Chapitre 12
Il n'y avait pas de meilleure sensation que de retourner chez soi, seul. Stiles put ainsi pousser un soupir de soulagement, loin de son père, loin de celui qui ne savait rien et qui, s'il voyait l'état de son appartement, se poserait de sérieuses questions. Ici, tout était très différent de sa chambre à la maison, cet endroit qu'il ne considérait plus comme son foyer depuis longtemps. Oui, Stiles était d'une maniaquerie extrême. Rien ne devait dépasser, et encore... Le léger film de poussière qu'il entrevoyait sur certains objets le mettait mal.
Ainsi, la première chose que fit Stiles après s'être déchaussé dans l'entrée fut de faire le ménage. Il y passa du temps, beaucoup de temps, pour la simple et bonne raison qu'il ne s'occupa pas uniquement de la poussière. Il changea ses draps – datant pourtant de seulement quatre jours –, aspira, lava le sol, récura sa gazinière déjà propre, rangea son frigo et rangea son bureau pourtant bien ordonné. Mais il fallait que tout soit propre, que rien ne dépasse. Rien. Absolument rien.
Stiles était un maniaque, oui, mais uniquement chez lui. La poussière, la saleté... Ailleurs qu'à l'intérieur de son appartement, il s'en fichait : à vrai dire, il n'y accordait pas plus d'importance que cela, tant que la crasse n'était pas abusée. C'était son espace, et uniquement son espace à lui, qui se devait d'être parfaitement propre et ordonné. Il n'avait pas le choix. Même alors qu'il était seul, même alors qu'il était libre, il continuait de vivre dans la peur que des fantômes du passé viennent le hanter parce qu'il n'avait pas effectué ces tâches-là correctement. Pourtant, il était conscient que tout était terminé, mais on ne brisait pas un conditionnement imposé pendant plusieurs années en seulement quelques semaines. Esclaves de ces habitudes qu'on avait ancrées en lui, Stiles ne s'arrêta que lorsqu'il fut certain d'être passé partout. A vrai dire, la nuit avait eu le temps de tomber et son corps, de se fatiguer. Une fois son ménage complètement terminé – ménage qu'il n'avait pas besoin de faire, en soi –, Stiles se fit rapidement à manger, rangea et nettoya le tout lorsqu'il eut fini et alla s'installer à son bureau pour travailler. Parce que l'air de rien, il en avait, des choses à faire. Trop. D'autant plus que le devoir à faire avec le blond du loft ne quittait pas non plus ses pensées. Honnêtement ? Il avait peur de la suite, des potentielles représailles qui risquaient de lui tomber dessus. Pour l'instant, cette terreur ne le paralysa pas : il était chez lui, enfermé à double tour. L'autre ne connaissait pas son adresse et de toute manière, Stiles doutait qu'il chercherait aussi loin, même pour lui faire payer sa faiblesse. Ainsi, il ne savait pas ce qui allait se passer mais pour l'instant, il se disait qu'il avait l'occasion de se rattraper, l'occasion de faire en sorte de travailler ce qu'il n'avait pas compris. Mais une petite voix en lui décida de lui rappeler sournoisement... Que c'était la deuxième fois qu'il faisait faux bond à Jackson d'autant plus que cette fois-ci, il avait sans doute gâché la journée de tous ces gens présents dans ce loft. Encore pire : il se souvenait de la manière dont le propriétaire avait pris soin de lui, du temps qu'il lui avait consacré à essayer de le calmer.
