Edward (Chapitre 83)

Edward n'avait pas tout suivi. Tout ce qu'il savait c'est qu'au moment où ils avaient ouvert la porte, une vague d'hommes avait déferlé droit vers les hommes du gouverneur et que, avec l'aide des armes des soldats du prince enfin arrivés, ils avaient mis tout ce beau monde hors d'état de combattre, après avoir ouvert l'autre baraquement.

— Edward ! Vive le prince Edward !... criait la petite foule sans discontinuer.

L'aube se levait maintenant et de fins nuages rose-orangés s'étiraient encore dans la brume du matin mais l'on sentait que la journée allait être splendide. Le feu s'était éteint de lui-même grâce à une nouvelle averse un peu plus tôt et pour l'heure Edward ne pouvait rien faire d'autre que de se laisser porter en triomphe.

Que ces hommes à l'écart du monde aient su qui il était le stupéfiait, et il était d'autant plus saisi de leur émotion visible et de la façon dont ils semblaient le considérer : comme un habitant à part entière de l'Egrabe qui non seulement leur avait fait gagner la guerre civile mais qui venait en plus de les délivrer eux.

Edward était assis sur sa monture que lui avait amené l'un de ses soldats avec un grand sourire, et il caressait l'encolure de son fidèle Emir tout en adressant de grands gestes à la petite foule réunie.

Deux villages très proches dans la vallée qui avaient vécu ces derniers mois sous la surveillance des soldats et sans avoir le droit de s'écarter de leurs quelques champs et maisons, s'étaient joins au travailleurs forcés et acclamaient le prince avec les autres en tapant dans leurs mains.

Ils chantaient tous de nouveau mais c'était un regain populaire, sans commune mesure avec la sombre sonorité de celui qu'ils avaient entendu la nuit précédente. Quand aux canons... Edward n'avait eu besoin de donner aucun ordre.

Les villageois et les prisonniers, d'anciens résistants au gouverneur, les avaient joyeusement détruits eux mêmes avec tout ce qu'ils avaient pu trouver sous la main.

Edward se sentait heureux dans cette ambiance euphorique après l'anxiété de la nuit et les jours qu'il avait vécu, triste et sans véritable but devant lui. Jamais il n'avait eut l'impression comme à cet instant que tout un futur s'ouvrait de nouveau à lui. Peut-être que prendre soin de tous ces gens lui permettrait de surmonter sa douleur liée à la perte de Salidaa.

Il talonna légèrement sa monture pour se frayer un chemin dans la foule et cria :

— L'état s'occupera de vous retrouver un logement, de quoi vivre et...

— Hourra pour le prince ! Hourra pour Edward !...

Il comprit à cet instant que ce n'était pas le moment de parler. De toute façon, personne n'était prêt à l'écouter mais tout le monde à l'acclamer et l'applaudir.

***

Nouvelle soirée. Edward avait réussi à quitter la foule et jouissait d'un repos bien mérité avec ses hommes dans une ferme où il avait pu trouver un toit.

Alors que la plupart de ses soldats déjeunaient dans la grande salle de la ferme autour d'une longue table de bois, Carlys s'échinait dans un coin de la même pièce à faire fonctionner à l'aide d'un tournevis et de divers autres outils un vieux poste de communication.

Edward eut un sourire amusé en l'appercevant et se leva de table après avoir avalé un dernier morceau de fromage fondu avec de la pomme de terre pour le rejoindre.

Le fermier lui adressa un regard interrogateur, comme s'il craignait que la nourriture ne soit pas à la hauteur, et le jeune homme le rassura d'un regard.

Il tira ensuite une chaise qui se trouvait auparavant devant la vieille cheminée éclairée d'une chaude et belle flambée pour s'asseoir en face de la petite table où travaillait Carlys.

— Tu espères faire fonctionner cet appareil ? Les écrans ne captent aucun réseau ici tu sais...

— Justement ce vieux machin devrait mieux marcher que nos bidules trop bourrés d'électronique...

