Cyndie (Chapitre 1)

La petite fille tremblait. Elle n'avait pas le droit de bouger, mais même si elle l'avait pu, cela aurait été au-dessus de ses forces.

Elle était avec les autres, dans une immense file qui s'étendait sur toute la rue. Il fallait qu'elle se rappelle ce que lui avait dit sa cousine.

« Surtout, ne leur dit rien, ne leur fait jamais confiance ! »

Cyndie, apeurée, avait simplement hoché la tête. Des soldats encadraient l'immense ligne d'enfants de tout âge, allant des bébés de quelques mois à des adolescents de dix-neuf ans. La petite fille n'osait pas essayer d'apercevoir sa cousine, alors qu'elle aurait tant aimé un sourire de réconfort à cet instant précis !

Elle devait tenir debout, ne pas crier, ne pas pleurer, ne rien dire...

Au bout de quelques heures, des adultes commencèrent à arriver. Certains avec d'autres enfants, d'autres simplement deux par deux, ou encore des hommes et des femmes de tout âge.

Ils s'arrêtaient devant chaque enfant, l'examinait, et de temps en temps en désignait un en disant : "je l'adopte". Alors, officiellement, l'autre ne faisait plus partie des orphelins.

Cyndie ferma les yeux, tentant de rester courageuse comme elle l'avait promis. Mais ces gens, tous ces gens lui faisaient affreusement peur.

C'est alors qu'un petit garçon de son âge, neuf ans, accourut vers elle et elle l'entendit lui dire :

— Bonjour toi ! Comment tu t'appelles ?

Elle resta un instant silencieuse, commençant lentement à le dévisager. Il avait des cheveux noirs en broussaille, un sourire calme teinté de sérieux, et il lui tendait la main comme un adulte. Ne sachant que faire, elle la prit entre ses doigts et la serra avec un sourire pâle avant de murmurer d'une voix rauque :

— C... Cyndie.

Elle avait faillit ajouter son nom de famille. Ce qu'elle ne devrait jamais faire, elle l'avait promis...

— Moi c'est Damien. Je suis enchanté de te rencontrer Cyndie.

De nouveau le petit ton qui se voulait très sérieux... Mais la petite fille entendit soudain un autre cri qui lui fit tourner la tête. Une femme accourait vers eux avec un merveilleux sourire et s'exclama une fois arrivée à leur hauteur :

— Oh, l'adorable enfant !

Indéniablement, Cyndie avait du charme. Des cheveux blonds, assortis à des yeux bleus, mais quelque chose avait dissuadé les autres adultes de l'approcher jusque là. Une peur, une peur affreuse mêlée d'une colère étrange qui se devinait dans sa façon de baisser la tête, de reculer.

Cela n'empêcha pourtant pas l'inconnue de l'embrasser sur les deux joues avant de passer la main d'un geste d'affection dans les cheveux du garçon en expliquant :

— Je suis la mère de Damien... et mon mari est...

Elle se redressa, héla un homme quelques mètres plus loin, et il ne tarda pas à les rejoindre tandis que la longue file des enfants commençait à se dissoudre à cause de tous ceux qui quittaient le rang pour suivre leur famille d'adoption.

Cyndie eut immédiatement confiance en l'homme. Il avait un visage hâlé, quelques rides au front et au coin des yeux, des cheveux bruns mêlés de quelques mèches grises, la quarantaine, mais un sourire merveilleux, un sourire qui lui rappelait...

Le rire qui commençait à s'emparer d'elle s'éteignit tout à coup et elle recula d'un pas, de nouveau terrorisée. Ils étaient tous, tous, tous méchants !

La femme et l'homme échangèrent un regard, sans rien dire, mais Damien se rapprocha d'elle malgré le fait qu'elle secouait la tête désespérément pour dire "non".

— Ça ne va pas ? Qu'est-ce qui te ferait plaisir ?

Il sortit alors de sa poche avec un grand sourire ce qui ressemblait à un bonbon un peu mâchouillé et si Cyndie refusa le présent, elle se détendit cependant très légèrement.

La femme revint alors vers elle, se pencha, et lui demanda d'un ton grave :

— Voudrais-tu venir chez nous ? Voudrais-tu que nous soyons tes nouveaux parents ?

Il n'y avait qu'un papa et une maman au monde, mais sa cousine lui avait bien dit de ne plus y penser. Car à chaque fois elle criait, et retournait se cacher dans un coin, n'importe où, comme le jour de l'arrivée des hommes gris...

Si Cyndie ne pouvait rien dire de tout ce qui l'agitait au fond de son âme à ces deux adultes, elle éprouvait tout à coup une furieuse envie au fond d'elle-même d'être consolée. Alors, elle ne réfléchit plus et, avant qu'elle ait compris ce qui lui arrivait, la femme la serrait dans ses bras en caressant doucement ses cheveux et en murmurant :

— Là, là, tout va bien...

Damien demandait en même temps :

— Papa, elle est à nous la petite sœur ?

L'homme esquissa son doux sourire, acquiesça, et partit chercher l'un des gardes. Deux minutes plus tard, il revenait avec l'homme et Cyndie poussa un hurlement en le voyant s'approcher d'elle.

— Noooon ! Ne venez pas !...

Mais la femme la reprenait dans ses bras, la berçait doucement tandis que son parfum de fleur la calmait doucement, l'endormait, lui rappelait un autre monde, avant...

L'homme gris était resté loin, grâce au papa et à Damien qui s'était posté devant elle pour la protéger, bras croisés, l'air farouche.

Jamais Cyndie ne s'était sentie aussi en sécurité... Pas depuis un an au moins. Elle sanglotait maintenant, mais cela faisait tellement de bien de se libérer de toutes les larmes qu'elle retenait depuis des mois et des mois !

Elle eut honte un instant en repensant à sa cousine. Elle avait promis d'être forte, de tout faire pour plaire à sa nouvelle famille, puis de venir la rejoindre quand il serait temps. Qu'est-ce que cela voulait dire "quand il serait tant" ?

Cyndie avait de la chance. Elle comprenait les inconnus. Parce que avant, papa et maman lui avaient appris à parler d'autres langues... mais ce n'était pas le cas des autres enfants, qui ne comprenaient que les sourires gentils.

Tout le monde avait l'air gentil ici. Mais alors pourquoi ne s'attaquaient-ils pas aux hommes gris ? Eux, ils étaient méchants. Cyndie y repensait toutes les nuits...

Mais le papa revenait déjà vers eux, tandis que l'autre repartait, appelé pour une autre adoption, et son nouveau père souleva soudain l'enfant dans ses bras avec un rire.

Damien caracolait à leur côté quand ils se mirent à marcher, et la femme aux cheveux bruns lui dit doucement :

— Ne t'inquiète pas, tu as une maison maintenant...

Oui. Oui, ça ne serait plus jamais comme la dernière fois...

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