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L'enfant sans cœur grandissait, inexorablement, et avait maintenant quinze ans.

L'âge difficile où les émotions tempêtent et tournent et ragent et tourbillonnent, où tout se mélange et où les frontières se floutent, où l'inconnu devient quotidien et le quotidien l'inconnu, où chacun est pris dans une danse infernale, dans un cercle vicieux élaboré avec patience, où rien n'est certain et où pourtant tout est sûr.

L'enfant au cœur de marbre ne savait plus quoi faire, il ne savait plus qui il était. Toute sa vie, on avait attendu de lui qu'il ne ressente rien, qu'il taise tout, parce qu'il était né sans quelque chose que tous avaient. Il était né différent, alors il devait agir comme tel. Rien de plus. 

Mais il avait changé. Maintenant, il avait apprit à ressentir. Il écoutait le cœur qu'il n'avait jamais eu, il s'écoutait, lui, analysait ses pensées. Il était comme tout le monde. L'enfant au cœur de marbre n'était plus si différent, finalement.

L'enfant sans cœur connaissait la joie, cette espèce d'emprise étrange qui le faisait rire aux éclats, qui le faisait serrer sa vieille mère dans ses bras, qui lui donnait envie d'embrasser les passant(e)s, qui le faisait courir et sauter tant il ne pouvait tout contenir.

L'enfant sans cœur connaissait la tristesse et ses affres affreux, la sensation que le monde entier était contre lui, que plus rien ne serait beau à nouveau, qui lui donnait presque envie de mourir, qui le faisait pleurer jusqu'à ses yeux secs brûlent de l'envie de déverser des larmes qui n'existaient plus.

L'enfant sans cœur connaissait tout ça, et la honte, et la surprise, et la peur, et le dégoût, et tout le reste et toutes les nuances et tout ça et tout ce qui fait des humains ce qu'ils sont.

Après tout, il était humain, pas vrai ?

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