Aileen (Chapitre 88)

Aileen vivait dans un état étrange depuis la veille, depuis qu'elle avait passé un test avec les capteurs spécialisés.

C'était si irréel... si imprévu ! Elle ne parvenait pas à accepter la nouvelle et pourtant elle savait qu'il fallait qu'elle réagisse très vite.

C'était cela qui l'avait poussée à demander à Andrei de la rejoindre dans l'une des serres de la salle aux colonnades. Chaque fois qu'Aileen se trouvait là il lui semblait que son âme tourmentée s'apaisait un peu. N'était-ce pas le souvenirs des quelques jours de rêve partagés avec Rodolphe ?

Elle entendit à peine un pas derrière elle et ne se retourna pas immédiatement avant d'entendre une voix rauque qu'elle connaissait bien.

— Majesté ? Vous m'avez fait demander.

Elle prit quelques secondes pour être certaine de ne pas perdre le contrôle d'elle-même et alors seulement se retourna pour faire face à l'homme qui l'avait vu grandir, ayant une dizaine d'années de plus qu'elle et venu au palais dès ses dix-huit ans. Il laissa échapper une légère exclamation devant son visage défait qu'il ne put retenir :

— Majesté ! Que vous arrive-t-il ?

— Une banale histoire Andrei. Mais je n'ai jamais eu autant besoin de votre aide... Je peux avoir confiance en vous ?

— Comme toujours, en quoi puis-je vous être utile ?

Derrière les banales formules de politesse Aileen devinait un réel désir de pouvoir éteindre l'angoisse qui brillait au fond de son regard.

— Andrei... Je... Je sais que cette nouvelle peut paraître imprévue mais... J'attends un enfant.

Le commandant ne s'attendait visiblement pas à cela et Aileen dut détourner les yeux tant l'effort de dire ces mots à haute voix lui avaient coûté. Un enfant de l'empereur d'Astra !

Mais cet empereur s'appelait Rodolphe et elle l'aimait plus que tout... Quel bonheur inavoué de pouvoir retrouver ses traits dans ceux d'un enfant inespéré !

Et pourtant... Aileen n'arrivait pas à profiter de la nouvelle et sentait seulement une angoisse sans nom ne plus la quitter depuis qu'elle avait appris qu'elle était enceinte.

Le commandant, visiblement sous le choc, avait reculé et lâchait en oubliant ses habituelles formules de politesse.

— Quoi ? Je ne comprends pas, c'est absurde et...

Mais il se reprit bien vite, retrouvant son professionnalisme et sa froideur pour demander d'un ton sec du soldat qui a besoin de toutes les données pour résoudre le problème :

— Pardonnez moi de vous interrogez ainsi mais qui est le père ? Parce que votre peuple n'appréciera pas cette aventure je crains... Vous voulez garder l'enfant ?

Elle hocha la tête, n'osant même imaginer une autre solution. Ses yeux se posèrent sur l'homme et elle hésita un instant avant de se décider à répondre d'un ton ferme.

— Pour la presse, si vous l'acceptez, le père ce sera vous.

Andrei n'aurait pas réagi autrement si elle lui avait annoncé que tout le palais venait de s'effondrer suite à un bombardement.

— Pardon ? Votre majesté, c'est ridicule ! J'ai le double de votre âge, enfin dix ans de plus que vous...

— Croyez moi ça ne m'arrange pas plus que vous ce mensonge. Mais vous êtes la seule personne que j'accepte de mettre dans le secret...

— Quel secret ?

Il était froid, comme Aileen ne l'avait jamais vu, mais elle n'y prit pas garde, certaine qu'il ne la trahirait pas et décidée à aller jusqu'au bout.

— Avant d'aller plus loin sachez que je me suis mariée, secrètement.

Elle fit une légère pause, s'efforçant de combattre sa tristesse et son appréhension devant la réaction qu'il aurait pour poursuivre :

— Mon mari était... était... C'est difficile à croire mais j'ignorais la vérité.

Elle termina d'une voix d'outre-tombe :

—... Je ne savais pas que j'avais épousé Rodolphe Astra.

Alors seulement Aileen sentit qu'elle n'avait pas la force de continuer et elle se précipita sans réfléchir dans les bras du commandant qui resta un instant immobile, sous le choc, guindé, avant de la réconforter comme lorsqu'elle était plus jeune.

La reine murmura malgré elle :

— S'il vous plaît aidez-moi... Si je révèle la vérité... Qui sait ce qu'ils feront ? Ils veulent détruire tout héritier possible d'Astra... Je ne peux pas les laisser faire cela à mon enfant. Oh, Andrei, je vous en prie.

Elle recula alors, regrettant déjà de s'être laissée aller ainsi, sachant pertinemment ce qu'elle avait faillit ajouter mais qu'elle avait retenu juste à temps. "J'aimerais tant que mon père soit ici. Vous êtes ce qui s'apparente le plus à quelqu'un de ma famille dans ce palais où je ne peux avoir confiance qu'en si peu de personnes..."

Et qui d'autre pouvait jouer le rôle du père de son enfant ? Ce n'était certes pas ses frères qui pourraient l'aider pour cela et elle n'avait confiance pour un tel secret qu'en un nombre très réduit de gens.

Lui restait la solution de ne rien révéler du tout. Simplement dire aux eriquiens qu'elle allait avoir un enfant et qu'elle voulait garder secrète l'identité de son père.

Mais combien de temps cela fonctionnerait il ? Les journalistes feraient forcément très vite le rapport avec la fuite quelques jours plus tôt de Rodolphe Astra...

Tandis qu'en prenant les devants et en implantant régulièrement des changeurs d'ADN à son enfant, le risque serait bien moindre. Oh comble de l'ironie ! C'était sans doute ainsi que son mari avait pu échapper si longtemps à sa police...

— Andrei. Personne d'autre que vous ne peut faire ça pour moi.

Le commandant la regarda longuement puis lâcha avec une grimace de colère :

— J'accepte. Pour le gamin qui n'a rien à faire dans toute cette histoire et parce que je ne tiens pas du tout à ce que les astrayens qui posent déjà suffisamment de problème se découvrent un nouvel héritier beaucoup trop bien placé... Nous verrons si votre merveilleux mari vous trahit ou non.

À son ton Aileen devina qu'il n'en doutait pas et elle ne trouva rien pour le contredire. Ses yeux se voilèrent de larmes qu'elle parvint de justesse à retenir et elle détourna les yeux, posant une main sur son ventre mécaniquement, tandis que son commandant reprenait dans son dos :

— Majesté. Je voudrais juste vous demander le droit de révéler la vérité à ma femme et plus tard à mes gosses. Je les élève convenablement donc ils ne diront rien lorsqu'ils seront plus grands et que je leur révélerai la vérité.

Aileen se retourna alors vers lui et le regarda longuement, songeant de nouveau que ce n'était pas auprès de lui qu'elle aurait aimé trouver de l'aide mais auprès de son père qui lui manquait terriblement maintenant qu'elle n'avait plus Rodolphe... Mais elle lui était terriblement reconnaissante.

— Bien sûr, je comprends. Et si vous leur faites confiance, je leur fais confiance aussi.

— Merci. Je n'aurais pas aimé qu'ils croient que j'étais effectivement...

Son regard glissa vers sa main posée sur son ventre et il termina dans un murmure :

—... Le père d'un enfant qui aura pour nom, pour tous ceux qui connaîtront la vérité, Astra...

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