tour de la chambre sans rien trouver et commença à entendre de plus en plus proches les pas terribles de Carlys qui se rapprochait grâce à son ouïe de loup...
Se calmer... Il fallait qu'elle se calme. Elle avait deux minutes pour le faire. La jeune fille laissa sa colère et sa peur lentement retomber, se rapprocha d'un des lits du dortoir desert, et sentit enfin, enfin !, son corps commencer à lui obéir.
La fourrure disparut petit à petit de ses pattes, son museau se transforma en un nez fin, ses cheveux recommencèrent à lui couvrir les oreilles plutôt qu'un doux duvet noir, et elle tomba derrière le lit, retrouvant sa forme humaine.
Elle était couverte de sang, et les éclats de verre la transperçait de part en part partout. Elle trouva pourtant la force d'attraper sur le lit une tenue qui traînait -d'un garçon visiblement, beaucoup trop grande pour elle- et s'obligea à l'enfiler.
Une fois ceci fait, elle tenta de se redresser. Il fallait qu'elle aille se cacher, si elle voulait... Trop tard, Carlys pénétrait déjà dans le dortoir. Il avait les yeux rivés aux tâches de sang sur le sol et il n'entendit pas le faible bruit qu'elle fit en retombant à terre contre le sol derrière le lit.
Elle n'arrivait pas à se relever et se sentait littéralement vidée de ses forces. Ses oreilles bourdonnaient, son corps entier la suppliciait et elle sentit de nouveau un besoin violent de se retransformer... qu'elle parvint à contrôler de justesse encore une fois.
Carlys s'avançait toujours, lentement, regardant derrière les deux premières couchettes, l'arme au poing. Il lâcha même :
-Où est ce fichu loup, je...
C'est alors qu'il la vit. Elle n'avait pas la force de même se redresser et se contenta de lui rendre son regard. Carlys paniqua en la voyant entourée de sang et se rua vers elle, abandonnant toute prudence au passage. Il s'agenouilla à ses côtés, et cria :
-Sibylle ! C'est cette sale bête qui t'a fait ça...? Bon, attends aucune importance, on va aller à l'infirmerie on va...
Il s'apprêtait à la soulever dans ses bras -au moins à le tenter car il n'était pas extrêmement fort et musclé- lorsqu'il ramassa précipitamment son arme et murmura :
-Attends... Le loup, ou le chien je ne sais, est forcément toujours là...
Il se redressa lentement. La panique dilatait les veines de Sibylle tandis qu'elle tentait de nouveau vainement de se redresser. Elle parvint à cracher :
-Pas... Pas ici...
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