Aileen (Chapitre 81)
Deux jours s'étaient écoulés depuis la matinée sanglante encore présente dans toutes les mémoires. Aileen avait revêtue une courte robe noire et des bottines assorties, ainsi qu'un foulard coloré.
Elle marchait rapidement dans les couloirs, suivie de près par son responsable de communication qui s'obstinait à lui redire encore le même discours :
— Majesté, il faut absolument que vous interdisiez cette folie. Le parlement a demandé une réunion extraordinaire et je ne doute pas que personne ne veut vous voir tenir cette conduite...
Aileen s'arrêta net dans le couloir pour relever un regard décidé et ferme face à l'homme suant et soufflant qui ne cessait de s'éponger le front, deux ou trois tablettes de travail numériques en main.
— Je vous ai déjà dit quelle était ma décision Nico. Ils auront la statue qu'ils réclament, vous m'entendez ?... Quant au parlement, où se trouvait-il ces derniers jours quand je l'ai demandé, cette réunion d'urgence ? Savez-vous ce qu'ils m'ont répondu ? Qu'ils avaient confiance en moi et que je prendrais sûrement les bonnes décisions ! Ils n'ont pas voulu prendre le risque de perdre leurs jolis sièges de députés... Et maintenant ils voudraient m'interdire de laisser construire une statue ? Ils n'avaient qu'à être présents bien plus tôt.
Son responsable de communication lança un regard dans le couloir empli à cette heure matinale de bureaucrates et de diverses politiques dont la jeune femme ne définissait pas toujours l'usage et il lui lança un regard suppliant en temporisant la conversation d'un geste de la main.
— Majesté ! Je vous en prie, parlez moins fort tout le monde peut vous entendre...
— M'est égal. Plus rien ne peut m'atteindre après ces derniers jours Nico...
Elle baissa néanmoins la voix mais commença à accélérer sa marche dans le couloir, traversant encore deux larges couloirs et saluant rapidement toutes les personnes qu'elle croisait. Ce ne fut que deux étages plus haut lorsqu'elle arriva à une double porte monumentale ornée de moulures superbes et fines sculptures représentants des anges -détail qui avait toujours intrigué Aileen, qu'avaient-ils à voir avec de la politique ?- qu'elle se retourna vers l'homme au micro et à l'oreillette toujours en contact avec un quelconque journaliste.
— Retournez dans votre bureau. Je n'ai pas besoin de conseils de communication aujourd'hui avec le parlement...
Et, sans attendre aucune réponse devant son silence interloqué, elle se retourna d'un geste vif vers la porte et l'un des gardes en uniforme s'inclina avec un air impassible avant de lui ouvrir le battant en débloquant l'accès à la salle avec son poignet.
La reine détestait le parlement qui ne lui avait jamais été d'aucun secours et plus encore ce jour là alors que son cœur ne lui réclamait que solitude et coin sombre où se cacher pour noyer son chagrin...
La porte se referma dans son dos lorsqu'elle se fut avancée jusqu'au bord du balcon en cercle au centre de la salle. Le toit était une coupole de pierres blanches et des milliers de petites loges comme la sienne s'ouvrait dans chaque partie de mur disponibles.
1280 parlementaires qui représentaient toute la planète, et même certaines des contrées étrangères de l'alliance que dirigeait l'AM.Erica.
Elle toisa de son regard enflammé toute la salle, se sentant plus seule que jamais, seule dans sa loge alors que tous apparaissaient à leurs balcons par groupe, mais inspira pour se redresser et prendre place devant le micro. Un robot à côté d'elle ayant l'apparence d'une femme mais au visage visiblement métallique par endroit se tenait à sa droite pour prendre des notes informatiques et enregistrer tout ce qui se dirait ou même se penserait dans la salle.
C'était un androïde capable de décoder à peu près toutes les expressions faciales mais pour l'heure cela était égal à la jeune femme qui savait que c'était à elle d'ouvrir la séance.
— Mes chers compatriotes et invités de diverses régions de la galaxie... Les événements de ces derniers jours ont nécessité l'ouverture d'une séance extraordinaire du parlement à laquelle malgré la situation je suis heureuse de vous accueillir.
Plus tôt. Oh, plus tôt vous auriez pu m'aider ! Mais maintenant ? Discussions inutiles de bureaucrates...
