Rodolphe (Chapitre 15)
Pourquoi avait-il fallu que le lendemain de son premier jour de lycée soit précisément un jeudi ?
Rodolphe n'arrivait pas à enlever cette question de sa tête tandis qu'il gagnait un bâtiment annexe du lycée au fond du parc.
Un homme de peut-être quarante ans -au moins physiquement mais avec les soins esthétiques c'était parfois dur à dire- les attendait et tous les adolescents étaient déjà arrivés. À vrai dire, Rodolphe faisait partie des derniers et il constata au passage qu'il semblait être le seul enfant d'Astra.
L'homme darda sur lui des prunelles de couleur claire et lui adressa un mince sourire, lèvres serrées sans rien ajouter.
Le jeune garçon avisa alors Aileen, discutant deux pas plus loin avec une autre fille mais ne fit pas mine de la rejoindre -c'était déjà beaucoup de savoir qu'elle serait sa partenaire pour la réalité virtuelle dans laquelle on allait les plonger tout à l'heure-.
Pourtant à sa grande surprise, ce fut la princesse elle-même qui vint dans sa direction. Elle se posta à côté de lui sans dire un mot et il ne put l'interroger car le professeur commençait déjà :
-Bon, nous n'avons cette année qu'un nouveau... Bienvenue à bord garçon ! Ton professeur m'a dit beaucoup de bien de tes talents de coureur... mais autant que tu saches tout de suite que ce ne sera pas suffisant pour gagner ici.
Rodolphe jeta un coup d'œil presque déjà mécanique à son écran. Il n'avait gagné qu'un point dans sa journée aujourd'hui... Il était à 153. Lorsqu'Aileen leva le bras pour passer une main dans ses cheveux, il aperçu son compteur à elle et retint une grimace : elle était à 2546 points.
Mais le professeur reprenait déjà, obligeant de nouveau le jeune homme à lui accorder son attention :
-Nous commencerons aujourd'hui par des épreuves de base pour se familiariser de nouveau avec les principaux décors. Direction les vestiaires maintenant !
Rodolphe ne put s'empêcher de lâcher :
-Les vestiaires ?
Aileen lui répondit presque immédiatement, avec un ton où frisait une étincelle de mépris avant qu'elle ne se reprenne brusquement et inexplicablement à la fin de sa phrase pour essayer d'être aimable :
-Tu ne comptais quand même pas aller dans la réalité virtuelle dans cet équipement ? Enfin... Bon, c'est vrai que tu ne faisais pas ça chez toi. En clair on va te fournir une combinaison adaptée et deux ou trois trucs utiles...
Rodolphe ne répondit pas, n'en voyant pas l'intérêt et réfléchissant à ce qu'il venait d'entendre, avant d'entrer dans le bâtiment à la suite du professeur et des élèves.
Les filles allaient sur la droite dans un petit couloir occupé par une rangée de casiers métalliques et les garçons à gauche.
Il voulut suivre ces derniers mais le professeur l'appela et lui fit signe de le rejoindre dans une petite salle.
Rodolphe obéis et l'homme ne tarda pas à lui remettre une combinaison noire ainsi qu'un sac à dos rempli de différents objets dont l'adolescent n'avait aucune idée de l'utilité.
Mais son professeur le regardait déjà droit dans les yeux, le regard franc, lui disant dans le même temps :
-Dans la salle d'à côté, je peux suivre toutes vos réalités grâce à mes écrans... Aujourd'hui je vous prévois des mondes différents, c'est-à-dire que tu ne rencontreras pas les autres groupes, ok ?
Rodolphe avait l'impression d'être coaché avant une épreuve majeure mais il ne le releva pas avec ironie comme il en avait l'intention et se contenta d'acquiescer. Il avait l'intuition qu'aussi étrange que cela paraisse, il ne trouverait pas si stupide ces renseignements dans quelques minutes... Dans quoi s'était-il fourré exactement ?
Mais le professeur reprenait :
-Visiblement tu ne sais pas ce que c'est qu'une réalité virtuelle... Un détail Rodolphe : tu n'as accès qu'à ce que tu as pris avec toi. Quand tu t'installera dans le fauteuil numérisé, n'oublie pas d'avoir ton sac avec toi. C'est pour ça aussi que tu dois te changer et enfiler une combinaison... Tout compris ?
-Je crois oui. Ce n'est qu'un premier entraînement de toute façon, non ?
-Oui mais je préfère te dire ça dès maintenant. Autre chose : tu peux m'appeler capitaine. Allez, file au vestiaire.
Rodolphe s'agaça un instant de la familiarité de l'homme avant de comprendre que celle-ci n'avait rien d'inhabituel. Non, c'était simplement que lui n'avait pas l'habitude d'être traité ainsi... Cela l'avait heurté plusieurs autres fois dans la journée, non par fierté mais surtout par surprise.
Il rejoignit enfin le vestiaire des garçons, désert maintenant, et se changea rapidement. La combinaison était proche du corps, renforcée à divers endroits, mais restait étonnamment légère.
Elle n'était pas noire comme il l'avait cru au premier abord mais grise, et Rodolphe frissonna lorsqu'il réalisa qu'il portait comme tout portait à le faire croire une ancienne combinaison de militaire.
Une semblable à toutes celles portées par ceux qui avaient tué tous ceux qu'il aimait...
Tous les adultes en tout cas. Il lui restait sa chère Sibylle...!
Le jeune homme mit encore deux minutes à finir de se préparer avant de rejoindre les autres devant une rangée de petites salles ouvertes sur un couloir. Elles ne contenaient toutes que deux sièges côte à côte et chacun des adolescents était déjà installé.
Lorsque Rodolphe se laissa tomber dans son siège à côté de celui d'Aileen, la seule question qu'il trouva à poser fut :
-Pourquoi des duos ?
-Aucune idée... Ce sont les règles c'est tout. Pourquoi deux cavaliers à un concours de dragons ?
Il voulut répliquer que cela paraissait logique lorsque les bras métalliques du siège parurent se mettre en mouvement. De fins cercles métalliques vinrent se refermer sur ses bras et ses jambes, l'immobilisant ainsi parfaitement, tandis qu'une fine aiguille maniée par un bras robotique s'approchait de son poignet.
Aileen dut sentir qu'une anxiété irraisonnée l'envahissait car elle esquissa un léger sourire avant de lâcher :
-Ne t'inquiète pas, c'est normal...
L'écran devant eux qui occupait tout le petit mur s'alluma alors en même temps que l'aiguille répandait un liquide blanchâtre dans ses veines.
***
Il fallut quelques secondes à Rodolphe pour ouvrir les yeux. Le ciel était d'un bleu pâle limpide, et une odeur douce lui caressait les narines.
Il se redressa lentement, tandis qu'Aileen s'éloignait déjà de quelques pas, regardant tout autour d'elle, arme à la main.
Il supposa que ce devait être l'une des choses contenue dans son sac... La jeune fille se tourna alors vers lui et demanda, visiblement à regret car elle ne tenait pas à sembler avoir besoin de son aide :
-Où sommes-nous ?
La gorge de Rodolphe se serra. C'était comme si un voile se déchirait dans sa tête. Il détourna les yeux et murmura :
-Nous sommes sur l'une des plages d'Astra.
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