Chapitre vingt-neuf
SWAIN
Mon regard était posé sur les hanches de la Reine. Elle se tenait droite sur sa monture, composant avec les mouvements parfois brusques du cheval qui avançait sur un sentier un peu pentu. Le chemin jusqu'à la Tribu Adamar n'était pas forcément le plus calme ni le plus simple, mais la Reine avait souhaité démarrer par cette tribu.
Je n'aurais pas dû la suivre jusqu'ici. Je n'aurais pas dû être dans le convoi royal. Néanmoins, je voulais voir à quoi allait ressembler la Reine qui nous gouvernait.
Toutes sortes de rumeurs enveloppaient son Couronnement, mais nous n'étions qu'une poignée à connaître la vérité. Nous n'étions qu'une poignée à savoir que l'ancien Roi, le père de la Reine actuelle, n'était pas mort de sa maladie respiratoire. Tout simplement, car cette maladie avait été sous contrôle durant de nombreuses années.
Je tirai sur les rênes de mon cheval pour qu'il avance un peu plus vite, évitant par la même occasion une pierre assez pointue. Plus on remontait vers le Nord du Royaume, plus l'herbe laissait sa place au sable et aux montagnes du Nord, là où Israkt s'était établie, subissant deux saisons aux antipodes. Le froid et le chaud. Pour l'instant, nous étions dans la saison chaude du Nord. Nous n'irions pas jusqu'à ce Royaume-là, et une part de moi en était soulagée. Je ne souhaitais pas entrer en contact direct avec ce peuple. Mon ancien Général me l'avait demandé avec beaucoup de sagesse. Et j'écoutais mon ancien Général qui n'était autre que Shaji Nehguath lui-même.
De nouveau, mon regard se porta sur Maesuka Dragnir, la Reine d'Astalos. La nouvelle Reine. Elle portait une robe assez impressionnante pour être à cheval, mais semblait très bien s'en sortir ainsi. Je savais qu'elle avait enfilé un pantalon en dessous qui ressemblait fort à des renforcements en cuir pour ne pas se faire mal au cours du voyage. Elle avait refusé le carrosse royal qui aurait mis plus de temps à se mouvoir. À la place, nous étions plus d'une trentaine de soldats à bouger autour d'elle, sa garde rapprochée pour qu'elle ne subisse pas d'attaques en sortant d'Archdragon.
Je souris, moqueur, en la voyant pivoter sa tête vers là où je me trouvais. J'inclinai ma tête vers elle et ses lèvres se pincèrent. Elle comme moi savions que nous étions alliés pour le bien commun d'Astalos. Elle savait très bien les prochains mouvements que notre peuple allait connaître et pour ça je respectais ses décisions quant au bien commun. Néanmoins, qu'elle ait trompé mon frère de clan juste pour ses projets ne me convenait pas. J'avais grandi avec Sekhir, il avait été un frère, un confident, mon meilleur ami sur cette terre.
Et je comptais bien le venger tant qu'il était encore en vie.
Et que je l'étais moi aussi.
Maesuka aurait dû réfléchir au mouvement du Clan Zamarat à la suite de cette accusation contre Sekhir, fils aimé d'un Clan qui tenait les rênes d'une bonne partie des forces armées d'Astalos. Layre m'avait formé, tout comme il avait élevé Sekhir au Palais. Maesuka ne se rendait pas encore compte de ce qu'elle avait récupéré comme Général à la place de Sekhir. J'aurais été la main droite de Sekhir s'il avait pris le pouvoir. Je l'aurais défendu, je serais mort pour lui s'il était devenu le Général du Clan Zamarat. Et il aurait été un leader que tous nous aurions suivi. Là était sa force.
Là était la faiblesse de Maesuka.
Elle ne possédait pas encore le cœur des armées.
Elle ne s'était pas battue à nos côtés, n'avait pas souffert comme nous.
Elle n'avait pas saigné pour nous.
Elle n'était pas des nôtres et pour ça je me devais de surveiller le moindre de ses gestes.
Je me devais de savoir à quel moment le serpent allait mordre une nouvelle fois.
Et elle ne pourrait pas le faire à n'importe quel moment pour la simple et bonne raison qu'elle avait besoin des Tribus unies pour survivre à tout ça.
