97 - 98 - 99 - 100 - Mot de la fin

Coucou !
Désolée de vous mettre comme ça 4 chapitres à la suite... Je n'ai pas eu le choix à cause du maximum de 200 parties. J'espère que ça sera une bonne surprise mais du coup ça vous fait beaucouuuup de lecture d'un coup. xD Merci beaucoup à tous de m'avoir lu jusqu'ici, partager cette aventure avec vous est simplement... magique ! <3

Cyndie (Chapitre 97)

Cyndie était rentrée tard au palais, avant de gagner l'appartement qui leur était réservé à elle et son frère adoptif James.

Il l'avait gentiment attendu mais elle n'avait même pas répondu à son "bonsoir", se contentant de rapidement traverser le couloir et de gagner sa chambre au bout du couloir.

Elle avait envie, plus que jamais, d'être seule. De toute façon elle n'appréciait pas James malgré tous les efforts de celui-ci pour être gentil avec elle. Sandrine venait régulièrement les voir tous les deux mais Cyndie lui adressait à peine quelques paroles de même qu'à son frère adoptif sans se soucier de ce qu'ils pouvaient bien penser d'elle.

Lorsqu'elle pénétra dans sa chambre, la première chose qu'elle fit fut d'attraper sa tablette graphique et son stylet avant de jeter sa veste de cuir noir cloutée sur un fauteuil et de grimper sur son lit après avoir ôté ses bottines.

Là, elle s'allongea sur les coussins, fermant les yeux un instant, avant de les rouvrir pour faire mécaniquement le tour de son petit domaine du regard.

Son lit était en fait une couchette métallique en hauteur à laquelle on accédait par une petite échelle attaché sur le mur dans l'angle le plus proche.

Les murs étaient intégralement blanc, avec sur celui opposé à la porte une grande verrière qui donnait directement sur un balcon-serre. Le même système que la salle aux colonnades, donc une serre protégée par des panneaux magnétiques et permettant de cultiver à peu près n'importe quelle plante.

Cela donnait l'impression que la chambre de Cyndie débouchait directement sur une forêt tropicale. Si quelqu'un avait analysé les plantes choisies par l'enfant, il aurait par ailleurs remarqué qu'elles venaient toutes de Sagan...

Le seul inconvénient de la pièce était sa taille : elle n'était pas grande. Le mobilier qu'elle contenait était la couchette, un petit bureau à la gauche de la porte et un fauteuil à suspenseurs.

Le sol était recouvert d'une natte, dans le style des habitations de Sagan, et il y avait pour tout luxe supplémentaire une salle de bain attenante.

La serre, Cyndie ne l'avait obtenue qu'un mois auparavant lorsqu'Aileen avait accepté de signer une loi proposée par le parlement pour réduire -un peu- les économies d'énergie.

L'enfant redressa alors sa couchette réglable sans plus penser à tout cela et reprit sa tablette graphique en main.

Un instant plus tard, elle l'allumait et venait une fois de plus contempler les plans que, suivant leur accord, Aileen lui envoyait régulièrement. Les parlementaires étaient au courant de cet accord et l'approuvaient de toute façon puisque cela leur permettait d'obtenir des informations et de mettre en place une petite présence militaire sur Sagan pour bien montrer que même transformée en boule de charbon, la planète continuait de leur appartenir.

Les travaux avaient commencé déjà deux mois auparavant et une vingtaine de personnes devaient se trouver actuellement sur sa chère planète...

L'enfant reposa alors à côté d'elle la tablette graphique, renonçant à son désir de visualiser les autres plans ou de dessiner ses plus chers souvenirs de son Sagan.

D'où lui venaient ces brusques regrets ? Cette entêtante image de sa cousine, si gentille avec elle ?

Cyndie avait onze ans et avait déjà dû faire des choix que certains adultes n'auraient jamais pu accomplir. Mais cela minait la petite fille.

— Grand-Pa, où es-tu ?

Mais le plafond de sa chambre ne pouvait certainement pas lui répondre. Et si l'AM.Erica ne tenait pas ses promesses de la laisser partir pour cette fameuse colonie ? Cyndie pourrait toujours essayer de gagner les enfants d'Astra à sa cause... Mais elle savait tout ce que cette entreprise avait d'incertain et vain.

— Cyn' ?

Elle sursauta dans la demi-obscurité de sa chambre, n'ayant pas entendu toquer à la porte. Elle se résolut pourtant à répondre, sans envoyer balader James sans savoir pourquoi d'ailleurs :

— Oui tu peux entrer.

Un instant après la porte coulissa et James entra, suivi de près par Sandrine.

Malgré elle, Cyndie appréciait toujours la jeune femme lorsqu'elle oubliait un instant qu'elle voulait la détester. Sandrine paraissait si douce et gentille... Pour l'heure cette dernière était vêtu d'un simple pantalon et d'un chemisier joli sans pour autant être élégant. Un serre-tête ramenait ses cheveux en arrière sans pour autant faire enfantin. L'enfant la dévisagea un instant avant de dire :

— Ah, tu es là aussi ?

— Oui, je suis là en effet. On peut discuter Cyn' ?

L'enfant haussa un sourcil en se relevant légèrement sur un coude tandis que James allait s'asseoir dans le siège de sa chambre et que Sandrine s'installait sur un tabouret recouvert de cuir qu'elle venait d'apporter.

