Chapitre 2
Peu de temps après, Abysse apparaît et nous rejoint d'un pas peu pressé, sous notre arbre. Pas beaucoup d'élèves l'apprécient, avec ce côté absent qu'il a parfois, ainsi que son sérieux à toute épreuve, qui lui donnent un air d'adolescent mais également un âge bien plus vieux que ses trente-cinq années. Mais moi je le trouve gentil. Le fait d'avoir vécu le Courroux à l'âge de 15 ans et d'y avoir perdu toute sa famille excuse ce comportement distant. En plus, il ne l'est pas avec moi. C'est peut-être parce que je suis la seule à le comprendre et à ne pas me moquer de lui. Moi, je ne parle pas ironiquement de "l'abysse" qu'il y a entre lui et nous quand il parle ou du "froid abyssal" qui arrive en même temps que lui, selon les autres. Certains s'amusent même à trouver des jeux de mots ridicules comme "Abysse-cuit" ou "Abysse-trop" - la plupart d'entre eux ne savent même pas ce qu'est un bistrot et répètent seulement les expressions des grands -, ce que je trouve complètement puéril.
Dès que j'aperçois sa chevelure brune et ses yeux bleus profonds, si caractéristiques qu'ils lui ont valu son nom, je lance un mince sourire à Lys. Mais ce n'est pas le même sourire que ceux de mes camarades, qui commencent déjà à se moquer de sa démarche lente et de sa tunique débraillée aux quelques feuilles déchirées sur le torse et les bras. Qu'ils se regardent déjà eux-mêmes avant de parler. Non, moi j'étire mes lèvres, mi-triomphante, mi exaspérée, car je sens que je vais bientôt gagner mon pari. Car aucun des autres enseignants n'arrive, ce qui ne nous laisse pas de répartition selon nos choix ou ceux des professeurs, aujourd'hui. Nous sommes tous contraints de suivre Abysse à travers la cour jusqu'à l'une des huttes de l'établissement, pouvant accueillir les dix-huit élèves que nous sommes, et même plus si nous étions plus nombreux.
Abysse nous ouvre la porte en silence, qui n'est en fait qu'une cadre en bois sur lequel sont entrecroisés des tiges, des branches et du lierre. Rien de très protecteur, en tout cas. Alors qu'il salue mes camarades platement, dans le seul but de rester poli, il acquiesce un léger sourire en me voyant entrer avec Lys. Je crois que nous sommes les deux seuls élèves qu'il apprécie vraiment depuis que Hyacinthe et Libellule ont quitté l'école. Tout le monde ne rit pas de lui, mais nous sommes les deux seules à lui tenir la conversation, de temps en temps. Et il nous a bien aidé lorsque nous avions des soucis avec d'autres écoliers.
À l'intérieur, les choses sont comme à leur habitude. Les quatre rangées de bancs en bois sont parfaitement alignées. Devant chaque banc, un énorme bloc de pierre, poli à la force des bras afin d'être plat sur le dessus et creusé vers l'arrière, est placé pour nous servir de table. Ils font au moins deux fois la taille des sièges. Dans un creux sur le dessus la roche, un liquide sombre, que je sais être du jus de mûre, est versé régulièrement pour nous servir d'encre. Un autre bloc de pierre fait office de bureau du professeur et se trouve face aux autres, les dominant de sa hauteur. Ces ouvrages rocheux nous viennent bien évidemment du Village des Sommets, avec qui nous marchandons à chaque Grand Pèlerinage. Le tout est faiblement éclairé par des écarts laissés çà et là entre les branches qui forment la charpente de cette hutte de classe.
Pour montrer bonne figure, je m'installe au premier rang, entre Lys et Élan. Aulne, dernière année de dix-huit ans aux cheveux bruns tirant sur le roux, vient compléter notre rangée en s'installant près de Lys, ce qui la fait sourire. Il reste une place, à côté d'Élan. J'observe les derniers élèves qui entrent en espérant secrètement que Jasmin va s'y asseoir. Après tout, c'est un ami d'Élan, aussi, ainsi que le mien. Sauf qu'il est peut-être plus qu'un ami pour moi... Les joues rouges, je cesse d'espérer qu'il vienne nous voir lorsqu'Abysse referme la porte et s'avance vers nous. Cachant avec peine ma déception profonde, je l'écoute attentivement. Je suis la seule à déceler de la douceur et de la sympathie dans son regard. Les autres ne parviennent pas à le déchiffrer, mais j'y aperçois toute la fierté qu'il a pour nous, ou une partie d'entre nous du moins.
