Chapitre 10


Stiles ne s'effondra pas contre le sol, mais bien contre une épaule et un torse ferme. Les bras qui l'entouraient étaient réels et le retenaient un peu trop efficacement. L'hyperactif eut du mal à reprendre sa respiration pour le moins saccadée tant le stress le submergeait. Il n'avait plus de forces, plus d'énergie pour résister et endiguer toutes ces choses qui l'écrasaient. La main qui monta se caler dans ses cheveux manqua de le faire geindre et il se crispa instantanément, comme s'il pensait que ce mouvement était le début d'un coup. Mais l'impact en tant que tel ne vint pas. Il fut des plus doux et la caresse légère qui lui fut appliquée fit rater à son cœur bon nombre de battements.

Stiles ne comprit pas. En fait, il ne chercha même pas à éclaircir la situation, tout simplement parce qu'il n'était pas en état. Ses doigts serrèrent la chemise de l'homme sans même qu'il s'en rende réellement compte. A vrai dire, il n'était plus vraiment lui-même. Pouvait-on lui en vouloir ? Il avait résisté, longuement, avait dépassé ses limites tout simplement parce qu'on ne lui laissait pas d'autre choix. Stiles détestait les foules, et tous ces gens dans le loft en constituaient une. Pour lui, il s'agissait d'étrangers, d'inconnus, de prédateurs potentiels. Il était seul : à leur merci à tous. Alors, il était naturel qu'il finisse par céder.

- Tout va bien, entendit-il. Respire.

La voix de l'homme était-elle aussi douce que ne l'étaient ses gestes ? Il semblerait. En tout cas, elle caressa son cœur dans le sens du poil, à tel point qu'il eut envie de l'écouter. Et il essaya de faire ce qu'il disait, mais sa propre instabilité le perturbait alors même qu'il ne pouvait s'empêcher de s'accrocher à lui.

- J-je... J'vais... T-tomber... Peina-t-il à articuler.

- Je te tiens et je ne te lâche pas. Respire.

Stiles peina à exécuter sa demande tant l'angoisse l'avait atteint. Si ça continuait, il allait s'évanouir et ce n'était pas le moment. Mauvaise nouvelle pour lui : des points colorés dansaient déjà devant ses yeux et sa vue était floutée par les larmes qui s'étaient mises à couler. Sa prise déjà fébrile sur le haut de l'homme s'affaiblit sensiblement.

- Reste avec moi.

Pourquoi aimait-il déjà cette voix ? Pourquoi avait-il toujours été du genre à apprécier ce qu'il n'avait pas le droit d'aimer ? La voix d'un homme ne devrait pas lui faire quoi que ce soit, si ce n'est susciter de la peur en lui. Et en soi... Elle le terrifiait, mais pas complètement. Oui, il était terrorisé, était à deux doigts de perdre connaissance. Or ce timbre... Lui faisait vraiment quelque chose. Peut-être qu'il le calma un peu. Pas complètement. Juste un tout petit peu.

- Je vais te porter, d'accord ?

Stiles n'arriva même pas à savoir s'il avait hoché la tête ou non tant il était déjà à l'ouest. Une chose était sûre, il était incapable de le repousser ou même simplement de contester. Il entendait toujours la voix de cet homme, ce qui était bon signe, mais... Il avait l'impression de ne plus vraiment le sentir.

Ainsi, Derek put passer ses mains sous ses fesses de manière très brève afin de les faire glisser sous ses cuisses alors que les bras de son précieux fardeaux avaient fébrilement été passés autour de son cou. La tête de l'adolescent reposait donc un peu sur son épaule, sa joue pâle contre la peau tannée de son cou.

- Tout va bien, souffla-t-il.

Stiles ne hocha pas la tête, mais son odeur et les battements de son cœur suffirent à Derek pour qu'il comprenne qu'il avait été entendu. Il se calma très légèrement. A peine, mais assez pour rester conscient et ne pas céder à l'évanouissement qui continuait de le menacer.

S'assurant qu'il le tenait bien, Derek sortit de son bureau et emmena le jeune homme à l'étage sous des regards perplexes, inquiets, troublés. La majorité de ces jeunes gens étant des êtres surnaturels et plus particulièrement des loups-garous, ceux-ci avaient entendu les échanges brefs avec et sans Allison, ainsi que les paroles se voulant rassurantes de Derek. Autant dire que rien n'était clair et qu'on ne comprenait pas l'état dans lequel s'était mis leur invité. Pourquoi avait-il autant paniqué ? Qu'est-ce qui avait provoqué une terreur pareille chez lui ? Il sentait déjà la peur à son arrivée au loft, mais... Pour quelle raison ? Cette terreur était si forte et pesante qu'elle en était perturbante. Jackson se mordit la lèvre inférieure et décida de monter quelques temps après Derek. Au départ, l'on se dit qu'il était simplement inquiet. Le sportif était quelqu'un de dur, mais pas insensible. Toutefois, il en fallait beaucoup pour le préoccuper. Alors s'il réagissait ainsi alors qu'il avait dit ne connaître qu'à peine ce jeune homme, c'était qu'il lui avait tapé dans l'œil.

