Chapitre 38 - Partie 2 : Départ ?
Hey ! ;) D'abord sorry pour cette longue attente, je sais, c'est insupportable d'attendre autant... --' Enfin bref ! Je vous laisse lire cette deuxième partie de ce dernier chapitre, je vous dis juste que les chansons qu'écoute Kami à la fin de ce chapitre sont en média ⬆️ et juste là ⬇️ Voilà, vous n'êtes pas obligés de les écouter au cours de la lecture, je vous les mets juste parce que j'en ai la possibilité ! ;p Bonne lecture ! <3
https://youtu.be/pLzt4ZJ9Fqc
- Allez, t'es prête ? Ta mère nous attend, tu sais ?
Je hausse les sourcils et mon cœur saute de joie. Comment ai-je pu oublier de penser à elle ? Dès que je me suis réveillée, j'ai tout de suite songé à Nina. Puis à manger. Il va falloir que je revoie mes obligations, dis donc.
- Adriel, attends-moi ! m'écriè-je, en le voyant partir dans le tunnel.
Je m'élance à sa suite, mais une main douce se pose sur mon épaule. Je me stoppe instantanément, comme si j'étais étrangement foudroyée par un élan de bonté et d'inquiétude.
Surprise, je me retourne et découvre les yeux mi-jaunes mi-verts de Maya. Elle a troqué les fleurs violettes de sa couronne contre de jolis soucis orange clair, assortis à sa longue robe.
- Oui ? je dis alors que sa main est toujours posée sur mon épaule et qu'elle n'a pas pris la parole.
- J'aimerais que tu viennes dans mon bureau, après ta sortie, s'il te plaît. Nous avons beaucoup de choses à nous dire. Tu ramèneras ton nouvel Exploiteur et ton ancien, Hakan. Je n'ai pas eu beaucoup l'occasion de lui parler, depuis qu'il est revenu. Je sollicite grandement sa présence. Bon après-midi, Kami.
Et elle s'en va, sans dire un mot de plus.
Eh bien, depuis le temps qu'elle ne t'a pas vue, elle aurait au moins pu prendre de tes nouvelles ! s'exclame Victor, outré.
- Te revoilà, toi ! Depuis le temps que tu ne m'as pas parlé, tu aurais au moins pu prendre des miennes ! je m'écrie à mon tour, indignée.
- Pardonne-moi, je n'ai pas vraiment eu le temps, et comme tu as pu le remarquer, la connexion n'était pas réellement bonne, ricane-t-il.
- Très drôle, ça ! ironisé-je en levant les yeux au ciel.
Je rattrape Adriel en quelques secondes et lui emboîte le pas. Je continue ma conversation mentale :
- Que s'est-il passé, Victor ? Pourquoi m'avoir abandonnée lorsque j'avais le plus besoin de toi ? Sérieusement, m'indiquer le chemin pour aller chez les Noths, puis m'y laisser seule n'était pas vraiment sympa de ta part. Si tu ne m'avais pas incitée à y aller, j'aurais sûrement attendu le retour de la patrouille de recherche avant de partir !
Même si ma dernière affirmation est très certainement fausse, je ne peux pas m'empêcher de lui en vouloir. Je secoue la tête, abattue. Même Léo m'a signalé qu'il fallait que je me rende là-bas... Mais pourquoi, enfin, tout le monde me le dit ?!
- Ce gamin est de loin bien plus réfléchi que certaines personnes, reprend Victor, tu as bien fait de l'écouter. Ainsi que moi. Et je ne t'aurais pas laissée seule, si on ne m'y avait pas obligé...
- Comment ça ? dis-je en fronçant les sourcils, submergée par une crainte soudaine.
J'ai toujours pris Victor pour un ami. Toujours. Et ce, depuis que sa voix aux accents moqueurs a raisonné dans ma tête. Néanmoins, cette dernière phrase fait accélérer mon cœur. Au fond, à part m'aider dans les moments difficiles, ai-je la preuve qu'il soit vraiment de mon côté ? Une méfiance extrême me pousse à l'interroger.
- Qui es-tu vraiment, Victor ? Où es-tu réellement ? je redemande, dépitée, alors que je sais pertinemment qu'il ne répondra pas à ces questions.
- Cesse de douter de moi. Tu n'es encore qu'une enfant dans ce monde, sache-le. Tout ce que tu dois savoir, c'est que je suis ton ami, Kami, ton confident. Je suis l'aide que d'autres ne sauront te procurer. Je suis une voix dans ta tête, loin de son propre corps. Je suis avec toi depuis le début.
- Quand est-ce que tu vas arrêter de toujours t'exprimer par énigmes ?! J'en ai marre des devinettes, je veux qu'on me dise la vérité !! soupiré-je en essayant de contenir ma colère et mon impatience. Je pensais que je pouvais te faire confiance, Victor. Je pensais que toi, au moins, tu ne me mentais pas. Mais visiblement, j'ai encore une fois eu tort...
Adriel et moi débouchons finalement sur l'extérieur, toujours sans un bruit. Il semble vouloir respecter mon silence, et je le remercie pour ça. Je peux au moins continuer ma conversation mentale avec Victor.
- Ne dis pas des choses pareilles, ma petite, râle Victor. Je te dis la vérité et je t'aide, alors que je n'en ai absolument pas le droit ! Mais pourtant je le fais. Parce que tu en as besoin. Même si je risque très cher en continuant, je sais que cela t'est favorable. Ne doute plus jamais de moi, me prévient-il d'une voix sourde. Est-ce clair ?
- D'accord..., lui concilié-je. Mais écoute-moi Victor... Tu dois me dire au moins une chose, je dois à tout prix savoir : comment puis-je te trouver, et te voir pour de vrai ? Je pense que nous devons parler en face à face de certaines choses. Non, je ne le pense pas. Il le faut, en fait.
- Suis tes instincts, souffle-t-il, ne perds pas le nord en étant trop à l'ouest. C'est là que tu me trouveras.
- Mon Dieu mais je ne comprends rien ! éclaté-je de fureur.
C'est en voyant le regard surpris que me lance mon Exploiteur que je comprends que j'ai parlé à voix haute. Fichu Victor ! Je traine des pieds en grommelant de mécontentement dans ma barbe.
- Qu'est-ce que tu ne comprends pas ?
Je relève la tête vers Adriel, exaspérée. J'invente un mensonge en deux temps trois mouvements, les yeux perdus dans les arbres qui défilent au fur et à mesure que nous marchons.
- Je me demandais pourquoi on allait rejoindre ma mère dans notre maison alors qu'elle habite elle aussi au Rocher, maintenant.
Ce n'est pas un très gros mensonge, soit dit en passant. Je me posais vraiment la question - dans un coin de mon cerveau.
Adriel soupire en plissant les yeux, puis regarde en l'air. Je suis son regard et ne peux m'empêcher de remarquer à quel point le ciel est bleu pour une fin de février. Et dire que je devrais être en classe aujourd'hui, à essayer de comprendre l'incompréhensible, enfermée entre quatre murs. Mais je n'y réchapperai pas demain, j'en suis persuadée ; malheureusement.
- A vrai dire, mon père sera présent également, lâche innocemment Adriel. Hakan nous attend là-bas. On a tous rendez-vous, tu as un paquet de choses à nous dire, finit-il en m'adressant un sourire complice que je m'empresse de lui rendre, légèrement agacée.
- Mais je dois déjà raconter toute l'histoire à Maya... Elle me l'a demandé tout à l'heure, je réponds, contrariée. On aurait mieux fait de se parler tous ensemble dans son bureau, tu ne crois pas ? j'argue, surprise de leur décision.
Mon ami affiche une mine sombre. J'attends qu'il me réponde, mais il semble hésitant quant à la tournure que prend la conversation.
- Tu te répéteras devant Maya, tant pis, mais on devait avoir cet entretien, c'est important. Mon père doit nous informer de plusieurs choses.
Je me rembrunis à l'allusion de mon patron. Je ne l'aime pas. Ce n'est pas nouveau, depuis qu'il m'a presque agressée dans son bureau, je l'ai évité comme la peste, le fuyant à chaque fois que je le savais dans les parages. Mais là je ne peux, à mon plus grand dam, pas y réchapper.
