Sibylle (Chapitre 17)

Nouvelle matinée... Pas d'Heather en vue lorsque Sibylle rejoignit l'endroit où le jour précédent elle avait attendu la cabine.

En revanche, Carlys était bien là. La jeune fille se retint d'accélérer le pas pour courir vers lui à cause de son anxiété mais s'exhorta au calme jusqu'à le rejoindre.

Il lui adressa alors un petit sourire avant de lâcher :

-Comment ça va numéro 2 ?

Sibylle lança un coup d'œil inquiet dans le couloir désert avant de grogner :

-Tu pourrais m'appeler autrement s'il te plaît ?

-Pas de problème. De toute façon ça m'est prodigieusement égal...

Il ajouta en la voyant rouvrir la bouche pour reprendre la parole :

-Et non je ne compte pas en parler à la terre entière. Ça te va ?

Sibylle lui lança un coup d'œil soupçonneux mais se détendit légèrement. Elle risqua même un sourire avant de demander :

-Tu fais partie de ceux qui ont été choisis pour connaître tous les numéros ?

Il éclata d'un petit rire amusé avant de lui dire, la regardant droit dans les yeux :

-En clair est-ce que je fais partie des chefs des enfants d'Astra ? Tu m'as bien regardé ?

Sibylle croisa les bras sur sa poitrine et lui lança un regard à la fois amusé et exaspéré, ce qui donnait un curieux mélange.

-Franchement si c'était moi qui avais réparti les rôles, je ne t'aurais jamais donné autant de responsabilités... Mais comme ce n'était pas moi...

-Ne t'inquiète pas, ils ont eu le même raisonnement.

Sibylle redevint légèrement inquiète et demanda en passant une main dans ses cheveux courts :

-Et donc comment tu es au courant pour mon numéro ?

-Oh, ce joli petit tatouage... Eh bien en fait je suis plutôt débrouillard heu... tu ne vas pas aimer ça en tant que miss parfaite...

-Redis ça et je t'étrangle !

-Alors je n'ai ni le droit de t'appeler princesse, numéro 2, ou encore miss parfaite ? Je fais comment moi ?

Toujours cet insupportable petit sourire. Sibylle se sentait pourtant incapable de lui en vouloir et ce fut après un long soupir qu'elle demanda :

-Attends, on parlait de quoi déjà ?

-De ma capacité à connaître des informations dont je ne devrais pas être au courant ?

-Ah oui, un truc comme ça. Alors ?

-J'avoue -j'insiste tu ne vas pas aimer- avoir un peu... bon carrément espionné le chef de notre groupe. Du coup j'ai appris divers choses dont je n'ai malheureusement retenu que la moitié... Le numéro 1, c'est ton grand frère pas vrai ? Il s'appelle comment ?

Sibylle haussa un sourcil plus haut que l'autre et demanda :

-Tu es en train d'essayer de me soutirer des informations là ?

-Ça se voit tant que ça ?

La jeune fille leva les yeux au ciel et choisit d'abandonner là la conversation. Elle termina :

-Très bien, on va dire que je te fais confiance...

-Encore heureux. Je ne m'imaginais absolument pas continuer à vivre sans ta confiance...

-Tu ne peux pas être sérieux, disons deux minutes ?

-Hum. Je ne le suis pas là ?

Heureusement, un bruit se fit entendre dans le couloir désert et dispensa Sibylle de répondre. Essoufflée, Heather arrivait vers eux et ne tarda pas à les rejoindre. Elle s'arrêta ensuite pile à côté d'eux, pliée en deux d'avoir trop couru, avant de jeter un coup d'œil à son écran et de soupirer :

-Pile à l'heure. Je crois que c'était juste... Salut vous deux !

La cabine arriva à cet instant précis et s'arrêta moins de quelques secondes plus tard devant le groupe de jeunes gens. Le trajet fut aussi chaotique que celui de la dernière fois, quoique peut-être pire car Sibylle ne pouvait s'empêcher d'anticiper les brusques changements de direction et d'angoisser avant d'avoir l'estomac à l'envers. Quelle misère !

