Les Portes d'Empyrée
Dorian avait entrepris ce voyage sur Prospero pour se sentir important. Sa famille semblait vivre sur une sorte de réserve illimitée de thalers dans un puits et le poids de cette fortune l'écrasait; oui, il avait accepté les cadeaux - il avait accepté pour ses dix huit ans ce magnifique Adventura de luxe, coque blanc et or et intérieur bois vernis de la Terre nommé le Bonne Fortune, mais il voulait respirer, exister, se démarquer, montrer d'une certaine façon qu'il n'était esclave de rien et surtout pas de sa famille.
Sur Prospero, il ferait des rencontres. Il gagnerait d'autres thalers : les siens. Oh, et puis, il n'en savait trop rien. À vrai dire, il avait eu la frousse d'atterrir manuellement et avait confié ça à l'EV de bord, tu parles d'un aventurier. Les IA de contrôle l'avaient guidé sur le secteur 14, semi-militaire, ce qui ne le rassurait guère : il était habitué aux portiques stellaires des grands hôtels où des Androïdes en livrée lui assuraient parfait service et confidentialité. Mais c'était ça aussi l'aventure. Pourvu, se disait-il, qu'il ne revienne pas en pleurant chez lui à Miami. Il ne s'en remettrait jamais.
L'Adventura ne ronronne plus. La soute arrière s'ouvre. Sa couleur certes détonne mais aucun citoyen de Prospero ne lève les yeux. L'aventure, c'est simple finalement. La porte se referme derrière lui. Il regarde les Ravens occupés à aller et venir. Les citoyens, ou les suspendus, suent à faire le travail de drones pour gagner quelques thalers. Il y en a toujours eu autour de lui, mais là il les regarde comme pour un safari, il pourrait même faire leur travail, pour se changer les idées.
Il décide sur une impulsion de prendre une plateforme vers l'étage du dessous. Il fait l'expérience d'un déjà-vu, il voit une sorte d'entrée qui mène aux soutènements de l'astroport...c'était dans un rêve ? Il s'y dirige machinalement, descend des marches peu familières de métal recouvertes de poussière. Une jungle de poutres de Kentrochalque, plantées dans tous les sens. Il actionne un drone portatif qui bourdonne autour de lui et donne un peu de lumière.
Il devrait partir mais il voit au loin des Xenos autour d'une lampe. Son cœur bat fort...mais il sait que les Xeno ne sont dangereux que sur des malentendus. Il serre dans sa main la croix catholique d'or suspendue autour de son cou qui n'a jamais eu de signification pour lui jusqu'à présent, en murmurant : les Xenos sont nos frères.
Et il y a cette fille, dix-sept ans ? Des yeux farouches, une tunique de technicien d'astroport trop grande, des longs cheveux jamais coupés. Ada, et ses deux Xenos : Alpha et Kukth. Elle est prudente, mais elle a le temps de parler avec lui. Le cœur serré de voir une fille de presque son âge dans la misère, il la ramène avec l'ensemble de ses possessions, un pauvre sac à moitié plein, dans le Bonne Fortune. Elle ouvre des yeux tous ronds devant la splendeur du vaisseau, et il lui parle, en dansant presque, des Fjords de la Terre, des immenses créatures sous-marines d'Iris, des plaines de cubes cristallisés de Lennox, des Ruines Xeno titanesques de Hume, de Lucifer, le Kugelblitz mystique, des jardins aux chats de Titus, de la Lune d'Or de Booz et des vagues terrestres d'Escalus...Elle est si innocente, si ignorante de la beauté de l'Univers...il se sent presque devenir amoureux.
- « Où veux-tu aller ? lui demande-t-il.
- Si je pointe pas au travail, un Xeno va prendre ma place », répond-elle piteusement.
Il tire mille thalers de son drone et les lui donne. Elle se méfie, plisse les yeux, mais empoche la somme.
- « Tu m'achètes, c'est ça ?
- Non, je veux pas que tu me saoules avec ton travail. Je te propose de voir le monde. On peut aller n'importe où, faire n'importe quoi, insista-t-il d'un ton équivoque.
- OK, Dorian. Je veux aller au temple de l'Épopée Humble de Toute Vie sur Orion Prime, système de Francisco.
- C'est hyper précis comme indication, t'es une mystique ? » répond-t-il en cachant sa croix sous sa tunique. « Pourquoi Orion Prime ? »
Parce qu'ils sont en pleine révolution et que personne mouftera si je te cloue les deux pieds au sol avec une agrafeuse de chantier et que je vole ton Adventura, gros débile, pensa-t-elle, mais elle se contenta de répondre :
- « C'est là que je suis née. Je te présenterai mes parents.