— Je croyais que les personnes de mon âge devaient se coucher tôt ? Il est minuit là non ?

Les deux aînés échangèrent un sourire amusé et Cyndie eut du mal à lutter contre celui qui voulait lui monter aux lèvres. Mais elle ne pouvait pas prendre le risque de s'attacher à eux pour ensuite avoir le cœur brisé une énième fois...

Ce fut James qui reprit, suivi ensuite de sa sœur :

— Bah tu es revenue à minuit de ta réunion, disons qu'un manque supplémentaire de sommeil ne changera pas grand chose pour le moment.

— Oui, et je voulais te parler. Aileen m'a demandé de devenir l'une de ses conseillères et m'a dit que je pouvais m'installer n'importe où dans le palais... Tu veux bien que je vienne ici, avec toi et James ?

Cyndie demeura un instant surprise qu'on lui demande pour cela son avis puis finit par dire :

— Si tu veux. Ça m'est égal.

La petite eut une hésitation puis demanda :

— Si tu deviens conseillère de la reine... Tu t'y connais un peu en politique ?

Visiblement c'était un sujet sensible, mais l'enfant ne s'en aperçu pas. Ce fut James qui répondit en posant une main amicale sur l'épaule de sa sœur.

— J'entre aussi dans les rangs. Je suis conseiller officiel d'Aileen depuis cette après midi... Notre père nous avait formé Cyndie, nous connaissons beaucoup de choses de la politique.

— Alors pourquoi vous ne dirigez pas ?

Sandrine laissa échapper une légère moue de colère avant de se reprendre pour retrouver sa douceur habituelle.

— Parce qu'Aileen est a priori meilleure que nous et que le peuple la voulait elle comme dirigeante. Mais nous pouvons l'aider. Ça te va ?

Cyndie la regarda de longues secondes avant de hocher la tête. Lorsque les deux jeunes gens se levèrent pour quitter sa chambre, elle resta un instant pensive, la main posée sur sa tablette graphique.

Peut-être qu'elle avait intérêt à être gentille avec eux après tout. Pourrait-ils influencer Aileen suffisamment pour la laisser retrouver Sagan même si elle n'arrivait pas à leur trouver son fichu cousin ?

Cyndie s'endormit, gagnée par une lourde fatigue, en ayant sous les yeux la serre et les plantes typiques de Sagan. Si elle avait su qu'en cela elle ressemblait tant à ce cousin qu'elle voulait trahir ! Rodolphe pouvait contempler pendant des heures une fleur d'Astra...

Aurait-elle cherché à le trahir avec la même facilité ? Quoique rien n'était évident puisque parfois des remords se saisissaient brusquement d'elle, l'empêchant de se sentir heureuse. N'avait-elle pas aimé comme une sœur Sibylle seulement quelques années auparavant ?

Mais peut-être qu'elle pouvait trahir Rodolphe sans la donner elle ? C'était une idée qui lui avait plusieurs fois traversé l'esprit, sans qu'elle voit pour autant comment la mettre en application.

Elle était trop petite. Tout le problème devait venir de là... Pourquoi donc fallait-il tant réfléchir, essayer de comprendre ce monde d'adultes qui n'était pas fait pour elle ?

Cyndie sentit à peine les deux larmes qui roulèrent sur ses joues dans son sommeil, tandis qu'elle repensait à ce qu'Astra avait marqué de façon indélébile dans son dos : un grand "S" pour Sagan.

Un tatouage qui ne se déformait pas tandis qu'elle prenait des années grâce à l'encre particulière et aux formes du dessin, mises en place avec les dernières technologies pour que son organisme puisse lui-même le faire grandir en même temps qu'elle.

Immuable. Comme cette identité qui était à la fois l'acide qui la rongeait pour la détruire et sa seule raison de vivre.

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2 ANS PLUS TARD

Liam (Chapitre 98)

Liam tenait depuis de nombreux mois la planète Mars d'une poigne de fer. S'il n'y avait plus eu la moindre révolte et s'il était parvenu à imposer le calme partout, c'était uniquement grâce à la terreur qu'il inspirait, lui et sa si charmante et dangereuse compagne... Ainsi que la construction terminée des dômes et des tunnels de verre.

Le jeune homme était un tyran et en avait parfaitement conscience, ce qui ne le dérangeait pas outre mesure.

Assis pour l'heure sur des coussins de soie posés dans un large siège confortable, le prince regardait d'un œil neutre Eléonore rire, assise par terre sur les riches tapis, berçant dans ses bras leur fils.

Dans quelques minutes, il allait recevoir les premiers visiteurs de la journée, à savoir les rapports de sa garde. Il avait augmenté les effectifs de ses soldats en engageant à sa charge la plupart des mercenaires de Derbos qui l'avaient voulu.

— Oh, oui, regarde-moi chéri... Je t'aime tellement, tu le sais...

Il jeta un regard exaspéré au bébé du haut de son siège et grimaça. Bon sang qu'il ne supportait vraiment pas les enfants ! Mais Eléonore tenait plus que tout à son petit trésor et après tout si son joujou lui plaisait...

Un léger vrombissement au poignet tira le jeune homme de son poignet qui consulta d'un air profondément désintéressé son écran avant de cliquer dessus pour prendre l'appel à la vue de l'identité de celui qui cherchait à le contacter.

— Qu'y a-t-il Tilgrat ?