« Bien. Vous le savez, le Grand Pèlerinage commencera demain, pour ceux âgés de plus de quatorze ans qui s'y rendront. Ce sera un périple de près de quatre semaines visant à relier notre village, dans l'ancien département de la Drôme, à la Lande Sacrée, au centre de la France... »
Je vois venir le cours sur le Courroux à grands pas, mais cette fois je jubile intérieurement à l'idée de gagner mon pari. C'est cet événement qui a ravagé tout le monde que connaissaient mes parents, et leurs parents avant eux. C'est à cause de lui que nous vivons désormais dans ces habitats insalubres et que nous menons des existantes ennuyeuses, dont le seul but est de survivre. Après, je ne m'en plains pas : l'Ancien-Monde ne me parait pas plus attrayant que le Nouveau. Rien que cette idée de frontières entre les pays, découpés au millimètre près en régions, départements, métropoles, villes, quartiers... Chaque parcelle avait un nom et était contrôlée. Aujourd'hui, au moins, nous sommes en harmonie, comme dirait ma mère. Tout le monde semble heureux de notre nouvelle existence. En France, il n'y a a eu que soixante-douze survivants, douze par région épargnée, et donc douze par village. Aucun président, roi ou empereur ne gouverne plus notre pays. Aujourd'hui, nous sommes moins oppressés, plus libres.
« ...Son but : retrouver les cinq autres villages lors d'une commémoration annuelle, pour ne pas oublier ce tragique événement que beaucoup d'entre nous, les adultes, avons connu. Qui peut me parler du Courroux ? »
Bingo ! Mais mon triomphe est plus fort que ma consternation, et je me tourne vers Lys, un sourire narquois aux lèvres. Je lui murmure :
« À moi ta prochaine part de galette à la confiture de fraise ! »
Son visage, toujours enfantin, arbore soudainement un air triste derrière son rideau de mèches brunes. Elle réplique, faussement boudeuse et vexée :
« Au moins, moi, j'étais optimiste !
- Mais t'es toujours optimiste, Lysouille ! je réponds en riant. »
Celle-ci s'esclaffe avec moi, mais nous rions un peu trop fort, peut-être. Quelques visages se tournent vers nous, et une petite voix minaude, qui m'horripile encore plus que celle de ma sœur, me provoque depuis le fond de la salle :
« Hé ! La ferme, Foufou la folle, j'entends pas le cours ! »
Je me retourne violemment, le regard noir, et croise celui, gris et froid, de cette horreur de Lilas, qui est assise à l'arrière de la hutte. Ou, plus précisément, à côté de mon Jasmin. Oui, enfin... il n'est pas à moi - pour l'instant du moins - mais c'est mon ami depuis l'enfance, et j'ai l'impression que, ces derniers temps, je ressens quelque chose en plus. Peut-être est-ce réciproque, je n'en sais rien. Le garçon a toujours été très gentil avec moi, et ça n'a pas changé. Contrairement à moi, il est assez calme, comme garçon. Mais les Anciens-Hommes ne disaient-ils pas que les opposés s'attirent ? Je l'observe depuis le premier rang, lui et sa belle chevelure noire en bataille, ses yeux noisette emplis d'une sincère douceur, d'une honnête empathie...
Il faut absolument que je sorte de cette rêverie. Tout d'abord, parce que j'ai l'impression de errer dans un cliché issu des histoires de romance que racontent les villageois. Et, surtout, parce que Lilas continue de me fixer méchamment et que j'enfonce tellement mes ongles dans la paume de ma main, de colère, que celle-ci m'est très douloureuse. Mes doigts se desserrent, et leur trace se retrouve imprimée dans ma chair, au milieu d'une rougeur intense. Je bouillonne de rage à sa remarque et à ce petit surnom ridicule, qu'elle m'a donné devant tout le monde, même si cela fait longtemps déjà qu'elle ne cesse de le répéter. Je m'apprête à me lever pour lui faire avaler sa crinière blonde, mais je croise le regard d'Abysse, qui m'en dissuade. Je le respecte trop pour semer le chaos dans son cours.
