Chapitre soixante-sept


MAESUKA

Ma peau brûlait et la sueur obstruait ma vision. Je n'avais pas l'habitude d'une telle fournaise. J'aurais dû mieux me préparer et ne pas sauter sur mon cheval de cette manière.

Mais alors que Gylf apparaissait, magnifique Cité-Mère pleine de couleurs, je ne pensais plus qu'à Renfri. Qui se trouvait là, quelque part. Pourquoi ici ? Pourquoi Sekhir l'avait-il amené dans un repère d'Assassins et de tueurs ?

Swain fit ralentir son cheval avant de l'arrêter complètement. Sans surprise, mon escorte nous avait rattrapées, poussée par un Vrak trop inquiet pour ma sécurité. Un Général chevauchait à mes côtés ; je ne risquais donc rien, à moins que Swain ne juge soudaine utile de se débarrasser de moi. Ce dont je doutais.

Au loin, je vis qu'une délégation semblait nous atteindre. Bien sûr qu'ils avaient eu vent de notre arrivée. Tout le monde savait que nombre de messagers se cachaient dans le désert ; les yeux et les oreilles de leur souverain.

Un cavalier venait à nous. L'homme portait un turban et un sabre pendait à sa ceinture. Je vis la main de Swain se rapprocher de la garde de sa propre arme, mais rien de plus.

— Reine Dragnir, nous salua l'homme, d'une voix gutturale. Bienvenue chez nous. Le Haut-Maître et la Grande Protectrice vous attendent.

Je fronçai les sourcils. La Grande Protectrice ? Quel était ce titre jamais entendu jusque-là ? L'homme dut saisir mon trouble, car il me sourit avec bienveillance.

— C'est jour de couronnement aujourd'hui, Majesté. Suivez-moi.

Je croisai le regard de Swain qui haussa les épaules et nous talonnâmes l'homme. Devant les grandes portes de la Cité-Mère, nous sautâmes à terre et je fus invité à grimper dans un palanquin. Mon escorte se déploya tout autour. J'essuyai mes mains contre mes cuisses et profitai que personne ne pouvait me voir pour relâcher toute la tension qui m'habitait depuis notre départ.

Renfri était quelque part ici.

Et Sekhir aussi. Forcément.

Mon cœur tambourinait si fort en moi ! Je ne percevais que ça et ne prêtais même pas attention aux festivités qui secouaient tout Gylf.

Renfri.

Que faisait-elle ici ?

Que... cherchait-elle ?

La chaleur m'épuisait et lorsque Swain se hissa dans le palanquin en mouvement et me tendit une gourde remplie d'eau, je ne me fis pas prier. Je bus jusqu'à la dernière goutte.

Il se pencha alors et tira sur mes vêtements. Il en arracha une partie et je le fusillai du regard.

— Vous n'êtes pas très à l'aise, Majesté, ricana-t-il. Je suis sûr qu'on trouvera de quoi vous habillez une fois au Palais.

Lui-même avait retiré certaines couches depuis un moment, histoire de mieux supporter ce climat si différent du nôtre.

— Tu ne m'accompagnes pas là-bas, dis-je alors.

— Ce n'est pas...

— Je connais Sekhir et toi aussi. Je suis persuadée qu'il sait déjà que nous sommes ici et je refuse qu'il parvienne à s'échapper. Tu m'entends ?

Swain soupira.

— La Cité est vaste.

— Tu es plein de ressources. Interroge les gens ; une étrangère a-t-elle reçu des coups de fouet.

Je me souvenais de l'Oradrag. Swain ne me posa pas de questions.

— Je sais que Sekhir est quelque part, en ce moment même. J'ai besoin de retrouver ma sœur.

— Et si elle a choisi de partir avec lui ?

Voilà. Il demandait enfin.

J'avais été surprise qu'il tienne aussi longtemps. Mais avec Swain, je ne savais pas quoi penser. Sa loyauté ne m'était pas acquise. Le serait-elle à un moment ? Pour autant, je devais composer avec. Alors autant qu'il soit utile et qu'il me serve à quelque chose.

— Je suis ta Reine et je t'ordonne de retrouver Sekhir, Swain. Ne me déçois pas.

— Vous évitez la question, Majesté.

— Gagne le droit de me la poser et je réfléchirais à une réponse, tranchai-je.

Il se contenta de sourire avant de filer. Je n'avais pas besoin de lui à mes côtés pour me présenter au couple régnant de Kagy. Lorsque le palanquin s'arrêta et qu'on m'aida à en descendre, je me retrouvai face à un homme et une femme qui ne devaient pas être bien plus vieux que moi.

Et il ne s'agissait clairement pas d'Ergo et sa Kyga-Ne.

Un couronnement avait dit l'homme ?

Les deux s'inclinèrent et j'en fis ensuite de même.