— Deux hommes dans la salle de réunion qui demandent à vous voir. Ils prétendent imposer des... élections votre altesse.

Liam laissa échapper un soupir lasse entre ses dents serrées avant de lâcher :

— Curieux. J'aurais cru qu'à force de voir leurs camarades revenir dans une boite fermée et noire, ils auraient compris la leçon. Enfin, ne bouge pas Tilgrat, je vais les recevoir. Après tout, autant se divertir de temps en temps...

Des élections... Une coutume à laquelle Mars, la planète aux mille visages, cosmopolite, avait toujours énormément tenu. Liam recevait régulièrement des demandes de ce genre et y répondait selon son humeur... Aujourd'hui, il trouvait le dérangement désagréable.

Il se leva, abandonnant au passage le confort de ses coussins et son verre de liqueur sur une table dorée avant de dire durement à sa compagne en lui lançant un regard qui n'admettait pas d'opposition :

— Viens avec moi. Et laisse le gamin, il encombre.

Elenore se releva lentement et il vit passer dans le regard de la jeune femme un éclair sombre tandis qu'elle déposait dans son berceau leur fils avec un amour visible à travers le moindre de ses gestes. Elle se retourna ensuite vers lui, en colère et furibonde.

— Notre enfant a un nom, alors fais-en usage s'il te plaît. Il s'appelle Ivan...

—... d'Erica et tu aimerais beaucoup que je me souvienne de ce détail plus souvent n'est-ce pas ? Crois-moi mon ange, je ne le tolère que pour cela. Si tu avais espéré que je m'attache à ce gamin, désolé de te décevoir chérie mais je suis absolument certain que je t'avais prévenu...

Elle lui décocha un regard furieux mais le suivit sans répondre lorsqu'il se dirigea vers la double-porte du salon.

De l'immense baie vitrée qui couvrait deux murs de la pièce, l'on pouvait apercevoir les autres tours qui bordaient l'avenue, spectacle que Liam pouvait contempler longuement en songeant qu'il voyait là sa ville mais qui à l'instant le laissait indifférent face à son agacement.

Eléonore demanda en ramassant son pistolet sur une table proche et en le repassant à sa ceinture tandis que le battant coulissait devant eux pour leur laisser le passage :

— Tes visiteurs, nous leur réservons le même sort qu'aux derniers ?

— Sans doute oui. Je ne pense pas avoir beaucoup changé de caractère en deux semaines...

Il leva les yeux au ciel pourtant en la voyait jeter un coup d'œil inquiet à la pièce qu'ils venaient de quitter. Ne pouvait-elle donc pas l'oublier un instant son cher petit Ivan ?

Mais il s'obligea à rester calme, songeant qu'il regrettait déjà la gifle qu'il lui avait donné la veille et dont elle portait encore le bleu sur la joue. Si Eléonore était capable de se défendre de tout le monde, en revanche elle se contentait la plupart du temps de s'enfuir ou de tenter de l'amadouer quand il s'énervait.

Ce ne fut qu'en gagnant la cage bleutée de l'ascenseur que Liam songea une fois de plus que, chose étrange à dire, la jeune femme était probablement réellement amoureuse de lui, en plus de son désir de briller et de toujours porter des tenues à 4000 crédits minimum.

Pour l'heure elle avait les cheveux élégamment relevé en chignon en entrant derrière lui dans l'ascenseur et une robe moulante qui lui dégageait une épaule, grise, assortie à deux boucles d'oreille de diamant à monture d'argent. Ses pieds étaient chaussé de fines chaussures à talons hauts et elle faisait presque sa taille ainsi.

Elle savait si bien le séduire... Il se pencha vers elle pour déposer un baiser doux sur sa joue au moment même où l'ascenseur s'immobilisait de nouveau, à l'étage 124 qu'il avait demandé.

— Tu es superbe aujourd'hui, je ne te l'avais pas dit.

Elle retrouva son mordant, le voyant moins énervé, et répondit avec un sourire provocant :

— Oh... Mais ne le suis-je pas toujours ?

Et elle sortit la première dans le couloir devant les soldats postés devant les différentes portes blanches de l'endroit terriblement uniforme.

Liam la rejoignit devant la salle de réunion numéro 204, l'habituelle pour les cas de ce genre, et l'un de ses hommes lui ouvrit précipitamment la porte, débloquant l'accès, en ayant visiblement une peur bleue de lui déplaire.

Être détesté et craint plaisait à Liam, lui montrant qu'il atteignait le but qu'il s'était inconsciemment toujours fixé : la puissance. Peut-être quelque part pour montrer à son père, même s'il ne savait où il était aujourd'hui, que lui aussi valait quelque chose et qu'il n'y avait pas qu'Aileen au monde qui mérita un regard d'amitié et de sympathie...

En entrant dans la salle derrière Eléonore, le jeune homme songea qu'il détestait ne pas pouvoir s'empêcher d'avoir encore de telles pensées. Mais c'était plus fort que lui... Il avait grandi avec Edward comme seul véritable ami, en lui cachant pourtant son seul véritable point faible : une terrible envie de briller.

Enfant, il gardait de vagues images de leur mère. Si jolie, si élégante... Eléonore lui ressemblait d'une certaine façon. Était-ce pour cela qu'il ne pouvait se détacher d'elle ? Mais sa compagne aimait son fils...

