Chapitre soixante-dix
SEKHIR
- Elle me tuera, ou je la tuerais, soufflai-je. Mais nous ne pourrons jamais vivre dans le même monde elle et moi.
Voilà la seule vérité qui m'habitait.
Tant que Maesuka serait en vie, je n'aurais de cesse de penser à sa trahison. À ce qu'elle avait fait à son père, un homme que je respectais plus que tout.
Qui m'avait tout donné.
Et elle était là à se pavaner dans cette ville qu'elle allait forcément rafler par ses manigances.
Le corps de Swain était tendu sous ma prise. Il prenait un gros risque. Un très gros risque.
Mais il était du clan.
Et je l'étais aussi, même si Renfri restait ma priorité.
Si je devais choisir entre le clan et la Princesse, je serais forcé de la choisir.
Parce qu'un jour, un homme m'avait donné la possibilité de devenir plus que ce que je n'aurais jamais espéré.
Il m'avait donné une seule mission : protéger sa fille. Je n'avais pas pu le protéger lui, alors je donnerais ma vie pour Renfri. Parce qu'elle méritait ma protection. Maesuka ne méritait que ma haine et mon mépris, et ce pour le reste de mes jours.
- Elle travaille déjà à réunir des alliées, remarqua Swain.
Et je ne pus qu'entendre la toute petite pointe de fierté. Comme s'il était content des premiers gestes de la nouvelle Reine.
Je resserrai ma prise sur ses épaules et le secouai une nouvelle fois.
- N'oublie jamais ce qu'elle a fait pour en arriver là, sifflai-je. Tu m'entends ?
- Jamais, siffla Swain.
- Protège le clan avant tout, murmurai-je.
Je tapotai sa joue et il parut perdu l'espace d'un instant.
- Le clan est ta priorité, insistai-je. Tu comprends ?
Il hocha la tête.
- Elle reste une meurtrière. Et tu représentes l'unique rempart entre sa folie et le clan. J'ai besoin que tu sois loyal au clan avant de l'être envers elle.
- Je connais les intérêts du clan, je les connais par cœur, murmura Swain.
Je posai ma main sur son cœur et pris son poignet où se trouvait le bracelet du chef du clan.
- N'oublie jamais qui tu es et qui sont ceux qui t'ont élevé, chuchotai-je. Ce seront les seuls qui t'aideront.
Swain enroula ses bras autour de mon torse pour me presser contre lui dans une étreinte forte. Je tapotai son dos avant de me redresser.
J'étais son aîné.
Je représentai un exemple pour lui. Un exemple qu'il voudrait suivre. Alors, j'avais confiance en lui.
Mais je n'avais pas confiance en Maesuka. Et s'il était capable de me tuer pour récupérer Renfri, elle utiliserait Swain comme elle le voudrait. Jusqu'à la fin.
Jusqu'à sa mort.
Et il devait en être complètement conscient pour survivre à cette femme.
Car même l'homme qui l'avait permis de venir au monde était six pieds sous terre à présent.
- Courage, volonté et honneur, clama Swain.
- Sois l'émeraude qui brille le plus, rétorquai-je.
Nous échangeâmes un sourire complice, puis je filai. Je retournai immédiatement chez Kezar. Il nous fallait partir. Swain était trop doué pour pister une proie, il trouverait où j'allais si nous ne prenions pas un peu d'avance. Mais ça, Maesuka n'était pas censée le savoir.
Et je n'avais pas besoin qu'elle le sache.
Quand j'arrivai enfin dans le domaine de Kezar, je découvris un nouveau membre pour notre voyage. Je mis une seconde de trop pour la reconnaître, sans maquillage et sans bijoux. Sakhi se tenait aux côtés de Renfri et l'aidait à accrocher un sac sur les montures que nous prenions pour traverser une partie du désert. Un animal à mi-chemin entre un cheval et un dromadaire. Ce n'était pas les animaux les plus confortables, mais ils étaient très résistants à la chaleur. Je caressai l'un d'eux. Nous en avions un chacun, ce qui était plutôt bon.
- Je ne crois pas avoir compté quatre membres du voyage, remarquai-je.
Sakhi pivota immédiatement vers moi et se rapprocha de moi avant que son frère ne m'atteigne. Kezar fit la moue sous son turban, mais Renfri lui tapota le torse pour le rassurer.
Je posai mon regard sur Sakhi.
- Dis-moi pourquoi j'accepterais une personne en plus dans une expédition déjà beaucoup trop précaire à mon goût. Renfri, je n'ai pas le choix que de l'emmener.