Quelques minutes de marche plus tard, ajoutées à un petit trajet en voiture, nous voici devant la maison où j'ai toujours grandi. J'ai l'impression de la voir pour la première fois, avec sa façade blanche et sa grande porte d'entrée grise. Les volets de la même couleur laisse entrer la lumière solaire en étant parfaitement ouverts.
Je m'approche et sonne, consciente que je n'ai pas pris mes clés. Je me tords les doigts sous l'angoisse. Voilà plus d'une semaine que je n'ai pas vu ma mère, alors qu'elle a dû me voir dans une inconscience profonde lorsque je me trouvais au Rocher. Le sang d'encre qu'elle a dû se faire en me voyant ainsi...
Adriel à ma droite me rassure par sa posture décontractée et naturelle, tandis que je suis aussi crispée qu'un ballon de baudruche. Prêt à éclater.
La porte s'ouvre avec brusquerie, presque avec violence. Avant que je ne puisse réaliser quoi que ce soit, ma mère se jette sur moi, m'étouffant dans ses bras. Je la serre vivement contre moi, humant son parfum familier.
- Tu vas bien ? Dis-moi que tu vas bien.
Elle me repousse soudain, palpant de ses yeux chaque parcelle de mon corps.
- Je vais bien, maman, pas de panique.
Elle secoue la tête, une lueur inquiète résidant malgré tout dans ses iris gris. Ses cheveux châtains semblent avoir terni. Sa tenue sombre et dépareillée me montre à quel point elle a été prise au dépourvu ainsi que choquée par les derniers événements. Ça ne lui ressemble pas, tout simplement.
- Rentrez, dépêchez-vous, dit-elle en remarquant la présence d'Adriel à mes côtés, à qui elle adresse un vague signe de tête.
On s'engouffre à sa suite, à pas lents.
Je vois tout de suite qui est posé sur notre canapé.
Oh, ton meilleur ami ! ricane Victor avec ironie.
- La ferme, grondé-je intérieurement.
Son simple rire me répond, réchauffant mes membres qui s'étaient tendus à la vue de M. Seilmand. Il se lève lorsque ses yeux verts croisent les miens. Son visage est impassible, même si j'aurais tendance à dire qu'il est passablement coupable. Voire culpabilisant. Ce qui ne fait qu'accentuer ma méfiance à son encontre.
Il s'approche donc de nous, tapotant simplement le dos de son fils adoptif pour le saluer. Puis il se penche pour lui murmurer une phrase à l'oreille, sans me quitter du regard.
Comme j'aimerais avoir mon ouïe surdéveloppée à cet instant ! Mais mes dons semblent faiblir et disparaître au fil du temps, à mon plus grand désespoir. Pourquoi, en plus d'être différente des autres humains, je dois être différente des autres métamorphes ? Pourquoi ne puis-je pas avoir un semblant de vie ordinaire au moins une fois dans ma piètre existence ? Est-ce trop demandé ? Il faut croire.
Il n'empêche que, peu importe la phrase de M. Seilmand, l'impact est conséquent. Adriel hoche la tête et suit ma mère dans la cuisine, sans un regard en arrière. Il me laisse donc seule avec son père.
Merci, l'ami ! ricane Victor, fais gaffe, son père pourrait te kidnapper s'il n'y a plus personne !
- Oh je t'en prie Vic', ferme-la si c'est pour dire des choses aussi débiles.
- Je te change les idées, c'est tout, me répond-t-il. Et je me moque de toi, aussi, je l'admets sans problèmes.
Il lâche un éclat de rire, au même moment où mon patron ouvre la bouche.
- Bonjour, Kami.
Je hoche la tête en affrontant son regard émeraude. S'il croit que je vais entamer une discussion avec lui, comme si nous étions les meilleurs amis du monde, il se fourre le doigt dans l'œil. Et même par-delà le doigt.
Voyant mon mutisme hostile, il baisse la tête et se gratte la nuque, gêné. Au final, il plante ses yeux dans les miens, et déclare d'une voix grave :
- Je souhaiterais m'excuser, pour ma conduite de l'autre jour. Je sais que je t'ai fait peur, et que j'ai dû passer pour un psychopathe à tes yeux, pourtant je te jure que ce n'était pas mon attention. (Il sourit vaguement, puis continue :) J'ai paniqué, et j'ai cru que tu œuvrais pour les Noths... Alors que... ce n'est clairement pas le cas, mais je me méfiais de toi. Enfin, surtout, je me méfiais du nom que tu portes. J'avais peur que tu mettes mes fils en danger. Fréquenter la fille du Monstre... Quelle idée ! lâche-t-il, en riant légèrement, mal à l'aise. Pendant un court instant, j'ai pensé que tu étais comme lui, ton père, qui n'a rien d'un métamorphe équilibré. Mais, pour une fois dans ma vie, j'ai fait une grosse erreur de jugement... Je suis sincèrement désolé, Kami, et je te prie d'accepter mes excuses.
Je plisse les yeux, oscillant entre lui rire au nez ou l'ignorer. Je finis par choisir une autre option.
- Ne refaites plus jamais d'erreur de ce genre, M. Seilmand, soufflé-je d'une voix froide. Juger une personne sur son physique ou sur son nom de famille n'est pas la solution la plus intelligente. Comme vous le savez maintenant, je n'ai rien en commun avec mon paternel, je vous demanderai donc de ne plus jamais, jamais penser de ça moi. Ai-je été clair ?
Je soutiens son regard pénétrant sans ciller. Nous parlons d'adulte à adulte, hors de question ne me faire marcher sur les pieds par mon patron, en plus d'être un mal luné.
- Très bien, soupire-t-il. Je voudrais que tu te fasses une autre idée de moi, à partir de maintenant. Si je suis là aujourd'hui, c'est pour une bonne raison. Nous allons devoir régler certains problèmes ensemble, on devra donc apprendre à se faire confiance. Je ne suis pas ton ennemi, comme j'ai compris que tu n'étais pas la mienne. Ne me juge pas pour mes erreurs, me provoque-t-il.
- Ça ne risque pas, vous savez. Étant de nature plutôt curieuse, je suis intéressée par ce que vous proposez, monsieur, je réponds, polie. J'accepte vos excuses.
Ses paroles m'ont vraiment piquée au vif, j'avoue donc avoir pensé chaque mot de mes précédentes phrases.
Il m'adresse un sourire, convaincu.
- Autant commencer par une bonne entente : tutoie-moi, et appelle-moi Alain.
Il me tend sa main, que je serre sans plus attendre. Même si je pense avoir du mal à lui accorder ma confiance, il faut un début à tout, comme on dit.
La porte d'entrée se rouvre au même instant qu'Adriel ressort de la cuisine.
Hakan apparaît, les cheveux ébouriffés et habillé d'une tenue sombre. Il se tient avec nonchalance, mais je vois qu'elle est feinte. Je perçois son dos droit et ses yeux ont une teinte plus claire que d'habitude.
Ceux-ci tombent d'abord sur Adriel. Il le fusille froidement du regard, avant de sentir le mien peser sur lui.
Lorsque je capte enfin ses yeux bordeaux, ses épaules se détendent. Il s'approche et me prends brièvement dans ses bras. Un frisson inexplicable me parcourt à son contact.
- Tu vas mieux ? me demande-t-il en s'écartant.
- Ça peut aller, je lui murmure, détachée. Et toi ? Comment tu vas ?
Il lève les yeux au ciel et un un sourire en coin se dessine :
- Je suis toujours en forme, moi. Pas d'inquiétude.
Amusée, je hoche la tête. Je remarque alors qu'il fixe un point derrière mon épaule. Je me retourne et surprends mon patron en train de nous fixer d'une manière plutôt insistante. Je m'écarte donc et laisse Hakan aller vers son père adoptif.
