Chapitre 4


« T'es où ? »

Oh merde, fut la première pensée de Stiles alors qu'il avait vu ce message s'afficher. Naturellement, ses yeux ambrés s'étaient relevés en direction de l'heure et oh putain fut sa seconde réflexion. En la regardant, il comprit qu'il ne l'avait pas vue passée et que ce Jackson... Il était en retard, bordel ! Il le connaissait à peine et il le faisait attendre ! Ni une ni deux, Stiles prit ses affaires et sortit de la bibliothèque en trombe. Oui, mais un problème s'imposait de lui-même : il ne connaissait vraiment pas bien le campus et l'endroit dont Jackson lui avait parlé ne lui disait rien du tout... Alors, bien évidemment, la panique commençait à monter lentement en lui. Se contenant à son maximum, Stiles s'efforça de ne pas demander au blond de lui indiquer où se trouvait le bâtiment des sciences, de peur de passer pour un idiot. A la place, il lui répondit simplement qu'il arrivait, en s'excusant bien sûr pour son retard qui devenait de moins en moins hypothétique au fur et à mesure que le temps passait.

Parce que Stiles ne demanda son chemin à personne. Bien trop apeuré à l'idée de déranger la plupart des étudiants qu'il voyait passer, il préférait se taire et chercher lui-même. Était-ce par crainte d'une réaction violente quelle qu'elle soit ? Tout à fait. La violence, il la craignait. L'avoir autant expérimentée et subie durant de si longues années ne l'y avait pas habitué : il la fuyait un maximum, maintenant qu'il savait qu'elle pouvait ne pas faire partie intégrante de sa vie. Encore là, il gardait un réflexe créé à Alvan : celui de se fondre parmi le décor et de ne se faire remarquer par personne. Décidément, il lui était bien plus difficile de se réhabituer à la « vie normale » qu'il ne le pensait... Chaque chose qui devait faire était accompagnée de tout un tas de questions. Devait-il entreprendre telle ou telle activité ? Laisser les autres faire ? Plutôt comme ceci ou comme cela ? Plus vite ? Plus lentement ? Même le rythme à adopter pour n'importe quelle action le torturait ! Que se passerait-il s'il faisait une erreur ? S'il n'allait pas à la vitesse désirée ? S'il se ratait complètement ? Si, au contraire, il réussissait ? Il en était de même par rapport à la situation actuelle, qui commençait sérieusement à l'angoisser. Jackson allait-il s'offusquer de son retard ? Il ne le connaissait pas, sa réaction était tout bonnement imprévisible... Mais de ce qu'il avait retenu de lui, son attitude générale ainsi que sa carrure ne lui présageaient rien de bon... Allez, Stiles, dépêche-toi, trouve ce foutu bâtiment... Il s'aidait des quelques panneaux qu'il trouvait ici et là, mais le campus était si grand qu'il était vraiment perdu et mélangeait les quelques indications qu'il trouvait. Le stress ne l'aidait pas le moins du monde, bien au contraire ! C'était lui qui mettait le bazar dans sa tête, l'empêchait de bien assimiler et accumuler les informations. Résultat, Jackson lui envoya un nouveau message cinq minutes plus tard, lui demandant ce qu'il faisait. Stiles n'eut pas le cœur à lui répondre et surtout, il tentait tant bien que mal de se repérer en essayant de calmer son angoisse ce qui, dans son état actuel, ne fonctionnait pas vraiment. Qui donc avait eu l'idée de construire un campus aussi grand ? C'était un dédale dans lequel il se perdait à chaque fois qu'il venait ! Il connaissait tout juste le chemin pour aller à son bâtiment principal ainsi qu'à la bibliothèque, et encore, il lui arrivait d'oublier...

