Chapitre soixante et onze


KHOZA

Je tirai sur les rênes de ma monture et cette dernière se cabra. Au loin, je pouvais entrevoir les contours de Gylf, la Cité-Mère du Royaume de Kagy. Un Royaume infesté de vermines, de voleurs et d'une Guilde sans foi ni loi. Des ondulations dansaient sous mes yeux, conséquence d'une chaleur étouffante et d'un jeu de lumière magnifique, mais bien trop dangereux par endroit.

Je préférais de loin les plaines désertiques d'Israkt, peut-être parce que j'y avais passé beaucoup de temps avec Layre avant de partir au Reinaume de Nefen, un lieu nettement plus verdoyant. Mais tout aussi mortel.

Une autre monture s'approcha de la mienne avant de s'arrêter. L'animal s'ébroua et son cavalier flatta son encolure avec un geste tendre, habituel. Lors de nos longues, longues chevauchées, nos bêtes devenaient des extensions de nous-mêmes ; nous devions en prendre le plus grand soin. Je ne voulais pas me retrouver jeter à terre dans pareil enfer, surtout que Gylf se trouvait encore à des lieux d'ici.

— Je déteste ce foutu désert. Je déteste le sable et je déteste encore plus porter un drap sur la tête, grommela Saevel, juché sur la selle de son cheval, la mine chiffonnée et la peau brunie par un soleil de plomb.

Je tournai un visage amusé pour observer mon ami et ma plus fidèle ombre. Un cheich le protégeait du soleil et du sable, mais malgré son utilité évidente, Saevel ne souhaitait qu'une seule chose, l'arracher pour enfin respirer. Il grognait beaucoup depuis notre arrivé dans le Royaume, rien de plus normal en soi. Mais en même temps, il vibrait, dans l'expectative de ce qui nous attendait.

La dernière conversation avec Layre résonnait dans ma tête. Je ne cessais de me la repasser en boucle, pour être sûr de moi, de lui.

De ce qui m'attendrait une fois au service de Sa Majesté la Reine.

Une grimace involontaire gribouilla mon visage et cela n'échappa pas à Saevel dont les yeux pétillèrent.

— Pressé d'arriver, chef de guerre ?

Remplacer Layre Dragnir ne serait pas une mince affaire, mais la loi était la loi. À chaque nouveau souverain suivait un nouveau chef de guerre, qu'importait que le précédent soit le meilleur d'entre tous.

« — Elle a tué le Roi et si elle met la main sur Sekhir, elle le tuera aussi.

— Et la princesse Renfri ?

— Elle suit son propre chemin. »

Les chevaux derrière nous s'impatientèrent. Nous étions moins d'une dizaine. Des frères et des sœurs d'armes dont je me séparais rarement. Tous venaient d'une Tribu d'Astalos. Sauf moi. Pour autant, ma loyauté allait à la couronne. À la famille Dragnir.

Et donc à la nouvelle Reine.

Le mot roulait sur ma langue. En même temps que son prénom.

Meurtrière.

Maesuka.

Et dès lors que je pensais à elle, je repensais surtout à sa peau sous mes doigts. Et à mon violent désir la concernant. Une envie de se repaître, de se nourrir.

— Sommes-nous prêts pour ça ? souffla Saevel.

— Il va bien falloir, répondis-je. Il ne nous faudra pas plus de quelques heures pour arriver à la Cité-Mère.

— Je n'ai pas hâte de revoir cette pimbêche.

— C'est ta Reine maintenant, le réprimandai-je sans méchanceté.

— Et alors ? L'un n'empêche pas l'autre. Tu es chef de guerre et une tête de nœud.

Un sourire étira mes lèvres. Saevel réussissait toujours l'exploit de transformer n'importe quelle situation en une vaste blague. Parfois, ça tombait comme un cheveu sur une écaille, d'autres fois... disons qu'il pouvait s'avérer parfait pour faire diversion.

— Vu que tu as couché avec elle, tu penses que tu auras le droit à quelques faveurs ?