M. Seilmand - que je dois me résoudre à appeler Alain -, s'avance afin de le saluer, mais Hakan s'arrête à quelques pas et lui adresse un simple signe de tête. Je vois très clairement de la peine dans les yeux d'Alain, mais elle se mue vite en réprobation. Je fronce les sourcils d'incompréhension, et le regarde s'approcher tout de même vers son fils.
Le père plisse le front, en posant sa main sur la joue de Hakan. Je comprends de moins en moins leur relation...
Mais Alain tourne soudainement la tête de mon ancien Exploiteur et expose le côté gauche de son visage à la lumière.
Un détail que je n'avais pas vu est alors révélé. Une marque de lèvres, rouge sang, trône fièrement près de sa bouche, bien en-dessous de la pommette.
Mon patron relâche le visage de Hakan avec dégoût. Celui-ci se contente de le regarder avec indifférence - du moins il essaie, puisqu'il arbore vite un rictus provocateur.
- Encore elle, lâche Alain, qui n'a plus l'air aussi docile que tout à l'heure. Je t'avais dit d'arrêter de jouer avec cette fi...
- Merde !
Un fracas résonne dans la cuisine. Ma mère continue de jurer alors que j'entends encore des choses tomber. Ni une ni deux, je me précipite dans la cuisine, sans accorder un regard aux hommes dans le salon.
- Maman ? je demande en arrivant devant la source du bruit.
Je la retrouve collée contre un placard en hauteur, à essayer de retenir une pile d'assiettes en équilibre, qui menacent de rejoindre ses congénères sur le carrelage de la cuisine.
Je me glisse dans le dos de ma mère, et pose mes mains au-dessus des siennes, l'aidant ainsi à stabiliser les assiettes. Je les replace correctement alors qu'elle souffle de soulagement.
- Merci ma puce, souffle-t-elle en attrapant le balai, rassemblant déjà les débris tombés. Tu veux bien retourner tenir compagnie aux garçons, en attendant que j'apporte les boissons ?
- Tu es sûre que tu ne veux pas que je t'aide ? j'insiste.
Je n'ai aucune envie de retourner assister à la scène qui vient de se dérouler devant mes yeux ébahis. Le rouge à lèvres sur la joue de Hakan... Sans que je puisse réellement l'expliquer, un pincement au cœur me fait grimacer. Il ne m'avait jamais dit qu'il avait quelqu'un...
- Vas-y, j'arrive dans deux minutes.
J'expire doucement mais obtempère. Je rejoins donc à petits pas les autres. Je les découvre tous les trois en cercle, murmurant leur conversation. Au vu de leurs postures et de leur crispation, ça n'a pas l'air d'être une partie de plaisir.
Je toussote, gênée. Ils se retournent d'un même mouvement vers moi, comme surpris d'avoir été interrompus.
- Thé ou café ? je demande alors, prenant la première chose qui me vient à l'esprit.
Super, j'adore le changement de sujet, très subtil, se moque Victor avec sarcasme.
- La ferme Vic', je réponds mécaniquement.
Les trois hommes froncent les sourcils mais ma mère me sauve la mise en entrant, tenant un grand plateau avec des tasses, une théière et des carafes.
- T'inquiète pas ma chérie, ils ont le choix !
Elle me fait un clin d'œil alors qu'ils s'installent sur les canapés, autour de la table basse. Pour ma part, je m'assois sur le large fauteuil gris, au coin de la table, juste à côté de la télévision. Passant la main sur sa joue, Hakan essuie ce fichu rouge à lèvres, sous l'œil torve de son père.
- Alors, dis-je pour essayer de détendre l'atmosphère toujours tendue entre la famille Seilmand, va-t-on enfin me dire pourquoi on organise cette petite réunion ? J'aimerais comprendre...
- Et tu n'es pas la seule, soupire Hakan, j'avais d'autres choses à faire.
Alain lui lance un regard meurtrier. Adriel se contente de le prévenir également d'un regard. Tout se passe dans les yeux. Pas un mot. Et ils se comprennent. Je ne sais pas vraiment de quoi il est question mais Hakan semble avoir compris le message en fermant son clapet.
Son père inspire calmement et se redresse en se servant du thé.
- Je pense que tu dois nous expliquer certaines choses, Kami. Je sais que tu n'as peut-être pas envie de te rappeler les événements de ces derniers jours, mais tu dois nous dire tout ce que nous ne savons pas. J'ai des connaissances dans le surnaturel, s'explique-t-il, comme tu le sais, j'ai une boutique là-dedans. Adriel m'a rapporté toutes vos recherches faites à la bibliothèque, mais comme nous le savons, ça n'a pas abouti.
Je hoche la tête. Effectivement, j'en ai perdu des après-midi dans la bibliothèque du Rocher...
- Sauf que tu me préoccupes, Kami. Il n'est pas normal, en tant que métamorphe récemment déclenché comme toi, d'être en possession de dons précaires. Tu devrais avoir une vue exacerbée, une ouïe développée, un odorat affiné... Avoir une force et une vitesse décuplée aurait été plus logique, aussi. J'ai étudié les métamorphes loups ainsi que les loups en général pendant de nombreuses années. Je peux donc t'assurer que tu es différente Kami, et j'ai peur que ça soit un danger pour toi. J'ai des hypothèses, plus ou moins importantes, mais j'ai besoin d'entendre ta version des faits pour les confirmer. J'ai besoin d'entendre chaque détail, chaque chose qui s'est passée dernièrement. Es-tu d'accord avec ça ?
Si quelqu'un me disait que toute la compassion du monde se trouve dans ses yeux, à ce moment précis, je le croirais sur parole. Sa voix calme et son visage encourageant me mettent en totale confiance, et j'oublie ce dimanche où il a été violent avec moi. Aujourd'hui, c'est un professionnel qui me vient en aide. Et je suis prête à tout pour pouvoir entendre ces propositions. Nous avons assez pataugé dans l'incertitude, avec Adriel. Il est peut-être l'heure de comprendre ce qui cloche réellement avec moi.
- J'accepte votre proposition, soupiré-je. Par où dois-je commencer ?
- Depuis la disparition de Nina.
Je me sers du thé également alors que ma mère et les deux frères sont au café. Ma mère semble ailleurs, comme spectatrice de la scène. Elle fixe la table basse d'un air absent. Je porte mon attention sur les garçons. Adriel m'encourage d'un signe de tête. Hakan se contente de soutenir mon regard de ces yeux profonds.
Je referme mes doigts sur la tasse chaude, soufflant sur la vapeur qui s'en échappe. Puis je débute mon récit. Je commence par raconter ma peur que Nina se soit fait kidnapper. Ensuite vient la décision que j'ai prise de partir à sa recherche, seule. Je n'oublie rien, du moins j'essaie.
Mais arrivée au moment où Victor m'aide à trouver mon chemin, je suis réticente. Dois-je leur dire que j'entends la voix d'un inconnu dans ma tête ? Ou bien leur cacher comme je le fais depuis le début ?
Ne dis rien. S'il te plaît. Pour aujourd'hui, tais-toi sur mon sujet. Ils ne doivent pas savoir pour l'instant. Je t'en prie.
La voix suppliante du concerné résonne dans mon crâne. J'obéis à sa requête et passe sous silence ce passage. Mais je n'oublie pas ma conversation mentale avec Ambre. Je leur confie tout, toute ma semaine chez les Noths, jusqu'à ce que je sois rentrée au Rocher. En plus de Victor, je ne parle pas du rêve récent que j'ai fait, avec ce fichu chapeau de cowboy ; il m'a assez retourné le cerveau pour que je leur en fasse part. Je m'en tiens juste du moment où Nina disparaît, jusqu'à ce qu'on arrive, elle, Hakan et moi au Rocher.
On ne m'interrompt pas. Ils m'écoutent tous, sans exception.
Lorsque je clos mon histoire, ma tasse ne fume plus et mon thé est tiède. Je le porte à mes lèvres en attendant leur réaction. Elle ne se fait pas attendre.
- J'aimerais que tu me montres la pierre qui t'a permise de sortir de ta chambre, s'il te plaît, me demande Alain.