- Comme dans les contes de fées. J'adore ! », conclut Dorian avec un sourire lumineux. L'aventure, la vraie, pensait-il.
L'EV leur donna l'emplacement du Temple sur Orion Prime : à 400 mètres du dock Nadir, en précisant toutefois que Orion Prime était le théâtre d'affrontements entre partisans de la Ligue et de la SH.
- « Ces connards de journalistes exagèrent toujours en espérant qu'on s'interresse à leurs conneries, expliqua Ada. T'inquiètes, t'es avec moi. »
Le Bonne Fortune décolla prestement et dériva dans l'heure vers Francisco-1. Le nez sur la baie vitrée, Ada admirait la planète fracturée, et les essaims de vaisseaux miniers.
« Tu as vu ça Ada ? L'Univers est magnifique », commenta Dorian comme s'il possédait les planètes en suspension dans les cieux.
L'Adventura vole vers la station boursouflée, plonge vers le point le plus proche de la planète, et demande une autorisation qui ne viendra jamais. Mais les portes s'ouvrent automatiquement et ils se posent sur un dock blanc encombré de Raven dotés d'armes, et vide de gens. Quelques Xenos et drones portent de mystérieux chargements - en flottant. Dès que l'Ozy s'est posé et qu'ils ont détaché leur ceinture, ils se se mettent à flotter.
- « Tout est flippant, Ada. Tu sais, il y a des coins plus sympas pour un premier voyage.
- Fais pas ta mauviette, tu t'y connais en zéro-g, pas vrai ? »
En vérité : pas du tout. La zéro-g c'est bien une fois pour rire, une autre fois pour dormir et une dernière fois pour faire l'amour et dire aux autres qu'on l'a fait, mais rien ne vaut la gravité, surtout quand on aime manger en gardant son repas à l'intérieur du corps. Mais c'est toute son enfance pour Ada, et, avec ses compagnons Xenos, elle gagne sans peine la sortie. Elle laisse Dorian, et ses longs cheveux blonds flottant derrière lui, s'accrocher à elle.
Elle gagne en quelques impulsions précises le corridor qui mène au temple. Par une voie latérale, on entend quelques clameurs. Jetant un coup d'œil, ils voient une assemblée d'individus collés sur la paroi d'une pièce ronde, avec au centre, une femme entravée.
« Tribunal de la Ligue d'Antioch, jour 4 de la révolution. Nous jugeons aujourd'hui Gayla Topaz pour avoir pris la tête des forces de maintien de la paix de la SH dans le quartier Nadir. À titre d'information, l'Ordre Wau ne répond plus à nos messages, nous allons donc devoir délibérer de son sort entre nous. »
Dorian murmure fébrilement :
- « La Ligue a repris le contrôle d'Orion Prime, il faut se casser !
- T'inquiètes mon vieux, je suis de la Ligue.
- Tu es...
- Je suis de la Ligue. Reste cool. »
Elle lui tape sur le ventre, et il s'éloigne à cause de la non gravité. Elle le rattrape.
- « C'est l'aventure de ta vie, le millionnaire.
- Mais moi je suis de la SH ! Bordel mes parents sont les citoyens les plus terriens du monde !
- Alors ne dis rien. Ne laisse pas les EV t'identifier. »
Et ça me fera des vacances.
Encore une impulsion et ils remontent vers un quartier des temples, essentiellement une triple construction en dôme chrétienne - musulmane - juive avec chacun son tiers, et emplie de fidèles en train de prier pour la paix. Un grand temple de l'Emprise, qui rugit de cris conquérants. Au loin, quelques rumeurs de conflits et d'explosions qui font sursauter les fidèles qui retournent aussitôt, et avec bien plus de ferveur, en prière.
Dorian est dans un état second, il s'accroche à la tunique trop large d'Ada comme à la vie. D'une impulsion sur une paroi, elle s'approche d'une maison de toiles tendues, peintes de glyphes rouges.
C'est bien le Temple de l'Épopée Humble de Toute Vie. Sur les parois, des livres de papier, ou de bois, tous uniques, accrochés comme des animaux par de petites chaînettes au sol et sur les parois. Au centre, errant, une grosse sphère translucide emplie d'un liquide ambré, où flotte une créature semblable à un gros tétard noir couvert d'yeux verts phosphorescents.
- « Euh...essaye Ada.
- C'est lui ton père ? demande Dorian comme un idiot.
- Attendez. Je suis Ada, et je viens de...»
C'était il y a si longtemps...
