Chapitre trente-huit
RENFRI
— Nous n'étions que tous les deux, dis-je, relevant le menton dans un geste de bravade assumé.
Kezar fronça les sourcils, ne semblant pas comprendre ce que je venais de dire. C'était pourtant assez clair, non ?
— Des assassins surentraînés ne peuvent avoir été tués de l'unique main de Sekhir.
Il paraissait en colère. Que je tente de lui mentir ? Ou que je sois à ce point idiote pour sortir pareille bêtise ? Avec lui, dur à dire.
Une fois la nuit tombée et la tranquillité alentour, j'avais décidé de venir jusqu'ici, sachant que j'y trouverais les appartements de Kezar. J'ignorais ce qui m'avait motivé sur l'instant, mais je savais maintenant que j'avais bien fait. Je connaissais son secret. Celui qu'il dissimulait habilement à l'aide d'une canne et de rumeur répandue à travers toute la cité. Me voyait-il comme une ennemie ? Comme un problème à régler ?
Sekhir m'aurait dit de ne pas dévoiler mes cartes si aisément. Il n'aurait pas fait confiance à Kezar. À aucun moment. Mais moi, je ne parvenais pas à me méfier de lui. Tout chez lui m'attirait, me poussait à me fier à lui sans rien craindre.
Sans entrevoir la trahison.
— Je... je ne sais pas vraiment ce qui s'est passé, mais lorsque Sekhir est tombé, je... tout est devenu bizarre, comme au ralenti et je, j'ai...
Mon dos heurta la porte dans un bruit sourd et mon souffle se bloqua en avisant l'expression de Kezar. La colère se disputait à l'horreur.
Je parvenais à lire en lui trop facilement, avec une aisance qui ne pouvait pas être normale ! Et pourtant.
— Tu veux me faire croire que tu as tué des assassins de tes propres mains, Renfri ?
— Ce serait si insensé à tes yeux ?!
Sa mâchoire se crispa et je voulus la caresser de mes doigts pour faire disparaître toute cette tension. Je ne voulais pas qu'il me voie comme une enfant, comme une chose fragile à protéger. Même Sekhir n'agissait pas de la sorte, mais lui, je le connaissais depuis mon enfance. Pourquoi avais-je ce soudain besoin de pousser Kezar à me croire ? À ne pas me considérer comme la dernière des petites menteuses ?
— À ton avis ? Je connaissais ces assassins et j'ai plutôt une bonne idée de ce dont ils étaient capables. Alors, ouais, c'est carrément invraisemblable.
— Parce que je suis une fille ? Une Princesse ? rétorquai-je, mauvaise. Je ne suis bonne qu'à parader et à me marier ?
— Je ne... enfin, je n'ai pas dit ça. Juste... bordel, tu...
Il bafouilla avant de se reprendre.
— Tu connais mon secret, maintenant, Renfri. Dis-moi où se cache votre camarade et je–
Je le repoussai violemment en arrière et sous le coup de la surprise, il se laissa faire.
— Il n'y avait personne d'autre avec nous ! Nous avons chevauché tous les deux depuis Naesla, sans personne avec nous. Pourquoi je mentirais ? Pourquoi ne serais-je pas avec cette personne plutôt qu'ici ?
Ma voix porta dans un cri sonore. Je détestai l'idée qu'il me prenne pour une menteuse.
— Alors quoi ? Vas-y, dis-moi, cracha Kezar. Comment tu t'y es prise ?
— Je ne sais pas ! criai-je. Je n'en sais rien, d'accord ? C'est arrivé ! Comme une force surgissant de moi et prenant le contrôle. Ils avaient fait du mal à Sekhir et ils voulaient le tuer ! C'est la seule personne qu'il me reste ; je ne pouvais pas... je ne... C'est arrivé.
