Chapitre 3

M A Ë L Y S S

J'attendais mon cousin à la gare. Il m'avait supplié pour que je l'accompagne dans cet endroit rempli de pauvreté et de tristesse. Je soupirai en voyant l'heure tourner sans qu'il n'arrive pour autant. Je regardai le cadran de ma montre en argent que mon père m'avait offert. Il indiquait dix-neuf heures moins dix. La première sonnerie de couvre-feu allait bientôt retentir. Mais ça marquait aussi le départ de notre fameux train.

Je perdis patience. Je ne comptais pas quitter les lieux à vingt-deux heures sachant qu'il y avait trois heures de trajet, sans compter les multiples arrêts causés par les incidents techniques très fréquents. Je shootai dans un caillou à proximité. Il percuta un jeune homme qui avait sûrement mon âge. Il gémit et fit volte-face tout en frottant l'arrière de son crâne (soit l'endroit où le caillou avait frappé). Il me lança un regard noir qui me donna des frissons. Ses cheveux noirs couvraient ses yeux verts. Ça lui donnait un air super méchant.

- Désolée! m'excusai-je en m'inclinant avant d'apercevoir le sac à ses pieds.

Ce sac était abîmé et bien rempli. Mon regard insistant avait déstabilisé le propriétaire qui le portait désormais sur son dos. Instantanément, mes yeux se posèrent sur le jeune homme. Je n'eus pas vraiment le temps de le regarder, il s'était éclipsé.

"Mince! C'est la dernière fois que je fais un truc pareil!" me grondai-je intérieurement.

- Maëlyss!!! hurla mon cousin.

- Je...

- Monte!!!

Je m'exécutai immédiatement. La première sonnerie du couvre-feu avait retenti sans que je ne me rende compte. Avec son retard, nous n'étions pas dans la même voiture.
Je longeais le long couloir avant de m'installer dans un coin à quatre places vides. Je sortis mon téléphone et envoyai un message à mon accompagnateur.

《À: Jean

Bah bravo monsieur! Je vais passer trois bonnes heures à m'ennuyer en plus de deux heures d'attente à la gare!! >.< 》

La réponse ne se fit pas attendre.

《De : Jean

Je suis vraiment désolé :( 》

Je ne répondis pas, trop préoccupée à observer l'individu aux cheveux bruns et à l'allure intrigante. Je me glissai sur la place d'à côté ( j'étais collée à la vitre ) afin de mieux le voir. Il s'apprêtait à voler le porte-feuille d'une vielle passagère endormie. Je me levai alors et attrapai sa main tout en l'emmenant à mes côtés. Il tressaillit, ne s'attendant nullement à une telle réaction.

- Ne fais pas ça, lui ordonnai-je simplement.

- Je...

- Tu vaux largement mieux que ça, poursuivis-je en plantant mon regard dans le sien.

Ses yeux noisettes lui donnaient un charme qui me laissait indifférente. Oui vous avez bien compris. Son charme n'avait aucun effet sur moi.

- Qu'est-ce que t'en sais? s'écria-t-il en dégageant sa main. Tu ne peux pas comprendre.

- C'est vrai, mais les efforts de mon cousin seraient réduits à néant si on apprend qu'un échec s'amuse à dépouiller les passagers du train, répondis-je froidement. Il se bat pour votre cause alors ne détruis pas son travail!

Après un bref silence, il demanda:

- Ton cousin... c'est Jean?

J'écarquillai les yeux, étonnée par le fait qu'il connaisse son nom. J'hésitai à lui répondre. Finalement, j'hochai la tête.

- Pourquoi tu es intervenue? J'aurais pu te blesser...

- Mais tu ne l'as pas fait...

- C'est irresponsable de ta part! répliqua-t-il.

Je n'arrivais pas à y croire. Moi, qui au début le sermonnais me faisais sermonner à mon tour... Et par lui en plus. Cette situation amusante me fit sourire. Il arrêta de me faire la morale remarquant lui aussi le retournement de situation.

- Désolé, c'est moi qui est en tort...

- Tu t'appelles comment?

- Sam... et toi?

- Maëlyss, déclarai-je toute souriante.

Je lui tendis la main. Il hésita avant de la prendre.

- Ah ouf... J'avais cru que j'allais avoir une crampe au bras à force d'attendre.

Il pouffa de rire. Mon sourire s'étira. Je profitai de cette occasion pour m'asseoir.

- T'es beau quand tu ris! affirmai-je en m'adossant contre le dossier tout en croisant mes bras.

Il s'arrêta d'un coup passant de matte à rouge écarlate.

- Désolée, je ne voulais pas te gêner, affirmai-je sereinement.

- Non..Non, ce n'est rien, balbutia-t-il.

Il n'osait pas s'assoir. Je lui désignai du regard la place se situant en face de moi.

- C'est réservé aux élites!

- Et?

- Je ne peux pas, je n'ai pas le droit...

- Le vol aussi, et pourtant, ça ne t'as pas empêché de tenter. Et même. Les places sont adaptés à tous les êtres humains donc arrête ton chichi.

- Mais...

- Je ne dirai rien à personne à ce propos, insistai-je.

Il se posa enfin en face de moi. Je le regardais tristement. Même lui se dévalorisait, alors comment Jean pouvait leur rendre la valeur qu'ils possédaient avant.

- C'est la première fois que je parle aisément à quelqu'un, me confiai-je. Hormis avec les gens de ma famille, je ne parle pas beaucoup.

- Alors pourquoi parler avec moi?

- Je ne sais pas, peut-être parce que j'ai conscience qu'on ne se reverra plus jamais, déclarai-je soudainement en haussant les épaules. En plus je m'ennuie. Qu'est-ce que tu penses des élites?

Il avait une soudaine obsession pour ses mains qui gesticulaient.

- Je peux être honnête?

- Tu dois l'être! le rectifiai-je.

- Je vous déteste. Hormis Jean, je vous déteste tous.

- Même moi!? demandai-je l'air faussement peinée.

- Je ne sais pas...

- Je plaisante Sam!

Je pense que ça lui avait fait bizarre de m'entendre prononcer son prénom. Je l'invitai à continuer sa réflexion.

- On n'a pas choisi d'être des échecs... On est juste moins chanceux que vous dans cette histoire. Ils s'en foutent si on a les capacités d'être élites. On naît échecs on meurt échecs point barre. On vit dans la misère même si on mérite mieux. Et vous! Vous nous regardez de haut!! Nous ne sommes que des marchandises à vos yeux! s'écria-t-il en tirant son haut au niveau du col.

J'aperçus alors un code barre tatoué en dessous de son clavicule. Je me mordis la lèvre inférieure, me sentant honteuse de me présenter devant lui. Il souffrait et avait toujours vécu dans la souffrance. Et je me tenais devant lui, en tant que représentante des élites. Je n'avais qu'une seule envie, m'enterrer dans les profondeurs de la terre.

***

Je me posai sur le canapé du salon et Jean me suivit quelques instants après. La grandeur de ma demeure m'avait manqué. Surtout l'éclairage. Les pièces étaient bien lumineuses grâce aux lustres suspendus.

- Je suis désolé Lyss. Tu ne t'es pas ennuyé au moins, demanda mon cousin en se posant devant moi.

- Non, répondis-je pensive.

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