***

Un léger vrombissement au poignet. Sibylle commençait déjà à s'y habituer et un immense sourire lui monta aux lèvres : pause déjeuner !

Elle et Carlys suivirent les autres élèves dans les méandres des couloirs -le jeune homme s'y repérait déjà très bien, elle pas du tout- jusqu'à rejoindre une salle uniforme.

Sibylle s'empara d'un plateau, de couverts métalliques, puis gagna l'une des files qui patientait devant les machines.

Carlys prit place dans celle à côté d'elle et au bout d'une dizaine de minutes d'attente, la jeune fille se trouva face à la machine et put commander.

Sur l'écran tactile auquel elle se connecta d'une simple empreinte digitale qui ouvrit son compte se matérialisèrent de multiples plats et propositions.

Enfin, pas si multiples que cela. La plupart des cases étaient grisées -pénuries dû à la guerre tout juste terminée- et Sibylle dû se contenter de commander la même chose qu'avant : à peu près trois fois l'équivalent de ce que mangeait Carlys.

Mais elle avait faim, vraiment. Pourtant elle ne put s'empêcher de ressentir un terrible pincement au cœur en voyant les chiffres défiler sur son compte : à ce rythme, ses crédits ne lui permettraient jamais de manger pendant un mois comme prévu...

Cependant, la machine vrombissait déjà et un étage plus bas que les commandes, à l'endroit des retraits, la jeune fille put attraper trois sachets identiques contenant sa commande.

Carlys avait fini pour sa part et elle le rejoignit à une table à quatre places en se laissant tomber sur un siège avec un lourd soupir.

Le jeune homme regarda les plats devant elle sur le plateau, esquissa un sourire dubitatif, avant de demander :

-Comment tu fais pour manger autant ? Au réfectoire le soir tu avales la même quantité de nourriture ?

Métabolisme particulier disait un vieil ami à Astra. Un conseiller de son oncle qui partageait tous les secrets de la jeune fille. Elle reposa sa fourchette sur la table, regrettant amèrement d'avoir pensé à un homme forcément mort, avant de répondre avec franchise :

-À vrai dire si je le pouvais... Je mangerais plus. Mais je ne sais pas comment je vais faire en fin de mois.

Elle détourna les yeux avec agacement devant l'amusement visible du jeune homme. Mais elle ne put s'empêcher ensuite d'ajouter avec un léger rire :

-Tu penses à un nouveau surnom ? Du genre de "glouton" ?

-Quoi ? Oh non ! Je pensais plutôt à quelque chose comme "mystérieuse"... Tu peux me dire ce que tu me caches encore Sib ?

La jeune fille se rembrunit avant d'observer, sans nier quoi que ce soit au passage :

-Je ne suis pas la seule cachotière. Tu ne m'as jamais rien dit de toi...

Carlys s'adossa au fond de son siège, parut pensif un instant. Le brouhaha de la cantine emplissait l'espace et il ne semblait pas pressé de répondre. Il finit pourtant par le faire, ne la quittant pas des yeux comme à son habitude.

-Pas grand-chose à savoir. Mes parents sont morts tous les deux quand j'avais deux ans dans un bombardement ou un truc du même genre. J'ai été placé dans une famille d'accueil dont la mère, soldat, n'a pas tardé à partager le même sort. Les autres se fichaient un peu de ce que je pouvais devenir, et ça m'était bien égal. J'aime beaucoup mon indépendance...

Il eut un sourire avant d'ajouter :

-Quant à mon numéro sur mon tatouage il comporte tant de chiffres que je ne doute pas de n'être absolument pas considéré comme un élément crucial dans le plan 439. Pour le reste eh bien... il n'y a pas grand-chose à ajouter. Ah si, j'aime bien jouer de la flûte.

-De la flûte ?

-Oui, l'instrument archaïque, c'est bien ça.

Sibylle retint mal un nouveau sourire, mais Carlys se pencha alors sur la table, les coudes heurtant les bords de son plateau, et pencha légèrement la tête sur le côté avec son sourire malicieux et rebelle.

-Alors, tu me le dis ton secret ?

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top