- Pas de problèmes, soufflé-je en reposant ma tasse après avoir bu son contenu afin de soulager ma gorge sèche, je l'ai souvent sur moi.
Je me lève et la sors de la poche de mon jean. En prenant garde à son bout pointu, je la lui tends.
Ses yeux s'agrandissent alors qu'il la tourne en tous sens, les trois paires d'yeux inquisiteurs ne pouvant s'empêcher de dévisager la pierre.
- Où l'as-tu trouvée ?
La voix ébahie de mon patron m'angoisse légèrement.
- Dans les tunnels du Rocher. Pourquoi ?
Ses sourcils se froncent, indécis. Il la retourne encore dans ses mains, comme si elle allait lui délivrer tous ses secrets.
- Elle n'aurait pas dû y être... Cette roche ne vient pas d'ici. Je mettrais ma main à couper que celle-ci a des origines d'Amérique du Nord, murmure-t-il préoccupé.
- Je peux la voir une minute ?
Hakan se lève du canapé et attrape la pierre d'une main.
- Quand l'as-tu eue en ta possession ? s'enquiert-il.
Je me gratte la nuque, gênée.
- La fois où j'étais perdue dans les tunnels et qu'Adriel était souffrant.
Il me lance un regard lourd de reproches en me retendant la pierre. Je sais. Je ne te l'ai pas dit. Mais visiblement, tu me caches des choses, toi aussi.
Je m'excuse vaguement d'une grimace en retournant la roche noir jais dans mes paumes.
- On peut savoir ce qu'elle a de spécial cette pierre ? s'éveille la voix de ma mère, en toute innocence.
- Ses propriétés sont diverses, répond Alain, perdu dans ses pensées. Pour les Ordinaires, c'est juste une sorte de pierre précieuse, mais dans le monde surnaturel... Les pierres précieuses ont de grands pouvoirs. Les sorcières s'en servent beaucoup, ainsi que d'autres espèces, mais pour l'instant ce n'est pas la question. Celle-là est une obsidienne noire. Et ses atouts changent en fonction de ses origines, mais si elle vient vraiment des États-Unis, du gisement auquel je pense...
- Elle efface ton odeur, coupe Hakan, médusé.
- Pardon ? dis-je, stupéfiée.
- Comme l'a dit Hakan, continue Alain, elle efface ton odeur, mais en l'occurrence, elle fait disparaître toute trace de L'Exquise - le parfum des Midas - sur toi. Tu deviens inexistante pour chaque odorat surdeveloppé.
- Voilà pourquoi je ne te trouvais pas, ce jour-là, dans les tunnels..., murmure Hakan.
- Et lorsque tu t'es mise en quête d'aller chercher Nina toute seule, intervient Adriel. On avait beau faire trois fois le tour de notre territoire, on ne te trouvait pas.
- Mais c'est impossible..., je réfute, choquée. Mon odeur ne peut pas disparaître comme ça...
- Elle ne disparaît pas vraiment, dit Alain, les sourcils froncés au maximum. En réalité, ton odeur corporelle reste, mais elle est tellement disséminée qu'elle est introuvable.
- Exactement, ajoute Adriel. Dans la forêt, lorsqu'on te cherchait après avoir vu que tu avais fait une grosse erreur, on sentait ton odeur, mais elle trainait tellement partout qu'on avait l'impression que tu passais tous les jours par là, et donc nous n'arrivions pas à te pister.
- Un peu comme maintenant, en fait, finit Hakan. Comme tu la portes sur toi, on ne sent pas l'Exquise. C'est assez perturbant.
Alain finit son thé, les sourcils tellement froncés que j'en ai mal pour lui. Puis il me fixe de ses yeux verts en continuant son analyse.
- Cette pierre sera d'un immense atout, garde-la précieusement. Si elle a été mise sur ton chemin, c'est pour une bonne raison, je suppose.
Je secoue la tête, sidérée. Voilà des semaines que j'ai découvert cette roche, je me suis toujours demandé pourquoi je l'avais trouvée ce jour-là, et j'apprends que c'est une pierre magique ? Ça alors...
- Et pourquoi elle a ouvert ma serrure de chambre, donc ? je m'interroge à voix haute.
- Je ne sais pas encore, mais je ferai des recherches plus approfondies sur cette pierre, promet Alain.
Je reste silencieuse un moment. Avant de me souvenir d'une chose plus évidente et plus préoccupante que ça.
- Personne ne s'est arrêté sur mes soi-disant rêves prémonitoires ? J'avais quand même prévu depuis des mois que j'allais me faire attaquer cette nuit-là par un Land... Il n'y a qu'à moi que ça donne froid dans le dos ?
- Moi, ce qui me fait froid dans le dos, Kami, entame Alain, c'est que tu es en possession de deux pouvoirs bien distincts l'un de l'autre. Ta voyance nocturne, ainsi que ton radar psychique. Un métamorphe normalement constitué n'a qu'un seul pouvoir. Il est impossible d'en avoir plus. Et voilà où commence le problème. Tu es sûrement plus puissante que n'importe quel métamorphe en ayant ces deux pouvoirs déjà hors norme, mais tu as des sens aussi utiles que ceux d'un Ordinaire. C'est fascinant.
- C'est complètement flippant, ouais, intervient Hakan, agacé. Pourquoi tu ne m'en as pas parlé de ses rêves prémonitoires ?
Je commence à bredouiller sous son ton plein de reproches. Je ne voyais pas quand lui dire, et j'avais peur qu'il se mette en colère que je lui aie caché...
Évidemment, cette fois-ci, Adriel ne vient pas à mon secours.
- Elle ne te l'avait pas dit ? s'étonne celui-ci.
- T'étais au courant, toi ?!
Hakan soupire en se prenant la tête entre les mains, dépassé.
Le cerveau de mon patron semble s'actionner à toute allure, si j'en crois ses yeux de scientifique posés sur moi ainsi que les tics nerveux qui agitent sa mâchoire carrée.
- A vrai dire, lance-t-il enfin après d'interminables secondes, j'ai plusieurs hypothèses sur ces désagréments, mais je ne vois qu'une seule cause dû à tes pouvoirs manquants.
Un silence chargé d'attente s'abat sur nous. Inconsciemment, nous nous penchons plus en avant pour entendre la sentence.
- Tu as été victime d'une Corde Nouée.
J'arbore immédiatement un rictus d'incompréhension. Qu'est-ce que c'est que ça, encore ?
Il répond à ma question silencieuse en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire.
- La Corde Nouée est un des sortilèges les plus puissants qu'il existe, et qu'il faut manipuler avec une extrême précaution. On ne l'administre qu'aux êtres surnaturels. Plus particulièrement aux meurtriers ou aux traîtres.
Un ange passe. Mon stress et ma curiosité sont à leur point le plus culminant, si bien que s'il ne se dépêche pas de tout déballer maintenant, je vais sûrement lui balancer ma tasse au visage.
- Ce sort consiste à passer un étau de magie autour du corps du concerné, et de lui absorber chaque pouvoir qu'il contient, se renfermant dans cet anneau qui entoure la personne. Comme une corde lorsqu'elle est nouée autour de quelque chose. La personne ne peut donc plus bénéficier de ses pouvoirs. Elle devient un Ordinaire. C'est l'un des sortilèges les plus durs à réaliser. Voilà pourquoi on ne s'en sert que pour des surnaturels ayant commis des actes irréparables. L'appliquer à quelqu'un est pire que la mort. L'être surnaturel est si démuni sans ses pouvoirs et sans son essence, qu'il finit par se tuer de lui-même.
Horrifiée, je porte les mains à ma bouche.
Il me rassure immédiatement.
- Ce qui n'est pas ton cas, puisque tu n'as visiblement jamais pleinement vécu avec tes pouvoirs de métamorphe. On a dû te la poser lorsque tu n'étais encore qu'une enfant... Mais je ne vois pas qui aurait pu faire une chose aussi insidieuse... Ton père aurait-il été capable de t'approcher à cet âge ? hasarde-t-il, pris d'une illumination.
Je me tourne vers ma mère, curieuse. Elle a le teint livide, les yeux exorbités, et le cœur au bord des lèvres.
