Chapitre 10 : Métamorphose
Je sens une chose d'extrêmement dur sous moi. J'ouvre doucement les yeux. Un mal de tête sévère secoue mon cerveau.
Je fronce les sourcils et me redresse en me frottant les tempes. J'étais allongée sur le sol de ma chambre. Mais qu'est ce qui s'est passé ? Je ne me souviens plus de rien, hormis la louve grise aux yeux ambrés. Je ne me rappelle même pas être rentrée chez moi.
Je me lève en me retenant à une chaise qui traîne par là. J'ai si mal au dos qu'on dirait qu'il va sortir de mon corps. Normal, si je dors par terre en même temps...
Je me dirige vers ma salle de bain en titubant, mes pensées tourbillonnant dans mon cerveau abimé.
Je me déshabille et regarde mon corps nu dans le miroir. J'examine mon dos. Il me fait vraiment mal, j'ai peut-être des bleus. Mais non, je n'ai rien. Je ne m'attendais pas à voir quelque chose, la douleur vient de l'intérieur, comme des courbatures mais en dix fois pire.
Mes yeux descendent par à coups vers mes fesses, elles me font mal aussi.
Ce que je vais voir changera à tout jamais ma vie.
Une longue queue blanche, s'etend mollement jusqu'à mes genoux, énormément poilue et épaisse.
Je pousse un cri d'effroi.
Qu'est ce que c'est que ça ?
Je mets mes deux mains sur ma bouche. Je n'ai plus d'air, je suffoque.
Je la prends doucement entre mes mains. Je tire d'un coup sec.
Je hurle de douleur. Autant essayer de s'arracher un bras.
Mon dieu, mais qu'est ce que je vais faire de ça ! Je ne peux pas vivre avec, et puis, qu'est ce que c'est ? Comment ai-je fait pour me retrouver sans aucune raison avec cet appendice planté dans le bas du dos !
Pendant que je réfléchissais, il s'était mis à bouger, juste le bout. Je commence à tourner en rond partout dans ma salle de bain en criant. Comment ? Pourquoi ? Quand ?
Tant de questions se bousculent dans ma tête.
Après trente secondes passées à marcher nue dans ma salle de bain, je me ressaisis et passe sous la douche. J'imagine peut-être qu'une douche peut tout arranger, me faire sortir de mon cauchemar. En m'habillant, je constate que ça n'a pas fonctionné.
J'ai pris un jean assez large pour y entrer ma queue.
J'enfile des baskets noires pour partir courir. Je ne vais pas au lycée avec cette chose dans le dos, je ne suis pas folle, du moins, pas trop. J'ai besoin de réfléchir, ma vie est un bordel monstrueux, je dois trouver des réponses.
Je prends un bonnet noir et descends les escaliers.
Pour combler le tout, ma mère est là.
Toujours là quand on a pas besoin d'elle.
- Salut ma Kami !
C'est elle qui engage la conversation, comme toujours.
- Salut, je dois y aller, j'ai pas le temps de te parler.
Son expression change et laisse passer un fil de colère mais elle reprend son masque de joie, comme à son habitude.
- D'accord, mais sois à la maison ce soir.
- Pourquoi ?
Pour une fois qu'elle veut me parler, c'est incroyable.
- C'est une surprise, me répond-t-elle avec un sourire mystérieux.
Ses cheveux bruns sont attachés en chignon lâche et ses yeux bleus pétillent.
On ne se ressemble pas beaucoup. Hormis la forme ovale du visage et la couleur de la peau. Nos yeux sont tous les deux bleus, mais pas de la même couleur. Les miens sont bleus vifs alors que les siens sont bleus-gris.
Je prends une pomme et mon sac que j'avais dû laisser ici la veille, et sort.
Je laisse ma voiture, et me dirige vers les bois. Je cours pour dépenser mon énergie et réfléchir à ce que je vais faire de cette queue.
J'accélère et m'aperçois que je vais beaucoup plus vite qu'à mon habitude, n'ayant jamais été trop douée en sport.
J'atteins la forêt rapidement. J'esquive, courant toujours aussi vite, et me faufile à l'intérieur de ce troupeau de sapins.
Une fois que j'ai jugé être suffisamment enfoncée, je m'adosse à un arbre en prenant soin de ne pas m'appuyer sur ma queue et respire. Je suis à peine essoufflée alors que j'ai couru environ quatre kilomètres. Je me remets à me dépenser lorsque je vois une clairière pleine de pierre, un petit ruisseau pas loin. Je m'y arrête et choisis des pierres plates. Je m'approche du point d'eau, pose mon sac près d'un arbre, et lance une pierre dans l'eau. Un, deux, trois, quatre ricochets. Je peux faire mieux.
Comment je vais faire avec cette stupide queue ? Le pire, c'est que je ne sais pas ce que j'ai fait pour mériter ça ! Oui, bon d'accord, quand j'étais petite j'ai cassé le poignet de ma cousine éloignée. Une grand tante japonaise du côté de ma mère avait ramené sa fille de cinq ans. Je l'ai traité de "citron". Évidemment, elle l'a mal pris et on s'est battues. Et puis, je ne sais pas comment j'ai fait, je me souviens juste lui avoir pris le bras et le tordre violemment. On avait le même âge pourtant ! Je devais être plus forte qu'elle. On l'a amené à l'hôpital et je ne les ai plus jamais revues.
