Chapitre 7


Stiles poussa un soupir de soulagement dès qu'il eut fermé la porte de son bébé appartement à clé. Pour une fois, il laissa simplement tomber ses affaires sur le sol sans prendre la peine de les ranger tout de suite. Il avança, entra dans sa chambre dont il verrouilla également la porte, et se laissa tout bonnement tomber sur son lit parfaitement fait. Un peu trop parfaitement, d'ailleurs.

Avec Allison, Scott et Jackson, il avait tout fait pour faire bonne figure et sauf preuve du contraire, il avait réussi. Plus ou moins. La crispation de son visage était tout ce qu'il n'avait pas pu contrôler mais ça, il n'y pouvait rien. Peut-être que plusieurs mois passés à se réadapter au monde normal l'aideraient à ne plus avoir aussi peur. Pour le moment, ce n'était pas le cas, cela faisait trop peu de temps qu'il était libre. Et encore, il avait du mal à y croire. C'était notamment pour cette raison qu'il arrivait si peu à se détendre, même seul. Il s'attendait à ce qu'on arrive, à ce qu'on défonce la porte, qu'on l'emmène.

Parce que c'était comme ça qu'avait débuté son cauchemar à Alvan.

Par une froide nuit de janvier, la porte de sa chambre s'était ouverte dans un fracas assourdissant, réveillant efficacement Stiles aux alentours de trois heures du matin. Les agents d'Alvan chargés de l'emmener l'avaient chacun empoigné par un bras et lui avaient laissé cinq minutes pour dire au revoir à son père, dont l'air désolé le hantait encore. Celui-ci n'avait pas su trop quoi lui dire, à part le fait qu'il devait l'envoyer dans une école spécialisée parce qu'il était un enfant difficile, un peu trop turbulent – on découvrit plus tard qu'il avait un TDAH – et qu'il n'arrivait pas à bien s'occuper de lui dans ces conditions. Il lui avait alors assuré que tout se passerait bien et qu'il ne verrait même pas le temps passer.

Aujourd'hui encore, Noah croyait à ce doux mensonge, et comment le détromper ? Stiles était revenu méconnaissable : en apparence calme, posé, peu bavard mais souriant lorsqu'il le fallait. En fait, il s'était écoulé tant d'années que Noah avait mis ces changements sur le compte de la maturité qu'il avait prise là-bas et Stiles, désormais bloqué à l'idée de parler, ne l'avait jamais contredit.

Mais une chose était certaine, Stiles ne manquait plus une occasion de fermer sa porte à clé.

Pour être honnête, devoir attendre que Jackson lui envoie l'adresse du lieu où il devrait le rejoindre ne l'enchantait pas des masses. Déjà que sortir était une angoisse, si en plus il devait se fier à un presque inconnu... Enfin bon, il ne se fiait à personne depuis sa sortie des enfers, même pas à son propre père. Même si cette perspective ne l'enchantait donc pas du tout, il prendrait son mal en patience et stresserait jusqu'au moment fatidique. Que pouvait-il faire d'autre ? Rien. Il était coincé, dans sa vie comme dans sa tête.

xxx

Stiles n'avait pas cours ce jour-là. Quoi de plus normal un samedi ? La veille, Jackson lui avait dit qu'il lui communiquerait une adresse, lorsqu'il l'avait vu en compagnie de Scott et Allison. Eh bien, c'était chose faite.

