Julien était dans la salle de musique. Un léger sourire planait sur ses lèvres alors que l'archet survolait l'instrument de bois. Il était bien. Dans sa bulle.

Doriane le regardait. Ça pouvait paraître flippant, de fixer quelqu'un de cette manière sans relâche. Mais elle était fascinée, elle ne pouvait pas détourner le regard. C'était plus fort qu'elle.

Elle avait décidé que, aujourd'hui, elle mettrait son plan à exécution. Elle irait lui parler. Elle s'était renseignée sur la manière d'agir face aux autistes et était prête.

Doriane attendait que Julien finisse de jouer. Elle avait remarqué qu'il jouait un nombre précis de morceaux dans un ordre précis, puis il faisait une pause. Elle n'avait qu'à attendre la fin de l'enchaînement.

Enfin, le jeune homme décolla son archet des cordes. Essoufflé, les yeux brillants et les joues rougies, il était resplendissant. Encore quelque chose que Doriane aimait de lui, c'était qu'il jouait de la musique comme d'autres grimpent une falaise : comme s'il jouait sa vie.

C'était sa chance. Timidement, elle se racla la gorge. Et là, les yeux de Julien se plantèrent dans les siens pour la première fois. Il plissa les paupières, méfiant, et baissa les yeux.

Elle savait. C'était normal pour lui de réagir ainsi face aux inconnus. Nerveux, il commença à tapoter des doigts sur son violoncelle, produisant quelques sons étouffés.

Au ralenti, elle traversa les quelques mètres qui les séparait. Voyant que Julien reculait, elle s'immobilisa. Elle ne voulait surtout pas le brusquer.

Elle ne bougea pas. Elle resta parfaitement statique, le temps que Julien gagne en confiance. Lorsqu'enfin il se détendit, elle esquissa un sourire. Elle avait compris qu'elle ne devait plus s'approcher, alors elle ne bougea pas.

D'une voix la plus douce possible, comme si elle parlait à un oiseau effarouché, elle se présenta.

– Julien ? Je m'appelle Doriane. Je voudrais être ton amie.

Des relations plus fortes que la mort débutent de la sorte ; c'était le cas ici.