Chapitre cinquante-six
SEKHIR
Les cris résonnaient dans mon crâne. Encore et encore. Ils semblaient se répercuter partout. Sans une seule fin possible. Hormis celle de mon éveil.
Je devais me lever et pour ça, la première étape était de reprendre conscience de mon corps. Quand je fus capable d'ouvrir mes yeux, ainsi que de bouger ma tête, je pus découvrir mon environnement en vrai. Enfin.
Je savais que j'avais passé beaucoup de temps à dormir, mais je ne savais pas combien de temps exactement. Tant pis. Il fallait que je bouge. Renfri avait besoin de moi. Je le sentais.
Un long moment passa avant que je ne sente vraiment mes bras, mes doigts, mes mains entières. Puis mes cuisses, mes genoux, mes mollets, mes pieds. Je réussis à tout remuer normalement, même si quelques crampes s'invitaient parfois.
Quand une première personne ouvrit la porte de la chambre dans laquelle je me trouvais, j'étais assis sur le bord de la couche où je me trouvais. Un vieil homme, avec un regard intéressant, se figea dans l'entrée.
— J'ai entendu ton nom, murmurai-je. J'ai entendu ta voix.
Je frémis et regardai mon bras recouvert d'un dragon.
— Tu parles l'ancienne langue, soufflai-je la voix rauque.
J'avais déjà bu à même la carafe sur la petite table à mes côtés. J'avais encore soif. Et faim. Il fallait savoir beaucoup de choses pour garder un corps en état de fonctionnement alors même qu'il était endormi. Beaucoup, beaucoup de savoirs.
— Dragon, soufflai-je.
— Maître Sekhir, murmura l'homme.
— Ba... Baba, compris-je.
Je tapotai ma tempe et il sourit.
— La voix de Renfri. Elle m'expliquait, dis-je.
— Elle savait que vous l'entendiez.
Je secouai la tête.
— Qui est le Maître de cet endroit ? grognai-je. Où est Renfri ? Et est-ce que je peux manger tout ça ?
Je pointai la corbeille remplie de nourriture, des fruits, secs ou non, ainsi que des morceaux de viande, me semblait-il.
— Je vais chercher le Maître. Attendez avant de manger. Il faut que votre corps se réveille.
Je grognai et le laissai disparaître. Je fis rouler mon épaule et aperçus quelques affaires de Renfri qui traînait par là. Où était-elle ? Pourquoi ne venait-elle pas me voir ? Sa voix résonnait encore dans mon crâne comme si elle m'avait parlé quelques secondes auparavant.
La porte s'ouvrit brusquement et me tira un grognement. J'observai le jeune homme devant moi avec un mix d'appréhension et de curiosité. C'était lui le Maître ? Ses cheveux argentés glissaient sur ses épaules. Il portait des vêtements typiques de Kagy. Un sarouel plutôt fin, un haut en lin léger. Il s'approcha et s'agenouilla immédiatement devant moi.
— La Foudre, murmura-t-il.
— J'ai entendu beaucoup de prénoms dans mon sommeil, grognai-je. Ke... zar ? Tu es Kezar ? Le Menadas de ce domaine ?
— Oui. Baba, ici présent, vous a sauvé quand vous vous êtes fait attaquer à votre arrivée. Nous vous avons soigné et hébergé depuis. La Princesse et vous-même.
Je frémis un instant en l'entendant nous appeler ainsi. Évidemment qu'il avait su qui nous étions. Mais si lui le savait, qui d'autres étaient au courant ? Et combien de temps avant que ça n'arrive aux oreilles de Maesuka ?
— Je veux voir Renfri. Où est-elle ?
Kezar grimaça et ses épaules s'affaissèrent.
— C'est une longue histoire, je le crains, soupira-t-il.
Il se laissa tomber sur ses fesses.
— Elle n'est pas ici ? m'inquiétai-je.
Kezar tira la corbeille de fruits vers moi et me força à prendre de la nourriture. Je ne la mangeai pas, continuai de l'observer avec toute la maîtrise que j'avais.
— J'ai besoin de savoir où se trouve la Princesse Dragnir, Menadas.
— Je veux que tu saches que j'ai tout fait pour la protéger et la garder cachée et...
Je ne pus retenir un rire qui me fit mal aux côtes.
— Garder Renfri cacher est aussi compliqué que de marcher sur une corde raide, les yeux fermés, avec des rafales de vent, au-dessus du vide. Ne cherche pas à m'entourlouper, Menadas. La vérité. Tout de suite.
Et il se mit à parler. Vite et précis. Il me déroula les jours entiers qui s'étaient déroulés depuis notre arrivée. Trop de jours. Trop de sommeil. Trop d'évènements ratés. Une Renfri en liberté et en roue libre comme jamais. Sans direction où aller.
Comme elle avait dû se sentir perdue.
Kezar enchaîna sur l'explication de ses allées et venues dans Gylf. Ses envies de découvrir, et bien sûr, tous les aléas qui arrivaient avec.
Renfri dans un cachot.
Renfri marquée au fer rouge.