Carlys releva la tête de son bricolage, terminant avec un sourire :

—... Je préfère nos écrans bien sûr mais je doute que cela fonctionne ici malgré tout ce que je pourrais y faire.

Edward tourna légèrement les yeux vers la tablée à laquelle sa dizaine d'hommes était en train de se rassasier avant de revenir à Carlys et de demander calmement :

— Qu'est-ce que tu veux savoir ?

Le prince bénéficiait d'un appareil qui lui permettait d'entrer en contact avec n'importe qui. S'il était le seul à en avoir un et l'utilisait peu, c'était parce qu'il avait une effroyable consommation d'énergie dans un pays où l'on n'en créait pratiquement pas.

L'astrayen passa une main dans ses cheveux avant de se concentrer de nouveau sur l'appareil devant lui, tentant une énième fois de connecter deux fils ensembles sans pour autant obtenir de résultat satisfaisant, autre qu'un faible grésillement. Il répondit sans attacher aucune forme d'attention au prince :

— Je voudrais tenter d'une façon ou d'une autre de pirater votre système pour avoir des informations confidentielles sur Sibylle Astra.

Il dut se rendre compte qu'il dépassait peut-être un peu trop les bornes puisqu'il releva un regard un peu fatigué de ses essais infructueux sur Edward pour lâcher :

— Ça y est je suis un traître dangereux à mettre derrière les barreaux, c'est ça ?

Le prince sentit un léger sourire amical étirer ses lèvres et il répliqua d'un ton qui laissait percevoir son amitié naissante pour le jeune homme :

— Je ne vois pas pourquoi je te verrai comme un traître pour ça alors que j'ai toléré les dizaines de fois où tu as fait quelque chose d'illégal. Mais aux dernières nouvelles, ça ne serait pas plus simple de me demander directement à moi des informations ?

Il était touché malgré lui par le jeune homme. Carlys parut sincèrement réfléchir à la question puis abandonna sa vieille radio (allez savoir où il l'avait dénichée d'ailleurs) pour se caller au fond de son siège et demander en fixant Edward d'un regard nettement plus intéressé :

— Tu les donnerais ces informations ?

Le prince inclina la tête.

— Oui, plutôt que de te voir trafiquer ce truc pour rien. En plus ce n'est nullement un secret d'état ce que je vais te dire donc tu n'auras pas besoin de tout tenter pour percer nos secrets... Sibylle Astra s'est enfuie de la prison où elle se trouvait il y a quelques jours avec son frère, l'empereur Rodolphe. On ignore totalement où ils se trouvent actuellement même si a priori on peut supposer qu'ils n'ont pas quitté l'AM.Erica et se trouvent dans les environs de Graël. Se déplacer sans être repérés est presque impossible pour eux...

Carlys remercia d'un signe de tête Edward avant de reprendre la parole :

— Pourquoi ne pas m'avoir dit ça plus tôt ?

— Parce que je ne te faisais pas encore confiance.

Carlys, fidèle à lui-même, commenta alors d'un ton docte :

— Très mauvais plan de me faire confiance alors, je te dis ça comme ça.

Blasé maintenant, Edward esquissa un plus large sourire avant de se lever de son siège et de quitter le jeune homme pour rejoindre les autres. Un instant plus tard, Carlys cessait de tenter de rafistoler la radio pour obtenir une liaison avec les informations eriquiennes.

Il continua pourtant de bricoler l'appareil et, une heure après, une musique entraînante s'élevait dans la pièce, réchauffant encore plus l'ambiance.

Edward eut un léger sourire amusé en entendant l'une des jolies filles de leur hôte s'exclamer :

— Ça alors, il ne marchait plus depuis dix ans cet appareil !...

Un instant après, tout le monde dansait et quelques villageois vinrent envahir la salle commune. Edward se retira sans rien dire, profitant du calme de sa chambre à l'étage tandis que Carlys sortait pour pouvoir rêvasser à des tas de pensées qui n'appartenaient qu'à lui. Comme le fait qu'il pouvait cesser pendant quelques temps au moins de s'inquiéter pour son amie, apparemment en sécurité.

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