Je ramenai ma monture au niveau de la sienne, poussant l'un des soldats à s'écarter avec sa propre monture. À l'arrière du convoi, il y avait les diligences qui contenaient les vivres pour notre voyage, ainsi que les armes dont nous avions besoin en cas de problème. Le convoi en lui-même était assez rapide pour ne pas avoir à traîner, mais Maesuka avait accentué la cadence pour ne pas rester sur les sentiers cette nuit.
— Ma reine, dis-je en inclinant de nouveau la tête.
Elle me jeta un coup d'œil, toujours aussi méfiante, et je ne pouvais pas lui en vouloir. Après tout, à la moindre faiblesse que j'apercevrais, je m'engouffrerai dedans pour la blesser.
Elle avait fait bien plus que blesser Sekhir, elle l'avait forcé à quitter son clan, à renier ses droits et à abandonner sa famille.
La seule personne qu'il devait protéger était Renfri Dragnir, car elle serait la seule à pouvoir prendre la relève du couronnement de Maesuka. Nous n'avions pas besoin d'un monstre au pouvoir. Nous n'avions pas besoin d'une Reine qui éliminait ses ennemis parce qu'elle avait trop peur d'eux pour les affronter elle-même.
— Général, souffla-t-elle du bout des lèvres.
Je retins mon rire et mon sourire à ce stade et regardai autour de nous pour observer le convoi. Il avançait bien.
— Comment comptez-vous présenter vos hommages au Clan Adamar ? m'enquis-je. Je suis persuadé que vos conseillers vous ont annoncé la période à laquelle nous arrivons et surtout ce que Gharma risquerait de vous réclamer.
Gharma Nzeheh était le Général du Clan Adamar. C'était lui qui traitait de tous les problèmes avec Israkt et il était plutôt basé sur la force plus que sur la stratégie en elle-même. Pour lui, à partir du moment où vous pouviez régler une solution avec vos poings, alors il fallait les utiliser.
Nous arrivions en pleine période d'Équinoxe. C'était une saison toute particulière pour les Adamariens, car c'est là qu'ils remerciaient leurs ancêtres Dragons de leur avoir donné la force nécessaire pour combattre leurs ennemis. Si certaines tribus avaient peur de certaines légendes sur les dragons, d'autres les vénéraient encore pour ce qu'ils leur avaient laissé.
— Éclairez moi de votre savoir, Général, laissa planer la Reine en continuant de regarder devant elle.
Je penchai la tête sur le côté pour l'observer. Elle savait forcément ce qu'était l'Équinoxe dans le clan Adamar et elle devait forcément savoir que Gharma allait lui réclamer un dû pour être venu durant cette période.
S'en rendait-elle seulement compte ?
— Je suis sûr que vous en savez déjà énormément, ma Reine, dis-je en me redressant doucement.
— Je sais que le Général Nezheh me demandera mon meilleur guerrier pour jouer à son tour. Si ce n'est ma participation personnelle au tournoi.
Je braquai mon regard sur elle et fronçai les sourcils.
— Vous ne pouvez pas combattre ses hommes, soufflai-je.
— Et pourquoi Général ? Douteriez-vous de mes talents ?
— Je vous ai vu vous battre épée en main, ma Reine. Vous n'avez rien à envier à qui que ce soit. Seulement, la taille et le poids de votre adversaire peuvent très vite faire la différence dans un combat. Et laissez-moi vous dire que vos potentiels adversaires font plutôt-
— Votre taille n'est-ce pas ? m'interrompit-elle.
Son regard se posa enfin sur moi et je lus dans ses yeux la joie que ce simple commentaire lui procura. Je ne pus retenir un sourire cette fois-ci.
Avait-elle donc tout prévu ?