- Je dois aller prendre l'air, débite-t-elle à toute allure.
Elle se lève d'une secousse et se précipite vers la cuisine, par laquelle elle sort par la porte-fenêtre.
Je me retiens de la rejoindre. D'une parce que je veux vraiment en savoir plus, de deux car je pense qu'elle a besoin d'être seule.
Je me retourne vers Alain, anxieuse. Mon père m'aurait-il rencontrée alors que je n'étais encore qu'une enfant ? Je n'en ai aucun souvenirs...
Je fronce les sourcils en faisant un saut dans le temps. D'aussi loin que je puisse me souvenir, je ne l'ai jamais ne serait-ce qu'aperçu...
Puis soudain tout se brouille. Mes souvenirs se mélangent, s'éparpillent, s'entrechoquent. J'en ai la tête qui tourne.
- Kami ? Kami ? Ça va ? Ça va ?
J'entends une voix dans le lointain, qui répète toujours la même chose. J'aimerais pouvoir répondre. Mais je ferme les yeux en voyant le sol tanguer dangereusement.
Deux mains se referment sur mes épaules, me secouant sans ménagement. J'ouvre les yeux en plissant le front, déphasée. Des yeux rouge rubis me piquent la rétine. On me secoue un peu plus, puis brusquement, on me souffle d'arrêter de penser. D'arrêter d'essayer d'attraper les images qui passent dans mon cerveau. J'essaie de comprendre ces souvenirs, mais ils défilent trop vites, trop pressés. Alors on me dit de regarder dans les yeux juste devant moi. On me dit de m'y plonger, de capter la moindre couleur qui en émane. A ce moment précis, je me calme, et ma tête arrête de tourner.
- Qu'est-ce qu'il vient de se passer, bordel ?!
Hakan me lâche en continuant de proférer des injures plus choquantes les unes que les autres. Je laisse tomber mon dos sur le dossier, exténuée.
C'est une très bonne question. Qu'est-ce qu'il vient de se passer ?
- Voici la preuve qu'elle a bel et bien une Corde Nouée..., chuchote Alain. Tu as essayé de te rappeler, pas vrai ? Tu as essayé, reprend-t-il plus confiant, mais tout s'est mélangé ? (Je hoche la tête, papillonnant des paupières alors que ma vue se stabilise.) Tu n'aurais pas dû l'arrêter Hakan, elle était en bon chemin pour se souvenir.
- Tu es malade ou quoi ?! Elle allait s'évanouir !! hurle brusquement Hakan. Je n'allais pas laisser mon Apprentie dans un tel état !
Théoriquement, elle n'est plus son Apprentie..., murmure Victor.
Je n'ai même pas le courage ni la force de lui répondre. La fatigue s'abat violemment sur mes épaules et sur mon crâne, comme si je portais finalement le poids de toutes ces années d'ignorance sur la vérité.
- Ce n'était rien, continue Alain, l'air de rien, c'est la procédure normale, elle s'évanouit et en dormant, elle se rappelle et...
- Et tu crois que ça, c'est normal ?! vocifère-t-il en empoignant avec une certaine douceur mon menton.
Un liquide chaud s'écoule de mon nez. Je porte mes doigts à mes narines. Ils sont colorés par le sang.
Effarée, je scrute avec inquiétude Alain. Il semble aussi surpris que moi.
- Arrête de jouer au scientifique, un peu, et fais attention à ce que tu provoques, crache Hakan à son père, furibond.
Il attrape une serviette sur la table basse et me la tend. Furieux, il fusille du regard son père, et reporte son attention sur moi. Sa crainte me terrasse. Il a peur. Il a peur pour moi.
J'essuie du mieux que je peux le sang qui coule de mon nez, alarmée. Moi aussi, j'ai peur. Si Hakan ne m'avait pas arrêtée avec son don, que se serait-il passé ?
Adriel se lève pour vérifier mon état mais Hakan le dissuade d'approcher en grognant sourdement. Ses yeux étincellent lorsqu'il se plante devant moi pour l'empêcher d'approcher.
Je ne comprends pas son comportement, mais c'est bien loin de m'inquiéter. Je suis tellement dans les vapes que j'ai l'horrible impression d'avoir trop bu. Je suis littéralement hors service.
Adriel se rassoit, sachant autant que moi que lorsque Hakan décide quelque chose, il ne vaut mieux pas le contrarier. Leur père semble enfin sortir de sa torpeur en s'éclaircissant la gorge.
- Je ne connais qu'un seul sorcier qui a l'énergie nécessaire pour créer une telle procédure de défense... C'est d'ailleurs l'une de ses marques de fabrique, protéger ses sorts en faisant contrattaquer le corps. Ce sorcier, c'est... Joshua Kristal.
Mes oreilles bourdonnent. Je ne saurais dire si c'est l'effet des révélations ou de mes précédents vertiges. Sûrement les deux.
Je me redresse légèrement et attrape mon thé froid, que je m'empresse de finir. Le goût amer me fait grimacer, mais il fallait que je boive quelque chose.
- Ça va mieux Kami ? se préoccupe Alain.
- Oui, merci.
- C'est pas grâce à toi en tout cas ! fulmine Hakan.
Je clos mes paupières le temps de quelques secondes. Bien. Il me faut des réponses, désormais. Maintenant que je sais que j'ai des pouvoirs étouffés par un saleté de sort, il faut que je l'évacue. Mais comment ?
- Et comment fait-on pour se débarrasser de... de... cette Corde Nouée ?
- Il faut retrouver ce sorcier et le payer suffisamment cher pour qu'il l'annule, me répond calmement mon patron.
Il regarde vaguement Hakan, toujours posté devant moi. Celui-ci soutient son regard, mais finit par s'asseoir sur l'accoudoir du fauteuil, à mes côtés. Adriel me dévisage mais je lui souris doucement pour lui faire comprendre que je vais bien. Cette histoire m'a vraiment épuisée et toute retournée, mais je me sens mieux.
- Vous savez les garçons, j'ai réussi à trouver la cause du coma de votre mère. Elle a été mise dans un coma magique, par un sorcier. J'ai analysé au microscope surnaturel le sang de Tala. Il est empreint d'une magie qui circule partout dans ses veines. Suffisamment pour la laisser dans un coma végétatif pendant un certain temps. Je ne sais pas pourquoi on lui a fait ça, mais il doit forcément y avoir une raison. Et qui est donc ce sorcier ? Je vous le donne dans le mille...
- Joshua Kristal..., nous murmurons tous les trois, désarçonnés face à ce retournement de situation.
- Mais qui est ce mec ? s'exclame Hakan, à ma gauche.
- Un des plus grands sorciers peuplant cette planète..., nous éclaircit Alain. A ma connaissance, il va fêter ces trois cents ans cette année...
- Quoi ?! je m'écris. Il est immortel ?!
- Il s'est arrangé pour l'être.
Je secoue la tête. De mieux en mieux cette histoire. Mais comment va-t-on le trouver ? Un homme de trois cents ans en France ? Ce serait beaucoup trop beau...
- Et où est-il, ce sorcier ? soupire Adriel, posant ma question muette.
- C'est là que commence les problèmes..., grimace son père. Personne ne l'a vu depuis une centaine d'années, il se fait très discret... Mais j'ai une piste. Et elle risque de ne pas vous plaire.
- Dis toujours, lâche Hakan, las.
- Je sais qu'il entretenait un lien très particulier avec sa mère. Elle est vivante, elle aussi. Même si elle a plus de mille ans au compteur, elle est encore en vie.
- Qui est-ce ? je demande, ayant un mauvais pressentiment.
- Son vrai nom est "Magdalena Kristal", mais elle est mondialement connue sous le nom de "la Sorcière Originelle".
Nous laissons tous les trois s'échapper une exclamation surprise.
- C'est elle qui a crée le Rocher... murmure Adriel.
- Exactement, approuve Alain. Je sais où elle se trouve. Si on veut trouver son fils Joshua, il va falloir lui demander.
- Et où se trouve-t-elle ? je l'interroge, la voix tremblante.
