Aileen (Chapitre 73)
Une violence telle qu'Aileen n'en avait jamais ressentie l'envahit à l'instant où elle termina sa lecture.
Non ! Non ! Tout ne pouvait pas s'écrouler et devenir si noir en un instant... Il était impossible que... mettre des mots sur ce qu'elle venait de lire n'était pas possible pour l'instant et sa respiration devint sifflante tandis qu'elle trébuchait en cherchant mécaniquement à s'éloigner le plus possible des lignes qui semblaient danser un ballet diabolique devant ses yeux.
L'Empereur Rodolphe Astra. Ce n'était pas possible... C'était... Un rire nerveux s'empara d'elle tandis qu'elle songeait tout à coup que si c'était la réalité alors elle s'appelait... Aileen Astra.
Erica n'était pas un nom dominant face aux empereurs de cette autre planète détruire.
— Non ! Noooon !...
La jeune femme tomba de nouveau à terre, s'écorchant au passage le genou droit sur un objet tranchant. Elle se tourna vers celui-ci, les yeux plein de larmes qu'elle ne parvenait pas à réprimer et l'attrapa sans réfléchir.
Sa main sembla la brûler lorsqu'elle comprit ce qu'elle venait de prendre.
Une couronne grise faite d'un alliage de métaux sombres. Aileen n'arrivait pas à s'arracher à la contemplation de l'objet qui concrétisait tout. Une pensée se fraya un chemin dans son esprit comme bloqué et elle songea que si Rodolphe avait tenté de fuir avec la prisonnière la mieux gardée du palais, il n'avait certainement pas pu s'encombrer d'un tel objet ni même d'une valise.
Un rire sans joie, un rire de fou s'échappa de ses lèvres en même temps qu'elle était secouée de lourds sanglots qu'elle ne pouvait réprimer.
— Il était l'empereur ! Il était l'empereur !
Alors d'un geste plein d'une rare violence elle referma ses doigts sur la couronne avant de la balancer d'un geste empli de désespoir droit vers l'écran qui explosa en un milliers d'éclats de verre au moment où les deux objets entrèrent en contact.
La jeune femme ne pouvait encore penser. Elle entendit juste à travers la barrière que sa douleur semblait former autour de son esprit quelqu'un hurler derrière la porte de ses appartements.
Aileen ne prit même pas la peine de répondre et se recroquevilla sur elle-même. Elle détestait à cet instant tout le palais qui l'entourait et le moindre détail pouvant lui rappeler qui elle était, et le gouffre qui la séparait soudain sans prévenir de l'homme qu'elle aimait plus que tout au monde.
Quelqu'un enfonça la porte de son appartement et un instant après le commandant débarquait dans sa chambre, arme au poing, paniqué devant l'état de sa souveraine et le chaos régnant dans la pièce qu'il découvrait. Deux gardes le suivaient de près mais il leur fit signe de s'éloigner dès qu'il eut vérifié que la chambre était déserte à l'exception de la reine.
Les deux soldats paraissaient sous le choc de la découverte de leur reine dans cet état mais la jeune femme ne fit rien pour les rassurer, n'esquissant pas même un simple sourire. C'était au-dessus de ses forces, tout était trop dur à cet instant. Elle sentit à peine Andrei la forcer à se relever en murmurant tout en la soulevant par les épaules avec tout le respect dont il était capable :
— Majesté. Que s'est-il passé ? Majesté par pitié éclairez-nous ! Est-ce vraiment vous qui avez donné l'ordre d'évacuer la prisonnière Sibylle Astra ?
Elle faillit retomber mais le bras du commandant l'arrêta dans sa chute. Il poursuivit d'un ton ferme et presque dur si on ne connaissait son profond dévouement à la reine qu'il servait.
— Majesté. Répondez. Vous avez subi un choc mais nous avons besoin d'avoir des informations...
— Elle n'est plus dans sa cellule ?
— Qui ça ?
— Sibylle Astra ?
— Non. Votre garde du corps l'a sortie des quartiers d'incarcération et il la sortie du palais. On attend toujours qu'il revienne mais nous ne comprenons rien à la situation... Vous aviez confiance en lui, que s'est-il passé ?
