Assise sur une chaise dans sa toute petite cuisine mal éclairée, une main sur son ventre déjà rebondi, Claire pleure.

Sa vie ne sera pas facile, elle le sait depuis longtemps. A dix-huit ans, Claire a la lassitude de quelqu'un qui a déjà tout vu. Plus rien ne l'étonne. Elle a appris au sel de ses larmes que les beaux contes de fées de Disney n'étaient rien de plus — des histoires pour enfants.

Pourtant, la petite chose poussant en elle, elle ne s'y attendait pas. Le papa est parti en apprenant la nouvelle, et la pauvre Claire s'est retrouvée complètement seule après que sa famille ait refusé de la soutenir.

Alors, Claire pleure. Elle pleure son amour enfui, elle pleure la solitude qui la dévore, elle pleure le manque, elle pleure le futur, elle pleure sa misère, elle pleure.

Claire a peur. Arrivera-t-elle à offrir à son enfant ce dont il (ou elle) aura besoin ? Elle n'est pas sûre. Elle comptait faire une école de droit, mais elle n'aura pas le temps, ni l'argent pour. Alors, en attendant de trouver quelque chose de mieux, elle a prit un petit job de caissière. Ce n'est pas grand-chose, mais ça lui permettra au moins de joindre les deux bouts. En attendant.

(Mais en attendant quoi ? Que quelqu'un la sauve, que sa marraine la bonne fée résolve tout d'un coup de baguette magique ?)

Il faudrait qu'elle réfléchisse à l'avenir. Commencer à économiser, trouver un métier qui rapporte mieux, quelque chose, n'importe quoi. Mais Claire ne peut pas. Elle n'y arrive pas. Elle ne peut plus penser à l'inconnu devant elle, au gouffre qui s'ouvre sous ses pieds.

Tout ce qu'elle fait, c'est penser à ce futur humain, au chaud dans son ventre. Elle doit en prendre soin, peu importe comment, elle doit le protéger — elle est une mère, maintenant, elle n'a plus le choix. On ne le lui a pas laissé. Mais comment faire ? Personne ne l'y avait préparée. Tout ça c'est trop pour elle.  

Dehors, il fait nuit, il fait froid, et Claire pleure en pensant à l'hiver qui l'attend.