— Reine Dragnir, c'est un honneur pour nous. Quoiqu'une surprise aussi.

La femme sourit. Elle était belle. Puissante.

Pleine de secrets.

Comme moi.

L'homme à ses côtés était bâti comme un guerrier.

— J'ai cru comprendre que votre Royaume fêtait un changement, dis-je.

La femme pencha la tête sur le côté.

— Peut-être aimeriez-vous vous changer avant de discuter ?

Je la remerciai pour sa prévenance et on m'amena dans des appartements très différents de ceux d'Archdragon. Ici, pas de fenêtres ; tout était ouvert et donnait sur l'extérieur. Des femmes m'apportèrent un sarouel, une tenue incroyablement légère et appropriée. Elles m'aidèrent à me coiffer et bientôt, je me sentis mieux. La chaleur restait étouffante, mais bien plus supportable.

Le Palais d'Ar'Jabra s'ouvrit à moi. La splendeur de l'édifice avait parcouru tout Zharroh depuis des années. Et je comprenais mieux pourquoi aujourd'hui.

Chaque détail.

Chaque ornement.

Incroyable.

Des gardes repoussèrent deux hautes portes et la salle qui s'offrit à moi possédait une immense fontaine et une branche d'arbre venait s'aventurer au niveau du plafond.

Le Haut-Maître m'attendait avec son épouse. Tous les deux assit sur d'épais coussins qui m'accueillirent à mon tour.

— Le voyage n'a pas été rude ? s'enquit Notali Ketets, parce qu'il s'agissait bel et bien de la Kyga-Ne de ce Royaume.

Où donc était Ergo ?

— J'imagine que vous vous posez beaucoup de questions, reprit-elle, sans attendre de réponses de ma part. Ergo est mort il y a peu. Voici donc Asome, nouveau Haut-Maître de Kagy.

Une servante m'offrit une boisson fraîche que j'acceptai.

— Tout le monde pensait Ergo éternel. Même à Astalos. Je suis donc... surprise par cette nouvelle. Mais pas choquée. Sa réputation le précédait et de loin.

Notali hocha la tête.

— Notre Cité à connu quelques difficultés ces dernières semaines. Nous sommes donc maintenant tous tournés vers le futur.

Elle avait du potentiel.

Des attentes et des désirs. Avait-elle tuée elle-même Ergo ? Ou alors était-ce lui ? Asome.

— Savez-vous pourquoi je suis ici ?

— Vous cherchez votre sœur. Cette nouvelle aussi a traversé tout Zharroh.

— Ma sœur se trouve-t-elle ici ?

Mon sang à mes tempes, qui chantait à mes oreilles.

Boom-boom.

Boom-boom.

— Si c'est le cas, nous l'ignorons. Bien des voyageurs passent par notre Cité-Mère avant de continuer leur chemin. Tous s'arrêtent au marché Assar. Si votre sœur est passée par-là, quelqu'un nous le dira.

Je n'arrivais pas à savoir si elle me mentait. Ou si c'était la vérité. Celle que je voulais entendre. Celle qu'elle voulait m'avouer.

— Si la princesse Renfri se trouve bien ici, nous ferons tout pour lui venir en aide et pour vous réunir. Il n'existe rien de plus précieux que les liens familiaux.

Vraiment ?

Mes yeux glissèrent sur le contenu de mon verre.

Renfri me pardonnerait-elle ?

D'avoir tué notre père ?

D'avoir menti au sujet de Sekhir ?

Me pardonnerait-elle mes choix et mes désirs ?

Rien ne m'arrêterait. Pas même elle. Pourtant, je la voulais à mes côtés.

Quitte à sacrifier Sekhir pour ça.

Quitte à tout brûler. À tout détruire.

À trainer tout Zharroh dans le feu et l'horreur.

Le Haut-Maître se releva alors, son regard dans mon dos.

— Kezar ! Tu t'en vas ?

Je coulai un regard dans cette direction et découvris un homme, bien différent du Haut-Maître, mais que je sentis tout aussi dangereux.

— C'est l'heure, en effet.

Il croisa mon regard et quelque chose dans son regard me mit sur mes gardes.

— Reine Dragnir, me salua-t-il.

Asome passa un bras autour des épaules de cet homme et ils s'éloignèrent.

Je n'avais pas aimé sa façon de me jauger. Comme s'il me connaissait. D'une façon ou d'une autre.

Il m'avait fait penser à Sekhir, l'espace d'un instant.

Et lorsque j'avais croisé son regard, mon sang n'avait fait qu'un tour. Et le murmure était revenu.

Adrellian.

Je clignai des paupières.

— Quand pourrais-je me rendre au marché Assar ?

Je trouverais Renfri.

Qu'importait le temps, le lieu, le moment.

Ça viendrait. 

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