J'étais presque à bout de souffle, les poings serrés. Je ne savais pas comment expliquer ce moment ; je le comprenais à peine moi-même ! Tout était confus, manquant cruellement de sens. Alors oui, Kezar avait toutes les raisons de ne pas me croire et même de me prendre pour une folle.
Toujours contre le battant de la porte, je le regardai, l'observai fouiller mon propre regard pour trouver une réponse. Devait-il, ou non, me croire ? J'ignorai ce qui signifiait d'accorder sa confiance pour un homme comme lui, plus que je ne voulais bien l'imaginer. Mais je le voulais tellement.
— S'il te plaît, soufflai-je.
Un étrange son sortie de sa bouche et il se laissa tomber sur son lit, ramenant ses coudes sur ses genoux, cachant son visage contre ses paumes. Je ne dis rien, attendant qu'il parle, mais il semblait pensif, tentant certainement de se faire un avis sur tout ça.
— Tu as tué des hommes, dit-il.
— Je sais.
Ma voix se brisa un peu.
— Dis-moi la vérité, Renfri ; pourquoi avoir fui Astalos ?
Mon cœur se mit à battre plus vite. Tellement, tellement plus fort.
— Ma sœur a tué notre père, le Roi.
Ses yeux s'écarquillèrent sous le coup de la surprise.
— Elle a accusé Sekhir de m'avoir enlevée pour avoir un prétexte de le tuer. Et maintenant, elle règne sur notre peuple. Et tout le monde pense que le Roi est mort naturellement, emporté dans la nuit. Elle a tué mon père pour... monter sur le trône. Je ne sais pas pourquoi.
Je regardai mes pieds et le silence s'installa.
— J'ai tué pour sauver Sekhir. Parce que si je ne le faisais pas, il allait mourir. Sans Baba... sans toi, il... Sekhir serait mort et j'aurais été toute seule. Je ne peux pas rentrer chez moi. Je n'ai plus de chez-moi. Et je ne suis pas une menteuse, conclus-je difficilement.
Je n'osai lever les yeux dans sa direction.
Les larmes me brûlaient les yeux, mais hors de question que je pleure maintenant. J'en avais plus qu'assez de me lamenter.
J'étais la Princesse d'Astalos.
J'étais la fille de Melkyal Dragnir, alors je ne pleurerai pas.
— Pourquoi être venu ici ?
— Je cherche... quelqu'un, soufflai-je.
— Qui ?
— Je... ne sais pas.
— Tu ne sais pas qui tu cherches ?
Dit comme ça, tout de suite...
— Je saurais reconnaître cette personne si je l'avais devant moi, répliquai-je, peut-être un peu trop véhémente, lui jetant une œillade aussi glaciale que le Lac des Gelés.
Il frappa ses cuisses de ses deux mains, comme pour se donner de la force et se leva. Mes yeux glissèrent rapidement sur son torse. Des marques et bleus le striaient de toute part, comme Sekhir.
Deux combattants.
Sauf que Kezar faisait partie de la Guilde du Haut-Maître.
— Pourquoi ne pas nous avoir livré à Ergo ? soufflai-je soudain. Tu es un de ses Assassins, alors...
Il secoua la tête, amusé.
— Tout n'est pas noir ou blanc, Renfri.
Oui, je le savais. Le visage de Maesuka s'imposa une nouvelle fois à moi, rappel constant du chemin qu'il me restait à parcourir et des questions laissées en suspens.
— J'ai choisi mon combat il y a longtemps et pour y parvenir, il me faut marcher dans l'ombre du Haut-Maître.
— Tu comptes le tuer ?
Le regard qu'il me lança était vide de toutes émotions. Un gouffre profond, abyssal et dangereux.
Il se reprit vite, mais pour se détourner.
— J'ai besoin de dormir.
Je ne voulais pas partir. Mais la tension dans ses épaules me poussa à l'écouter.
— Bonne nuit, murmurai-je avant de me glisser dans le couloir.
