Chapitre 5


Stiles se sentait lourd. Lourd et fatigué. Il était immobile, les yeux fermés et son corps se rappelait à lui avec une lenteur sadique. Parce qu'au départ, il ne sentait et ressentait rien. Ce n'est qu'au fur et à mesure que des picotements réveillèrent graduellement ses différents membres, de ses orteils jusqu'à ses doigts. C'était lent, très lent, si bien qu'émerger lui donnait simplement l'impression de sortir doucement du monde des rêves, d'un monde fait d'inconscience et de flottement. Oui, Stiles flottait quelques secondes auparavant. Puis, sa conscience se réveilla à son tour graduellement et la première réflexion qu'il se fit était qu'il avait la sensation de ne pas s'être endormi comme d'habitude. Il ne saurait pas expliquer comment ni pourquoi, mais... Il sentait quelque chose, quelque chose de différent qui le fit se tendre imperceptiblement. Stiles était quelqu'un qui, en ce moment, avait besoin de stabilité : rien ne devait changer sa routine, pour la simple et bonne raison qu'il tentait comme il pouvait de se reconstruire dans le secret le plus total. Avoir les mêmes habitudes, les mêmes heures pour manger, se coucher, le même ordre pour s'occuper de ses devoirs d'université, c'était plus simple. Cela lui installait un sentiment de sécurité, quelque chose qui gardait sa santé mentale à l'abri. En d'autres termes, c'était un moyen de ne pas sombrer.

Alors oui, Stiles était tendu mais il laissa tout de même le temps à son corps de se réveiller complètement avant d'ouvrir les yeux, ce qui prit de longues minutes. La pièce qu'il découvrit finalement lui était totalement inconnue. Et floue aussi parce que de toute évidence, il n'avait pas ses lunettes sur son nez ce qui était, en soi, normal s'il dormait, mais... Ce n'était pas lui qui les avait enlevées et puis... C'était quoi cet endroit ? Son chez lui avait beau être plutôt impersonnel, ce n'était pas au point que tous les murs soient blancs, y compris les draps de ce lit... Aussitôt, une pointe de stress afflua. Que s'était-il passé ? Que faisait-il ici ? Histoire de ne pas péter un câble, Stiles essaya tant bien que mal de faire le vide dans sa tête et de se rappeler de ce qu'il avait pu se passer pour qu'il puisse se retrouver dans cet endroit. La dernière chose dont il se souvenait a priori, c'était qu'il s'était réfugié dans les toilettes à cause de son angoisse, mais après... Il se souvint vaguement d'une chevelure noire, d'une voix féminine et...

L'étudiante qu'il avait bousculée.

Nouveau coup de stress. Son cœur battait vite et le peu de choses dont il se rappelait ne l'aidait pas vraiment, au contraire : tout était encore plus flou qu'auparavant. Que s'était-il passé ensuite ? Pas vraiment patient en cet instant, Stiles se redressa doucement jusqu'à se retrouver assis dans ce lit. Il repoussa les draps un peu rêches jusqu'à ses jambes et avisa sa paire de chaussures posées au pied du lit, tout comme il entraperçut vite fait et de manière abstraite ses épaisses lunettes noires sur ce qui ressemblait à une table de chevet. Pour sûr, il n'était pas à l'hôpital, parce que l'odeur qui parvenait à ses narines n'était pas vraiment aseptisée. Et puis il y avait quelques cadres accrochés aux murs. Les couleurs n'étaient pas des plus criardes mais avaient au moins le mérite de casser cet ensemble de blanc qui donnait des frissons à l'hyperactif.

Stiles se tendit de manière drastique lorsqu'il entendit du bruit se rapprocher de l'endroit dans lequel il se trouvait. Il attrapa et mit à la hâte ses lunettes, juste à temps pour voir correctement la porte s'ouvrir et voir correctement le visage de la personne qui entra. Il s'agissait d'une jeune femme brune qui lui sourit après avoir constaté qu'il était réveillé. Elle lui expliqua rapidement qu'il se trouvait à l'infirmerie du campus, sans lui expliquer la raison de sa présence ici. Elle lui notifia toutefois qu'il pouvait se reposer autant de temps qu'il le voudrait, en lui précisant juste avant de partir que ses amis allaient être contents de savoir qu'il était réveillé.

