Chapitre 13
Stiles ne savait pas pourquoi, mais il laissait Jackson l'emmener à l'écart. Enfin si, dans le fond, il savait exactement la raison pour laquelle il ne résistait pas et n'essayait pas de fuir. Le blond lui faisait définitivement trop peur et, d'expérience... L'hyperactif pouvait dire qu'il avait appris que la discrétion pouvait parfois lui faire éviter de gros ennuis – notamment quelques coups. La violence, il avait assez donné et depuis son retour à Beacon Hills, il faisait tout pour l'éviter, mais... Il enchaînait les erreurs malgré lui et il savait que rien de cela ne resterait impuni.
Maintenant... Restait à savoir à quel point Jackson lui en voulait. Quoique dans tous les cas, Stiles était terrorisé. Un coup, un simple coup pouvait le renvoyer des semaines en arrière et réduire à néant tous les efforts qu'il avait faits jusqu'à présent pour tenter de recommencer à vivre une vie normale. Quelque chose de doux, de calme.
Ce qui aurait pu le surprendre s'il était dans un meilleur état aurait été la poigne de Jackson. Peu forte. Il le tenait et le tirait, sans serrer à outrance. Il ne lui faisait pas mal. Ne se montrait pas sec, menaçant. Mais il ne parlait pas, ne disait rien. Néanmoins, pour Stiles, les choses restaient claires, limpides : Jackson allait passer ses nerfs sur lui à cause de leur devoir. De toutes ses lacunes. Du retard qu'il lui faisait prendre. Et le pauvre hyperactif se décomposait davantage à chaque seconde qui passait parce qu'il n'avait aucun moyen d'éviter cette situation. Ce qui ne le rassurait pas davantage, c'était de voir qu'ils se dirigeaient vers un coin reculé du campus. Qu'ils marchaient, longtemps – trop pour son petit cœur qui menaçait d'exploser dans sa poitrine. Stiles était terrorisé, quoique le mot lui paraissait finalement bien faible par rapport à son état actuel. Néanmoins il fit tout ce qui était en son pouvoir pour rester là, conscient. Ne pas tourner de l'œil. Ou peut-être après, lorsqu'il se retrouverait au sol. Mais pas maintenant, pas tout de suite. Parce qu'il ne voulait pas attiser la colère froide de Jackson.
Stiles défaillit lorsque Jackson le fit entrer à l'intérieur du gymnase, qui se trouvait passablement éloigné des bâtiments de cours de l'université. Il manqua de perdre l'équilibre mais se rattrapa in extremis. La poigne de Jackson sur son poignet se raffermit et Stiles se mordit la lèvre. Il fallait qu'il se concentre. Pour l'instant, il devait tenir sur ses deux jambes. Plus le droit de trébucher, ni de tomber. Attirer davantage l'attention de Jackson, c'était signer son arrêt de mort. Néanmoins, il savait qu'il ne tiendrait pas longtemps.
Stiles eut l'impression que son cœur allait s'arrêter. Jackson venait de le tirer à l'intérieur de l'une des salles réservées aux vestiaires. A cette heure-ci, elles étaient toutes vides et le reste du gymnase, ouvert mais inoccupé. Et Stiles retint un peu trop bien cette information.
Il était seul.
Avec Jackson.
Le pire fut lorsqu'il le lâcha pour aller fermer la porte. Stiles crut qu'il allait s'évanouir sur le coup, à cause de ce simple geste qui, pour lui, voulait tout dire. Son cœur lui fit mal, comme si on venait de le lui transpercer, tant et si bien qu'il en eut le souffle coupé un instant. Parce qu'il pensait naïvement que tout ça, c'était terminé, que la fin de son séjour à Alvan... Signait la fin de la déferlante de violence à son égard. En fait, il croyait avoir gagné sa liberté et le droit de vivre sans avoir à continuellement subir.
Alors se rendre compte que ce n'était pas le cas et qu'il s'était probablement trompé sur toute la ligne lui fit un certain choc, à tel point qu'il ne se rendit pas tout de suite compte que Jackson s'était rapproché de lui. Lorsqu'il posa sa main sur son épaule, Stiles sursauta violemment mais n'osa pas relever la tête vers lui. Honnêtement, il savait que l'image qu'il renvoyait ne lui rendait pas service. Il était clair que le jeune homme ne se montrait que plus faible ainsi, cependant... Il se savait incapable de jouer la comédie, incapable de faire semblant d'user d'une force qu'il ne possédait pas. Qu'il n'avait sans doute jamais eue, au fond.