Elle fit la moue, mais je lui offris un clin d'œil qui lui tira un sourire.
- Quant à ton frère, il m'est utile... S'il commence à utiliser correctement ce qui lui sert de tête.
Kezar leva les yeux au ciel.
- Chaque personne qui prendra part à ce voyage doit être utile d'une façon ou d'un autre, sinon il reste sur le bas-côté.
- Je suis très douée pour soigner les blessures. De toutes sortes. J'ai appris très jeune sous l'égide de ma mère. Elle avait beaucoup de connaissances en alchimie et en herboristerie. Je sais aussi recoudre la peau.
- Toi aussi ? grognai-je à Kezar.
- La peau est différente d'un vêtement, rétorqua-t-il. Sakhi gère mieux que moi la peau humaine.
Sakhi releva le menton. Des marques de sa vie avec Ergo restaient encore sur son visage, mais disparaîtraient bien assez tôt pour qu'elle puisse tourner la page. Ou moins, qu'elle essaye. Je comprenais pourquoi elle ne voulait pas rester ici, mais pourquoi s'engager sur une quête qui était la nôtre ? Si floue, si incertaine.
- Je ne peux pas te dire quand tu reviendras voir ta famille, soufflai-je.
- Je pourrais vendre des onguents et des potions pour que nous ayons de quoi acheter de la nourriture et d'autres provisions.
Renfri haussa un sourcil. Je possédais des réserves d'or cachées partout là où j'allais. Et à une époque, j'avais beaucoup voyagé. Je savais aussi récolter ce qu'il me fallait en nourriture et en refuge la plupart du temps. Hormis quand je me faisais détruire la tête par des assassins.
- Il n'y aura peut-être aucun voyage de retour, murmurai-je.
- Je suis prête. Rien de ce que tu pourras me dire ne me fera changer d'avis. Et tu devrais être content de récupérer quelqu'un qui peut soigner des blessures vu ton état en arrivant ici.
Je pinçai les lèvres, mais finis par grogner. Renfri bondit une fois en l'air et enlaça Sakhi du bout des bras.
- Il nous faut partir, soufflai-je. Nous sommes recherchés en ville.
Renfri voulut poser une question, sûrement sur sa sœur ou encore les personnes que j'aurais pu croiser, mais Kezar lui réclama son attention et elle la lui donna.
Belle embrouille.
Quelques instants plus tard, Kuda était serré entre son frère et sa sœur. Les adieux furent pleins d'émotions, mais finalement, je fus surpris de voir Baba s'approcher de moi. Il me tendit le bracelet que Zebus m'avait donné.
- Ne perds pas ce genre d'artefact, Foudre, souffla-t-il.
Il le clipsa à mon poignet et ma lance disparut de ma main. Il me l'avait tendue avant de me passer le bijou.
- Vous saviez ce que c'était ?
Baba eut un petit sourire et haussa ses épaules.
- Les humains ne sont pas les seuls à avoir la notion de clan et de famille, dit-il avec une innocence vaine.
Je sentis mon cœur se serrer. Il y avait-il une quelconque chance pour que Baba connaisse Zebus ? Et que ce dernier, en me parlant de sa famille à Gylf, avait espéré que nous croisions son chemin ?
- Ne vous perdez pas en chemin, souffla Baba.
Je hochai la tête, privé de mots. Il murmura une brève prière dans une ancienne langue et se faufila jusqu'à Kezar pour lui souffler quelques mots à son tour.
Je grimpai sur ma monture et la fit pivoter pour donner le sens de la marche. Kezar aida Renfri à monter sur la sienne, tandis que Sakhi attendait à mes côtés.
Lorsque nous fûmes assez loin du domaine pour apercevoir Gylf en contrebas de notre chemin qui montait vers les montagnes, nous nous arrêtâmes tous pour observer cette magnifique vue.
- Israkt ne va pas être une partie de plaisir, marmonna Kezar.
Je hochai la tête puis regardai Renfri qui semblait déterminée à avancer.
- Pas trop déçue pour les singes ? me moquai-je.
Kezar éclata de rire tandis que Renfri faisait la moue. Sakhi secoua la tête, mais son sourire était là aussi. Encore fragile et pourtant présent.
Il était temps d'avancer vers le second Écho.
Il était temps de prendre un nouveau chemin.
Notre quête nous attendait là-haut dans les montagnes d'Israkt.
Qu'allions-nous y trouver ?
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