« Fougère, peux-tu répondre à ma question, s'il te plaît ? »
Le traître ! Lui qui est toujours si gentil avec moi vient de me prendre de court, car je n'ai absolument pas entendu ce qu'il vient de dire.
« Euh... je balbutie, paniquée. Désolée, Abysse, je n'ai pas entendu. »
Je commence à m'en vouloir, finalement : il va me prendre pour une grosse nulle, ou alors pour quelqu'un qui n'en a rien à faire de son cours. C'est complètement faux, évidemment. Il est vrai qu'aujourd'hui il me passionne beaucoup moins que d'habitude, car je le connais par cœur. Mais justement, le fait de le savoir sur le bout des doigts ne prouve-t-il pas que je m'y intéresse, au fond, contrairement à la plupart de mes camarades ?
« Je disais, commence la voix prétentieuse de Tulipe, sans qu'elle n'ait même levé la main, que les Anciens-Hommes vivaient dans des maisons bâties à partir d'un matériau semblable à de la pierre, mais très polluant à la fabrication. Ils s'habillaient de vêtements tissés en fil d'origine douteuse, industrie qui faisait travailler bon nombre d'enfants. Ils utilisaient aussi l'"informatique" pour se faciliter la vie, mais finissaient collés à leurs machines. Enfin, ils recouvraient la nature de déchets et de choses toxiques, ce qui était très dangereux pour notre planète. Mais tout cela a été détruit par le Courroux, une grosse tempête ! Et alors, Abysse demandait aux autres d'en dire plus, s'ils le pouvaient, bien entendu, sur cet événement. Il faut suivre, Fougère. »
Toi, on ne t'a rien demandé ! J'ai cette fois une grosse envie de frapper ma sœur, subitement. De quoi elle se mêle, sérieusement ? Se croit-elle plus forte, plus intelligente que moi ? Je vais bien lui prouver le contraire. Gardant avec peine mon calme, chose qui relève du miracle chez moi, je prends alors la parole, innocemment.
« D'accord, merci beaucoup, chère Tulipe. Alors, le Courroux est donc une impressionnante catastrophe naturelle, produisant de violentes averses qui ont contribué à une très rapide montée des eaux. Elle a débuté le 20 juin 2030, soit il y a presque vingt ans et, en quinze jours à peine, tout, matériel comme êtres vivants, avait déjà été englouti. Certains hommes et animaux ont quand même pu survivre, en se réfugiant principalement dans les montagnes les plus proches, mais aussi dans des bunkers où cavités souterraines sécurisées pour de rares individus. Puis, le... 25 juillet, je crois, soit après trente-cinq jours de déluge, s'est produite l'Éclaircie de la Miséricorde, lorsque la pluie a enfin cessé et l'eau a commencé à se retirer, donnant une possibilité d'avenir aux quelques survivants. »
Et bam ! dans tes dents, sœurette ! C'est qui la meilleure ? Bien sûr, il est vrai qu'à force d'entendre chaque année le même discours, on finit par l'intégrer et pouvoir le réciter par cœur, comme une poésie. Surtout qu'ici, on nous en parle avant même d'entrer à l'école, par le biais de nos familles ou de la garderie. C'est l'événement le plus marquant de l'histoire, et personne ne souhaite ni ne peut l'oublier. La quasi-totalité de la population y est passée, et le reste a dû beaucoup souffrir avant de trouver de nouveau une raison de vivre et une certaine stabilité. Ils ne veulent surtout pas que ça recommence. Rien qu'à m'imaginer sombrer dans l'eau glacée, le soleil s'éteignant peu à peu sous mes yeux écarquillés par la peur, un frisson me traverse. Quelle horreur, arrête ça tout de suite !
Pour ma plus grande joie, Abysse me félicite de ma réponse.