Et Stiles eut un bug.

Ses amis ?

Ses amis ?

Ses amis ?

Mais il n'avait pas d'amis, il ne connaissait personne ! La gentille demoiselle devait se tromper. Toutefois, par crainte d'il ne savait quoi, il n'osa pas lui en faire la remarque, hochant simplement la tête sans rien dire en se reculant légèrement dans le lit. « Ses amis » découvriraient bien assez vite qu'ils s'étaient mépris et que celui dont ils attendaient le réveil n'était pas ici, dans cette... Chambre. L'infirmière s'en alla et Stiles se dit qu'au pire, il pouvait fort bien s'en aller rapidement, histoire d'éviter un face à face gênant avec des inconnus. Ainsi, il n'y aurait pas de méprise et ces gens chercheraient directement leur ami. Oui mais à peine une vingtaine de secondes plus tard, la porte se rouvrit. Stiles releva la tête et il ne sut à ce moment-là pas ce qui était le plus fort en lui : son stress ou bien sa surprise ?

L'étudiante aux longs cheveux noirs fut la première à s'approcher de lui en souriant. Derrière, il y avait ce garçon brun, sans doute son petit-ami, qu'il avait aperçu dans la matinée. Lorsqu'il avait bousculé la jeune femme, Stiles avait bien cru que le latino allait le frapper, ce qui était du genre probable. Il avait l'air gentil, mais... Il n'était pas frêle. Sa veste de faux biker mettait en valeur ses bras qui semblaient bien musclés et sa stature était large sans trop l'être. En d'autres termes, il était bien bâti et pourrait retourner l'hyperactif en un claquement de doigts. Bouche bée et le stress prenant à nouveau possession de lui, Stiles ne sut quoi dire. Aucune question ne lui vint et pourtant, il en avait des tas. Qu'est-ce que... Pourquoi étaient-ils là ? Pourquoi lui ? Pourquoi souriait-elle alors qu'il l'avait bousculée, alors qu'elle ne le... Connaissait pas ?

- Comment tu te sens ? Lui demanda-t-elle.

Sa voix était douce, mélodieuse, c'était le genre de voix qu'il n'y avait pas, à Alvan. Et même si elle le regardait, il se demanda si elle s'adressait réellement à lui. Son interrogation dut se voir, puisque la jeune femme vint s'assoir au bord du lit que son regard ne change de direction, attendant sa réponse.

- Je... Ça va, balbutia-t-il, ne sachant pas vraiment ce qu'il était censé répondre.

Ce qu'il se passait, c'était inédit. Les interactions sociales, il avait oublié un peu ce que c'était. A vrai dire, on recherchait tout, sauf à mixer les « élèves ». L'amitié était proscrite et la rivalité, encouragée. Les gens n'avaient pas le droit de se parler à par pour se donner des autres et le tout, en criant. Il fallait s'imposer, parler plus fort que son voisin, au risque de se faire écraser.

Stiles s'était fait écraser.

Crier, être violent, déverser de la haine... Ce n'était pas lui. Alors, il avait dégringolé et depuis, chaque possible interaction sociale lui faisait peur. Comment pouvaient réagir ses interlocuteurs ? Comment fallait-il parler ? Son volume était-il suffisant ou trop haut ? Tout un tas de détails et de paramètres entraient en compte, si bien qu'il s'y perdait et que la seule solution qu'il avait trouvée à ce problème, c'était d'éviter au maximum d'interagir avec qui que ce soit. Malheureusement, il avait un devoir à faire avec Jackson et...

Oh merde.

