Le jeune homme était de mauvaise humeur en se changeant dans le vestiaire avec les autres garçons.

-On est vendredi ! Je croyais que les entraînements en réalité virtuelle étaient le jeudi ?

L'un d'eux releva la tête et lui lança un sourire d'encouragement.

-Il y a souvent des cours supplémentaires... et la première compétition est dans deux semaines. Aucun de nous n'est prêt et j'aimerais bien pour ma part au moins me classer dans les quinze premiers...

Rodolphe ne répondit rien malgré les questions qui fusaient dans son esprit. Il était six heures du soir et il était plutôt de mauvaise humeur depuis que son écran avait affiché un message du professeur Teos lui disant qu'il y avait un entraînement supplémentaire général aujourd'hui.

Lorsqu'il eut bouclé ses tennis et terminé de mettre en place sa combinaison, Rodolphe suivit cependant les autres sans regimber dans le couloir un peu miteux contenant toutes les petites stales à deux sièges.

Aileen était déjà prête, faisant mentir l'idée que les garçons se changeaient toujours plus vite que les filles, les cheveux tressés cette fois-ci, lui dégageant ainsi le visage.

Teos attendit que tous soient présent pour les répartir aux différents postes et ce fut avec une certaine répugnance que Rodolphe se laissa bientôt tomber dans le siège de gauche de la micro-pièce quatre.

Il comprit alors enfin ce qui le mettait dans une telle humeur. Il avait une peur bleue de se retrouver de nouveau dans le paysage sombre des ruines d'Astra...

La dernière scène qu'il avait vue le hantait encore et il se demanda tout à coup s'il pouvait se transformer dans une réalité virtuelle. Il espérait que non, mais il était à peu près sûr du contraire...

Aileen lui adressa alors un sourire lorsque les pièces métalliques l'accrochèrent sur son siège et lui lança :

-J'ai demandé à Teos. Ça ne sera pas là où... où tu n'as pas envie d'aller.

Rodolphe se sentit immensément soulagé et sa mauvaise humeur disparut presque complètement lorsque l'aiguille s'enfonça dans son bras et que ses yeux se fermèrent malgré lui...

***

Il était allongé par terre et plusieurs longues herbes vertes lui chatouillaient le nez. Aileen riait à côté de lui en se redressant :

-Tu as l'air tellement plus calme quand tu dors !

L'adolescent se redressa et répliqua avec une grimace :

-À mon avis c'est ton cas aussi...

-Pas complètement faux...

Ils se turent alors tous deux et Rodolphe entreprit d'examiner ce qui l'entourait. Il était sur une colline d'herbe verte et pouvait apercevoir le paysage fort loin devant lui.

Il y avait des petits lacs, d'autres collines, des bouquets d'arbres, et ça et là s'apercevaient même quelques animaux sauvages non dangereux, broutant paisiblement ou s'abreuvent aux mares. Et pour couronner ce paysage idyllique, il faisait un beau soleil qui éclairait le site d'une lueur qui faisait ressortir les couleurs tandis qu'une douce chaleur vous réchauffait doucement le dos...

Rodolphe se tourna alors vers Aileen et demanda :

-Qu'est-ce qu'on est sensé faire exactement dans une réalité virtuelle ?

-Remplir une mission. On ne devrait pas tarder à savoir laquelle...

Elle n'avait pas plutôt dis ça qu'une mince enveloppe de papier blanc jaillit de nulle part poussée par le vent dans leur direction.

Aileen se précipita pour l'attraper et Elle l'ouvrit rapidement tandis que Rodolphe s'approchait d'elle pour lire par dessus son épaule.

Ramener une fleur noire. Sur la colline la plus haute.

-C'est tout ?

L'adolescent ne voyait rien là de très compliqué mais Aileen parut plus inquiète lorsqu'elle lâcha l'enveloppe qui fut alors dissoute dans l'air et disparut complètement.

-À mon avis on va avoir très vite des problèmes... cette nature est trop calme. Enfin de toute façon pour le moment essayons toujours... Où est cette colline ?

Rodolphe tenait déjà la réponse et en désigna une assez proche qui se détachait en effet des autres en hauteur. Aileen inclina la tête et il commencèrent alors à descendre la leur d'un pas rapide. Rodolphe était particulièrement à l'aise tandis que la jeune fille trébuchait parfois même si elle refusait obstinément de s'accrocher à lui, ce qui lui allait très bien. Quoique là à l'instant présent, il se sentait terriblement seul, sans comprendre pourquoi. Il avait soudain terriblement envie de revoir sa sœur qui lui manquait plus que tout et cela ajoutait à son humeur sombre...