Une voix mécanique, mais vivante et pleine d'émotion, résonne depuis la sphère :
- « Par l'Armure, le Pèlerin, et le Messager...vous venez de la part de Grand Serpent de Calchas-3. Nous t'attendions !
- Waouh, comment vous savez ?
- Oh, nous sommes très peu dans le vaste Univers, et pour l'instant, nous n'avons aucun fidèle humain. Alors nous étions tous très excités à l'idée de te recevoir comme disciple. Je me présente, Spectre. Mon peuple vient d'un endroit très lointain, sur une planète de roche dépourvue de toute vie sauf pour une grotte souterraine immergée où les miens sont apparus puis ont évolué - sur les ruines d'une autre civilisation éteinte bien avant notre arrivée. Appelez nous les peu nombreux. Et pour ce beau scaphandre, des IA errantes d'une race avancée comme la vôtre, mais transcendée, nous les ont fournies. De bons bergers. C'est Tak-tak de Prospero qui va être déçu, car il t'attendait. Pourquoi être venue ici ?
- Qui est Tak-tak...ah, le temple de Prospero. Il était à l'autre bout du continent. C'était plus simple de venir ici. Vous parlez entre vous, alors.
- Rien d'extraordinaire grâce à la puissance technologique de la Société Humaine qui a la bonté de nous accorder asile. (s'adressant à Dorian) Et vous, voulez-vous aussi intégrer notre Ordre ?
- Pas vraiment, je l'accompagne », hésita Dorian, regardant derrière son épaule.
Des bruits de bagarre éclataient hors du temple, et il ajouta, le souffle court, murmurant :
- « À moins que ça m'accorde une sorte d'immunité ? »
Ada posa un doigt sur ses lèvres en le regardant durement. Dorian se dit que soit ils allaient s'en sortir et il devrait l'épouser, soit il allait lui arriver malheur et bon sang, il la retrouverait et il la tuerait.
« Spectre, je suis Ada. Je veux apprendre la langue stellaire. »
Le petit têtard sembla s'incliner. De façon étonnante, mais Alpha s'avança, en flottant. Il fit une sorte de geste qui rapprochait sa main de sa mince poitrine de phasme.
- « Alpha, puisque c'est le nom que ton amie t'a donné, tu es le bienvenu chez toi, Grand Maître.
- Quoi, il est Grand Maître ? Ça veut dire quoi ? Enfin...je ne comprends pas... »
Alpha tourna la tête vers Ada, mais il était sans expression.
- « Il raconte bien des choses, dit Spectre, mais tu n'es pas équipée pour les entendre. Oui, Alpha est un de nos Grands Maîtres. Depuis des centaines d'années.
- Des centaines...quoi ? Il parle la langue stellaire alors ?
- Il la lit, oui. Il a même écrit de nombreux ouvrages.
- Qui parlent de quoi ? Quoi, Alpha ? Tu parles ? »
Alpha regarde Ada, toujours aussi inexpressif et silencieux. Spectre baragouina un mot incompréhensible.
- « Voici le nom de la planète où se trouve l'ouvrage du Grand Maître. Un long poème écrit pendant de nombreuses années, décrivant le long voyage des Dieux Aveugles au travers de la plus petite poussière d'une planète sans soleil.
- C'est quoi cette planète ?
- Elle n'est pas dans les territoires de la SH.
- Alpha, faudra qu'on en parle. Mais d'abord, je veux apprendre la langue stellaire.
- Qu'il en soit ainsi. Ayant fait le premier pèlerinage, Ada, j'ai l'immense honneur de te nommer Adepte de l'Épopée Humble de Toute Vie. Toi qui veux apprendre la langue stellaire tu dois accomplir ta Première Épopée. Vas sur un monde, n'importe lequel. Avance en dehors des routes et des sentiers. Trouve un endroit loin de toute civilisation, humaine ou Xeno. Là, regarde autour de toi, et trouve la forme de vie la plus humble qu'il soit : un brin d'herbe, un jeune insecte, un cristal vivant...et écris l'Épopée de sa vie, de son commencement à la fin. Sois son témoin. Écris tout sans rien oublier, en écoutant ton cœur, et reviens me voir. Je t'apprendrai la langue stellaire. Tu seras un membre à part entière de notre ordre.
- Attendez, j'ai absolument pas le temps pour ça ! »
Ni l'envie, surtout, mais elle n'allait le préciser. Spectre répondit placidement alors qu'une autre explosion tonnait, plus proche encore :
- « Le temps est justement l'un des composants essentiels de ce pèlerinage.
- C'est trop de l'arnaque ! On m'a dit de venir ici et que j'APPRENDRAI la langue stellaire !