Ou que son angoisse était si profonde qu'elle l'avait saisi aux tripes.

C'était ça, la vérité.

Et dans un sens, il se sentait coupable parce que le faire venir ici, c'était son idée. Il l'avait eue à la suite de l'épisode de la dernière fois, ce jour où Allison et Scott avaient emmené le brun à l'infirmerie, brun qui s'était évanoui suite à une crise de panique violente. Alors Jackson s'était dit que le loft serait un bon endroit pour travailler en détente, avec des gens tous plus adorables que les autres – et surtout plus que lui. Parce que le sportif avait conscience d'avoir l'air aussi avenant qu'une porte de prison. Il s'était imaginé qu'un tel cadre ne pourrait que lui faire du bien. Mais il ne s'était pas douté une seule seconde que cela aurait l'effet inverse. Forcément, la culpabilité le tenaillait. Oui, cet étudiant le troublait, notamment à cause de la peur constante qui se dégageait de son odeur. Mais il lui avait tout de suite inspiré une certaine sympathie : il faisait partie de ces gens qu'on avait instantanément envie de protéger – et Dieu sait à quel point Jackson avait rarement ressenti cela. La première fois que c'était arrivé, c'était lorsqu'il avait rencontré sa meilleure amie, Lydia. Aujourd'hui, elle rayonnait, mais autrefois ? Autrefois, elle lui inspirait le même genre de choses que Stiles. Parce qu'elle avait souffert le martyr. La question était maintenant de savoir ce qui était arrivé à ce pauvre étudiant à lunettes. Jackson se doutait qu'il n'allait pas le savoir avant un moment, mais il tenait à s'assurer personnellement de son état.

Lorsqu'il arriva, il trouva Derek en train d'allonger doucement Stiles sur le lit de la chambre d'amis. Il n'avait pas perdu connaissance, pas encore, mais sa respiration aussi irrégulière qu'hachée s'entendait tout autant qu'elle était visible dans son torse se soulevait et s'abaissait. Derek lui prit la main et s'assis au bord du lit, près de lui. Jackson remarqua qu'il n'avait pas pris la peine de lui enlever ses chaussures, ce qui prouvait l'inquiétude certaine de l'alpha. Car oui, il était l'alpha de ces jeunes gens, de cette meute discrète. Il le vit lui parler, tenter de le rassurer et l'étudiant hochait parfois péniblement la tête, sans prononcer un seul mot, les yeux entrouverts. Jackson vint s'installer près d'eux et entreprit d'appuyer Derek. Le garçon avait des sueurs froides et le doute persistait dans son odeur, à tel point que cela faisait mal au cœur des deux loups-garous.

La détresse de ce Stiles était surprenante. Jamais Jackson n'avait été témoin d'un tel degré de peur, Derek encore moins. C'était si fort que l'étudiant embaumait la chambre de son odeur oppressante, étouffante. Sans doute certains loups devaient-ils l'avoir sentie depuis l'étage inférieur.

Et c'était le cas. Les lycanthropes grimaçaient un peu et expliquèrent aux deux humaines qu'ils n'avaient jamais senti quelque chose de pareil. Scott soupira de dépit, mais ne dit rien. Il savait qu'Allison ne serait pas d'accord avec lui.

Elle était trop gentille. C'était à la fois ce qu'il appréciait et détestait le plus chez elle. La belle brune, chasseuse de son état, avait un cœur en or et ne manquait jamais de vouloir aider son prochain. Honorable, mais parfois inutile selon Scott.

- Je pense qu'il vaut mieux qu'il rentre chez lui, fit justement Allison d'un air songeur. Il faudrait qu'on contacte un de ses proches, quelqu'un qui pourrait le ramener.

- Serait-ce une invitation à fouiller ? Demanda la rouquine de la bande, un faux air narquois dissimulant à moitié son inquiétude, en revenant, le sac de l'étudiant dans les mains.

Lydia Martin aimait enquêter sur tout et tout le monde. La plupart du temps, elle cherchait ce dont elle avait besoin sans demander l'avis de qui que ce soit et se faisait souvent taper sur les doigts pour son manque de respect pour l'espace privé. Cette fois-ci, elle avait refoulé ses tendances curieuses particulièrement sollicitées depuis l'arrivée de l'étudiant à lunettes, et pas seulement parce qu'elle ne le connaissait pas.

