Chapitre soixante-huit
KEZAR
Avoir vu Maesuka me poussait à protéger Ren. Elle n'était pas en sécurité tant que la Reine Dragnir ne serait pas maintenue d'une certaine façon par une force divine qui l'empêcherait de mettre tout son plan à exécution. Car je l'avais vue sur son visage. À quel point elle était prête à tout. C'était le même regard qu'Ergo dans ses brefs moments de lucidité.
Même si elle voulait le bien du royaume, elle sacrifierait ce qu'elle voudrait sur l'autel de sa propre vérité. De sa propre volonté. Et je ne pouvais pas laisser faire ça. Je devais protéger Renfri de cette personne qui était pourtant sa sœur.
Après avoir longuement discuté avec Asome et les autres, j'étais prêt à partir. J'étais prêt à en parler avec Sakhi et Kuda. Leur expliquer tout ce qui devait être dit. Nous partions dans la soirée, à l'abri de la nuit, loin de Gylf, loin de Maesuka.
Nous devions avancer vers la quête qui nous mènerait à mes semblables. Après tout, Baba avait raison : je ne pouvais pas attendre plus de Gylf. Il fallait que j'aille voir plus loin, que je comprenne ce que j'étais. Je le devais à ma famille, à Renfri qui m'avait aidé et sauvé d'une certaine façon.
À mon retour, je trouvai Renfri et Sakhi en train de discuter dans le jardin d'été, à l'abri sous de grands voilages. Je posai mon regard sur Renfri et déglutis. Les deux femmes étaient rentrées, mais visiblement, Sekhir en voulait plus. Cherchait-il à joindre quelqu'un ? C'était risqué, mais il savait les risques qu'il prenait.
- Ren, tu nous donnerais un moment ? dis-je avec tendresse.
Elle se leva et passa à côté de moi avec un sourire qui me fit du bien. Je déposai un long baiser sur sa joue et elle s'y appuya sans crainte. Je caressai son menton et elle s'éclipsa.
- Serais-tu amoureux, petit frère ? souffla Sakhi.
Je lui souris et me laissai tomber à côté d'elle. Elle portait encore sa tenue pour le couronnement. Magnifique, dorée et orange, avec une touche de vert. Elle était belle et les dernières traces d'Ergo disparaissaient déjà.
- Je vais partir avec eux, annonçai-je.
Je savais très bien que ma sœur était au courant. Qu'elle se doutait déjà que mes plans avaient changé avec l'arrivée de Renfri. Je n'avais jamais mis autant de temps dans une autre personne que mes frères et sœurs depuis elle. Depuis la Princesse Dragnir.
Dans quoi je me lançais ? Aucune idée, mais il fallait que je le fasse. Sinon, je pourrais le regretter le reste de ma vie.
- J'ai toujours su que tu possédais un quelque chose en plus, souffla Sakhi.
Elle posa sa main sur ma joue, ce qui fit tintinnabuler ses bracelets. Ce son m'avait beaucoup manqué. J'adorais cette musique que seule Sakhi faisait résonner dans mes oreilles. Je jouai un instant avec les quelques clochettes.
- Maman a toujours dit que tu étais spécial, souffla ma sœur. J'attendais simplement de voir à quoi tu allais servir.
Je ricanai et tirai sur le bracelet de Sakhi. Elle sourit.
- Tu seras en sécurité ici, chuchotai-je. Baba et Kuda s'occuperont de toi. Tu feras ce que tu souhaites. Y compris aller voir Notali si tu le souhaites.
Sakhi poussa un soupir et secoua sa tête.
- Tu n'as donc rien compris, stupide frère, grogna-t-elle.
Je haussai un sourcil.
- J'ai manqué quelque chose ?
- Un pan entier de ma vie que je n'ai jamais maîtrisé ? me proposa Sakhi sur un ton un peu tendu.
Je me redressai et l'observai sans vraiment comprendre. Elle leva les yeux au ciel avant de s'accroupir devant moi.
- Je viens avec vous, lâcha-t-elle.
Je sentis mon regarder s'écarquiller.
Celle-ci je ne l'avais pas vu venir. Pour ça, c'était sûr.
- Tu...Viens avec nous ? répétai-je.