Philosophie. Musique. Langues. Stiles enchaînait les bâtiments, sans jamais trouver celui auquel il avait rendez-vous. Et là, l'angoisse qu'il ressentait le contrôlait à tel point que sa respiration était rapide et irrégulière. Sa raison lui chuchotait d'appeler son binôme, de lui expliquer son problème et ainsi trouver une solution appropriée, mais son cœur... Son cœur meurtri était incapable d'envisager cette option. Stiles ne pouvait pas s'empêcher d'imaginer le sportif s'emporter face à son inutilité et ce côté un peu boulet qui ne le quittait plus. Ce n'était pas sa faute s'il était ainsi, mais bien de la sienne s'il le restait. Enfin, c'était ce qu'il se disait pour se pousser à briser cette chose qui s'était installée en lui... Ce conditionnement qui l'empêchait de réellement profiter de sa liberté. C'était encore trop frais, trop récent et le fait d'être le seul détenteur de ce secret l'obligeait à taire son malheur. De toute manière, à qui pourrait-il en parler ? Son père était trop heureux de le voir calme et obéissant, si bien qu'il ne soupçonnait rien et Stiles ne voulait que son bonheur, alors... Pourquoi le gâcher avec des révélations qu'il ne voulait pas vraiment entendre ? Mais alors, des amis ? Non, il n'en avait pas. Stiles n'avait jamais été quelqu'un de très sociable et les gens ne s'attachaient généralement à lui. Là, à l'université, c'était encore pire : il rasait les murs, désirant être invisible, attirant le moins possible l'attention. Forcément, on ne le voyait pas, on ne lui parlait pas, on n'apprenait pas à le connaître, on ne s'attachait pas à lui. Le secret de sa vie restait donc en lui, enfermé à double-tour, n'attendant que d'être révélé pour le libérer de son emprise toxique. Le silence le tuait à petit feu mais cela, il ne s'en rendait pas vraiment compte tant il se concentrait sur son image et sur sa discrétion. C'était bien pour ça que devoir faire un devoir en binôme l'embêtait : il était terrifié à l'idée d'agir mal et de provoquer une mauvaise réaction de la part du sportif.

Oui mais le temps passait et ce n'était plus cinq minutes mais un quart d'heure de retard qu'il avait. Forcément, le risque était plus grand et il n'osait pas répondre aux messages de Jackson – qui se multipliaient. En fait, son angoisse commençait à atteindre un niveau démentiel, à tel point qu'il fut obligé de s'arrêter de chercher dans ce campus aux dimensions titanesques. Au bord de la crise de panique, l'hyperactif entra au hasard dans un bâtiment et chercha le pictogramme des toilettes. Par chance, ceux-ci étaient vides et il rentra dans le petit espace réservé aux hommes. Là, il se laissa glisser contre le mur, en sueur et le souffle court. Lorsque son postérieur entra en contact avec le carrelage beige et froid de l'endroit, Stiles prit sa tête dans ses mains et ferma fortement les yeux. Se calmer. Il devait se calmer. Retrouver le contrôle de lui-même, chercher ce fichu bâtiment de manière plus posée, faire ce devoir... Ensuite seulement, il pourrait rentrer chez lui, laisser libre court à ses émotions. C'était facile de penser cela, mais l'appliquer, c'était une autre histoire.

Des crises de panique, il en avait fait des tas à Alvan et ça ne lui avait jamais rien apporté de bon, bien au contraire. Là-bas, il fallait être fort : pleurs et crises en tous genres étaient bannis. Il fallait être fort ou au moins, cacher ses faiblesses. Mais Stiles ne faisait pas partie de cette catégorie. Il ne savait pas dissimuler son état lorsqu'il allait aussi mal. Se rendre tout petit, oui. S'empêcher de réagir à ses angoisses, non. Il grimaça. Sentir son propre cœur battre aussi fort était si désagréable que cela en devenait douloureux. Son angoisse lui rappelait ce qu'il subissait à chaque crise. Il se souvenait des coups, des cris, des ordres qu'on lui donnait. La violence faisait grandement partie de la thérapie d'Alvan. En fait, il s'agissait de son mot-d'ordre. Là-bas, on croyait qu'elle était la solution à tout type d'addiction, tout type de comportement. Pourtant, sur les tracts, on parlait simplement de « thérapie d'attaque », une thérapie active visant le mal à la racine. Aucun parent qui y envoyait son enfant ne pouvait deviner la teneur réelle du traitement utilisé.