Renfri embarquée par le Haut-Maître pour devenir une de ses épouses.
Kezar s'arrêta là-dessus, son visage penaud et son expression abattus.
Au moins, elle ne me faisait pas vivre un enfer qu'à moi non ?
— Marquée ? Fouettée ? soufflai-je.
Je déglutis avec prudence pour ne pas me mettre à hurler. Tous ses efforts pour la maintenir en vie et voilà que tout était réduit en bouillie.
Tout.
Tous mes efforts.
De ma naissance.
A la sienne.
De ma vie.
A la sienne.
Ce n'était pas possible.
— Et tu considères l'avoir protégée ? grognai-je, le torse qui tremblait de rage.
Kezar leva ses deux mains devant lui.
— J'ai dit que j'avais fait ce que j'ai pu, d'accord ? Renfri n'aurait pas dû lui tenir tête, je suppose que c'est ça qui l'a excité.
— Excité ? sifflai-je. Tu veux dire assez pour la battre ? Pour la battre à mort ?
Je me dressai sur mes pieds, mais Kezar ne bougea pas. Il déglutit et se leva pour croiser mon regard.
— Elle m'a dit que j'étais un dragon dormant, murmura-t-il. Elle m'a dit que j'allais l'aider à trouver celui qui doit sauver notre continent.
J'éclatai d'un rire sans joie.
— Vraiment ? Elle t'a dit ça ?
Il semblait très sérieux.
Je déglutis
Des fragments de souvenirs me revinrent en tête.
— Je vais l'aider, Sek. Il faut que je l'aide. C'est lui. C'est lui qu'on cherchait. C'est lui l'Écho qui m'aidera à trouver le dragon. Alors, il faut que tu te réveilles maintenant. Il faut que tu viennes m'aider à venger Kezar. Lui et sa famille.
Avait-il raison ?
Avait-elle tort ?
Je clignai des yeux et me réinstallai sur le lit.
Dans quelle situation avait-il fallu qu'elle se mette encore une fois ?
Je ne pouvais décidément pas la laisser seule un instant.
— Je n'y crois pas forcément, admit Kezar. Mais j'ai quelques capacités qui me font douter de la vérité des paroles de Renfri.
Je haussai un sourcil.
— Je peux aller d'un endroit à un autre sans me déplacer à pied ?
Je clignai des yeux.
— Tu veux dire que tu peux voler ? m'étranglai-je.
— Non. Ce n'est pas voler. Je peux juste me déplacer à un endroit qui n'est pas là juste à côté.
Je me frottai le visage, déjà épuisé. Après tous ces jours à dormir, on aurait pu penser que j'allais bien et que j'étais en forme, mais non. Il fallait que je sois encore conscient de toutes les épreuves qui nous attendaient. Et auxquelles j'allais devoir participer.
Tout comme Kezar visiblement.
— Passons ce sujet pour un peu plus tard, tranchai-je. Renfri... Renfri est chez le Haut-Maître c'est ça ?
Kezar hocha la tête. Je m'étirai un instant et mangeai un autre fruit sucré qui me fit du bien.
— On y va comment là-bas ?
Kezar écarquilla ses yeux.
— Comment ça « on y va comment » ? s'écria-t-il. C'est le Palais. On n'y rentre pas comme ça.
— Tu viens de me dire que tu pouvais te déplacer d'un endroit à un autre qui n'est pas juste à côté. On va là-bas, on récupère Renfri et on s'en va. Rien de plus simple. Je ne comprends même pas pourquoi tu n'y as pas pensé plus tôt.
Kezar secoua la tête et se mit à faire les cent pas.
— Je ne le fais pas quand je veux, remarqua-t-il.
Je soupirai.
— Alors, faisons sortir Ergo de son palais, proposai-je.
— De quoi parles-tu ?
Il semblait vraiment confus et perdu. Je soupirai et me raclai la gorge.
— Vous n'avez pas réfléchi à un plan ? Pour libérer Renfri ?
— Il n'y a pas que Renfri à libérer, admit-il.
Je regardai un instant le plafond.
— Nous devons tuer Ergo, lâcha-t-il enfin.
Génial. Elle allait me le payer très cher.
En plus de s'être fait embarquer par le Haut-Maître, elle voulait le renverser et le tuer pour libérer toute la famille de Kezar.
Kezar y compris, je suppose.
— Qu'est-ce qu'il a fait à ta famille ? demandai-je.
— Tu veux dire hormis tuer mes parents, mon aîné et d'avoir forcé ma sœur à se marier à lui ? Rien vraiment. Je ne vois pas de quoi tu parles.
Je déglutis.
Renfri voulait vraiment le sauver.
Pire, elle voulait sauver tout le peuple de Gylf.
Mais qu'avait-elle dans la tête bon sang ?
**
Hello la tribu ❤️ j'ai pas beaucoup de réseau pour les cinq prochains jours donc peut être moins de chapitres. Désolée 🥰 ça reviendra à la normale lundi 😎
Ps : on va essayer nos robes pour le mariage hihi ❤️😍
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