Plus largement, Stiles était usé jusqu'à la moelle et il se prit à espérer que Jackson ait un cœur et soit bref. L'hyperactif pouvait sans doute supporter une tentative d'intimidation, mais... Pas plus. Le corps entièrement crispé comme jamais, il attendit et ce, sans lever les yeux une seule seconde. La suite dépendait entièrement de Jackson.
C'est alors qu'il entendit un soupir et qu'il sentit la main de Jackson se crisper sur son épaule, avant de se détendre et de le lâcher. Dans sa poitrine, le cœur de Stiles battait à tout rompre et la terreur de l'attente le paralysait.
- Arrête d'avoir peur de moi.
Tu vas me faire du mal, faillit répliquer Stiles, sauf qu'il n'avait absolument pas le cran de prononcer quelque mot que ce soit, encore moins cette évidence. Jackson allait le frapper. Passer ses nerfs sur lui. C'était ce qu'il était censé faire, sinon... Pourquoi l'emmener ici, à l'écart ? Dans un endroit où nul ne pouvait les déranger à cette heure ?
- Il faut juste que je te parle. Qu'on discute.
Stiles n'ouvrit pas la bouche, mais il hocha faiblement la tête, sans la relever pour autant. Qu'était-il en train de se passer ? Jackson disait-il la vérité ou tentait-il de le tromper ? Et si la discussion qu'il désirait n'était qu'un prétexte, un moyen de lui faire baisser sa garde ? Le blond lui dit de s'assoir sur l'un des bancs du vestiaire et Stiles s'exécuta, la mort dans l'âme. Etonnamment, Jackson vint prendre place à ses côtés. Incapable de se détendre ou de penser à autre chose qu'à tous les scénarios possibles quant à la suite de cette histoire, Stiles serra les poings sur ses cuisses et enfonça ses courts ongles dans la peau délicate de ses paumes. Il lui fallait un moyen de s'ancrer dans la réalité pour ne pas s'effondrer tout de suite. La légère douleur qu'il fit naître en lui ferait l'affaire. Et, bien sûr, Stiles eut envie de s'excuser, parce que... Dans un sens, il était l'unique responsable de cette situation. N'était-ce pas lui, qui le mettait en retard avec ce devoir ? Lui dont les lacunes étaient indéniables ? Lui qui s'était évanoui dans cet immense loft alors qu'ils se devaient d'avancer ? Stiles lui avait posé un lapin à deux reprises. Parce qu'il avait paniqué au point de perdre connaissance. A croire qu'il n'était bon qu'à ça. Evidemment, Stiles n'arrêtait pas de penser au fait qu'il allait finir par en payer le prix et ce, plus ou moins rapidement, en fonction de l'humeur de Jackson. Jackson, assis à sa gauche. Près. Trop près. Il ne l'était pas vraiment, mais dans cette situation, sa simple présence suffisait à angoisser l'hyperactif.
- Tu... Ne t'embête plus pour ce devoir, je l'ai fini.
Aïe. Jackson avait lâché cette information dans un soupir, que Stiles jugea rapidement agacé. Il se tendit alors davantage et en eut des sueurs froides. Il se força à garder le regard rivé au sol. C'était maintenant, non ? Maintenant qu'il allait subir sa colère, son courroux. Goûter à la morsure de ses poings, la brûlure de ses pieds. Dans sa tête, des flashes. Sans arrêt. Sauf que si les corps appartenaient à ses anciens tortionnaires, l'esprit torturé de Stiles remplaçait leur tête par celle de Jackson... Comme pour voir la scène à l'avance et la prévoir – tout en sachant qu'il ne ferait rien pour se défendre, à part peut-être se protéger la tête. Mais Stiles sentit peu à peu le contrôle de son corps lui échapper et il savait qu'il allait réellement se mettre à trembler d'ici peu de temps. Alors, pour sauver un minimum les apparences, il serra davantage les poings, se fit un peu plus mal encore sans que l'expression de son visage ne change d'aucune manière. Stiles avait toujours l'air effrayé et il était facile de voir qu'il se contrôlait encore un peu. Qu'il ne laissait pas tout filtrer.
- J'aimerais juste comprendre.
La presque « douceur » dans la voix de Jackson ne réussit pas à détendre l'hyperactif. Il entendait l'absence d'agressivité, mais il n'en fit pas vraiment cas parce que pour lui, ça ne faisait pas sens. Il se savait dans une impasse et c'était tout ce qu'il retenait à l'heure actuelle.
- Stiles, regarde-moi.