Stiles tremblait comme une feuille, ne se rendant absolument pas compte de la position dans laquelle il était : les jambes ramenées vers lui, les bras passés autour d'elles, le front posé sur ses genoux. Son souffle était saccadé et son rythme cardiaque, erratique. C'était encore tenable, contrôlable. Néanmoins, il était incapable de réfléchir, de faire attention aux vibrations en continu de son téléphone portable dans sa poche, vibrations qui étaient le signe d'un appel. Les larmes perlaient à ses yeux clos et il essayait juste... Juste de ralentir le rythme de sa respiration. Mais puisqu'il était idiot, il angoissait d'autant plus, tout simplement parce qu'il était là, lamentablement assis au sol. S'il avait été dans un meilleur état mental, sans doute aurait-il réfléchi et se serait-il calfeutré dans l'une des quatre cabines disponibles... L'on pouvait arriver à tout moment et le découvrir là, pitoyable. Comment réagirait celui qui le trouverait ? Que recevrait-il ? Des noms d'oiseaux, une ignorance pure et simple ? Stiles n'en avait aucune idée et ne voulait absolument pas le savoir. De toute façon, il était incapable de réfléchir correctement dans son état. Il commençait sérieusement à manquer de souffle. Calme-toi, calme-toi, calme-toi... C'était la phrase qui courrait de long en large dans son cerveau, la seule pensée cohérente qui passait par là. Mais il s'agissait simplement de mots, rien d'autres. Comment les appliquer ?

- ... Les toilettes des mecs !

Stiles resserra ses mains sur le tissu de son pantalon. Ce qu'il craignait était arrivé. Il y avait des bruits de pas qui se rapprochaient et le fait qu'il entende, même si c'était flou, une voix qui, elle aussi, se rapprochait... C'était mauvais signe. Ou pas. Cela ne voulait-il pas dire qu'il reprenait contact avec la réalité, au moins un peu ?

- ... toi qui m'as dit que tu avais senti ça !

- Oui, j'ai bien dit ça mais on n'est pas obligés de...

- Bien sûr que si !

Cette dernière phrase, bien qu'assez courte et prononcée par une voix plus aigue que la première, était nettement plus claire. Les bruits de pas se détachèrent et Stiles réussit à identifier des talons qui claquaient. Son rythme cardiaque, loin de se calmer, s'emballa d'autant plus et il releva légèrement la tête. Sa vue était atrocement floue, mais il y voyait un peu. Il amorça un mouvement pour se relever mais... Son corps ne suivit pas. Il n'était pas du tout calmé et ses bras, tout autant que ses jambes, tremblaient encore atrocement.

Les bruits de talons qui claquaient sur le carrelage se firent d'autant plus fort. Stiles grimaça : il avait l'impression qu'ils faisaient un écho dans sa tête, lui donnant l'impression que chaque pas martelait ses tempes. Incapable de faire quoi que ce soit pour s'en aller, il se concentra à son maximum pour, au moins, retrouver un minimum de régularité au niveau de son souffle pour le moins saccadé.

Des bottines à talons apparurent dans son champ de vision pour le moins flouté et Stiles ferma les yeux, apeuré. Si sa crise déclenchait une quelconque colère, il préférait au moins ne pas voir ce qui pouvait arriver...

- Hé... Hé !

Stiles sursauta violemment, non pas à cause de la voix – féminine ? – qui semblait d'un coup sacrément proche de lui, mais plutôt parce qu'une étrange chaleur avait pris possession de ses joues. Deux mains fines étaient posées sur ses joues et lui faisaient reprendre brutalement mais efficacement contact avec la réalité. Il rouvrit ses yeux rougis et larmoyants et tomba sur deux orbes chocolat noir emplis d'une douceur folle. Loin de le calmer, ce regard le fit complètement paniquer, parce qu'il reconnaissait ce visage proche de lui.

C'était elle, l'étudiante qu'il avait bousculée dans la matinée.

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Bon je sais que ça fait un moment mais pas de panique, on retrouve Derek bientôt... En attendant, j'espère que ça vous plaît, je prends le temps de poser le cadre pour cette histoire ^^ En passant, sachez que je me suis inspirée d'un truc vrai concernant Alvan : il s'agit d'Ellan School et pour ça, je peux vous renvoyer à l'excellente vidéo qu'a fait le youtuber Feldup sur le sujet. C'est horrible, je vais pas vous mentir, mais c'est réel et extrêmement bien raconté.

Bref, je vous fais des bisous et j'espère que vous avez apprécié votre lecture ~

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