Il ferma ses poings en plaquant sur ses traits un sourire froid et en s'avançant dans la pièce aux murs métalliques et occupée de sièges confortables, tous pourvus d'écran numériques dans les accoudoirs, réglables en mode traducteur pour pouvoir discuter dans toutes les langues.

Oui, s'il détestait ainsi Ivan... Peut-être était-ce parce qu'en fait il le jalousait. Sa mère à lui, Karine, n'aimait qu'elle-même. Seule la petite dernière, Aileen, savait l'admirer sans comprendre tandis qu'elle changeait dix fois par jour de tenue, séduisant tous les hommes qu'elle rencontrait par plaisir...

Liam se rappelait si bien ce jour où il était triste, seul, Liam étant parti pour quelques jours avec leur vieil oncle Fori, son parrain, pour un voyage sur Nepsys de quelques jours.

C'était leur anniversaire... Orys avait été pris toute la journée par d'importantes réunions et par les urgences de guerre, se faisant suivre pour les éduquer officiellement par James et Sandrine -pensait-il déjà qu'Aileen prendrait sa suite ? Mais elle n'avait pas quatre ans donc c'était peu probable...- et il s'était retrouvé seul avec une petite sœur qui n'était pas en âge de l'amuser ou de le rendre heureux.

Alors il était allé voir sa mère... Elle était en train de s'admirer devant la grande glace de sa chambre et elle lui avait décoché un regard froid qui avait glacé le petit garçon d'alors. Il se rappelait encore de ses mots, si secs "qu'est-ce que tu veux toi ?" Il n'avait pas osé répondre ce qu'il était venu demander : qu'elle veuille bien passer quelques minutes avec lui, l'embrasser et lui ébouriffer gentiment les cheveux comme elle le faisait parfois avec Aileen...

Il s'était enfui en cachant ses larmes et il se rappelait encore avoir entendu "mais quel stupide enfant incompréhensible..."

Son père était rentré tard dans la nuit de ses visites et réunions, fatigué et rongé par les soucis de la journée. Aileen avait l'habitude de l'attendre elle aussi déjà et ils étaient tous les deux dans le salon de l'appartement privé du roi.

Lorsqu'Orys était entré, il n'avait d'abord vu que Liam et avait poussé un soupir fatigué, las d'avance de devoir passer un moment avant son fils, jusqu'au moment où son regard s'était posé sur Aileen qui avait bondi sur ses pieds pour courir se jeter en riant dans ses bras.

Liam n'oublierait jamais le sourire qui avait alors illuminé le visage de son père et auquel lui n'avait pas eu doit... Il avait dit bonsoir gentiment et était parti, cachant sa peine du mieux qu'il pouvait et s'efforçant de trouver au fond de lui la force de paraitre dur, comme si tout cela ne le touchait en rien...

Oui, c'était sans doute pour cela qu'il haïssait l'amour inconditionnel qu'Eléonore portait à Ivan. Il en avait tant rêvé dans son enfance sans jamais l'obtenir... Il aurait mieux aimé l'enfant sans doute si sa compagne l'avait traité froidement en s'en préoccupant aussi peu que sa propre mère l'avait fait de lui.

Jalousie. Jalousie dérisoire pour un gamin qui n'avait pas deux ans...

Il fut tiré de ses sinistres pensées par un raclement de gorge de la part de Tilgrat. Eléonore le fixait sans rien dire et les deux hommes venus le voir le jaugeaient, assis dans deux des sièges du cercle de discussion.

— Votre Altesse, voici vos visiteurs...

Visiblement son commandant ne savait pas quoi ajouter. Il n'était intervenu que pour le tirer de sa rêverie... Tilgrat était intelligent mais comme un soldat, mal à l'aise dans un salon et incapable de diplomatie quelconque ou même de prendre une grosse initiative. C'était en partie pour cela que Liam avait une confiance aveugle en lui alors qu'il se méfiait de tout le reste du monde... Et puis il y avait l'amour indéniable que le commandant vouait à Eléonore et qui l'aurait mené jusqu'en enfer pour elle.

Le prince acquiesça sans tout de suite répondre avant de s'avancer pour prendre place lui aussi dans l'un des sièges. Sa compagne resta debout, aguicheuse, et il remarqua sans sourire que le plus jeune des deux hommes avaient du mal à ne pas la regarder.

Qu'ils étaient donc facile à avoir... Tilgrat s'assit lui aussi lourdement dans l'un des sièges, et un instant après un robot, jolie figure de jeune homme sans émotion, vint s'incliner pour proposer à chacun une boisson que Liam et Eléonore furent seul à accepter.

Le commandant ne buvait jamais rien pendant son service de peur d'un narcotique quelconque et visiblement leurs deux invités manquaient eux aussi de confiance dans le contenu des verres.

Le plus jeune, qui avait réussi à détourner son regard d'Eléonore, prit la parole de la façon la plus agressive qu'il put bien qu'il parut désorienté par l'accueil qu'ils recevaient, somme toute courtois et loin de l'image de tyran de Liam :

— Vous n'avez pas le droit de continuer à nous refuser des élections. Nous voulons au moins un premier ministre par cité ayant un pouvoir égal au vôtre...

Liam cessa de boire et déposa sur le plateau du domestique qui passait sa coupe encore à moitié emplie avec un soupir las.

— Monsieur...

— Grimm.

