Chapitre 16
Constater qu'il ne s'était pas fait agresser dès son entrée au loft ne suffit pas à rassurer Stiles, qui ne baissa pas sa garde une seule seconde. S'il devait souffrir, il souffrirait et ne pourrait rien y faire : ils étaient quatre, il était seul. Et même s'il se retrouvait contre un seul de ces gens, il n'aurait pas le niveau pour se défendre. Ni le réflexe. Lui, ce qu'il avait l'habitude de faire, c'était de se soumettre. Ça faisait moins mal. Ça écourtait le temps que ça durait.
Alors forcément, Stiles se dit qu'il n'était pas sorti d'affaire. Tant qu'il serait ici, en territoire quasi-inconnu, l'hyperactif serait en danger. La violence pouvait tomber à tout moment, éclairer leurs yeux de cette fureur sauvage qui l'avait marqué au fer rouge. Stiles craignait toujours autant les gens, si ce n'est plus qu'avant. Parce que maintenant, il connaissait leur vrai visage. Il savait de quoi l'humain était capable.
Néanmoins, Stiles faisait semblant et forçait quelques sourires pour... Paraître normal. Faire illusion et peut-être retarder la venue de la violence. Si ses yeux évitaient de croiser ceux des autres, il restait à l'affut de chacun de leurs mouvements. Il voulait au moins voir le premier coup avant qu'il lui soit porté.
Le pire, c'est qu'on se comportait bien avec lui. On lui parlait comme s'il était leur égal, on lui avait proposé à boire – il avait d'ailleurs eu la stupidité d'accepter –, on discutait... C'était étrange et trop calme, aux yeux de Stiles, qui fit l'effort de répondre chaque fois qu'on s'adressait à lui. Pourquoi se montrait-on gentil avec lui ? Quel était le but de cette invitation ? Il n'y avait pas besoin de chercher à le tromper : si l'on voulait quelque chose de lui, autant le lui dire. Alors non, Stiles ne se laisserait pas attendrir par l'air angélique d'Allison, le sourire chaleureux de Lydia, l'air étrangement fragile de Jackson et celui, tranquille, de Derek. Le pire, c'est qu'il ne réussit pas à profiter de l'ambiance calme et a priori détendue qu'instaurèrent au mieux ces gens. On lui expliqua qu'il était là pour que l'on fasse connaissance avec lui car ils seraient tous amenés à se revoir régulièrement. Après tout, Allison, Lydia et Jackson étaient dans la même université que lui et la brune lui exprima son détour son envie de le connaître.
- On pourrait être amenés à être amis, qui sait ? Fit-elle d'un air éternellement joyeux.
Stiles força un nouveau sourire et hocha la tête, même s'il ne le pensait pas du tout. L'amitié, ça n'existait pas. Pas avec lui. Ce n'était pas l'envie qui manquait, mais... Il n'était pas de ceux qui y avaient droit. Puis de toute manière, il ne savait pas comment faire : il était trop abîmé pour se dire qu'il le méritait et qu'il saurait les garder. Non, mieux valait rester seul. Ça, il savait faire. Au moins, si on se décevait, on ne se faisait pas de mal. Quoique Stiles y avait déjà pensé, mais il n'avait jamais sauté le pas. Il avait bien trop souffert à cause d'autrui pour accepter de s'infliger lui-même une douleur supplémentaire. Stiles était bien des choses, mais pas masochiste.
La rouquine, Lydia, prit les devants et lui demanda ce qu'il faisait avant d'arriver à l'université. Prudent mais s'imaginant qu'on ne s'intéressait pas réellement à lui, Stiles répondit vaguement qu'il avait été dans une espèce d'établissement qui faisait collège et lycée. Quelque chose loin d'ici et pas vraiment intéressant. Et lorsqu'elle lui demanda le nom de cet endroit, Stiles ne chercha pas à le lui cacher. Parce que dans sa tête, c'était un détail sans importance et que ces gens oublieraient presque aussitôt. Elle lui demanda également depuis combien de temps il était revenu en ville et, à nouveau, Stiles lui répondit. Toujours avec ce sourire de façade qui ne bernait personne. Mais Stiles était capable de se convaincre et c'était actuellement la seule chose dont il avait besoin. S'il cédait à la panique comme la dernière fois, on ne serait peut-être patient. On lui avait laissé une deuxième chance, celle de se rattraper. Et il allait la saisir, parce qu'il ne voulait énerver personne.
Et rentrer chez lui sur ses deux jambes.
Il feignit de s'intéresser à Allison, à la seule qui portait suffisamment bien son masque de gentillesse pour qu'il arrive à s'imaginer qu'elle était sincère. Il évita Derek, tenta d'oublier Jackson. Lydia, il ne réussit que peu à la regarder dans les yeux. Elle lui faisait peur. Elle avait l'air d'être le genre de filles à tirer les ficelles, dans un groupe. Dans celui-ci, en l'occurrence. Elle avait cette présence particulière, cet air de leadeuse que l'on ne pouvait ignorer. Cet air que Stiles savait reconnaître et qui lui donnait tout bonnement envie de courber l'échine. Les rapports de force, il connaissait. Alors s'il lui répondit chaque fois qu'elle lui posait une question, c'était surtout pour éviter de la provoquer ou de l'agacer de quelque manière que ce soit.