L'hyperactif se mordit la lèvre mais s'exécuta, encore. Comme toujours. En fait, il n'était bon qu'à ça. Obéir. Obéir et puis subir. Pourtant, il voyait bien que Jackson n'avait pas l'air énervé. Son regard bleu ciel n'était pas froid. Mais il avait besoin de rester des plus méfiants, de ne pas croire en une potentielle gentillesse chez Jackson. Stiles devait se protéger coûte que coûte. Alvan avait rendu sa santé mentale instable et il lui était déjà arrivé de penser à des choses... Des choses. Forcément, il se devait de faire attention. Après tout, il était bien placé pour savoir qu'une allure a priori normale pouvait cacher une âme sombre.
Et pourtant, son cœur battait un peu moins vite, un peu moins fort.
- Pourquoi tu... Qu'est-ce qui te fait aussi peur ? Finit par demander Jackson.
Toi. Les autres. Tout le monde. Stiles n'avait plus vraiment confiance en l'être humain. La gorge sèche, il avala péniblement sa salive en détournant les yeux. Qu'était-il censé répondre ? Devait-il vraiment ouvrir la bouche ? Prendre la parole ? Et puis pourquoi lui demander ça après lui avoir annoncé qu'il avait terminé leur devoir seul ? Stiles ne voyait pas de lien qui lui paraisse un tant soit peu logique.
Mais surtout... Pourquoi Jackson n'avait-il réellement pas l'air en colère ?
- Pourquoi tu m'as emmené ici ? Osa finalement demander Stiles dans un souffle.
Et même si son « audace » pouvait lui causer des problèmes, il avait besoin de savoir. Besoin d'avoir une réponse, une explication. Quelque chose de concret, qui puisse lui indiquer sur quel pied danser. Parce que... Oui, il continuait d'avoir peur. De se retenir autant que possible de trembler comme il l'aimerait. Et évidemment, se contrôler l'épuisait doucement. Il lui fallait juste une information, une idée, un geste... Quelque chose. Car, bien sûr, une part de lui avait envie d'espérer, de se dire que tout ça, c'était vraiment terminé. Que tout le monde n'était pas mauvais. Et s'il était juste trop faible pour ce monde ?
Jackson haussa un sourcil et répondit :
- Tu n'es pas à l'aise avec les gens, tu as peur quand il y en a trop. C'est une évidence. Je pensais qu'ici, tu te sentirais plus tranquille.
Stiles osa le regarder à nouveau d'un air incrédule. Avait-il bien entendu ou... ? Le pire, c'était que les yeux de Jackson lui paraissaient habités par une certaine... Douceur. Ou quelque chose s'y apparentant.
- Alors tu ne comptais pas me...
Stiles ne termina pas sa phrase, tout juste soufflée, elle aussi. En fait, il s'interrompit de son plein gré. Il ne devait pas dire ça, mais sa bouche s'était ouverte toute seule, comme si elle était mue par une volonté propre. Comme si la prévenance étonnante de Jackson l'avait trop surpris pour qu'il se contrôle totalement.
Le blond eut soudainement l'air ahuri et Stiles se tendit à nouveau. Presque instantanément, il se maudit pour avoir osé ouvrir la bouche et appréhenda violemment la suite.
Sauf que le visage de Jackson se décomposa au fur et à mesure qu'il comprenait et cette espèce d'indifférence qui le caractérisait aux yeux de Stiles s'effondra complètement. L'air déconfit qu'il arbora le surprit sincèrement.
- Attends, tu pensais sérieusement que j'allais te faire du mal ? Articula Jackson.
Stiles se retrouva pris de court. Oui. Et là encore, de très légers flashes l'envahirent, le tendant à nouveau. Les souvenirs... Ces souvenirs ne s'en iraient pas.
Ne sachant pas quoi dire, l'hyperactif garda le silence et serra davantage les poings. Si ça continuait, il allait se faire saigner.
- Stiles, je n'allais pas...
- C'est toujours comme ça que ça finit, lâcha Stiles malgré lui avant de se rendre compte qu'il avait coupé le blond. Oh pardon, je... Désolé. Vraiment. Excuse-moi, je sais pas ce qui m'a...
Son cœur s'affolait à nouveau dans sa poitrine. Mais Jackson posa une nouvelle fois sa main sur son épaule. Perçut-il les légers tremblements que Stiles s'efforçait de dissimuler ? L'hyperactif n'en savait rien.
- Tout va bien. T'as rien fait de mal, tenta maladroitement Jackson.
Le regard de Stiles resta pourtant empli d'une terreur sans nom. Une terreur aux frontières de la folie.
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