— Monsieur Grimm, j'avoue en avoir assez de demandes comme la vôtre. Il est grotesque de penser que j'abandonnerai le pouvoir... Tilgrat ?

— Oui votre Altesse ?

— Qu'en est-il du dernier projet dont nous avons discuté ?

— Les arènes, les réalités virtuelles ? Nous pouvons lancer la première série votre Altesse.

Un léger sourire ironique éclaira le visage sombre de Liam tandis qu'Eléonore fronçait les sourcils en lui lançant un regard inquiet, désagréablement surprise d'avoir été tenue à l'écart de quelque chose qui, visiblement, allait être important.

Le prince décroisa ses jambes et se leva de son siège pour adresser un sourire élégant et plein de fausse sympathie pour ses visiteurs.

— Messieurs, le gouvernement dont je reste malgré vos vœux l'unique représentant, a décidé de financer une série télévisée. Entièrement constitué de scènes tournées en réalité virtuelle. Vous en serez les premiers acteurs...

Le plus vieux des deux se leva pour lâcher d'une voix glacée d'appréhension et de colère :

— Je ne comprends pas...

— Vraiment ? C'est pourtant bien simple. Je vous avertis que vous allez mourir en acteurs, pour le gouvernement, sur une importante chaîne de télévision en direct. Vous rêviez de devenir des héros non ? Vous en serez. Mes plus sincères félicitations.

Et il se leva, mettant ainsi fin à la séance. Grimm voulut se jeter sur lui mais Tilgrat l'arrêta en le capturant au passage. Le prince n'avait pas bougé d'un pouce, se contentant d'afficher son sourire ironique et glaçant habituel.

Eléonore vint le rejoindre, plaça une main sur son épaule tandis que trois gardes évacuaient de la pièce les deux hommes hurlant et demanda :

— Pourquoi tout ça ? Une balle dans la tête comme avant cela ne suffit pas ?

Liam perdit tout sourire lorsqu'il se retourna vers la jeune femme et il passa une main pensive dans sa chevelure brune, écartant une mèche de son oreille, pour lui murmurer en réponse :

— Non, j'aime le spectacle et j'en ai assez d'être dérangé. Et puis cette série promet de beaux divertissements... Prends garde de rester jolie et gentille, mon amour, ou ton cher petit Ivan pourrait s'y retrouver. Avec toi en prime pour le sauver ?...

Il éclata d'un rire froid, retira sa main, puis fit demi-tour pour sortir de la pièce sans se retourner. Eléonore resta debout derrière lui, légèrement tremblante, et murmura pour elle-même en se frictionnant les bras comme si cela pouvait réchauffer son âme :

— Je n'ai pas peur de toi... Je t'aime.

Mais elle était tétanisée pour tout ce qui touchait à son fils... Pour lui elle aurait fait n'importe quoi.

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Aileen (Chapitre 199)

Deux ans. Aileen regardait avec un doux sourire son fils qui jouait sur le sol, à quatre pattes, faisant rouler quelques billes de verre coloré sur la moquette gris pâle. Certains jeux ne changent jamais....

Un instant plus tard, se sentant observé, le petit garçon releva la tête pour rire joyeusement en regardant sa mère. Ses yeux brillaient et l'on sentait chez lui la joie et l'insouciance.

Il faisait beau dehors, un chaud soleil qui se levait déjà pour éclairer la matinée de cette journée de printemps et Aileen sentait une joie bien douce se répandre dans son corps, simplement en profitant ainsi de la joie de son fils.

Elle ne pouvait jamais cesser de l'admirer et l'aimait de toute son âme. Il lui rappelait l'ombre d'un fugitif que ses soldats n'avaient jamais retrouvé mais continuaient de chercher...

Il avait les cheveux légèrement bouclés, noirs, sombres mais c'était son regard surtout qui trahissait aux yeux de sa mère son ascendance. Où retrouver si ce n'était dans ses rêves ces prunelles qui prenaient parfois cette étonnante couleur dorée qui pailletait toujours ses pupilles, même lorsqu'elles semblaient plus banales ? Rodolphe... Si présent dans ce petit garçon jouant sur le sol et riant...

— Maman...

Allez comprendre un enfant qui ne parle pas encore... Pour toute réponse Aileen se leva du siège où elle était assise pour le rejoindre sur le sol et le prendre sur ses genoux avec un nouveau doux sourire.

Un sourire aux reflets toujours tristes pourtant que personne ne pouvait percevoir chez elle, sauf quand elle était seule et baissait légèrement ses barrières mentales.

Alors, en lançant un coup d'œil à la glace qui lui faisait face, il lui sembla voir une femme qui n'attendait rien de la vie et n'avait que son fils à quoi se raccrocher.

Elle aimait toujours Rodolphe... Il hantait ses rêves, ses cauchemars, la réveillant la nuit avec violence tandis qu'elle hurlait...

Elle avait peur malgré sa force et son habitude de prendre sa vie en main. La détestait-il maintenant ? Et surtout, que pensait-il de leur enfant ? Il avait forcément compris la vérité...

Aileen aurait aimé avoir la certitude qu'il aimait au moins son fils, car elle aurait eu alors l'impression qu'à travers le gamin, il l'appréciait forcément encore un peu.

Pourrait-elle jamais guérir cette brûlure de l'âme ? Pourrait-elle avouer à son enfant l'identité réelle de son père ? Andrei avait accepté de mentir pour la foule, pour garder en sécurité un gamin qui n'avait fait de mal à personne. Mais jamais il ne jouerait le rôle du père parfait.