Lorsqu'ils atteignirent le bas du mince sentier quelques minutes plus tard, le jeune homme observa néanmoins en tâchant de cacher ses pensées aux reflets tristes :

-Eh bien ? Jusque là pas d'ennuis n'est-ce pas ?...

-Rodolphe...

-Quoi ?

-Cours !

Elle l'empoigna alors fermement par le bras et il lui obéit sans poser de questions. Lorsqu'il risqua un coup d'œil en arrière sans pour autant s'arrêter de courir, il accéléra immédiatement.

Un animal monstrueux les poursuivait, une espèce étrange entre le lion, le cheval puisqu'il avait des sabots, et l'éléphant pour la taille.

Tout en courant Rodolphe parvint à crier tout en tâchant de maîtriser son cœur qui commençait à s'emballer dans sa poitrine :

-Dis moi, si on meurt ici, qu'est-ce qui se passe ?

-C'est très douloureux. Sinon rien...

Ah. Cela encouragea nettement Rodolphe à accélérer sa course car il n'était absolument pas certain d'avoir envie de vivre sa propre mort.

Mais le décor lui réservait un nouveau piège. Le sol se fissura tout à coup sous ses pieds et si Aileen parvint à sauter à temps par dessus la crevasse, lui tomba, et ne réussit qu'à se raccrocher de justesse à l'un des côtés. Il tenta de se hisser en dehors de la crevasse à la force de ses bras mais n'y parvint pas parce que dans le même instant des lianes jaillirent de nulle part et commencèrent à tenter de l'attirer vers le fond de la cavité tandis que le monstre se rapprochait de plus en plus...

-Aileen !...

La jeune fille revenait déjà, ayant pris un couteau dans son sac, et elle se précipita pour refermer sa main sur son bras pile au moment où il tombait.

Que c'était réaliste cette réalité virtuelle ! Rodolphe ressentait le danger et la peur dans tout son être mais heureusement son corps n'échappait pas à son contrôle : se transformer en loup l'aurait immanquablement fait tomber dans la crevasse... Et, accessoirement, l'aurait trahi.

Mais Aileen lui mettait déjà son couteau dans la main et il parvint à se pencher suffisamment pour trancher les lianes qui le maintenaient à la paroi d'un coup sec et ajustée. Aileen le hissait déjà de nouveau au sol et il se remit prestement debout en voyant le monstre arriver à moins d'un mètre d'eux.

Ils se remirent alors à courir et Rodolphe voulut s'enfoncer entre les arbres pour se protéger de la créature mais Aileen lui cria en secouant la tête :

-On doit aller sur la colline !

Où aucun arbre n'empêcherait l'animal de les suivre...

Rodolphe maudit à ce moment sincèrement tout ce qui l'avait poussé à accepter ce cours supplémentaire le jeudi soir. Une grosse blague, lorsque vous entendiez derrière vous les grognements d'un énorme monstre et que le sol se fissurait sous vos pieds, vous obligeant à zigzaguer...

-Le rapport avec ma vitesse à la course, tu me l'expliques Aileen !

Pour la première fois depuis que toute la réalité virtuelle déployait ses armes contre eux, elle éclata de rire.

-Qu'est-ce qu'on fait en ce moment Rodolphe ?

Oui, vu comme ça... Enfin s'il avait été mieux informé, il était probable qu'il aurait totalement refusé de s'amuser à participer à quelque chose d'aussi complètement fou...

Aileen ajouta alors dans un nouveau cri tandis qu'ils commençaient à escalader la colline, toujours en courant :

-C'est plutôt calme aujourd'hui Rodolphe ! Pour les concours on reste parfois deux semaines dans les réalités !

Argh. Bon, ça allait être intéressant de vivre sa propre mort deux ou trois fois... Peut-être qu'il serait blasé après cela ? En voyant avec quelle énergie Aileen courait juste devant lui, Rodolphe en doutait...

Il poussa un soupir, accéléra sa course jusqu'à dépasser Aileen, et il ne tarda pas à arriver au sommet. Il y avait une unique fleur noire et il s'en empara prestement, pile au moment où le monstre menaçait d'engloutir sa fichue co-équipière...