J'avoue ne pas me sentir très bien, là tout de suite. M'avoir avoué qu'une personne avec plus de mille balais était encore vivante, et qu'en plus elle est la Sorcière Originelle, c'est un vrai choc.
- Elle habite actuellement en Espagne.
- Mais c'est tout près d'ici ! Pas besoin de faire un long trajet ! soupiré-je alors de soulagement.
- Ne t'emballe pas trop Kami, me prévient Alain. Elle n'est pas loin, effectivement, mais encore faut-il la trouver. Elle se cache parmi les Elkatars.
- C'est une blague ? ricane Hakan. Mais enfin tu sais très bien que notre peuple d'origine est introuvable !
- On va se débrouiller pour le trouver. Ne t'inquiète pas. La Sorcière Originelle est plus facile à pister que son fils. Donc nous la trouverons.
Je ne peux m'empêcher d'avoir un rire incrédule. Je leur fais vite part de ma pensée :
- Vous êtes en train de me dire qu'il va falloir qu'on aille chercher une femme âgée de plus d'un millénaire en Espagne, perdue parmi des métamorphes ? Et si ma mémoire ne me fait pas défaut, les Elkatars vivent près des montagnes ? Et quelle idée de vivre entre des montagnes !! j'explose de nervosité.
- En réalité, explique Alain sans se départir de son calme, ils n'habitent pas entre des montagnes, mais bien dans une montagne. Il ne nous reste plus qu'à trouver la bonne. Le même procédé a été utilisé pour construire le Rocher.
- Encore mieux ! m'écriè-je, sarcastique.
Je me prends la tête entre les mains, le cœur battant la chamade. En toute honnêteté, c'est trop. Trop pour moi. En moins d'une journée, je viens d'apprendre qu'un sorcier immortel m'a jeté un sort surpuissant, bloquant partiellement mes pouvoirs de métamorphe, et qu'en plus il faut aller le retrouver en allant voir sa mère vieille de mille ans ! Si ça, ce n'est pas tiré par les cheveux...
- Et comment on va faire ? je me demande plus pour moi-même que pour les autres.
- Vous partirez tous les trois vous occuper de ça, murmure Alain avec gravité. Vous devez retrouver ce sorcier. Hakan et Adriel le doive pour leur mère. Tu le dois pour tes pouvoirs. Je crains que tout ceci soit réellement orchestré par ton père depuis le début, que ce soit lui qui t'ait enlevé tes dons afin que tu sois plus facile à attraper. Ce n'est que mon hypothèse.
- Et elle me paraît plausible, je souffle avec accablement. Pourquoi ne prendrions-nous pas d'autres métamorphes pour nous accompagner ? je tique tout à coup. Plus on sera, plus on aura de chances de réussir.
- Ce serait dangereux d'y aller tous les trois, effectivement, souligne Adriel.
- Les Elkatars ne laissent que les métamorphes loups pénétrer leur territoire. Ce serait une violation de leur plus grande loi, si vous osez faire rentrer d'autres espèces.
Silence. Tout le monde semble plongé dans ses propres pensées. Mes deux amis sont autant touchés que moi par ces révélations. Même Hakan prend la peine de fermer sa bouche et d'attendre une solution. Eh bien je vais l'apporter, moi, cette solution.
- Après tout, sommes-nous vraiment obligés de partir ? je défie Alain.
- Elle n'a pas tort, dit Adriel à mi-voix.
Hakan opine du bonnet, les bras croisés.
Leur père me scrute, impassible, avant de déblatérer, las :
- A vous de voir. Si tu veux vivre avec la moitié de tes dons et n'être qu'un métamorphe inachevé, ne pars pas. Si tu veux risquer de te faire kidnapper par ton père et de n'être pas assez forte pour lui résister, ne pars pas. (Il se tourne vers ses fils, voyant qu'ils me soutiennent dans mon idée.) Et vous, si vous voulez vivre dans l'idée que vous auriez pu connaître votre vraie mère, ne partez pas. Si vous pouvez vivre chaque jour de votre vie en vous disant que vous auriez pu réveiller une femme d'un long coma, mais que vous préférez condamner sa vie allez-y, ne partez pas. Faites ce que bon vous semble, après tout, crache-t-il, comme touché en plein cœur.
Sous nos regards ébahis, il se lève et commence à s'éloigner à grands pas furieux vers la sortie. Mais nous pouvons compter sur la rapidité d'Adriel pour le retenir.
- Qu'est-ce qui t'arrive ? lui siffle-t-il, la mâchoire serrée.
Les épaules de mon patron s'affaissent brutalement, comme s'il en avait marre que nous tournions autour du pot.
- Ce que vous ne comprenez pas, les jeunes, c'est que vous avez l'occasion de vous barrer d'ici. Vous avez l'occasion de partir à l'aventure, de partir en mission. Le QG des fanatiques de ton père se trouve en Espagne, Kami !! soupire-t-il, excédé. Vous pourriez en apprendre tellement plus... La vérité, avoue-t-il dans un souffle, c'est que j'en assez de cette tension constante, depuis des années, entre les Midas et les Noths. Elle se ressent sur la ville... Vous vous livrez des batailles, futiles, de temps à autre, et la vie reprend son cours. Mais les Ordinaires sont au milieu de tout ça, et j'ai peur qu'au fil du temps ils en pâtissent, finit-il. Vous pouvez créer un changement, et pas des moindres.
Adriel relâche sa poigne et se rassoit. Vite accompagné de son père, finalement.
- Tu ne nous en avais jamais parlé, constate Hakan, dubitatif. Je n'avais jamais vu les choses sous cet angle.
Et j'admets que moi non plus. Ce qui me retourne un peu plus le cerveau. Un mal de tête oppressant s'installe alors, victime de concentration trop poussée.
C'est vrai qu'il ne faut pas en demander beaucoup, à ton cerveau, susurre Victor.
- Ce n'est pas le moment Vic'.
En surprenant le regard inquiet d'Alain sur moi, je comprends que cette histoire ne s'arrête pas seulement qu'à mes pouvoirs et à la mère des deux frères. Ça va plus loin que ça. J'ai l'intime conviction que ce qu'il y a un Espagne vaut largement le jeu de la chandelle. Et cela me ramène au rêve étrange que j'ai fait cette nuit. Les Elkatars m'appellent à eux. Enfin, ai-je bien compris leur message ?
Tout s'emmêle dans mon crâne. Je clos mes paupières et souffle doucement, partant de l'idée que nous allons en Espagne :
- Quand partirions-nous exactement ?
Alain me dévisage en silence, alors qu'Adriel et Hakan le fixe d'un air incertain.
- Dans quelques jours, ce serait l'idéal.
C'est la goutte qui fait déborder le vase. La cerise sur le gâteau. Le pompon sur la Garonne.
Sans m'attarder, je me lève de mon siège, chancelante. Puis me dirige droit vers mes escaliers.
- Kami ! s'écrie Adriel.
- Laissez-moi, murmuré-je.
J'engloutis les marches quatre par quatre, la vue brouillée. Je cours presque jusqu'au bout du couloir et pousse la porte de gauche.
Je déboule dans ma chambre, et claque la porte. Je m'effondre sur mon lit, les larmes coulant sans que je puisse les arrêter. Les sanglots me secouent la poitrine. J'assiste, impuissante, à la réalité qui me rattrape au galop. La nervosité, l'appréhension, l'anxiété, la terreur.
Je le sais au plus profond de moi-même. C'est mon père qui m'a posé cette Corde Nouée. Qui d'autre l'aurait fait, de toute manière ?
Je me laisse glisser au sol, la tête posée sur mes genoux, entourée de mes bras.
Il y a quelques mois à peine je n'étais qu'une adolescente qui se cherchait. Qui avait une relation difficile avec sa mère, qui n'avait jamais connu son père. Cette vie me paraît si lointaine, désormais. Et me voici, moi, Kami Deland, au cœur de problèmes de tribus métamorphes, dans une guerre idéologique causée par mon père. Munie de dons dont je ne peux même pas me servir. Tout ça à cause de qui ? D'un satané père absent qui a trouvé le moyen de m'atteindre en me les enlevant.