Un jour, un jour son fils lui poserait des questions auxquelles il lui faudrait choisir de répondre ou non...

La jeune femme resserra ses bras autour du petit garçon et passa une main dans les boucles sombres qui bordaient son front.

— Ne t'inquiète pas, tu seras toujours en sécurité, toujours...

Qui voulait-elle rassurer en vérité ? Pour quelle raison avait-elle besoin de lui faire tous ces serments ?

Et pourtant... Le parlement avait voté la mort de l'empereur Rodolphe Astra et de sa sœur si on arrivait à les capturer, ce qui arriverait tôt ou tard, Aileen ne gardait aucune illusion là-dessus.

Que feraient ils tous s'ils découvraient que... que Rodolphe avait un héritier ? Comment réagiraient les enfants d'Astra et le parlement ? La reine ne pouvait prendre aucun risque pour son fils.

C'était pour cela qu'elle s'était battue si durement pour que, malgré l'absence de mariage, au moins officiellement, Théobald soit reconnu comme son héritier.

Ainsi, il devenait intouchable. Et si jamais quelqu'un apprenait un jour la vérité sur les origines de l'enfant sans père, comme l'appelait les mauvaises langues, personne ne pourrait décréter sa mort comme potentiel danger car si la couronne se devait de protéger le pays, le pays se devait de protéger la couronne.

Pourvu simplement que Théobald ne doive pas en porter deux... Incompatibles. Astra et l'AM.Erica ne pourraient jamais s'entendre dans une alliance commune ou l'une des planètes ne dominerait pas l'autre... pas avec la vengeance que tous les astrayens avaient vu grandir dans leur cœur et la fierté des eriquiens d'avoir gagné la guerre.

Son petit garçon se dégagea des bras d'Aileen pour retourner jouer et elle le laissa faire, déposant juste un léger baiser sur son front avant de se relever.

Parfois, une étrange pensée lui venait à l'esprit. Si le parlement avait su la vérité... Aurait-il réellement voulu sa mort ? Ou n'aurait-il pas été vu comme un excellent moyen de contrôler les astrayens qui continuaient visiblement de fomenter une rébellion dont la clef était leur empereur ?...

Mais Aileen secoua la tête pour elle-même en tournant les talons pour gagner son bureau adjacent à la chambre de son fils.

Comment imaginer trahir Rodolphe en dressant son enfant contre lui ? À cette simple pensée des larmes lui montaient aux yeux et elle devait s'efforcer de reprendre son souffle pour garder au visage un air calme et ferme.

Et pourtant, comme à chaque fois, son regard se posa sur la couronne métallique qu'elle avait gardée, posée en évidence sur la commode.

Si un jour quelqu'un voulait couronner Théobald empereur à la place de son père... C'était tout à fait possible.

— Non ! Il ne sera pas un objet, une manipulation, il ne prendra pas la place de...

Elle s'immobilisa, jetant un coup d'œil triste à sa table de travail numérique. Dans un instant, il faudrait qu'elle aille en salle d'audience puis à une énième réunion de ses conseillers. Comment pouvait-elle encore penser à son amour si vif dans son cœur, si présent, si marqué en elle de façon indélébile qu'il lui semblait le voir dans l'éclat triste de ses yeux lorsqu'elle fixait son regard dans une glace ?

Elle n'avait pas le temps de penser au passé. Pas le temps d'avoir des regrets.

Peut-être avait-il été écrit quelque part qu'elle était destinée à ne jamais connaître de véritable bonheur mais à avoir une consolation... Voir grandir son fils en sachant qu'il était aussi celui de la personne qu'elle aimait le plus au monde...

La reine se reprit alors, inspira, composa de nouveau ses traits pour afficher l'expression d'une femme à qui rien ne fait peur, attrapa sa veste qu'elle passa rapidement sur ses épaules puis sonna depuis une télécommande, appelant l'employée qui avait l'habitude de venir s'occuper de Théobald dans la journée.

Il serait toujours temps de retrouver ses habituels regrets dans la soirée, lorsqu'elle serait seule. D'ici là, elle n'en avait pas le droit, parce qu'elle était la reine, et qu'elle se devait aux autres... Comme son père le lui avait toujours appris.

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Aileen (Chapitre 100)

— Majesté, nous pensons qu'il faudrait envoyer quelques soldats sur Sagan pour assurer la sécurité de la colonie...

Assise dans un siège autour d'une table de forme ronde dans l'une des verrières, c'est à dire que la ville s'étendait à leurs pieds et qu'ils étaient sur une terrasse couverte d'un grand dôme transparent couvert de fins panneaux solaires indétectables, Aileen ne pouvait s'empêcher de sentir l'agacement et la lassitude s'emparer d'elle à la fin de cette longue réunion de plus de quatre heures avec tous ses conseillers, au nombre d'une douzaine et incluant son commandant Andrei, qui ne voulait plus finir.

Andrei était très froid avec elle dès qu'ils étaient ensembles en public, détestant les commérages qui circulaient maintenant toujours dans son dos.

En privé, il retrouvait son caractère habituel, sûr de lui mais près à tout pour aider la jeune femme, et craignant comme elle plus que jamais que quelqu'un découvre un jour la réelle paternité de Théobald.