Je refermai la porte derrière moi et restai là un moment, sans bouger. J'inspirai et repris la direction de ma propre chambre. Je me jetai sur mon lit, les yeux grands ouverts. Je me savais incapable de trouver le sommeil. Pas après tout ça.
Kezar était la première personne à qui je parlais de tout ce qui s'était passé.
De Père.
De notre fuite.
De Maesuka.
Sekhir n'aurait pas approuvé. Qu'importe, il n'était pas là, avec moi, pour me dire quoi faire. Une main sur mon ventre, je regardai le plafond.
Kezar me croirait-il ? Et même si ce n'était pas le cas, qu'est-ce que ça changerait au juste ? Je ne comprenais pas mon propre comportement en sa présence ; la confiance aveugle que je lui accordais.
Pourquoi ?
Je fermai les yeux avec un soupir et la voix de Zexrandra s'invita, remplaçant un instant le visage de ma sœur.
« — Tu le sentiras, là, dans ton cœur, mais aussi dans ta tête. Tu devrais tirer sur le fil et comprendre l'Écho. Peut-être te murmura-t-il à l'oreille. Oui, peut-être... »
Le sommeil trancha l'air à la manière d'une épée et je sombrai.
* * *
Je pris la robe que me tendait Kuda, l'observant en attente d'explications. Il m'offrit un sourire d'une chaleur agréable. Dès qu'il me voyait, la joie transparaissait chez lui, qu'importe le moment ou le lieu. Comme en cet instant, dans la grande cour.
Mes pouces caressèrent l'étoffe du vêtement. Rêche, mais pas désagréable. D'un bleu qui rappelait la nuit, profond, sans être noir.
— Nous fêtons Sotev ce soir, m'apprit-il, en référence à leur Dieu.
Oh.
— Toute la ville aussi ?
Il secoua la tête.
— Ça arrive plus tard ; le Haut-Maître parade dans Gylf et tout le monde fait la fête et s'amuse. Mais ici, au domaine, nous l'avons toujours fait avant, entre nous. C'est une tradition familiale en quelque sorte.
Je compris ce qu'il entendait par là ; ils avaient perpétué les habitudes de leurs parents pour ne pas oublier.
— Et qu'est-ce qu'on fait ?
J'étais curieuse de le découvrir, tout en appréhendant un peu. Je ne venais pas d'ici et bien que je connaisse leur Dieu, j'ignorai tout des rites pour lui rendre hommage.
Chaque peuple glorifiait les Divinités à leur façon, qu'il ne soit question que d'un seul ou plusieurs, comme au Royaume d'Olea. En Astalos, nous nous référions aux Dragons, d'où les Œufs de chaque Clan.
— Oh, tu sais, on mange tous ensemble à l'extérieur, on rigole beaucoup et quelques gardes s'adonnent à un petit tournoi pour désigner le plus fort.
Kuda rougit, comme s'il prenait conscience que finalement, cette fête, ce n'était pas grand-chose. Mais au contraire, je trouvais ça intéressant.
Sotev était considéré comme le Dieu de la Force, l'unique pour les Kagyls. Il représentait tout pour eux et chacun de leur Haut-Maître n'était autre que le guerrier le plus puissant de tout le Royaume. Depuis des années, une rumeur se répandait à l'extérieur de Kagy ; Ergo serait la réincarnation de Sotev, faisant de lui le Dieu personnifié. Je n'y croyais pas. Et pourtant, je ne doutais pas une seule seconde de l'existence des Dragons, comme quoi, nous avions tous une limite dans nos croyances.
— Ce n'est pas grand-chose, mais... ça rapproche tout le monde. Et on mange encore mieux que d'habitude !
C'était seulement possible, ça ? Je ris et confirmai à Kuda que je serais présente. Je retournai dans ma chambre pour déposer la robe et allai voir Sekhir.
La fièvre n'était plus là et il paraissait paisible. Je voulais qu'il se réveille.