Quand nous arrivâmes au clan Adamar en début de soirée, la nuit commençait seulement à tomber. Cependant, comme Adamar fêtait l'Equinoxe, il y avait des lampions de lumières partout, ainsi que des torches enflammées, indiquant le chemin pour mener à la grande arène qui accueillait les combats des meilleurs guerriers de la tribu. Il y avait une délégation du Général prêt à nous accueillir avec Gharma lui-même qui attendait au milieu de ses soldats. À ses côtés, sa femme, qui était bien plus jeune que lui et qui se nommait Nucuaka Nezheh. Elle portait une longue robe qui cachait ses pieds, d'une couleur sombre, presque trop profonde pour sa peau hâlée. Un diamant pouvait avoir plusieurs couleurs, mais on définissait de sa valeur aussi par sa pureté. Il pouvait être soit très clair, soit très foncé. Adamar possédait le diamant comme emblème de clan. Heureusement pour le clan, Gharma n'était pas avare, simplement sanguin.
Je glissai à bas de mon cheval et lui caressai la tête pour qu'il s'arrête doucement, en m'attendant. Je pivotai vers ma Reine qui avait déjà glissé son autre jambe du même côté. J'eus à peine le temps d'apercevoir ses cuirasses. Elle me jeta un coup d'œil rapide avant de pincer ses lèvres en un sourire forcé. Ses mains glissèrent sur mes épaules et elle s'y appuya quand je tirai son corps vers le sol. Mes doigts sur ses hanches resserrèrent légèrement leur prise quand elle fut debout devant moi, une tête de moins. Je la relâchai et lui tendis ma main. Elle la prit et me laissa la conduire jusqu'à la délégation qui nous attendait.
Plusieurs soldats se postèrent dans notre dos en même temps que Gharma approcha. Il était vêtu de sa tenue royale, nous offrant un magnifique plastron recouvert de son emblème.
— Ma Reine, dit-il d'une voix forte.
Il s'inclina brièvement et Maesuka lui sourit. D'un sourire qui trahissait une très bonne habilité à manipuler les gens en face d'elle. Quand elle voulut faire un pas et que mes doigts resserrèrent leur prise, elle se figea un instant, mais pas plus.
Je la relâchai en lui faisant signe de faire attention et elle tendit sa main à Gharma qui y déposa un baiser un peu trop appuyé pour un Général envers sa Reine. Les épaules légèrement tendues de Maesuka m'indiquèrent qu'elle avait eu la même impression.
— Merci de m'accueillir chez vous en cette période occupée, annonça la Reine en reculant d'un pas.
Ce fut au tour de la femme du Général de s'approcher, puis je fus le second à les saluer étant le plus haut gradé ici avec Maesuka.
— Un Général en garde rapprochée ma Reine ? s'enquit Gharma.
— Une loyauté exacerbée, répondit Maesuka.
Je serrai les dents avant de regarder Gharma dans les yeux.
— Notre dévouement à la couronne doit être transparent n'est-ce pas, Général ?
Gharma eut l'air un peu gêné avant que Maesuka n'annonce qu'elle ne souhaitait pas entraver les festivités de la soirée. Elle irait donc se reposer de son voyage dans les quartiers qu'on allait nous proposer. La maison principale de Gharma ressemblait aux anciens temples qui avaient jalonné l'histoire pour accueillir les dragons. Il était donc très haut de plafond et ouvert sur beaucoup de façades. Les portes se coulissaient dans les murs pour ouvrir et fermer des espaces.
J'étais installé au milieu des quartiers de la Reine et je tentai de la garder en vue pour ne pas subir de quelconques revendications de la part du Général idiot chez lequel nous nous trouvions. J'avais retiré quelques armes et aussi mon plastron bien trop lourd que Sekhir détestait par-dessus tout. Je regardai mon poignet, le bracelet rouge et noir qui s'enroulait l'un à l'autre. Shaji m'avait donné le bracelet rouge de Sekhir pour me rappeler qu'on n'oubliait pas la famille et encore moins le Clan. Le Noir représentant mon rang de Général. J'étais en train de jouer avec quand Maesuka apparut au bout du couloir où sa chambre se trouvait. L'endroit où j'étais était comme un immense salon. Le foyer était entouré de différents espaces à différents niveaux, comme des marches, mais elles étaient assez épaisses pour offrir des endroits où se reposer. Il y avait un buffet de nourriture sur la gauche et je vis Maesuka s'en approcher.