Ainsi, Stiles se mit rapidement à trembler et réviser lui parut soudainement impossible. Que devait-il faire ? Envoyer un message au blond et tenter d'obtenir le numéro de ce Derek ? L'homme qui l'avait écouté jouer devait avoir une bien mauvaise image de lui, à présent... Et ce devait être encore pire du côté de Jackson, qu'il retardait indubitablement. Stiles se maudit. Il n'aurait jamais dû se mettre dans des états pareils. Et encore, s'il savait se maîtriser... Mais non, il avait fallu qu'il s'évanouisse à moitié, que l'on fouille ses affaires, que l'on appelle son père, que... La liste de ses erreurs était longue. Evidemment, cela lui créait plus de problèmes qu'autre chose, tant et si bien qu'il se demanda s'il allait avoir le cran d'aller à l'université le lendemain. La peur de croiser à nouveau le blond et de voir la colère, cette si fidèle ennemie, dans son regard, le tétanisa sur place alors qu'il était en sécurité chez lui. Ainsi, il hésita très franchement à lui envoyer un message empli d'excuses mises bout à bout, dans l'espoir de... L'apaiser, sans doute et de lui montrer sa bonne volonté. C'était couillu pour quelqu'un qui l'avait déjà retardé à deux reprises, mais... Il se voyait mal le croiser en cours sans rien lui avoir dit avant, d'autant plus qu'il risquait encore plus gros en gardant le silence.
Alors, il finit effectivement par envoyer quelque chose. Pas une multitude d'excuses mises les unes après les autres, juste une, accompagnée du fait qu'il se ferait pardonner pour les désagréments causés. Stiles voulait passer pour quelqu'un de normal, pas aussi brisé qu'il ne l'était vraiment, mais dans un sens, il se doutait bien qu'une formulation de ce genre n'était pas des plus courantes et pourtant... Il la laissa et lâcha son téléphone. Maintenant que son message était envoyé, il était temps pour lui de se remettre au travail même si sa concentration n'était pas vraiment au rendez-vous. Pas du tout, même. A vrai dire, qu'il tente encore de travailler dans son état était aussi idiot que toxique.
Mais Stiles n'avait presque connu que ça. On l'avait amené à toujours faire ce qui était le moins bon pour lui alors à force... C'était rentré. Un peu trop, d'ailleurs. S'en rendait-il compte ? Pas vraiment.
C'est ainsi qu'il s'acharna jusqu'à tomber de fatigue aux alentours de trois heures du matin.
xxx
Dire que Stiles appréhendait ne rendrait pas justice à son état réel. Non seulement il verrait forcément Jackson durant au moins l'un de ses cours – ils avaient l'air d'être dans la même filière –, mais en plus celui-ci n'avait absolument rien répondu à son message. L'ignorait-il, ou n'avait-il simplement pas encore eu le temps de lui écrire quelque chose ? Stiles n'était pas sûr de vouloir connaître la réponse car aucune des deux possibilités ne lui paraissait positive. Il n'était même pas certain de pouvoir décider que l'une puisse être pire que l'autre car aucune ne lui inspirait la moindre confiance. Dans tous les cas, voici ce qu'il avait compris : Jackson lui en voulait. Terriblement. Et Stiles était persuadé qu'il le paierait, d'une manière ou d'une autre. Ainsi, il pénétra dans l'enceinte de son bâtiment la mort dans l'âme et fatigué, accessoirement. Il s'était couché tard, c'était un fait : pour autant, il n'avait pas été tendre avec lui-même puisqu'il avait trouvé le moyen de se lever tôt pour travailler, encore, essayer de comprendre toutes ces choses qui pour lui n'avaient pas le moindre sens. Dans le fond, il savait n'être pas plus bête qu'un autre, cependant... Il était devenu lent, affreusement lent. Certains parleraient de problèmes de méthodologie, mais la vérité, c'était que Stiles voulait apprendre et travailler trop de choses à la fois tant il se savait en retard. Et le devoir qu'il avait à faire avec Jackson n'était sans doute pas le dernier travail en binôme qu'on lui donnerait... Alors il se devait de redoubler d'efforts, autrement... Il allait s'attirer de sérieux ennuis, si ce n'était pas déjà fait.
Stiles finit par trouver et entrer dans l'amphithéâtre de son cours du matin. Pas du tout à l'aise à l'idée de se trouver, comme toujours, dans un endroit rempli de monde, il s'assit au fond, dans un coin. Loin des gens, loin de tout le monde. Pourquoi réussissait-il à conserver ses moyens ? Parce qu'ici, contrairement au loft, personne ne le connaissait ni ne faisait attention à lui. Il faisait partie de ces silhouettes fantômes que l'on apercevait à peine et alors, on détournait le regard pour poursuivre sa route. Autant dire que cela arrangeait complètement l'hyperactif qui désirait juste écouter son cours sans déranger personne.