De toutes mes forces.
J'attendais le moment où il ouvrirait les yeux, trouvant une phrase spirituelle à me balancer pour me montrer qu'il était bel et bien de retour. Mais ce moment n'arrivait pas. Je ne désespérai pas pour autant, parce que je le savais plus fort que ça. Je savais qu'il finirait par se relever.
Ce fut Ipsa qui vint m'aider à enfiler ma robe. D'une discrétion appréciable, elle paraissait d'une gentillesse débordante et innée. Je me demandais ce qui plaisait à Kuda ; ses traits ciselés ? La vie dans son regard ? Il était toujours compliqué de savoir pourquoi quelqu'un nous plaisait, enfin, je ne pouvais que l'imaginer après tout.
Ipsa boutonna les quelques boutons dorés sur le devant de ma poitrine et le pan de la robe, symbolisé par une ligne d'or, partait sur le côté pour descendre jusqu'en bas. Les manches m'arrivaient à mi-bras bras et un léger col remontait sur ma nuque. Si l'étoffe se voulait bleue et homogène sur mon buste, plus bas, le bleu se mêlait à des touches d'or blanc magnifique.
La robe me cintrait le haut, laissant plus de liberté pour mes jambes et donc mes mouvements. Ce n'était pas de la même manufacture que nos habits en Astalos, mais j'appréciai ce que je portais, ne cessant de caresser le vêtement pour m'imprégner.
Ipsa m'accompagna à l'extérieur et le changement opéré me sauta aux yeux. Tout le monde paraissait plus détendu, souriant même. Un gros animal embroché était tourné par une manivelle au-dessus d'un feu et le fumet qui s'en dégageait me donna l'eau à la bouche instantanément.
Les hommes, gardes ou non, portaient tous des tenues décontractées, parfois même rien au-dessus, dévoilant des torses, des muscles et des cicatrices. Les femmes se montraient dans leurs plus belles toilettes et même les Keneyf du domaine avaient joué le jeu de cette célébration.
Les épices se mêlaient à l'odeur bien plus prononcée des plats, couvrant des fragrances plus douces comme du parfum ou de l'encens. Un sourire grimpa sur mes lèvres et j'eus soudain très envie de me mêler à tout le monde. De flâner, comme au marché. De renfiler, de goûter. D'apprécier.
— Renfri !
La voix de Kuda s'éleva et il surgit devant moi, candide et bien apprêté lui aussi.
— Tu es très jolie, dit-il, une légère rougeur aux joues.
— Toi aussi tu es très beau, répondis-je.
Il m'offrit son bras, un peu trop droit, n'étant pas habitué à se comporter de la sorte. J'acceptai volontiers et il m'entraîna avec les autres, me faisant boire, manger, rire. Lorsque le soleil disparut et déposa un voile sombre sur le Royaume, des lumières éclairèrent la cour qui se mit à étinceler de mille feux.
D'une place stratégique, nous observâmes les hommes se battre entre eux, avec ou sans arme. Le sang ne coula à aucun moment. Leur jeu de jambes était impressionnant et rigoureux. Sekhir aurait aimé voir ça. Les hommes de Kagy ne semblaient pas se battre comme ceux d'Astalos. Plus souples, plus rapides, ils me rappelèrent les guerriers du Clan de Sekhir.
— Tu devrais l'inviter à danser, soufflai-je à Kuda, plus tard dans la soirée.
Il ne cessait de jeter des coups d'œil à Ipsa, un peu plus loin que nous, riant joyeusement avec un autre Keneyf.
— Je ne suis pas... tu crois ?
J'éclatai de rire. Kuda ne manquait que de confiance en lui. Cette fille lui plaisait, il ne savait juste pas comment s'y prendre. Qu'elle soit Keneyf ne semblait pas le déranger.
— Tu vas la voir et tu lui proposes une danse, tout simplement.
— Tout simplement, marmonna-t-il.