Aileen reprit sa respiration pour s'obliger à regarder droit devant elle comme on le lui avait appris avec une figure presque totalement immobile pour éviter que l'on puisse décoder ses pensées et émotions. Elle hésita un instant puis les mots se bousculèrent de nouveau dans sa bouche :
— À l'ordre du jour nous devons résoudre certaines importantes décisions qui n'ont pas encore été validée par le parlement.
La gorge sèche, la jeune femme voulu demander à l'androïde de lui tendre la tablette contenant les sujets de la matinée mais le robot la lui avait déjà posée devant elle sur le pupitre.
La reine connaissait pourtant déjà part cœur les sujets mais il fallait qu'elle se raccroche à leur lecture si elle voulait conserver un visage impassible...
Sentant quelques gouttes de sueur couler dans son cou et sur son front, Aileen s'obligea néanmoins à cliquer sur l'écran et en quelques touches à faire apparaître le premier sujet à débattre. Elle reprit la parole d'une voix forte alors que tout son être aurait aimé la pousser à tourner les talons et à s'enfuir de ce conseil qui la minait littéralement, empêchant l'air de circuler normalement dans ses poumons vu son émotion.
— J'ai donné l'ordre à nos soldats de poursuivre sa majesté l'empereur Rodolphe Astra et sa sœur Sibylle. De les poursuivre pour les emprisonner et s'ils refusent de se rendre de...
Un tollé général commença alors dans la salle et la plupart des parlementaires se levèrent en brandissant le poing et en hurlant :
— À MORT ! ILS ONT TUE DES NÔTRES !
Aileen se retourna mais partout dans la salle la foule déchaînée offrait le même spectacle. Lorsque le silence revint grâce à l'intervention de Slint, qui calmait toujours la salle, dans une alcôve à côté de la reine, la jeune femme put reprendre la parole, laissant sa colère et son désarroi prendre le dessus.
— Sommes-nous une nation de barbares ? L'empereur d'Astra a droit à une reclusion honorable dans nos prisons... Avez vous oublié le sens du mot "honneur", ou celui de "justice" ?...
Mais alors, dans le silence complet revenu, ce fut le dénommé Slint qui reprit la parole, résumant leur peur à tous inavouée mais pourtant si réelle... et fondée.
— Majesté j'en appelle à votre bon sens. Garder dans nos prisons l'empereur, c'est accepter toute la durée de sa vie des revendications de la part des enfants d'Astra. Pouvons-nous l'accepter ? Sa mort doit être publique au contraire et ce n'est qu'à partir de là que nous pourrons rebâtir le pays autour d'une unité solide...
Ne me demandez pas cela ! Oh non, je vous en prie... Jusque là, Aileen s'était bercée de l'illusion qu'elle ne le faisait poursuivre que pour l'emprisonner et que s'il mourrait... elle ne serait pas uniquement responsable.
Déjà les délégués des diverses régions d'AM.Erica et de la galaxie commençait à acquiescer et Slint termina dans son micro et en publiant sur leurs écrans une proposition de vote :
— Nous demandons l'exécution du dernier empereur d'Astra, de son prénom Rodolphe. Et celle de sa sœur Sibylle également. Qui vote pour ? Ou contre ?
Aileen baissa les yeux sur son écran tandis que tous les parlementaires commençaient à appuyer sur leurs tablettes portables.
Le résultat s'affichait en direct devant les yeux de la jeune femme qui sentait sa peur se muer en une détresse qu'elle pensait avoir réussi à vaincre mais qui reparaissait déjà.
L'exécution est demandée à 97 %.
La reine murmura simplement dans son micro :
— A... Affaire classée. Le... Le deuxième sujet de la journée est la demande des enfants d'Astra d'élever sur la tombe de leur condisciple décédée il y a déjà deux jours une grande statue.
Aileen ferma les yeux, affichant clairement son émotion et renonçant ainsi à cacher ses états d'âme.
— Je suis pour qu'on leur en accorde le droit. C'est peut-être dangereux qu'ils élèvent en martyr Heather Quarant... Mais ils feront une émeute si on le leur refuse maintenant et vous le savez tous dans cette salle. Vous avez choisi de leur prendre un prince et une princesse... Laissez leur un assemblage de pierres.
Alors, parce qu'au fond tous les parlementaires appréciaient leur reine, et malgré quelques violents discours d'opposition arguant que justement on ne pouvait tolérer une martyre qui n'avait fait qu'assassiner des soldats eriquiens, le résultat du sondage fut tout à fait différent et pour la proposition d'Aileen.
Accord en faveur de la construction du monument funéraire 56 %. Statue commémorative à Heather Quarant.
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