Mon regard se posa sur ses pieds nus qui ne faisaient aucun bruit sur le bois sombre de notre abri pour le séjour que nous allions passer ici. Elle portait une longue robe de nuit légère, avec un kimono sur ses épaules qui était recouvert de feuilles orange et rouge. La ceinture pendait de chaque côté de ses hanches révélant le devant de son corps. Sa poitrine petite et ferme qui pointait à travers la soie de sa tenue. Un bracelet émettait de légers sons à son poignet et c'était l'un de seuls bruits qui nous indiquaient sa présence. J'avais demandé aux soldats de lui donner une intimité toute relative puisque je me trouvais là, à l'observer marcher et manger.
Quand elle s'installa à quelques marches de moi, en face, je retins un sourire. Je défis ma cape qui se trouvait encore sur mes épaules et d'un simple mouvement la fit glisser, révélant un haut vert et or, les couleurs de mon Clan. Mon pantalon en cuir avait été troqué pour quelque chose de plus léger et mes bottes n'avaient pas encore quitté mes pieds. Je m'étais rafraichi rapidement quand la Reine s'était éclipsée pour ses propres besoins.
Maesuka était une très belle femme au-delà d'être la Reine d'Astalos. Je ne pouvais lui enlever ça. Il lui manquait les cheveux bruns que les femmes de notre tribu se faisaient un soin de montrer, tout en boucle et frisée. Maesuka avait des cheveux presque or et ils étaient détachés dans son dos actuellement, laissant apparaître quelques boucles, mais rien d'équivalent à ce que je connaissais.
Elle portait des cernes qui me rappelaient ceux de Sekhir quand il faisait des insomnies plus jeunes. Je n'avais pas besoin de beaucoup dormir, et je n'avais pas de cernes qui montraient ma fatigue.
— Vous devriez vous reposer, soufflai-je. La journée de demain risque d'être longue et épuisante.
— Je ne dors pas, dit-elle simplement. Ou très peu.
— Souhaitez-vous un remède pour ça ? m'enquis-je.
Je ne pus empêcher ma question de faire dériver mes pensées vers quelque chose de bien plus élaboré qu'une simple tisane. Maesuka observa mon corps de haut en bas comme si elle réfléchissait sérieusement à une proposition que je n'avais pas faite.
— Gharma réclamera demain un combattant pour participer aux festivités, dit-elle en croquant dans les fruits qu'elle avait pris.
Je haussai un sourcil, passant une main dans mes cheveux un peu trop longs à mon goût. Je n'avais pas eu le temps de les couper avant de partir de la tribu. J'aurais dû pourtant.
— C'est une certitude, rétorquai-je, un peu mauvais et moqueur.
Elle se leva soudain et longea les marches pour me rejoindre de l'autre côté du foyer. Ses pieds s'arrêtèrent juste à côté du coude sur lequel j'étais appuyé. Mon visage se trouvait au niveau de son entrejambe et je pouvais apercevoir ses hanches pointées derrière la soie qui la recouvrait. J'aurais pu rire de moi de voir à quel point une femme comme elle pouvait déclencher ce genre de réaction chez moi. Je la détestais et pourtant, j'avais envie d'elle. Enfin, une partie de mon esprit qui fantasmait sur elle voulait savoir ce qu'il y avait sous cette robe.
Que je puisse la détester un peu plus.
— Que comptes-tu faire pour honorer ta Reine, Général ? dit-elle d'une voix rauque.
Je regardai ses pieds à côté de mon coude, puis son visage de sous mes cils, relevant très peu la tête.
— Qu'est-ce que ma Reine attend de moi ? soufflai-je.
Lentement, elle se pencha, ses doigts s'enroulant sur mon menton. Je serrai les dents et elle sourit doucement, sachant qu'elle avait gagné un point dans cette partie.
— Sois mon Champion. Bats-toi pour moi.
Elle attendit que je hoche la tête un peu brusquement pour relâcher mon menton et retourner s'installer de son côté. Je déglutis et mon regard dut se faire un peu trop sombre, car son sourire n'en fut que plus machiavélique.
— Et ne perds pas, ordonna-t-elle d'un ton cinglant.
— Je ne perds jamais, grondai-je en retour.
Elle émit un léger son, qui ressemblait vaguement à un rire. Puis elle se leva, emportant avec elle ses fruits.
Elle avait avancé un de ses pions.
Je pouvais en faire autant à présent.
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Swain 😍😍🤤
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