Il y avait quelque chose en ce jeune homme qui lui donnait un sentiment de déjà-vu. Il avait ce quelque chose qui l'intéressait, qui tirait sa sonnette d'alarme intérieure, sans pour autant qu'elle n'arrive à mettre le doigt dessus. C'était frustrant. Et on ne frustrait pas Lydia Martin. Après qu'Allison lui ait silencieusement donné l'autorisation qu'elle n'aurait au final pas attendue plus longtemps, Lydia ouvrit le sac à dos. Il était peu rempli, contenait simplement un porte-vue, une trousse, un manuel et... Les voilà ! Lydia, radieuse, sortit un portefeuille qui contenait sans doute tous les papiers qu'elle cherchait. Elle fureta tranquillement et trouva sans aucun problème ce qu'elle avait en vue.

Son visage se décomposa à vue d'œil et son semblant d'air supérieur laissa la place à une profonde perplexité. Allison fronça tout de suite les sourcils et s'approcha doucement de sa meilleure amie.

- Un problème ? Demanda-t-elle.

A voir l'expression particulière de son visage, l'on aurait dit que la rouquine faisait face à l'un des plus grands mystères de ce monde. Lentement, Lydia releva les yeux vers la brune et ce fut à son tour de froncer, très légèrement pour ne pas creuser la moindre ride dans sa peau parfaite, les sourcils.

- Stilinski n'est pas un nom de famille très... Commun, n'est-ce pas ?

- Stilinski, comme le shérif Stilinski ? S'enquit Isaac, qui ne lâchait pas la rouquine du regard depuis qu'elle avait commencé ses recherches.

- Attends, montre-moi, quémanda Allison en se penchant.

Dans le fond de la pièce, Scott soupira d'agacement et Isaac lui jeta un regard réprobateur.

Le yeux ébènes de la petite-amie du latino s'écarquillèrent sous la surprise. Le nom de famille de l'étudiant s'écrivait exactement comme celui du shérif de leur petite ville – shérif qu'ils adoraient. Noah était un homme aussi gentil qu'admirable et qui n'hésitait pas à leur prêter un coup de main lorsqu'ils en avaient besoin pour leurs affaires... Un peu spéciales. Allison cligna des yeux rapidement. Cela pouvait aussi bien être un hasard. Il y avait, dans le monde, beaucoup de Martin, sans doute plusieurs Argent et quelques Lahey, Dunbar... Stilinski devait être un nom de famille assez répandu, notamment en Pologne, pays d'origine de Noah.

- Tu penses qu'on devrait l'appeler ? Demanda Allison.

- Je pense qu'on n'a rien à perdre à tenter cette piste, répondit la rouquine en haussant les épaules.

- Après c'est bon, on le laisse se reposer un peu et il repartira tout seul, fit Scott en levant les yeux au ciel.

- Je me range du côté des filles, lâcha Liam après avoir vu Kira hocher la tête.

- Dans son état, je pense qu'il serait plus sage d'essayer de contacter un de ses proches, intervint Isaac.

- On ne le connaît pas, rétorqua Scott en soupirant à nouveau, d'autant plus que le shérif a du travail.

- Ça ne nous empêche pas de nous montrer gentils, railla Lydia, et civilisés.

Allison, si elle ne dit rien, lança un regard noir à son petit-ami qui détourna les yeux. Elle songea à Derek et Jackson, à l'étage, qui devaient tout entendre de la conversation et n'avait aucun doute qu'ils se rangeaient également de leur côté. Pressée de vérifier s'il existait un lien entre les deux Stilinski, et plus particulièrement si le nom qu'ils partageaient était ou non une coïncidence, Lydia sortit son téléphone de son sac et chercha le nom du shérif dans la liste de ses contacts. Une fois qu'elle l'eut trouvé, elle s'isola, pour la forme tout en espérant qu'en haut, ça allait. L'étudiant, qu'elle n'avait pourtant jamais vu de sa vie avant ce jour, l'inquiétait déjà. Même si elle avait déjà eu, dans sa vie, une période où la peur dominait, jamais cela n'avait été similaire. Celle de ce Stiles était terrifiante. L'on aurait dit qu'il était complètement cassé, qu'on l'avait détruit longuement, jusqu'à ce que la moindre once de confiance – en lui et en les autres – soit réduite en miettes.

Lydia lança l'appel dès lors qu'elle se fut enfermée dans le bureau où Jackson et Stiles avaient travaillé. Le shérif décrocha au bout de deux sonneries seulement, sans se douter une seule seconde que cet appel allait changer le cours de sa vie, faire basculer ses croyances, envoyer valser tout ce qu'il pensait véridique.

Une étincelle prête à tout faire exploser.

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