La seule chose de bien que Stiles avait apprise à Alvan, c'était de conduire. Il avait son permis – un miracle au vu des conditions et des mauvais traitements qu'il avait subis –, mais pas de voiture, son père l'ayant prévenu que la Jeep ayant appartenu à sa mère était en réparation parce qu'elle tombait littéralement en ruine. Alors, l'hyperactif qui avait un peu trop bien pris ses médicaments pour cacher son TDAH dut se taper trois quarts d'heures de marche avant d'arriver à l'adresse transmise par Jackson. Il leva la tête et regarda l'immeuble qui lui faisait face. Il était imposant, c'était clair et net. Stiles frissonna. Il n'avait pas envie de rentrer à l'intérieur mais savait pertinemment qu'il ne pouvait pas faire faux bond à Jackson, pas une nouvelle fois. Le blond au regard froid lui faisait peur, comme à peu près tout le monde. Seule Allison semblait un peu plus douce que les autres, mais peut-être n'était-ce qu'une façade pour mieux le tromper ? Il n'en savait fichtrement rien et décida de composer le code que lui avait envoyé Jackson pour essayer de penser à autre chose et d'éviter de se torturer l'esprit comme cela. Ensuite, il prit l'ascenseur et monta jusqu'au cinquième étage. La boule au ventre, il avança dans un long et large couloir qui lui donnait l'impression de s'envoyer lui-même dans un piège au centre des enfers. C'était sans doute parce que les murs étaient sombres, que les lumières ne marchaient pas très bien, ou simplement parce qu'il allait dans un endroit qu'il ne connaissait pas.

Toujours était-il qu'il finit par arriver devant une grande porte, munie d'une sonnette sur le côté. Et là, Stiles hésita. Que devait-il faire ? Sonner ? Attendre qu'on lui ouvre ? Envoyer un message à Jackson ? Oui, ça c'était mieux. Sonner, c'était peut-être un peu trop. Et puis si quelqu'un dormait chez lui, s'il réveillait ladite personne ? Les sonneries, c'était traître. Attendre qu'on lui ouvre, c'était complètement idiot et surtout, de quoi aurait-il l'air s'il croisait quelqu'un ? S'il attendait sans rien dire, Jackson ne saurait pas s'il était là et croirait qu'il lui posait un nouveau lapin, ce qui n'était absolument pas le cas. Stiles ne voulait pas être mal vu de cette personne, même si celle-ci l'avait peut-être jeté dans un guet-apens. Au pire, il... Passerait outre. Que faire d'autre ? A qui pourrait-il se plaindre s'il lui arrivait malheur ? La réponse était évidente. Personne.

Les mains légèrement tremblantes à cause de la psychose qui l'étreignait, il envoya un court message à Jackson, lui disant qu'il était arrivé, qu'il était devant la porte, omettant de l'informer du fait qu'il s'était trompé deux fois de chemin, qu'il avait couru à plusieurs moments pour rattraper son potentiel retard dû à ses erreurs. Hors de question de ne pas être irréprochable alors qu'il avait paniqué comme un idiot la veille et s'était, à cause de cela, retrouvé à l'infirmerie. A peine trente secondes plus tard, la porte coulissa et s'ouvrit... Sur une splendide blonde vénitienne au regard sans doute aussi perçant que Jackson. Stiles ne put s'empêcher de reculer d'un pas et se fit aussitôt la réflexion qu'il était le pire des idiots. Déjà, il paniqua.

- D-désolé, je... Je crois que je me suis trompé et... P-pardon... Balbutia-t-il.

Se contrôler était difficile, c'était pour cela qu'il faisait plus d'efforts pour ne pas succomber à une crise de panique et que son débit de parole laissait à désirer. La rouquine n'avait pas l'air commode, tout comme Jackson et Scott. En fait, à ses yeux, tout le monde paraissait dur et... Pas commode. Encore une fois, seule Allison sortait du lot.

Mais la jeune femme finit par sourire doucement et demanda :

- Tu es Stiles ?

Etonné et trop peu sûr de lui – était-il vraiment lui ? –, il hocha simplement la tête, et resserra ses doigts sur la hanse de son sac. Il était prêt à fuir en cas de... Tout. Le sourire de la rouquine s'élargit légèrement et lentement, comme si elle ne voulait pas lui faire peur.

- Dans ce cas, tu es au bon endroit. Tu es parfaitement comme Jackson t'a décrit. Entre. On est nombreux ici, mais c'est normal. Viens !

Pas rassuré pour un sou – sauf concernant le fait qu'il ne s'était au final pas trompé –, Stiles eut un instant d'hésitation on ne peut plus visible mais finit par hocher la tête et s'avancer. Il était là, alors il était trop tard pour reculer. Quitte à se jeter dans la gueule du loup, autant y aller complètement et s'offrir sans trop de résistance.