Enfin bref, si jamais c'est à cause de ça, j'étais petite, et c'était il y a huit ans ! C'est un peu tard pour me punir, non ?
Je réfléchis longuement, sans prendre gare au temps. J'en viens à une conclusion. Je décide de vivre avec ma queue, je la cacherai comme je pourrai, de toute façon, je n'ai pas vraiment le choix.
Je relance encore quelques pierres, sans réussir à battre mon record.
Je fulmine et recommence.
- Tu es plutôt douée !
Je sursaute et me retourne, sur les nerfs.
Un Hakan admiratif se tient devant moi.
Il est habillé tout en noir, lunettes de soleil comprises.
- Qu'est ce que tu fais là ? demandé-je, précipitamment.
- Je te suivais.
Ça ne me surprend même pas.
- Je peux savoir pourquoi ? l'interrogé-je, en haussant les sourcils.
Il s'approche de moi d'une démarche nonchalante et me réponds doucement.
- Parce que tu subis des changements que tu n'as jamais vécu, je me trompe ?
Là, je ne m'y attendais pas.
- Comment sais-tu cela ?
Il soupire et retire ses lunettes. Il les replie les yeux fermés, relève la tête vers moi, et ouvre les yeux, rivant son regard au mien.
Ses yeux sont comme deux rubis étincelants, comme la fois où il avait parlé au professeur d'histoire.
Je laisse un hoquet de surprise s'échapper de ma bouche.
À la vue de ses yeux, mes souvenirs reviennent au fur et à mesure, l'odeur nauséabonde, l'homme qui m'a assommée, mon escapade d'hier que je devine être un cauchemar. Tout.
Automatiquement, je vérifie ses chaussures. Ce ne sont pas des bottes noires. Je soupire de soulagement.
- Et donc ? je lui demande, impassible, enfin, du moins j'essaie.
Il me répond en se regardant les ongles.
- As-tu ta queue ?
- Oui, et dis-moi, dois-je craindre d'autres changements, des griffes ou des écailles ?
Il éclate de rire et me regarde, les yeux rieurs.
- Des écailles ?! As-tu une moindre idée en quoi tu transformes ?
- Bah non justement !
Il me tape sérieusement sur les nerfs, à jouer avec moi comme ça. Je reprends :
- Alors vas-y, explique-moi, je suis toute ouïe !
Son regard s'assombrit et il me répond froidement.
- Ce n'est pas à moi de le faire.
Je le regarde, exaspérée.
- À qui alors ?
Il me contourne et prend mon sac.
- C'est pour ça que tu dois me suivre.
Je me fige, et me campe les deux pieds à terre.
- Il est hors de question que je vienne avec toi.
J'ai encore des effluves de mon cauchemar et j'aimerai éclaircir tout ça.
Il ouvre mon sac, le fouille et me lance mon bonnet.
- Tu n'as pas le choix, surtout maintenant que tu as ça.
Il me désigne mon crâne d'un signe de tête.
Je pose mes mains sur ma tête, et sens deux triangles sur chaque côté. C'est doux et soyeux.
- Qu'est ce que c'est ?
Je le regarde, horrifiée.
Il me toise, un sourire moqueur étirant ses lèvres.
- Des oreilles mon Petit Panda, des oreilles.
- Oh mon dieu ! Quand est-ce que tu vas m'expliquer ce que je suis !
Je commence à hausser le ton, si il ne me le dit pas vite, je l'étripe.
- Suis-moi et tu verras.
- Non.
Décisif et distinct. Mais ça ne lui suffit pas.
Il s'approche encore de moi, les mains dans les poches.
- Tu vas me suivre.
Je secoue la tête négativement.
Il fait quelques pas de plus, ne laissant qu'un petit mètre.
- Ne m'obliges pas à utiliser la manière forte.
C'est étrange, ses mots me rappellent M.Seilmand.
Je lui souris mais ne bouge pas d'un poil.
Il réduit la distance qui nous sépare, ramène mon cou vers son épaule et me sert dans ses bras.
Avant que je n'ai pu esquisser un geste, il reprend d'une voix sourde.
- Tu l'auras voulu.
Je sens une aiguille s'enfonçer doucement dans ma jugulaire.
Mes jambes se dérobent, Hakan me soutient et me pose délicatement par terre.
Mes sens me quittent et je papillonne des yeux, luttant pour les laisser ouvert. Il n'y a que ma voix qui puisse répondre à mes ordres, et elle sort le seul mot que je me sens capable de dire.
- Connard.
Il me pose la tête sur le sol et me sourit de toutes ses dents.
- Ne t'inquiète pas, je suis sûre qu'un jour tu me rendras la monnaie de ma pièce.
Je plisse les yeux, flairant l'ironie. Il me répond, confirmant mes doutes.
- Ou pas.
Il part dans un rire grave.
Le son diminue et quelques secondes plus tard, je n'entends plus rien.
Je commence vraiment à en avoir marre de perdre connaissance tous les quatre matins.
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Merci d'avoir lu !
N'hésitez pas à me dire ce que vous en pensez !
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