- J'ai été trop longtemps prisonnière d'un endroit, Kezar. Je ne le serais plus jamais. Pas même de notre maison d'enfance. Il en est hors de question. Je ne laisserai plus jamais quelqu'un me placer dans un endroit sans que j'aie la possibilité d'aller où je le souhaite. Je ne resterais pas ici, mon frère.
Il y eut un long silence et pendant un instant, je me demandais les marques et les séquelles que cela laisserait sur elle. Si elle était de nouveau la personne qu'elle souhaitait être. Si Ergo ne lui avait pas définitivement volé une partie d'elle-même.
- Ne t'en fais pas pour moi, me rassura-t-elle. J'ai besoin d'un nouveau but dans ma vie et si cela est de t'aider toi, d'aider Renfri, alors je ne reculerais pas. Je ne veux plus avoir peur. Je ne veux plus subir le nom de notre famille ou le statut que j'ai possédé aux côtés d'Ergo. Rester ici serait trop dur.
Elle frotta mes cheveux.
- Je veux vous suivre. Je veux être utile à la quête de Renfri. Ou à la tienne. Tu as tenu ta promesse. Tu m'as libérée. Tu as fait ton devoir. Je t'en serais éternellement reconnaissante.
Je pressai mon nez contre le sien et elle émit un très léger rire qui réchauffa mon cœur.
- Mais j'ai besoin de faire ce que je veux maintenant. Et ce que je veux c'est vous aider tous les deux. D'accord ?
Je hochai la tête, ému par cette révélation et par l'honnêteté dont elle faisait preuve avec moi.
Nous fûmes rejoints rapidement par Kuda et Baba.
- Vous partez tous les deux c'est ça ? comprit notre petit frère.
Je m'installai à côté de lui et le pressai contre moi pour un câlin. Il me repoussa avec gentillesse. Il voulait faire son grand et comme je le comprenais. Baba m'avait pratiquement élevé au cours de ses dernières années, je lui faisais entièrement confiance. Kuda serait un Menadas honorable.
- Pour des raisons différentes, admis-je, mais oui, nous allons partir.
- Pour toujours ? souffla Kuda.
Sakhi me jeta un coup d'œil et je secouai la tête.
- Pas pour toujours, répondis-je honnêtement. Mais je ne sais pas quand nous reviendrons.
- Vous pourrez me donner de vos nouvelles ?
Sakhi s'approcha enfin et nous écrasâmes Kuda dans notre étreinte.
- Bien sûr qu'on te donnera des nouvelles, Kuda. Tu es notre frère. Nous ne t'oublierons pas sous prétexte de partir loin.
Notre frère cacha son visage dans le cou de notre sœur qui le pressa contre lui. Il pleura un peu. Quelques larmes. Des larmes qui annonçaient un renouveau.
Qui annonçait un changement. Et nous le voulions. Nous devions nous en emparer.
Sakhi à mes côtés, je me sentais presque plus fort.
Renfri s'approcha de nous avec un regard ému et je me levai pour la rejoindre. Je la pris dans mes bras et embrassai sa nuque. Elle rit et se pressa un peu plus contre moi.
- Je suis prêt, soufflai-je.
- Merci de me suivre et de m'aider, murmura Renfri.
Je souris et déposai un bref baiser sur sa bouche.
- Merci d'être venue à moi, chuchotai-je.
Sekhir n'avait pas tort sur une chose.
Renfri n'avait rien à voir avec la chance.
Je pouvais l'aider à trouver les Échos.
Et ensemble, nous pouvions accomplir bien des choses.
Le tout était de comprendre comment et pourquoi.
Savoir que je n'étais pas seul, qu'il y en avait d'autres comme moi me rassurait.
Je n'aurais pas aimé être le seul capable de faire tout ça.
Je ne voulais pas être le seul capable de faire tout ça.
Je devais en apprendre plus sur moi, sur mes capacités.
Sur qui j'étais.
Adrellian.
Tu es... éveillé.
Enfin.
Je clignai des yeux, mais déjà, la voix n'était plus là.
La voix.
Elle était toujours là.
Si j'en parlais à Sekhir et Renfri, comprendrait-il ?
Et connaissaient-ils Adrellian ?
Je devais trouver des réponses.
Et seule Renfri semblait capable de m'aider à les chercher.
Alors, il était temps.
Temps de découvrir la vérité.
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