La jeune femme referma correctement la porte derrière Stiles qui, avant de remarquer le monde qui se trouvait là, ne put que constater l'immensité de la pièce à vivre. Tant d'espace de vie... Il n'avait jamais vu ça. Et puis, il vit enfin les gens et se paralysa instantanément. Il y avait un jeune homme aux cheveux bouclés et au visage adorable, une blonde splendide au grand décolleté, un grand homme au beau teint ébène dont on ne dirait pas qu'il s'agissait d'un étudiant, une jolie asiatique au regard espiègle, un petit blondinet aux yeux océaniques et à l'air curieux. Stiles crut qu'il allait défaillir, mais se retrouva un tantinet soulagé en apercevant trois têtes qu'il « connaissait » : Scott, Allison et enfin, le fameux Jackson.

C'est celui-ci qui s'avança et Stiles se fit violence pour ne pas reculer. Dans sa concentration, il ne remarqua pas tous les regards curieux qui étaient posés sur lui. Il en était bien évidemment conscient et cela lui donnait l'impression de ne plus avoir de salive, mais il ne voyait pas de quelle manière ils le regardaient. Il y avait de la stupeur, de la curiosité, du sérieux.

- Salut, t'as pas eu trop de mal à trouver ? S'enquit Jackson, l'air impénétrable.

- N-non.

Certains froncèrent les sourcils et Stiles ne comprit pas, mais décida, pour sa santé mentale, d'oublier ce détail et, accessoirement, d'oublier que tout le monde était autour d'eux et qu'il était littéralement au milieu de tout un tas d'inconnus qui pouvaient retourner leur veste à tout moment.

Jackson le regarda un instant, avant de s'éloigner et de lui dire qu'il allait chercher ses affaires pour le devoir, laissant Stiles ici, en plein milieu de la pièce à vivre, seul. Le souffle de l'hyperactif se coupa un instant et par chance, Allison vint à sa rescousse. Avenante, bienveillante, un petit ange qui posa une main sur son épaule après s'être mis à sa hauteur. Stiles se crispa à son contact mais essaya de faire en sorte que cela ne se voie pas trop tout en espérant que Scott ne le regarde pas de travers.

- Puisque tu connais déjà Scott, je vais faire les présentations rapidement, fit-elle de sa voix douce. Le bouclé, c'est Isaac, à côté – et dans l'ordre – tu as Erica, Boyd, Kira et Liam.

- Et moi, je suis Lydia, fit la blonde vénitienne en s'avançant.

Stiles hocha la tête et s'abstint de dire quoi que ce soit. Allison, vive d'esprit, lui dit que Jackson et lui seraient plus à l'aise pour travailler dans le bureau. Elle ajouta qu'un certain Derek devait sans doute y être, mais qu'il ne verrait pas d'inconvénient à soit supporter leur présence, soit faire une pause et changer de pièce. Nouveau hochement de tête de la part de l'hyperactif qui commença à songer à prendre un cachet de plus contre son hyperactivité. Il y avait du monde, ici, tant de monde qu'il ne voulait pas se faire remarquer avec ses frasques et son TDAH. Il mourrait d'envie de parler, de poser des questions, de fuir, de rentrer chez lui, de s'enfermer, de ne jamais faire ce devoir... Tout, sauf de rester là. Mais il ne le pouvait pas et Allison le tirait doucement par le bras et accéléra le pas. Stiles imagina qu'elle en avait assez de le materner, ce qu'il comprenait totalement, mais il n'osa rien dire. Ce qu'il ne savait pas, c'est que l'empressement d'Allison était simplement dû au fait qu'elle avait compris que tout ce monde le faisait paniquer et qu'elle voulait le mettre à l'aise en l'installant à part.

La jeune femme le fit traverser un petit couloir et ouvrit directement la porte, sans toquer.

- Derek, Stiles, le binôme de Jackson, est arrivé. Je pense que les faire faire leur devoir ici est la meilleure chose, pour qu'ils soient au calme.

Stiles finit par s'avancer et son regard rencontra des yeux particuliers, des yeux qu'il avait déjà vus. Le souffle coupé, il regarda, subjugué, l'homme qui l'avait écouté jouer du piano au bar l'autre jour.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top