W E S L E Y

Le ciel était gris, encore une fois. J'avais pour habitude de monter en haut du bâtiment pour regarder le seul train qui nous reliait. Encore une fois, les passagers n'appartenaient qu'au rang suprême : les élites.
Je m'accoudai sur le rebord concentré sur le paysage qui s'offrait à moi. Il devenait de plus en plus triste. Ou peut-être, est-ce moi qui le devenais. Le brouillard m'empêchait d'admirer la hauteur des tours de la grande ville réservée aux élites. J'étais privé de toute la splendeur de ce lieu impossible à atteindre pour les gens de ma catégorie : les échecs.

Je soupirai. J'avais mis tant d'effort à venir à cette hauteur, et je ne pouvais pas profiter.

Après l'effort, le réconfort! Mais oui, bien sûr!!

J'étais tellement plongé dans mes pensées que je ne les avais pas entendus venir.

- Wes! Tu fais quoi!? N'oublie pas que c'est l'heure d'avoir ta ration!

Je sursautai.

- Sam, Evan! Comment vous m'avez trouvé?

- Tu comptais garder cet endroit secret!? ricanna Sam.

Je lui répondis par un sourire et dévalai les escaliers. Je fus tout de suite rejoint par mes deux amis.
Les rues étaient désertes. Les habitants étaient sûrement tous réuni au centre de notre... Bidonville. Ça ne ressemblait en rien à un village, comme certains le prétendaient. C'était bien pire. Je me précipitai pour arriver à temps. J'étais arrivé pile au bon moment puisque le gentilhomme allait partir.

- Attendez! Je n'ai pas eu ma part!! hurlai-je à tout bout de champs.

L'homme se tourna. Ses cheveux noirs allèrent dans le sens du vent. Ses yeux verts brillèrent lorsque nos regards se croisa. Un sourire radieux illumina son visage. Il croisa les bras sur sa poitrine en laissant apparaitre sa musculature à travers son haut noir qui lui serrait un peu trop à mon goût.

- Wesley! Tu pourrais faire un effort pour une fois! s'écria-t-il. C'est la dernière fois que je t'attends plus de dix minutes! Sinon tant pis pour toi!

- Merci Jean.

Il sortit de son sac un repas instantané et me le tendit.

- Par contre il faut que je te mette dans le registre. Je sais que tu n'aime pas ça mais tu n'as pas le choix, si tu ne veux pas être déclaré mort.

Je grimaçai à cette idée. Je retirai mon haut et laissai apparaître le code barre qu'on m'avait tatoué à cinq ans. Il était placé juste en dessous de mon clavicule. L'homme passa son appareil. Un laser rouge longea la marque et l'appareil émit un son aigu.

- C'est bon! Bon appétit!

- Merci Jean.

- Par contre Wesley, tu devrais aller mollo avec ton père. Son état s'est détérioré.

Mon coeur se resserra. Je me rhabillai en feignant de n'avoir rien entendu. Il me lança alors un regard insistant en attrapant mon poignet presque osseux. Je sentis la colère bouillonner en moi. Je serrai les poings tout en essayant de regagner mon calme.
- Jean, je n'ai pas envie d'en parler.

- Je vois, soupira-t-il. Mais tu pourrais finir par le regretter.

Il me lâcha et rangea ses affaires. Il était vraiment attristé de nous voir comme ça. Mais je n'y pouvais rien et lui non plus d'ailleurs. Et j'étais déterminé à lui faire comprendre.

- Je ne pense pas non. C'est lui qui nous a mis dans cette galère. Mon grand frère et ma mère en sont morts. Il ne me reste que mes petits frère et soeur.

- Ce n'est pas vraiment de sa faute!

- Si, ça l'est!! À demain!

Je lui fis signe de la main et m'en allai en tentant de ne rien casser sur mon passage.

Oui, c'est de la faute de mon père si nous vivions dans ce bidonville!!! Je suis classé échec parce que je suis son enfant. Personne ne pouvait me transférer de l'autre côté malgré mes capacités. Enfin, c'est ce que je croyais.

Je retournai vers mes amis qui m'attendaient sur une brique. Sam se leva et passa son bras sur mes épaules.

- Alors Wes! Ça te dit de jouer un peu avec les riches!?

Ses cheveux bruns hérissés allaient dans tous les sens. Sa peau matte lui donnait un certain charme. Il attirait d'ailleurs toute la gente féminine. Ses yeux noisettes pétillaient à cette idée.

Je retirai son bras et pris sa place pour déguster mon plat. Le sourire de mon ami s'effaça instantanément. Evan pouffa de rire en voyant la grimace de Sam.

- C'est quoi le plan cette fois-ci? demandai-je en prenant ma dernière bouchée.

Ils esquissèrent un sourire malicieux.

- Dépouiller les passagers du train.

- Mais il y a Jean qui va le prendre. Il risque de nous dénoncer, annonçai-je en jetant la boite de nourriture derrière moi.

- Autant le massacrer! affirma Sam en riant.

Même s'il plaisantait, je ne pus m'empêcher de m'énerver.

- T'es malade ou quoi!? Cet homme se sacrifie pour nous nourrir convenablement.

- Il rigolait Wes, intervint Evan en arquant un sourcil.

- Ouais je sais mais bon, dis-je d'un ton plus bas. Sam, je n'aime pas jouer avec ça et tu le sais!

- On dirait que c'est ton homme! déclara-t-il sur les nerfs.

- Ce mec représente beaucoup pour moi!! affirmai-je en ignorant ses propos.

- Ouah! Vas y on change de sujet parce que là!

- Bref! Alors on fait quoi? demanda Evan ennuyé. On les vole ou pas?

- Non! Wesley a peur de décevoir son chéri!!

Je serrai mon poing, près à le lui balancer dans la mâchoire.

- J'ai compris. On va les piller. Celui qui obtient le moins d'objets a un gage, annonçai-je avec une lueur de défi.

- Enfin, on te retrouve! soupira Sam en s'avançant vers moi. Mais cette fois ci je ne perdrais pas.

Evan se leva en mettant les mains dans ses poches, en gardant une fière allure. Il dessina un magnifique sourire sur ses lèvres en affirmant:

- C'est bête parce que moi non plus je ne compte pas perdre. Alors c'est quoi les règles?

- Tout est permis! annonçai-je en souriant à mon tours. Ça commence à la première sonnerie du couvre-feux. Donc soyez prêts.

- J'ai l'impression que c'est Wes qui va perdre! marmonna Sam à l'oreille d'Evan.

- On verra bien!! m'écriai-je en me positionnant entre les deux, chacun avec un bras sur leurs épaules.