Le regard que je lui lançai le fit ricaner. Sombre crétin.

— Je suis pressé de rentrer, murmura-t-il.

Je sentais la lassitude des miens. Nous n'étions pas revenus à Astalos depuis des années. Notre patrie nous manquait.

Je voulais revoir la splendeur d'Archdragon.

Je voulais retrouver mes vieux amis.

Sekhir.

Swain.

— Je sais. Moi aussi.

Aujourd'hui, c'était à moi de maintenir la paix et la prospérité de toute une nation. De tout un Royaume. Ce poids m'écrasait déjà les épaules, mais la confiance de Layre me poussait à me tenir droit. Je savais qu'il ne serait pas à Losar lorsque nous y retournerions. Il serait déjà chez les elfes. Et il ne reviendrait pas. S'il voulait garder sa tête.

« — Ton Souverain te commande, mais il existe une limite qu'il ne peut franchir. Lorsque tu es chef de guerre, tu peux te tenir aux côtés de ton Roi sans avoir besoin de courber l'échine. Prépare-toi, Khoza. »

— Allons-y, dis-je.

Saevel siffla et nos cheveux repartir au galop, comme si les flammes d'un Dragon nous talonnaient. Le soleil continua sa course au-dessus de nos têtes et nous croisâmes nombreuses caravanes et bon nombre de voyageurs. Tout Kagy vibrait :

Ergo, Haut-Maître avait disparu dans d'étranges circonstances et un nouveau Souverain avait donc prit la tête du pays et de la Guilde. Je connaissais peu de choses sur Asome, actuel Haut-Maître. Mais ça viendrait. Je travaillais depuis des années avec Layre dans l'attente d'un tel moment. Je ne voyais pas la mort de Melkyal Dragnir comme une opportunité, malheureusement, d'une certaine manière, c'est ce qu'elle était.

Nous ralentîmes une fois proches du Marché Assam, très réputé dans le Royaume. L'endroit brassait un nombre incalculable de voyageurs et de commerçants surtout. Vous pouviez trouver de tout, ou presque, car certaines choses ne pouvaient s'acheter aux yeux de tous.

Les gens hurlaient dans leur langue, prêts à vous vendre père et mère s'il le fallait. Il régnait une ambiance légère et les pièces passaient de main en main.

— Hé !

La monture de Saevel, nerveuse, s'ébroua et manqua de se cabrer sur une route passante. Mon ami se pencha pour murmurer quelques mots rassurants à l'animal et mes yeux sondèrent les alentours. Je sentais quelque chose. Sans pouvoir l'expliquer.

Layre disait souvent que ça venait de mon héritage d'Elfide ; pour ce que j'en savais. Il ne devait pas avoir tort de toute manière ; Layre savait beaucoup de choses sur ce monde et sur l'ancien. Trop peut-être même. Il représentait un danger pour beaucoup de monde. Une cible à abattre.

Pour Maesuka, pour les autres.

Je croisai un regard, camouflé derrière un cheich. Pas moyen de discerner le visage ou ne serait-ce que ses contours. Assurément un homme.

Ou autre chose.

Il se tenait-là, m'observant autant que je le faisais. Il dégageait une drôle d'aura. Quelque chose d'ancien.

De vicieux.

— Khoza ?

Je détournai le regard un instant et lorsque je revins à l'homme, il n'était plus là. Et le cheval de Saevel était calmé.

Magie.

Une bourrasque balaya le sable au sol dans une tornade naturelle et imprévisible. Elle tournoya un moment.

Avant de se dissoudre.

Je portai mon regard sur les murs de Gylf. Sur l'arche qui faisait office de porte.

Il était temps de rejoindre Maesuka.

Et de devenir le nouveau chef de guerre. 

**

Un dernier personnage important pour la suite 😎

Gardez nous toutes vos questions et votre avis pour la note de fin. Comme d'habitude ❤️🥰

Épilogue et Remerciements dans la journée 😳😳😁

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