Mais même si Stiles faisait de son mieux pour rester calme, il restait perpétuellement tendu. Le temps passa. Et son angoisse, jamais disparue, s'imposa peu à peu.
Stiles lui résista au mieux et fit son possible pour ne pas partir trop vite, même si ce n'était pas l'envie qui manquait. Toutefois, vint le moment où il céda et bredouilla une excuse rapidement brodée pour pouvoir s'en aller. Elle reposait essentiellement sur le sujet qui lui rongeait l'estomac depuis des jours, des semaines : ses lacunes. Il expliqua qu'il s'était libéré un peu mais qu'il devait continuer de travailler s'il voulait... Eviter de potentielles complications pour de futurs devoirs, éviter que les tâches soient réparties de manière déséquilibrées. Et s'il ne regarda pas Jackson à ce moment précis, ce dernier sut tout de suite qu'il faisait référence au leur. A celui qu'il avait terminé seul. Il leva un regard inquiet sur lui. Sa culpabilité ? Il la sentait toujours aussi forte que le jour où il lui avait annoncé qu'il s'était occupé du devoir pour eux deux. Idem pour sa honte. La seule différence, c'est qu'il était lentement en train de paniquer sans que cela se voie vraiment sur son visage. Jackson n'avait aucune idée de ce qui lui était arrivé précisément, mais il était certain que Stiles en avait appris à se cacher comme il pouvait. Et bien, en plus. Parce que si Jackson n'avait pas la chance d'être un loup-garou, il n'aurait sans doute pas pu deviner l'étendue de son angoisse qu'il sentait et que son loup intérieur ne pouvait ignorer. Il jeta un discret coup d'œil à Derek... Dont il croisa le regard.
- Tu es venu à pied, c'est ça ? Demanda l'aîné rapidement en tournant la tête vers le châtain...
... Qui masqua comme il le put le sursaut qui le prit et se fit violence pour le regarder plus de trois secondes sans paniquer.
- Oui, fit-il de la voix la plus claire qu'il le put.
Dans sa poitrine, son cœur battait vite. Un peu trop vite. Mais personne ne pouvait l'entendre, de toute façon... N'est-ce pas ? Non, personne ne le pouvait. Et heureusement pour lui. Sinon, quelle honte supplémentaire s'infligerait-il... Si l'on devinait l'étendue et la puissance de son stress. A quel point celui-ci le contrôlait.
- Je te ramène, fit Derek en attrapant un trousseau de clés.
Stiles ne trouva ni la force, ni aucun argument pour répliquer et accepta ce service malgré lui. Quelques salutations timides de sa part et une promesse de revenir plus tard, l'hyperactif suivit Derek hors du loft. S'il crut mourir en se retrouvant à prendre l'ascenseur avec lui ? Oui. Evidemment, Stiles adopta la stratégie de l'évitement pour éviter de perdre ses moyens et fit tout pour ne pas le regarder. Se servit de détails insignifiants pour occuper son esprit, comme le nombre de points que comptaient les signes en braille sur les boutons de l'ascenseur, par exemple. Stiles se fit notamment la réflexion que l'abus de son Adderall n'était pas une mauvaise chose : il se sentait fatigué, certes, mais au moins, il restait suffisamment maître de lui-même pour éviter de laisser son angoisse gagner. Il était plus mou et donc... Il avait moins de pensées destructrices, moins de pensées tout court. Il en avait beaucoup, des tas, mais... Ça allait. Pour l'instant, c'était encore à peu près contrôlable.
Sauf que la perspective de se retrouver seul avec cet homme ne lui plaisait pas le moins du monde. Il ne lui ferait sans doute rien dans l'ascenseur tant son trajet était court, mais... Ensuite ? Stiles se trouverait dans sa voiture et ne pourrait rien faire. Même pas fuir. Là, Derek aurait le champ libre. Toujours intimement persuadé qu'on allait lui faire du mal à un moment ou à un autre, Stiles ne réussit pas à se détendre, et n'archiva pas les souvenirs de ces quelques petites heures dans la catégorie « agréable ». Plutôt dans l'autre, qui n'en finissait pas de se remplir. Il encaissa son angoisse, sa peur, tout. Encaissa en silence, en serrant les poings. Sans jamais remarquer le regard discret posé sur lui.
Une fois arrivés au rez-de-chaussée, les deux jeunes hommes sortirent de l'ascenseur, puis du bâtiment. Stiles songea un instant à courir dans la direction opposée à celle dans laquelle allait Derek. Sauf que son corps préféra agir en pilote automatique et suivre l'homme du bar, celui dont il avait trouvé le regard si doux ce soir-là.
Mais qui le terrifiait à l'heure actuelle.
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