En l'occurrence, Aileen savait pouvoir toujours compter sur un avis franc de sa part ce qui n'était pas forcément le cas de ses onze autres conseillers. Elle reprit donc la parole en l'interrogeant lui plus particulièrement mais en respectant la froideur qu'il voulait afficher entre eux.

— Pourquoi est-ce nécessaire selon vous d'envoyer des soldats sur Sagan ? Il n'y a rien à défendre là-bas...

Andrei plaça ses coudes sur la table devant lui avant de répondre d'un ton posé et neutre.

— Sagan n'est qu'une terre brûlée, rien de plus effectivement. Mais la petite colonie mise en place laisse imaginer la possibilité de faire de la planète de nouveau un point central du système. S'il n'y a plus rien là bas en effet cela reste une place stratégique qu'il convient de défendre. De plus la planète Nepsys s'intéresse un peu trop à Sagan et à sa petite héritière, Cyndie. Ils ont ce qu'ils appellent de "l'honneur". Cela leur plairait d'aider la dernière princesse à retrouver ses origines...

Enfant qui n'a en réalité aucun droit sur Sagan. Mais il faudra peut-être le cacher plus longtemps, pour l'instant elle reste importante... D'autant plus qu'Aileen ne voulait pas s'avouer la vérité : elle ne désirait pas détruire sa demi-sœur, n'oubliant pas ce lien indestructible entre elles malgré tout.

Et Nepsys aimerait beaucoup s'implanter sur une nouvelle planète pour tenter d'étendre un peu son influence qui actuellement ne dépendait que de l'AM.Erica.

La jeune femme laissa échapper un léger soupir puis reprit la parole posément.

— Très bien, envoyez simplement une dizaine de gardes et quelques policiers civils de plus. Le message devrait passer, Nepsys n'a pas les moyens d'une guerre et ne la risquera à aucun prix. D'autres problèmes à l'ordre du jour ?

La plupart de ses conseillers secouèrent la tête mais une femme, Jeanne, jeta un coup d'œil à son écran avant de répondre :

— A priori plus rien. Nous avons cependant eu quelques gardes attaqués dans les souterrains qui ont servis durant la guerre à la population pour se déplacer en toute sécurité. Ils n'ont pas été tués mais simplement paralysés par des armes de défense pour la plupart.

Elle releva la tête, vrillant ses yeux dans ceux de la reine comme si elle pouvait deviner d'ici son émotion.

— ... On soupçonne que les enfants d'Astra se sont servis de ces souterrains pour fuir la capitale avec l'empereur et sa sœur. Si c'est vrai, alors à l'heure qu'il est les recherches sont inutiles dans Graël mais doivent être redoublées dans toutes les villes proches et reliées au réseau de tunnels. Ils ont dû emprunter des télé-cabines... Nous n'avons pas de reconnaissance ADN sur ces vieux appareils, je suggère dans mettre d'urgence pour qu'ils ne puissent pas les utiliser la prochaine fois...

Aileen s'efforça d'ignorer le regard scrutateur d'Andrei et répondit en ne manifestant aucune émotion particulière malgré son cœur battant :

— Accordé. Augmentez la sécurité des souterrains.

Mais en même temps il lui semblait qu'une seule phrase résonnait à l'infini dans son esprit : "il est parti, il est un peu plus en sécurité..."

Plus les jours passaient moins elle pouvait se concentrer sur son devoir de reine qui aurait dû exiger d'elle qu'elle fasse passer son pays avant son amour.

Malgré la distance Rodolphe restait oh combien fort...!

Sentant qu'elle ne pourrait plus longtemps maîtriser ses émotions, Aileen se releva brusquement tandis que le silence revenait et lâcha d'une voix ferme n'admettant aucun contredit :

— Nous n'avons plus rien à nous dire pour aujourd'hui, sauf importante nouvelle dans la journée. La réunion est donc terminée...

Elle répondit au salut silencieux de tous ses conseillers puis tourna un peu trop précipitamment les talons pour quitter la verrière. Un instant après, le cœur encore au bord des lèvres, elle marchait vite dans les couloirs, inclinant poliment la tête en apparence à chaque personne qu'elle rencontrait mais l'âme ailleurs.

Elle avait hâte de retrouver son fils. De pouvoir le regarder et songer, encore une fois, à la joie qu'elle n'aurait pas dû éprouver de savoir Rodolphe à priori sorti du piège que constituait pour lui la ville de Graël.

— Majesté !...

Elle entendit à peine le cri derrière elle et ne se retourna pas tout de suite. Mais la voix la rappela de nouveau en même temps qu'un homme la rejoignait après en avoir bousculé une bonne dizaine d'autres.

— Majesté... Je peux vous parler ?

— Andrei... Oui, bien sûr. Venez avec moi.

Elle était étonnée qu'il l'ait appelée ainsi à la vue de tout le monde alors qu'il se donnait tant de peine pour s'écarter d'elle en public mais elle ne le releva pas.

Un instant plus tard elle entrait dans ses appartements privés, profitant de la pause d'une trentaine de minutes qu'elle s'accordait pour le déjeuner, et sa servante, Melina, nourrice de son fils, vint la rejoindre dans le salon pour lui amener l'enfant.

Aileen prit Théobald dans ses bras avec un immense sourire avant de s'asseoir dans un siège et de gentiment congédier Melina.