Un hoquet me secoue.
Je sais que la solution est de partir en Espagne. Mais je ne peux tout simplement pas ! Je ne suis pas prête. Je ne sais pas me métamorphoser sous ma forme lupine, ni me battre convenablement ; même si je me débrouille, je n'ai pas le niveau. J'ai un BAC à passer à la fin de l'année - qui approche d'ailleurs à grand pas -, je n'ai pas le droit de m'en aller à la chasse au sorcières ! J'ai tout de même d'autres préoccupations. Je suis peut-être un métamorphe, mais je suis humaine avant tout. J'ai même l'idée de leur proposer qu'ils partent sans moi, le chercher, ce sorcier de mes deux. Mais je sais à quel point c'est égoïste, donc j'oublie ce débouché.
Néanmoins, j'ai beau réfléchir, j'en viens à la même conclusion. En restant ici, il n'y aura pas de changements. Ça ne pourra même qu'empirer, si j'en crois l'importance que me donne les Noths.
Et tout ça, ça me fait peur. Rester ici me fait peur, dans cette ville où le danger a l'air de m'attendre à chaque coin de rue. Rester ici en ayant une autre vision sur la ville de mon enfance. Rester en sachant que ma vie est à présent différente, alors que le décor a toujours été le même.
Mais je ne peux m'empêcher de m'accrocher désespérément à mon cocon. Ne pas me mettre en zone de danger. Quelque chose me retient ici. C'est plus profond que mon BAC ou mes capacités de métamorphose. Peut-être suis-je juste totalement flippée ? Ou bien j'aurais trop peur de laisser ma mère. Ou encore de laisser tout simplement cette vie qui me tient tant à cœur. Parce que je sais que je ne pars pas définitivement. Mais ce sera tout de même un certain tournant à prendre ; sans retour possible.
Le cerveau en compote par les coups de massue qu'il se prend depuis plusieurs minutes, les cheveux emmêlés et le visage humide, j'ai la force de me redresser. Puis de me dresser tout court sur mes deux jambes. Sans vraiment savoir ce qui me fait agir ainsi, je marche vers l'étagère qui me fait office de grosse boite à rangements. J'ouvre un grand tiroir, et en sors mon vieux poste de radio. Ma mère me l'avait offert pour mes dix ans. Je l'avais suppliée de me l'acheter, pour que je puisse écouter le CD de ma chanteuse préférée de l'époque.
Oubliant momentanément le conflit intérieur qui me fait trembler, je m'assois à même le sol, la radio entre les mains.
Je me noie dans une vague de nostalgie lorsque je regarde quel CD se trouve à l'intérieur. Le disque de Frères des Ours, mon Disney préféré depuis toute petite.
Fébrile, j'appuie sur le bouton play, et laisse la musique envahir faiblement mes oreilles.
"Dites à mes amis que je m'en vais, je pars vers de nouveaux pays, où le ciel est tout bleu, dites que je m'en vais, et c'est tout ce qui compte dans ma vie."
La voix de l'ourson qui chante à ce passage-là du film me donne des frissons, alors que je réalise à quel point ses paroles s'adaptent à ma situation. Le cœur s'accélérant sous cette constatation, j'écoute la suite.
"Alors dites-leur que je m'en vais, je pars vers de nouveaux amis, et dormir sous les étoiles c'est mon idéal, sous la Lune qui protège mes nuits.
Ni la neige ni la pluie changeront ma vie, le Soleil se lèvera c'est écrit, le vent qui frotte mon visage réchauffe mon cœur, je pars vers un avenir meilleur."
La voix de Phill Collins me touche au plus profond de moi-même, comprenant les paroles comme jamais auparavant.
Une larme solitaire glisse sur ma joue déjà mouillée alors que la chanson touche à sa fin. Trop perturbée pour réfléchir posément, j'appuie simplement sur le bouton me permettant d'écouter la radio. Les ondes grésillent puis finissent par se stabiliser au moment où je sors l'antenne à droite du poste.
J'appuie machinalement sur le bouton pour passer les stations que je ne capte pas et celles au contenu inintéressant. Jusqu'à ce que, lasse, je m'arrête sur une chanson déjà entamée.
Une voix féminine emplit ma chambre.
"Seule dans ma chambre j'ai perdu le sommeil, et les lendemains ressemblent à la veille."
Déstabilisée par cette phrase, je baisse soudainement le son. Ce n'est pas possible, est-ce vraiment le fruit du hasard de tomber sur une chanson où, encore une fois, les paroles font écho à ma situation ?
Plus que chamboulée et désormais curieuse, j'augmente à nouveau le volume.
"J'imagine de nouveaux horizons, juste pour oublier qu'à la maison, le passé m'étouffe et me pousse à partir, mais je reste guidée par mes souvenirs.
Et je m'en vais pour retrouver qui je suis, je laisse la nuit m'emmener loin d'ici, je n'oublie pas d'où je viens où j'ai grandi, je suis une enfant d'ailleurs."
Les mains tremblantes et les yeux fixés sur ma radio, j'attends la fin de la chanson.
- Et c'était la chanson de Caroline Costa, "Ailleurs" ! Maintenant, passons à...
En entendant la voix du présentateur radio, j'éteins la radio d'un geste brusque.
Je rejette la tête en arrière, et souffle tout mon air, expirant les mauvaises pensées. Ces chansons m'ont ouvert les yeux : je dois m'en aller. Comme je le pensais avant d'allumer cette radio, ce n'est pas en restant ici que ça s'arrangera. Dans les deux cas, ça aboutira à la même chose. Je dois faire face à mon père. Mais il hors de question que j'attende ici à me tourner les pouces. Son QG est en Espagne ? Très bien. J'irai à sa rencontre. Je retrouve l'entièreté de mes dons en trouvant ce fichu sorcier, et je l'affronte.
Motivée, je me lève et sors en trombe de ma chambre, délaissant la radio qui m'a apporté une immense aide.
En descendant les escaliers, je remarque que ma mère est revenue, et qu'elle semble avoir repris des couleurs. L'air sérieux, elle écoute attentivement mon patron.
Sentant sûrement ma présence, elle lève les yeux et croise mon regard. Les autres suivent le mouvement alors que je franchis les quelques marches qui me séparent d'eux.
Debout, les bras ballants, je scrute leurs visages. Ils contiennent tous à peu près la même expression. Une certaine agitation commence à se répandre parmi eux en voyant mon visage bouffi par les larmes.
- Ma chérie ? s'affole ma mère. Tu as pleuré ?
J'essuie brièvement mon visage et passe une main dans mes cheveux blonds.
- Ce n'est rien, je lui assure d'un calme olympien.
Je me sentirais presque sereine, même.
Alain, visiblement gêné d'être indirectement la cause de mes pleurs, s'éclaircit la voix et me parle d'une voix douce :
- J'étais en train d'expliquer à ta mère ce qui vous pousse à partir. Mais, se reprend-t-il, tout dépend de toi. C'est toi qui décides si tu te sens prête à t'en aller. Nous ne prendrons pas de décisions à ta place, je te prie d'excuser mon comportement de tout à l'heure, j'ai laissé ma rancœur prendre le dessus, je ne voulais en aucun cas t'influencer.
- Excuses acceptées, je murmure vaguement en portant mon regard vers mes deux amis.
Je ne peux pas me permettre de prendre une décision sans eux. Si nous partons vraiment, ils viennent avec moi, et je ne veux pas choisir à leur place.
- Et vous ? je clame d'une voix forte en les regardant. Que décidez-vous ? Vous voulez partir ?
Adriel, le regard flamboyant d'une lueur orange, me sourit tendrement. Il se tourne vers Hakan, toujours assis sur l'accoudoir de mon fauteuil. Ce dernier échange une œillade avec mon Exploiteur. Un message passe. Adriel pince les lèvres dans une moue consternée, avant de relever des yeux brillants sur moi.
- On te suivra partout où tu iras, Kami, rit-il doucement. En Espagne ou peu importe ailleurs, si tu as besoin de nous, on sera là pour toi.