Bien évidemment, cela ne fut pas simple. Malgré son traitement contre son fléau personnel, son TDAH, il continuait à avoir du mal à se concentrer, d'autant plus qu'il restait passablement préoccupé. A vrai dire, il continuait de penser à Jackson, à Derek et à tous ces gens devant lesquels il s'était ridiculisé. Le regard du jeune homme balaya l'amphithéâtre alors que le professeur recherchait quelque chose dans son diaporama. Son cœur s'arrêta de battre un instant. Deux ou trois rangées en-dessous de lui, l'hyperactif aperçut une tête blonde ressemblant étrangement à celle de Jackson et si la panique le prit, il parvint à la contrôler, à se montrer rationnel. Parce qu'il pouvait très bien être en train de rêver et que de toute manière, Jackson – s'il s'agissait de lui – ne pouvait le voir d'ici.
Alors, Stiles fit de son mieux pour oublier une présence qui, pour lui, n'était qu'une possibilité potentielle. Après, il était possible qu'il y voie mal étant donné que ses lunettes commençaient à dater. A ce propos, il se fit la note mentale de se trouver un petit boulot, histoire de s'en payer une nouvelle paire bientôt. Hors de question de déranger son père avec ce détail : ce n'était pas la peine. Déjà qu'il avait du mal à boucler ses fins de mois avec son maigre salaire de shérif... Une profession sous-payée, à son humble avis.
Pour être honnête, Stiles ne réussit pas à prendre beaucoup de notes tant il pensait à tout et n'importe quoi à la fois. S'il songea à demander à quelqu'un de lui passer ses cours pour qu'il puisse rattraper correctement ce qu'il avait raté ? Absolument pas. Puis... Parler à quelqu'un ? Encore moins. Non, il se débrouillerait, comme toujours... Stiles nota dans les notes de son téléphone les sujets précis sur lesquels il aurait à faire des recherches en rentrant, ou... Mieux ! Durant sa pause de midi. Il avait deux heures durant lesquelles il lui suffirait de se prendre un petit sandwich et de s'installer à la bibliothèque. D'ailleurs, peut-être qu'il trouverait en cet endroit – qu'il jugeait merveilleux – les éléments dont il avait besoin pour étoffer son pauvre cours.
Enfin, le plus important pour lui à l'heure actuelle fut de se préparer, cinq minutes avant la fin du cours, à sortir en avance. Ainsi, la portion de table qu'il occupait se retrouva rapidement vide, toutes ses affaires ayant rejoint le fond de son sac à dos. L'idée ? Sortir le plus vite possible dès que le professeur en donnerait le feu vert pour éviter le Jackson potentiel qu'il avait repéré un peu plus bas. Si Stiles savait qu'il subirait les conséquences de sa faiblesse le concernant, il aimerait tout de même avoir le temps de s'y faire et, potentiellement, avoir la chance de recevoir une réponse à son message. Si ce n'était pas Jackson, tant pis : au moins, il arriverait vite à son prochain amphithéâtre sans prendre le risque d'être en retard. Mais s'il s'agissait bien de son Jackson... La fuite était effectivement on ne peut plus nécessaire.
Ainsi, il se leva dès que le professeur leur souhaita à tous une bonne semaine et s'empressa de sortir de la grande salle. De là, il traversa un couloir, slaloma entre les étudiants et finit par arriver à l'extérieur du bâtiment. Certain de ne pas être vu par le potentiel Jackson qui, lui, n'avait pas dû se presser, il s'accorda une minute pour regarder son emploi du temps et grimaça. Il devait aller à l'autre bout du campus. Campus qu'il ne connaissait pas encore parfaitement. Il fallait dont qu'il se mette en route, puisqu'il avait à peine une dizaine de minutes devant lui. Cependant, une main froide attrapa un peu brusquement son avant-bras et Stiles sursauta. Apeuré, il tourna rapidement la tête... Et croisa le regard de glace de Jackson qui le pétrifia sur place.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top