— Si tu n'essayes pas, tu ne sauras pas.
— Quoi ?
— Si tu lui plais aussi.
Il rougit de plus belle, embarrassé. Il se leva soudainement, mais se figea.
— Je crois que je n'en suis pas capable.
— Ce n'est qu'une danse, Kuda, dis-je.
— J'aimerais t'y voir, toi !
Mon sourire attira son attention sur moi.
— Si je me lance, tu le fais aussi ? Aucun de nous deux ne doit se défiler.
Il déglutit, mais finit par hocher la tête.
À mon tour, je me levai et cherchai ma proie. Mon regard se posa sur Asome, en grande discussion avec plusieurs hommes. J'avais réussi à inviter un Roi à danser avec moi lors de notre fête d'anniversaire, alors Asome ?
Kuda voulut me retenir, mais je m'élançai droit sur Asome. Il sembla sentir mon attention sur lui, car il se retourna.
— Danserais-tu avec moi ? demandai-je, à brûle-pourpoint.
Il cligna furieusement des yeux, plus que surpris. Les hommes autour de lui ricanèrent et lui donnèrent de vigoureuses tapes dans le dos.
— Bien sûr, finit-il par dire.
J'attrapai sa main pour l'amener près des musiciens.
— Je ne connais pas les danses de chez vous, avouai-je alors.
— Tu n'as qu'à faire comme moi.
Il se mit à bouger et observatrice, j'en fis de même. Les tambours et les cymbales se mêlaient dans un rythme puissant et qui donnait envie de bouger. Je pris de plus en plus d'aise, Asome se moquant gentiment de moi.
— Une envie soudaine de danser, Princesse ?
— Je voulais forcer Kuda à inviter une jeune fille qui lui plaît.
Nous observâmes le garçon avec Ipsa, tous les deux dansant aussi. Une expression tendre se peignit sur le visage d'Asome.
Lui aussi était-il un Assassin de la Guilde ? Quelque chose me soufflait que oui. Comme les autres que j'avais rencontrés.
Sai. Avani et Viraj. Je savais qu'il y en avait encore un autre en plus d'Asome et Kezar, mais impossible de mettre un nom dessus.
— Il t'aime beaucoup, souffla Asome. C'est bien que tu passes du temps avec lui, même si ce sera dur pour lui lorsque tu t'en iras.
Oui. Pour moi aussi. Je m'étais attachée quand il aurait fallu que je reste détachée, surtout ici. Mais je n'arrivais pas à me couper autant de mon environnement et de faire comme si rien ne m'atteignait. Je n'avais pas cette force en moi.
La musique cessa et Asome s'inclina très légèrement.
— Merci pour cette petite danse, Princesse.
Et il s'éloigna, les mains dans les poches, la démarche souple. J'essuyai la pellicule de sueur sur mon front, la chaleur de cette soirée encore étouffante et très présente. Je m'avançai vers la fontaine pour y plonger les mains dedans. Ça me fit beaucoup de bien.
Quelqu'un vint s'assoir sur le rebord et lorsque je me redressai, j'avisai Kezar.
— Pas de sortie nocturne pour aujourd'hui, Menadas ?
Une lueur amusée brilla dans son regard. Je ne vis pas la petite créature à ses côtés. En même temps, s'il l'utilisait lorsqu'il jouait à l'Assassin, il ne pouvait pas l'exposer lorsqu'il n'était que Kezar, n'est-ce pas ?
— Je t'ai vu danser, dit-il alors.
— C'était pas mal, hein ?
— J'aurais dit pitoyable, en fait. Asome n'aurait jamais osé te le dire.
Je fis la moue.
— Ça, ce n'est pas très gentil de ta part.
Kezar éclata de rire et se redressa alors, attrapant ma main dans la sienne.
— Je vais te montrer comment on danse chez nous, Ren.
Mon cœur caracola. Et je me laissai emporter par Kezar.
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