Les yeux d'Aileen venaient de se poser sur la couronne qui gisait à terre parmi les éclats de verre et elle sentit sa gorge se serrer. Pouvait-elle le trahir ? Pouvait-elle dire ainsi la vérité ? Mais tout ce que son père lui avait toujours appris remontait à sa mémoire.
"Ce doit toujours être le bien du peuple avant le nôtre. C'est le devoir d'un souverain et il n'y en a pas d'autre".
Et ces mots, ces mots si affreux du message ! Rodolphe qui lui jurait qu'il parviendrait à l'oublier, pire encore à la haïr... Non, non elle ne pouvait pas renoncer à lui.
En même temps Aileen n'était pas du genre à pardonner qu'on la détruise ainsi ou qu'on l'abandonne sans un au revoir. Juste un message d'adieu qui lui laissait un vide affreux à la place où se trouvait son âme encore seulement un instant auparavant...
La voix d'Andrei continuait de l'appeler et il ne la lâchait pas tandis qu'elle tentait de se dégager de sa poigne secourable sans force.
— Majesté ! Savez-vous où ils se trouvent maintenant ? Majesté !
"Le bien des autres avant le tien. Même si tu dois en souffrir. Même si tu as l'impression de ne plus vivre ensuite."
Orys avait-il ressentit la douleur qu'elle vivait en ce moment ? N'avait-il pas lui aussi perdu une femme dont il était éperdument amoureux ?
— Non. Non je ne sais pas où ils se trouvent.
Voyant qu'elle avait retrouvé un calme au moins apparent, Andrei la lâcha et elle vacilla un instant sur ses jambes avant de parvenir à rester debout, apathique et sans émotion visible.
Le commandant murmura doucement, comme s'il craignait qu'elle ne s'écroule de nouveau :
— Alors c'est une trahison de l'astrayen ?
Aileen tourna lentement la tête vers lui, le fixant un long instant sans répondre. Andrei parut comprendre que la presser de parler ne servirait à rien dans l'instant et il se contenta d'attendre qu'elle veuille bien reprendre la parole avec une anxiété peinte sur ses traits.
Alors elle désigna simplement du doigts les éclats de verre qui gisaient au pied de ce qui avait été l'écran mural... et parmi eux l'objet sur lequel on ne pouvait pas ne pas focaliser son regard...
Le commandant lâcha un terrible juron avant de se précipiter pour ramasser la couronne, la regardant sous tous ses angles avec horreur.
— Elle ressemble à celle que portaient les dirigeants d'Astra.
Il se retourna vers la jeune femme qui sentit comme un grand froid envahir tout son être. Parler c'était mourir. Cesser de vivre, s'effacer pour tous les autres, pour tout son peuple qui ne saurait jamais rien de son sacrifice...
— Il était l'empereur.
— Qui ?
Andrei avait blêmi et un sourire de pitié triste éclaira un instant les traits d'Aileen. Elle savait bien que le commandant s'était pris d'amitié pour le jeune homme qu'il estimait beaucoup...
— Je crois que vous le savez Andrei.
Il murmura à regret, comme s'il ne voulait pas le croire :
— Votre garde du corps. Rodolphe. Il était l'empereur !
Elle ne put qu'incliner la tête sans répondre, la gorge serrée. Lui aussi ne paraissait pas tout à fait dans son état normal lorsqu'il baissa la tête vers la couronne qu'il tenait toujours entre ses doigts, s'y agrippant comme un demi-noyé a une bouée de sauvetage.
— Il a trahi son anonymat pour sauver sa sœur... Majesté, je lance les recherches d'urgence ?
Elle braqua alors seulement ses yeux sur lui, le dévisageant longuement. Le même sourd regret les dévorait, peut-être pas à la même intensité mais bien présent dans leurs deux personnes. La jeune femme eut la sensation qu'Andrei était probablement le seul de ceux qui l'entouraient qui comprendraient jamais au moins un tout petit peu ce qu'elle éprouva lorsqu'elle répondit en inclinant la tête :
— Lancez les recherches. S'ils tentent de fuir...
Une légère pause. "Le bien des autres avant le tien". "Je déclencherai la révolution qu'ils attendent de moi..."
—... Donnez l'ordre de tirer pour les immobiliser.
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