« Très bien Fougère ! Et qui peut me parler de l'origine de ce phénomène, pour le moins brusque et surprenant pour les gens de l'époque qui ne s'y attendaient pas ? »
Azur, un petit blond aux yeux bleus, l'un des petits frères de Lys mais aussi l'apprenti du doyen de notre village, lève doucement la main. Il se voit, pour sa plus grande joie, accorder la parole par Abysse. Il s'éclaircit alors la voix, dans un geste étonnamment mature pour son âge, avant d'expliquer :
« Il s'agit du Courroux, une entité supérieure et mystérieuse qui a pris le nom de l'événement. Il a été appelé comme ça parce qu'il s'agit d'une colère céleste envers les crimes des humains, qui ont été punis il y a vingt ans. »
Je vois Abysse grimacer. Je sais qu'il est sceptique vis à vis de cette théorie, qui n'est en fait que l'une des hypothèses qu'ont fini par avoir les rescapés, nos parents. Désemparés par cette situation, ils ont à tout prix voulu trouver une explication à tout ça. Une explication à l'horreur qu'ils vivaient, aux gens qui mouraient les uns après les autres, comme des mouches dans un verre d'eau, à leur monde qui, littéralement, s'écroulait sous leurs yeux... Il y avait forcément une raison. Les plus croyants ont alors pensé à une apocalypse, comme dans ces histoires de science-fiction, une punition divine pour leurs péchés les plus atroces. Ils ont songé à un nouveau Déluge, comme de nombreuses civilisations l'avaient raconté, dédié à éradiquer l'espèce humaine, devenue trop cruelle, trop corrompue, trop individualiste. Mais certains d'entre nous ont survécu. Nous nous sommes réunis autour d'une religion : le courroucisme. L'espèce humaine survit, revit. Les Anciens-Hommes ont laissé place aux Nouveaux-Hommes, plus empathique, plus pacifiste, plus solidaire. Une humanité idyllique, choisie par le Courroux lui-même.
Notre professeur se montre pourtant septique sur ce scénario, comme de nombreux scientifiques parmi les survivants. Mais je sais que sa raison à lui de refuser cette idée n'a rien de scientifique. Je sais qu'au fond, l'homme droit qui nous fait face ne peut pas accepter que ses parents et ses frères et sœurs aient été punis pour une faute quelconque qu'ils auraient faite. Il ne me l'a pas dit, mais le récit de son histoire par les autres Anciens-Hommes et mon instinct me le disent. Il se cache seulement sous la couverture de l'hypothèse qu'ont apportée les savants à l'époque, et qu'il nous retransmet aujourd'hui :
« C'est ce que disent les doyens, dit Abysse, en effet. Mais les ingénieurs de l'Ancien Temps avaient enregistré un pic dans l'évolution du réchauffement climatique, phénomène de hausse de la température terrestre, qui crée aussi une montée des eaux et un dérèglement météorologique. Ainsi, lorsque la tempête a démarré, amplifiée par ce phénomène, le niveau de l'eau était déjà très haut, et a donc tout recouvert. »
Il fait alors une pause, se rendant compte de la complexité de son discours pour les plus jeunes, le temps de reprendre son souffle. Puis, il nous sonde un à un de son regard bleu et indéchiffrable, pour vérifier si on écoute ou pour surprendre nos réactions. La mienne est assez perplexe - enfin, j'imagine, aux vues de ce que j'en pense. Car cette hypothèse me semble tout aussi étrange que celle de la divinité. Pourquoi cette intempérie aurait-elle eu lieu au même moment, ou presque, sur la Terre entière ? À ce que je sache, quelques réfugiés ont mené des expéditions pour en savoir plus sur le reste du monde. On les appelle les Éclaireurs. Il paraît, selon certains villageois, qu'Abysse en aurait fait partie et aurait parcouru le monde avec les moyens du bord, en compagnie des autres, pendant dix années. Ils ont ainsi découvert que la planète entière a été touchée. Alors, est-ce que seul le réchauffement climatique est-il capable d'un tel phénomène ? Je n'en suis pas sûre.
Abysse, lui, en semble convaincu.
