Cyndie (Chapitre 6)
Elle était endormie dans une couchette double, serrée contre son nouveau frère. Elle rêvait, tachant d'oublier la journée, tout ce qui avait suivi.
Elle avait tellement peur que l'enfer recommence !
Mais ses songes ne la laissait pas tranquille. Déjà, elle revoyait tout ce qui la hantait chaque nuit et commençait à crier tandis que Damien se réveillait en sursaut à côté d'elle...
***
Souvenir.
Un homme la serrait contre lui. Il avait des cheveux blonds, sentait la cannelle, et elle l'aimait beaucoup. C'était le meilleur soldat de grand-père...
Il s'agenouillait devant elle, lui caressait la joue.
— Petite, il faut partir. Tu comprends ? Vas-y, va-t-en !
Il l'avait prise par la main, lui avait fait traverser la moitié du palais, puis l'avait amenée devant les arbres qui s'étendaient à perte de vue de ce côté-ci.
— Ils incendieront les forêts... Ils ont prévu de le faire en exemple pour tous ceux qui osent soutenir Astra... Mais tu leur échappera peut-être. Cours, sois courageuse.
Mais elle n'était PAS courageuse. Pas du tout. À sa grande honte, Cyndie s'était mise à pleurnicher. Elle avait ensuite demandé entre deux hoquets :
— Si... Si Grand-Pa veut qu'on parte, on peut prendre l'un des aéronefs ?
Les traits du garde s'étaient creusés. Il avait dit enfin :
— Ils piratent les ondes. Plus aucun de nos engins ne fonctionne...
Paniquée, Cyndie avait alors hurlé :
— Et les aéronefs spatio-temporels ?
Elle les connaissait, papa et maman avaient toujours eu des ennuis avec le ministère du temps qui contrôlait les appareils avant de mourir tous les deux... Mais l'homme disait déjà :
— Eux non plus enfant... Cyndie, cours, cours le plus vite possible !
Alors, avant qu'elle ait pu redire quoi que ce soit, il l'avait giflée. Très fort et la tête lui avait tourné un instant. Le meilleur ami de grand-père hurlait en même temps :
— Obéis ! Qu'est-ce que tu fiches encore ici ?
Personne ne l'avait jamais frappée. Elle avait voulu effectivement détaler, mais elle n'en avait pas eu le temps. Le bouclier magnétique qu'elle avait l'habitude de voir, en transparence dans le ciel, avait soudain volé en éclat.
Et des dizaines de milliers de vaisseaux spatiaux avaient commencés à descendre vers eux. Vers le palais d'abord.
Le garde avait blêmis, changé de couleur, et il l'avait brusquement empoignée dans ses bras. Cyndie avait crié, s'était débattue sans comprendre.
Mais ça avait été pire au moment où ils franchissaient les premiers arbres. Les vaisseaux avaient atterris, il y avait eu un grand bruit, et puis des cris, du feu...
Et l'homme qui la portait était tombé à terre.
Cyndie avait roulé sur elle-même dans les feuilles sur plusieurs mètres avant de réussir à s'immobiliser. Mais elle avait alors entendu le bruit d'un pas derrière elle.
Elle s'était retournée et avait vu brusquement un homme qui la contemplait. Il était juste à côté du soldat de Grand-Pa qu'il venait de tuer. Car Cyndie savait ce que signifiait la blessure béante au côté et le sang qui s'écoulait dans l'herbe...
Elle cria et voulut courir, mais elle trébucha et resta alors sur place, sanglotant. En deux pas le soldat était près d'elle, lui tenant le bras. Il avait pourtant la voix bizarrement rauque en murmurant :
— La parlement a dit pas un seul survivant... question d'exemple.
Il semblait ailleurs mais parut sortir de ses pensées lorsqu'elle tenta désespérément de lui échapper en se tortillant. Il ressera alors sa poigne, la secoua, et demanda :
— Quel âge ?
— Sept... Sept ans et demi monsieur.
C'était ce que maman lui disait toujours : ne jamais mentir à un adulte. Là, elle aurait bien aimé en être un, d'adulte. Peut-être qu'elle aurait moins tremblé alors.
Le soldat la dévisagea un long moment avant de demander en fixant ses yeux bleus et ses cheveux blonds :
— Près du palais hein... Comment t'appelles-tu ?