Andrei prit place en face d'elle, visiblement mal à l'aise, la regardant elle et le gamin qui, pour la galaxie entière, était le sien... Il commença pourtant à prendre la parole sans afficher de gêne et d'un ton accusateur :

— Vous montrez trop d'émotion quand on parle de l'empereur... Vous n'auriez pas dû quitter ainsi la salle du conseil, c'était trop brusque.

Aileen releva son regard sur lui, le fixant un instant sans sourire, puis demanda :

— C'est la seule chose que vous vouliez me dire ?

Plus nerveux qu'il n'aurait voulu l'avouer, Andrei se releva de son siège et fit quelques pas avant d'incliner la tête de manière positive.

— Je m'inquiète tellement pour vous majesté... et pour votre fils ! Personne ne doit savoir la vérité...

Si la jeune femme avait commencé à légèrement s'énerver, elle se calma aussitôt en sentant dans la voix de son commandant une réelle tension.

Elle resserra doucement ses bras autour de son fils, assis sur ses genoux maintenant, et murmura :

— Personne ne devrait s'en douter normalement... Excepté... Excepté Rodolphe Astra lui même qui a forcément deviné la vérité.

Aileen se leva à son tour, laissant son fils sur le fauteuil, lui adressant un sourire un peu tendu au passage, avant de demander en se retournant brusquement vers le commandant, prise d'une idée soudaine :

— Vous pensez qu'il pourrait me trahir ? Mon mari ?... Jusque là je m'étais dit que...

Elle ne termina pas sa phrase. Elle s'était dit que Rodolphe malgré tout devait encore l'aimer, ou son fils au moins... Mais elle savait que pour Andrei ce n'était qu'un intrigant qui avait tenté de s'accaparer à travers elle une partie du pouvoir, idée qui la dévorait dans ses cauchemars les plus sombres mais qu'elle rejetait une fois réveillée, se rappelant toujours la façon dont le jeune homme avait toujours tenté de se séparer d'elle et de lutter contre la passion qu'il éprouvait pour elle.

La réponse d'Andrei la surprit donc d'autant plus lorsqu'il lâcha gravement :

— J'ai changé d'avis. S'il était la personne que je pensais... Il se serait débrouillé pour répandre la vérité. Savoir que votre fils était celui de l'empereur d'Astra aurait ruiné votre crédibilité et si Théobald aurait été en grand danger, il est probable que vous l'auriez été aussi. Je pense que pour peu que votre sœur Sandrine aurait réclamé le pouvoir, vous auriez été aussitôt écartée... Non, s'il n'a rien dit, cela ne peut signifier qu'une chose...

Il avait froncé les sourcils et toute sa figure semblait terriblement grave. Aileen, se rapprochant de son siège pour poser ses mains sur les épaules de son petit garçon pour se donner du courage, demanda, le cœur débordant d'émotions contradictoires :

— Quoi ?...

— Qu'il vous a sincèrement aimée.

Il fit une pause, devinant l'impact que devaient avoir ses paroles, et termina durement :

— Il craint donc la même chose que moi pour vous.

— Et c'est ?...

— Rodolphe Astra et vous, pour peu que la vérité soit découverte, serrez considérés chacun par votre côté comme des traîtres. Vous serez rejetés de la même façon...

C'était presque ironique comme situation. Aileen répondit d'une voix desséchée à son commandant :

— Donc vous ne craignez aucune dénonciation de sa part. Vous avez peur que je ne me trahisse moi-même ?

Andrei désigna alors Théobald du doigt et lâcha dans la pièce quelques mots qui résonnèrent lourdement dans l'esprit d'Aileen tandis qu'elle fixait le regard aux accents dorés de son fils.

— Oui, votre attitude cette après-midi n'allait pas. Mais je me méfie encore plus de votre enfant... Vous rappelez vous ces monstres ? Ces mutants ? Une mutation peut être génétique. Avez-vous seulement pensé que Théobald pourrait un jour se transformer en un charmant petit loup au vu et au sus de tout le monde ?...

À son plus grand effroi, Aileen songea que cela ne lui avait pas seulement effleuré l'esprit. C'était si... irréel et contre-nature ! Mais était-il réellement possible qu'un jour son fils la trahisse ainsi ?

Et s'il était atteint, quand se transformerait-il ? À cinq, dix, vingt ans ?

Sans le savoir, elle répéta les mots qu'avaient employé Sibylle et Rodolphe Astra des années durant :

— Maudites mutations...

FIN DU TOME 2

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Quand je finis un tome, c'est toujours incroyable. Mais ce qui me fait le plus plaisir à chaque fois, c'est d'écrire ce petit mot destiné à tous ceux parvenus avec moi à la fin de cette lecture !

Merci à tous ceux qui ont lu, voté, commenté, ou encore fait les trois à la fois. À chaque fois vous me faites sourire, et vous me poussez à continuer l'écriture, même lorsque je bloque sur un passage particulièrement difficile depuis quelques temps. J'ignore où en serait cette histoire sans vous alors mille fois merci ! *-*

Les enfants d'Astra est une série de 6 tomes (réunis en 3 sur Wattpad) et ceci est donc la fin du deuxième. Le prologue du troisième volume est maintenant disponible sur mon profil, si vous avez envie de le découvrir. ;)

Encore un grand merci à tous pour cette aventure partagée.

À très bientôt, avec toute ma sympathie et ma reconnaissance,
Azylis.

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