Dans son cerveau, les pensées fusèrent, si bien qu'il oublia un instant la présence de la jeune femme et de son petit-ami.

- Tu as l'air... Du genre anxieux. Tu sais comment tu t'es retrouvé ici ? Tu as fait une crise de panique. Elle était si forte que tu as fini par perdre connaissance. Tu nous as fait peur tu sais ?

- Mais je... Enfin... Pourquoi ?

C'était tout ce qu'il pouvait sortir tant il ne comprenait pas comment autrui pouvait avoir eu peur pour lui. Il n'était rien et ils ne le connaissaient même pas.

- T'as pas l'air extrêmement futé, finit par lâcher le latino d'un air las.

- Scott, le réprimanda la jeune femme dont le visage angélique perdit tout sourire.

Le dénommé Scott soupira légèrement et croisa les bras sur sa poitrine. Stiles, de son côté, ne savait pas où se mettre : autant il était habitué à être rabaissé, autant il ne savait pas quoi dire, quoi répliquer pour se sortir de cette situation. C'était on ne peut plus inhabituel et ça le sortait complètement de sa routine de solitude... Qu'avait-il fait au ciel pour se retrouver dans une telle situation d'inconfort ? A ses yeux, tout le monde pouvait vriller en une seconde, comme c'était le cas à Alvan. Et même s'il savait, s'il était conscient que le système d'Alvan reposait sur la haine et que ce n'était pas le cas à l'extérieur, Stiles peinait à l'imaginer. Comment déconstruire des années de vie ? Il avait beau être au courant qu'ici, on ne le fusillerait pas au moindre mot de travers, il... N'osait pas faire ou dire quoi que ce soit.

La jeune femme retourna la tête vers lui.

- Ne l'écoute pas, il est parfois idiot, lui dit-elle alors que la douceur revenait caresser ses sens.

C'était si étrange d'être « défendu », si étrange de ne pas se faire hurler dessus à la moindre occasion... A Alvan, les filles criaient autant que les garçons. De retour chez lui, Stiles avait même cru que son père se comporterait de la même manière. Cela n'avait pas été le cas, mais l'hyperactif ne pouvait pas s'empêcher de rester sur ses gardes. C'était une des raisons pour lesquelles il ne lui avait pas révélé ce qu'il avait vécu. Il avait peur, peur de la réaction de son géniteur, peur du volume que pouvait prendre sa voix.

- C'est quoi ton p'tit nom ? Lui demanda l'étudiante d'un air adorable, toujours confortablement assise au bord du lit.

Encore une fois, Stiles fut surpris de la manière dont elle s'adressa à lui. Quel était donc cet ange qui lui parlait... Comme s'ils étaient au même niveau ? Au départ, l'hyperactif ne voulut pourtant pas répondre, toujours à cause de cette crainte de mal faire, de ne pas prendre la bonne décision. Mais la voix de la demoiselle était une caresse pour ses oreilles, un appel à la coopération.

- Je... Stiles, articula-t-il.

Il avait du mal à se relâcher et sa voix fébrile était très basse, comme s'il avait peur de parler trop fort. C'était bête, il n'arrivait même pas à prononcer une phrase correcte tant la peur l'animait. Pour quoi passait-il ? Un sombre idiot, un gars stupide, un demeuré. Il en était conscient et il donnait par conséquent raison au dénommé Scott, mais... Il ne pouvait pas faire autrement. Il n'y arrivait pas. A vrai dire, il était même incapable de regarder la jeune femme près de lui dans les yeux. Était-ce par peur de la gêner ou par peur de froisser son petit-ami le latino ? Probablement un mélange des deux... Et elle, elle sourit, encore, ce qui lui conférait un air adorable et atrocement gentil. Penser à ce mot lui retourna un instant l'estomac tant cela n'était pas naturel pour lui.

- Moi, c'est Allison. Allison Argent.

Il releva sans faire exprès ses yeux vers elle et il vit alors toute la gentillesse dont était empli son regard brun.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top