« Il s'agit, pour moi, de l'explication la plus... pertinente. Bien sûr, ce n'est que mon humble avis de professeur. »
Je vois bien, tout comme lui, que cette affirmation crée des désaccords dans la classe, des tensions. Chacun a son avis sur la question. Le petit Azur, Élan ou même Lilas penchent plus pour la théorie du Courroux. Mais d'autres, comme les frangins, Jasmin et Aulne, et Tulipe sont plus en accord avec notre enseignant, à propos du réchauffement climatique. Mais la plupart restent indécis, comme Lys et moi. Les deux versions me semblent aussi invraisemblables l'une que l'autre. J'imagine que, tant que je n'aurai pas de preuve assez tangible à ma disposition pour valider l'une ou l'autre des options, je ne trancherai pas entre les deux.
Le cours continue ensuite avec la création des villages. Abysse, complété de temps en temps par les élèves, raconte la manière dont les rescapés se sont, par instinct, dirigés vers le centre de la France pour retrouver d'autres potentiels survivants. Tous ne partirent pas au même moment et ne mirent pas le même temps à parvenir au bout de ce pèlerinage, mais les six groupes se retrouvèrent peu à peu, jusqu'à ce qu'ils furent tous ensemble le 4 octobre 2030. Puis, après un mois de vie commune, ils se dispersèrent pour former des villages proche de l'emplacement où chaque groupe s'était réfugié. Les doyens furent désignés, les plus vieux de chaque village, pour prendre en charge ceux-ci. Selon eux, ils ont reçu un rêve du Courroux leur indiquant qu'il fallait tout détruire pour tout reconstruire au contact de la nature. Ainsi, les vestiges de l'Ancien-Temps furent brûlés dans de grands feux de joie ou engloutis par la nature, qui reprit ses droits. Tous obéirent à cette injonction sacrée, par respect ou par peur que tout recommence. Cette peur, les rescapés la nourrissent encore aujourd'hui. C'est de là que naquit le Village de la Forêt.
Abysse poursuit avec le Grand Baptême, qui donna leurs nouveaux noms aux rescapés dès le 20 juillet 2031, mais je n'écoute plus. Un peu parce que je connais déjà toutes ces informations, que j'ai entendues durant toutes ces années, mais surtout parce que quelque chose me dérange, au fond de la classe. Ou plutôt quelqu'un. J'aperçois Lilas qui me nargue, comme toujours, la tête sur l'épaule de Jasmin. Je sais que, à cause de nos différends, la blonde fait exprès de se rapprocher de lui pour me faire le plus de mal possible. C'est son but depuis le début de sa misérable existence, de toute façon. Et le pauvre garçon, il est trop gentil pour la repousser... Abysse remarque mon manque d'attention. Ainsi, à la fin du cours, alors que je m'apprête à filer dehors avec Lys pour partir à la chasse, il me retient, soucieux.
« Ça va, Fougère ? Tu m'avais l'air très dissipée pendant ce cours, ce qui ne te ressemble pas. C'est encore Lilas qui t'embête ? »
Baissant les yeux vers le sol de terre battue, je me sens coupable de m'être montrée aussi distraite. Surtout qu'il pense maintenant que j'ai des problèmes avec cette fille, ce qui n'ai plus du tout le cas maintenant. Plus depuis cet incident d'il y a cinq ans. Gênée, je m'excuse et lui donne des explications :
« Non, ne t'inquiète pas, tout va bien. Je suis juste un peu fatiguée, peut-être, et angoissée par le Grand Pèlerinage, comme toujours. Excuse-moi. »
Il m'observe longuement, puis hoche la tête, apparemment compréhensif.
« Oui, c'est normal. Repose-toi bien, ce soir.
- Promis. »
Et je file sans demander mon reste, le saluant tout de même au passage. Je dois manger en vitesse le repas que j'ai emporté dans ma besace, qui pourrait sembler frugal pour un Ancien-Homme, un simple "goûter", comme ils appelaient ça. Mais cela nous suffit amplement, surtout que nous aurons droit à un festin, ce soir, avant le début du Grand Pèlerinage. Cela me rappelle alors ma tâche pour cet après-midi, une tâche fondamentale pour la survie de mon village. Pressée, je dévore ma part de galette nature et mon fruit, avant de partir à la hâte avec mon amie. J'ai une chasse qui m'attend.
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