Chapitre 3
En bonne habituée des grasses matinées, Anaïs passa le reste de la matinée et le début de l'après-midi à faire la sieste. De toute façon, elle travaillerait 22 heures à 4 heures du matin, et ne pourrait pas dormir avant au moins 5 heures. Le temps de s'habituer à son nouveau rythme, elle grapillerait du sommeil quand elle le pourrait.
Son après-midi et son début de soirée se résumèrent à la lecture d'un bouquin, un peu de ménage, et quelques dizaines de minutes passées sur Internet avec la complicité de son ordinateur portable.
Quand sonna 21 heures 45, elle se dirigea vers les locaux de Proprax, qui, par chance, n'étaient qu'à dix minutes de marche, puis pénétra dans le bâtiment pour sa première nuit de travail. Première d'une longue vie.
Les locaux étaient déserts, mis à part Marie-Thérèse qui était affalée dans sa chaise de bureau. Où étaient les autres employés ? Des sueurs froides parcoururent la colonne vertébrale d'Anaïs : et si la boîte était en fait super craignoss ?
Anaïs avait toujours été prompt à laisser son imagination s'emballer. Ce n'était pas pour rien qu'on la qualifiait de "rêveuse" et qu'elle aimait l'aventure.
Marie-Thérèse se replaça légèrement plus droite dans sa chaise en saluant la jeune femme. Elle fouilla dans un tiroir et lui tendit un trousseau de clés.
- Tiens, les clés. Tu sais où c'est, n'est ce pas ? Demanda-t-elle bienveillante et le sourire aux lèvres.
- Euh... Oui. Où sont les autres employés ? S'enquit-elle, nerveuse.
Marie-Thérèse sembla remarquer le malaise de la brune puisque son sourire s'allongea et ses yeux devinrent rieurs.
- Les autres employés gardent les clés pour ne pas avoir à faire l'aller retour tout le temps. Toi, tu es nouvelle, on ne te connaît pas encore. C'est le temps de ta période d'essai.
Anaïs hocha de la tête, soulagée. C'était en effet une explication plausible et logique.
- Mais du coup, vous... Vous venez exprès ?
La dame était là à 10 heures, à 22 heures, à 4 heures quand elle revenait... C'était à se demander si elle vivait ici.
- Oh, oui, mais ça ne me dérange pas. Je n'ai pas grand chose qui m'attend chez moi, rit-elle, embarrassée.
Anaïs lui répondit seulement par une moue gênée. Elle ne voulait pas que la vieille dame comprenne qu'elle avait pitié.
Soixante ans et rien dans la vie à part le boulot... Pitié, si un Dieu m'entend, faites que je ne finisse pas comme ça.
- À plus tard alors, salua Anaïs en quittant le bureau avec le trousseau.
- Bonne chance, entendit-elle alors qu'elle refermait la porte des locaux derrière elle.
Le métro parisien : son atmosphère étouffante, son odeur de pisse, ses clochards habituels, et tous ces gens se pressent pour ne pas rater leur moyen de transport, comme si prendre le prochain équivalait à la fin du monde. Bon, d'accord, le suivant pouvait être tout aussi blindé que le précédent, et il fallait bien pouvoir bouger à un moment.
N'empêche qu'en heure de pointe le terme "fin du monde" est un euphémisme.
Heureusement pour elle, il n'y avait plus grand monde à 22 heures 15 un lundi en pleine soirée. Un groupe de jeunes bien habillés la dévisageaient en discutant du programme de leur soirée (premier verre dans un bar, puis boîte de nuit, le schéma classique) et quelques hommes et femmes en costume rentraient chez eux (du moins c'était ce qu'elle supposait vu l'heure), certains épuisés, d'autres visiblement éméchés.
Anaïs pianotait sur son téléphone en attendant que son métro arrive en quai. Elle était partagée entre la hâte de quitter les souterrains oppressants et l'envie de rester là et de ne pas se pointer à son boulot.
Quand les premiers bruits annonçant l'arrivée de la boîte à sardines sur rails parvinrent aux oreilles de la jeune femme, celle-ci releva la tête.
Son corps entier se figea. Une boule se forma dans sa gorge. Son esprit lui jouait-il des tours ? L'espace d'une seconde, elle aurait juré avoir vu un homme avec une tête de chien noir sur le quai d'en face.
Elle détourna rapidement le regard, paniquée. Cette tête lui disait quelque chose et la rendait fortement mal à l'aise. Elle n'aurait su expliquer pourquoi.
Attends... Ça doit être une hallucination de stress. En plus, je crois que j'en ai rêvé cette nuit... Ça doit être un souvenir couplé à un pétage de plomb.
Quand elle releva le regard et le reposa sur l'individu, elle fut soulagée de constater qu'elle avait bel et bien déliré.
Il y avait bien un homme, mais il était on ne peut plus humain : des cheveux noirs, un teint hâlé presque doré, un visage fin composaient sa personne. Il était habillé d'une chemise blanche et d'un pantalon noir avec des chaussures classes, tenue typique d'un jeune de la vingtaine.
Il est plutôt canon... pensa-t-elle en souriant malicieusement.
Son sourire s'effaça bien vite quand le regard du jeune homme transperça le sien juste avant que les deux métros n'arrivent en quai. Elle avait l'impression qu'il avait lu dans ses pensées tant son regard avait été perçant. C'était gênant.
Son cœur se mit à tambouriner furieusement contre sa cage thoracique quand une main se posa sur son épaule pour l'empêcher de monter dans le wagon. Un cri de surprise échappa ses lèvres. Son rythme cardiaque allait bientôt danser le tango dans l'espace si elle ne se calmait pas.
- Excusez-moi, lança une voix grave derrière elle.
L'inconnu retira sa main alors qu'elle se tournait vers lui, sa propre main posée contre son coeur affolé. Encore une fois, la surprise put se lire sur les traits de son visage.
- Tu... Tu étais de l'autre côté du quai il y a même pas deux secondes...
Tout ça commençait à ressembler à une mauvaise blague ou à un complot. Ou alors elle perdait réellement la boule. Elle ne savait pas quelle explication lui semblait la moins effrayante.
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