Je lui souris et plante mes yeux dans ceux de Hakan, en face moi. Les bras croisés, la tête haute et impassible, il ne bouge pas. Puis ses iris étincellent d'un voile rouge, tandis qu'il m'adresse un clin d'œil.
- As-tu pris une décision ? insiste Alain.
Je sens le regard de ma mère peser sur moi. Je cherche un avis auprès d'elle, tentant de savoir à quoi elle pense, mais elle ne dit rien. Elle se contente de me porter ce même regard, empreint de fierté, et d'un soupçon de : "Vas-y, tu es grande maintenant, prends tes initiatives."
Je souris plus largement. Ma mère me fait confiance. Je sais quoi faire.
- Oui, dis-je d'une voix assurée.
Je m'approche un peu plus et inspire, sachant très bien que ces quelques mots vont sceller mon destin :
- Je décide de partir. Comme tu l'as dit, Alain, il ne sert à rien de rester ici alors que l'on peut se rendre utiles ailleurs. Des réponses que je n'ai pas dans cette ville se trouve en Espagne, chez les Elkatars. Par contre, si je peux poser ma condition..., je m'interromps, intimidée. J'aimerais partir après que j'aie obtenu mon BAC. Je n'ai pas envie de gâcher ma dernière année scolaire... Je vous demande juste d'attendre quatre mois. Je sais que ça peut paraître beaucoup, et que...
- Non, tu as raison, m'affirme Alain. Nous aurons tout le temps pour organiser votre voyage et prévoir les lieux où vous irez chercher nos deux sorciers.
- Ça risque quand même de retarder pas mal les choses, intervient Hakan. Mais je suppose que c'est à prendre ou à laisser, n'est-ce pas ? me lance-t-il.
Je hoche la tête, un fin sourire aux lèvres. Ma décision est prise. Et, j'espère que c'était la plus avisée à prendre.
- Nous devrions peut-être retourner au Rocher, non ? déclare finalement Adriel. Maya nous attend, nous rappelle-t-il en nous regardant l'un après l'autre. Hakan doit venir, il me semble que ça te concerne.
Hakan se lève, ayant retrouvé sa nonchalance habituelle.
- De toute façon, le jour où je serai tranquille, avec elle...., se plaint-il en levant les yeux au ciel.
Je souris en saluant ma mère et Alain. Ils me préviennent qu'ils vont rester un peu ici, le temps qu'Alain lui explique plus en profondeur nos découvertes.
Lorsque je sors, j'ai le cœur plus léger.
Nous partons, pour le pays imaginaire ! clame Victor, un rire dans la voix.
- Cesse de faire ton Peter Pan, Victor, le réprimandé-je doucement.
Son rire résonne plus franchement dans ma tête, avant qu'il ne reprenne contenance.
- Non, plus sérieusement, ne t'inquiète pas, tu les trouveras, ces Elkatars. Ils sont loin d'être imaginaires. Ils t'attendent déjà.
- Je sais, Vic'. Et j'ai hâte de les rencontrer.
Nous nous dirigeons vers la voiture, garée un peu plus loin, Hakan sur ma gauche, Adriel sur ma droite.
Passant chacun de mes bras autour de leur nuque, je ne peux m'empêcher de sourire.
- Merci, les gars. Merci de m'accompagner. Je ne sais pas si vous l'auriez fait pour votre mère, mais vous avez pensé à moi, et je ne vous remercierai jamais assez pour ça. Alors merci.
Adriel pose une main sur ma taille, et me rassure :
- C'est normal, Kami, ne nous remercie pas. On est une équipe à présent.
Hakan passe son bras par-dessus celui d'Adriel et pose sa main de l'autre côté de ma taille.
- Nan, continue de me remercier, me souffle Hakan, rieur. J'aime quand tu admets que tu ne pourrais rien faire sans nous.
Je lui envoie une pichenette sur la tête avec ma main alors que nous rions tous les trois aux éclats.
C'est à ce moment-là, que je me dis que j'ai fait le bon choix. A ce moment précis, je me dis que oui, les changements ne sont pas tous néfastes dans la vie. Ce jour de janvier, où j'ai fait la connaissance de Hakan ; sans cette journée particulière, je n'en serais pas là aujourd'hui.
Alors oui, je sais que des changements, je vais en connaître dès que l'on partira. Qui sait tous les secrets que renferment les Elkatars ? Qui sait ce que nous cache la Sorcière Originelle pour se terrer dans une montagne ? Qui sait pour quelle raison la mère des deux frères est plongée dans le coma par un sorcier, précisément le même que celui qui m'a posé cette Corde Nouée ? Qui sait tout ce qu'il me reste à découvrir, dans ce nouveau monde qui est désormais le mien ?
Ces questions ainsi que tant d'autres dont j'espère avoir la réponse prochainement.
En attendant, profitons de ce court instant de répit. Ce court moment de bonheur que j'attrape au vol, qui ne dure malheureusement pas indéfiniment. Cette petite durée, qui nous prouve qu'il y aura toujours du bon, là où se trouve le mauvais.
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Et voici où s'achève ce dernier chapitre. Oh mon Dieu ça me fait tellement bizarre de dire ça !! *^* Je viens de clore ma première histoire. Beaucoup trop d'émotions là !! >.<
Alors alors, ce dernier chapitre ? Plein de découvertes, n'est-ce pas ? *0* ^^
M.Seilmand, alias Alain, s'est expliqué avec Kami ! :) Vous comprenez mieux les raisons qui l'ont poussé à agir ainsi avec Kami, alors ? Ou bien vous ne l'aimez toujours pas ? XD
Puis Hakan avec cette marque de rouge à lèvres... Oulala je sens qu'il y en a qui ne vont pas être contentes !! XD
Et cette pierre ? L'obsidienne qu'a trouvée Kami n'est pas banale... Mais bien magique ! Comment cette pierre s'est retrouvée en la possession de Kami ? Pourquoi était-elle dans les tunnels du Rocher ? Je vous ai perdus déjà, non ? ~,~ x)
Et puis finalement, l'un des éléments phare de ce dernier chapitre... Kami a subi un sortilège. Étant enfant, quelqu'un lui a posé une Corde Nouée. Mais est-ce vraiment son père comme ils le pensent ? Ses souvenirs sont brouillés et presque effacés, le seul moyen est d'aller voir môsieur le sorcier qui lui a posé cette chose ! XD Que pensez-vous de ça ?
Sans parler qu'il faut trouver la mère de celui-ci pour pouvoir le voir ! Et elle est chez les Elkatars, le peuple originel des métamorphes loups. Donc Kami et les deux frères doivent s'y rendre ! :D
Mais comment ils vont faire ? Alala j'ai si hâte d'écrire la suite ! *.*
Comprenez-vous la réaction de Kami ? Vous pensez qu'elle est pleurnicharde ou c'est normal qu'elle soit si chamboulée ? J'attends vos avis, c'est important pour moi de savoir ! ^^
Vous apprenez tellement de choses lors de ce chapitre, ça doit vous paraître totalement absurde ! XD Mais vous n'êtes pas au bout de vos surprises... :] ;p
Je souhaite vous remercier d'avoir lu l'intégralité de cette histoire, ça me fait tellement plaisir d'avoir de fidèles lecteurs ! 0.0 <3
J'ai fait une partie remerciements que je publierai peu de temps après, j'espère que vous la lirez, parce que c'est vraiment pour vous que je l'ai faite. <3
En parlant de remerciements, j'ai aussi eu mon interview dans L'Auditoire Wattpad'ien par si ça vous intéresse aha ! XD J'ai parlé de "Les Elkatars" et de moi, si vous voulez en savoir plus ! ;) Je vous ai aussi laissé un petit mot à la fin ^^
Je vous fais d'énormes bisous. (Ça rend nostalgique de me dire que c'est la dernière fois que je dis ça dans un chapitre. T.T) En vous remerciant encore plein de fois, passez une bonne journée, et bonnes vacances pour les chanceux ! Gros bisous. <3
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