— Cyndie. Cyndie Astra. Grand-Pa est le chef d'ici, de Sagan...
Elle avait relevé le nez, avec fierté, sans comprendre la pâleur soudaine de l'homme, sans la remarquer du reste. Il murmura pour lui-même :
— Je peux peut-être la sauver... En sauver une !...
Il la souleva alors dans ses bras, et se mit à marcher à pas rapides, contournant au passage le corps de l'ami de Grand-pa. Mais lorsqu'ils arrivèrent près du palais, Cyndie se remit à pleurer. Elle avait pensé trouver de l'aide... Il n'y avait que des hommes gris, partout.
L'un d'eux s'avança d'ailleurs vers eux pour ne s'immobiliser que quelques mètres plus loin. Il cria :
— Prince Orys, votre père et le parlement ont dit pas de survivant !
— Peut-être, mais cette gamine a l'âge de ma fille. C'est mon otage, elle est princesse de Sagan.
— Quand nous en aurons fini, il ne restera rien de cette terre. Mieux vaudrait qu'elle ne lui survive pas en tant que petite reine...
L'homme cracha à terre. Le prince Orys se dit menaçant :
— Souviens-toi de tes propres enfants Ector. Garde-les bien en tête avant de faire quoi que ce soit d'inconsidéré...
Celui-ci devint aussitôt tout sucre tout miel et ne pipa plus un mot. En revanche, d'autres hommes ne s'en privèrent pas. Mais aucun ne prit le risque de provoquer ouvertement Orys qui soupira de soulagement.
Jusqu'à ce qu'une femme, l'une des soldats, déclara en riant :
— Dis donc, il nous reste le palais à brûler en plus de la ville derrière...
Une fumée acre et noire s'élevait en effet depuis déjà plusieurs heures et Cyndie étouffait. Mais la femme darda sur elle un regard sombre avant de terminer :
— Que l'on donne à la petite un pistolet lance-flamme, ça lui plaira j'en suis sûre...
Orys ne put s'interposer. Cyndie se souvenait d'avoir crié, de s'être débattue, en vain... Elle avait le pistolet chaud à la main, elle tirait comme on le lui disait, et tout s'enflammait... C'était sa maison... Et la femme riait en disant :
— Il y a des gens à l'intérieur encore enfant... Dont ton grand-père.
Cyndie n'entendait pas. Elle n'était pas responsable, elle était très loin, pour ne pas pleurer, pour ne pas sentir la rougeur de la flamme. Enfin, enfin quelqu'un l'écarta, et Orys grogna :
— Nous allons l'envoyer comme avertissement à Astra. Inutile de prévenir mon père et le parlement, quelqu'un y voit-il une objection ?
La petite fille pleurait dans ses bras. Elle ne sut même pas comment elle s'était retrouvée dans la navette téléguidée, répondant au micro quand les canons d'Astra s'étaient pointés sur elle en demandant par radio son numéro d'identification.
— Cyndie ! C'est Cyndie Astra !
Étaient-ils prévenus ? Elle avait atterris, et sa cousine avait accouru vers elle. En un instant elle s'était retrouvée entourée de tas de personnes, et ils posaient des questions, des questions...
— Sagan... Sagan a-t-il tenu ?
— Princesse, répondez, c'est notre sort à tous que vous tenez dans nos mains !
Elle avait parlé des flamme, du palais, de ce qu'on lui avait fait faire. Sibylle avait reculé avec effroi et murmuré :
— Je serais morte plutôt que...
Mais elle n'avait jamais eu neuf ans, et pas de parents depuis ses six ans pour lui apprendre à être courageuse. Non, elle ne pouvait rien comprendre. Rien !
***
Cyndie sentit qu'on la secouait. Elle se réveilla en sursaut, pour voir penchés au-dessus d'elle les nouveaux parents et le petit frère. Damien disait :
— T'inquiète, les grands méchants, ils ne sont plus là !
Elle résista à l'envie de se terrer sous la couchette et de répondre "mais c'est vous les méchants", se contentant à la place de baisser la tête et de murmurer :
— Je... Je ne voulais pas vous réveiller. C'était juste un... un cauchemar.
Mais elle tremblait encore lorsqu'elle se força à reposer la tête sur l'oreiller...
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top