- Je ne comprends pas ta hâte. Je crois que tu ne comprends pas qui nous sommes.
- J'ai...des mots...en langue stellaire...que je dois traduire.
- Dans un livre ? Tu as ce livre avec toi ? »
Ada avise un marqueur 3D sur une table. C'est un stylo pour l'apesanteur qui laisse l'écriture flotter dans l'air. Elle dessine les glyphes qu'elle avait appris par cœur, et tant lus et relus dans son exemplaire de la Légende des Siècles qu'elle avait sauvé de Clelia.
Spectre tourne pour faire face aux symboles.
- « Qui t'a montré ces mots ? demanda Spectre.
- Je les ai vus dans un endroit. Et cet endroit, ensuite, a disparu. Donc ils sont juste là...dans ma tête. »
Spectre flottait, méditant, et Dorian jetait des coups d'œil inquiets à l'extérieur. Il fallait partir MAINTENANT, hurlait une voix dans sa tête.
- « Ada, déclara enfin Spectre avec une solennité étrangement humaine, j'ignore si tu as vu ces mots quelque part où s'ils te sont apparus en rêve, mais sache que tu es bénie. Tu as été choisie par les Dieux Aveugles. Tu as vu ce que des millions rêvent de voir. Ce pour quoi des millions s'entredéchirent. Même moi, j'ai douté, et voilà que tu me confirmes la teneur du Grand Secret. Tu me confirmes que Tout est Vrai. Et que nous pouvons avoir espoir. Tu n'as pas idée de ce que tu viens me transmettre. Je te suis éternellement reconnaissant. Je vais te nommer Ada, Témoin du Grand Secret. Ainsi Spectre, prêtre de l'Épopée Humble de Toute Vie, a parlé.
- Les mots veulent dire quoi ?
- Voici la traduction. »
Avec un champ électromagnétique, il se saisit du marqueur 3D. Il affiche en capitales sous la traduction :
AU SOMMET DE LA TOUR INVERSÉE, LE PÈLERIN PASSE LA FORME AUX TROIS
ET OUVRE POUR LES VOYAGEURS QUI ATTENDENT SANS FIN
LES PORTES D'EMPYRÉE
- Les portes d'Empyrée ? demande Dorian.
- Les portes vers la transcendance des transcendés, affirme Spectre. Vers les Dieux Aveugles, ou même les dieux des Dieux Aveugles. L'ultime fin de tous. Certains ont vu le message, mais les ignorants ne les ont pas cru. Et même moi, j'ai douté. Que les Dieux Aveugles soient loués de t'avoir amenée ici.
- Et les Voyageurs, c'est ceux qui remontent le temps ?
- Ada, où tu as appris tous ces trucs religieux Xenos ? s'exclama Dorian, subjugué par le ton mystique de Spectre. Je pensais que t'étais une clocharde. »
Elle allait répondre « Ah, tu saoules ! » mais un escadron de soldats de la Ligue déchire les toiles du temple et se ménage une entrée. Ils sont huit, grappin dans une main et fusil thermique dans l'autre. Leur visage est couvert d'une visière noire.
- « Identifiez-vous ! gueule le premier.
- Ne lui faites rien, c'est une sainte ! » implore Spectre en s'interposant.
Le chef d'escadron envoie bouler la sphère dans un coin d'un coup de crosse. Ada impose sa voix :
« On se calme. Je suis Ada, du Shareplace 9 de Caliban-1. »
Après un silence, le chef, qui consultait une EV de poche, remonte sa visière. C'est un jeune, et il ouvre des yeux impressionnés.
- « Putain. Une survivante. C'est une vraie de la Ligue, les gars. Nous on est des partisans. Ada, tu...putain, on a besoin de toi. On a besoin d'une personne de la Ligue pour motiver les troupes. »
Il lui serre le bras, et elle lui sert en retour.
- « Appelez moi Gorylkin », dit-elle sérieusement.
Ils éclatent tous de rire, mais sans méchanceté, et Dorian croit devenir fou. Le chef d'escouade tient toujours le bras d'Ada.
- « L'esprit triomphe de la force, Gorylkin. Il est à toi l'Adventura qui ressemble à un ange, en bas ?
- Oui. Il faudra que vous m'aidiez à faire sauter les sécurités.
- Pourquoi faire sauter les sécurités ? s'insurge Dorian qui ne comprend pas encore.
- Ah, et pour le beau gosse derrière, il est de la SH. Capturez-le et prenez en soin. Sa famille vous le rachetera des millions de thalers. De quoi financer l'effort de guerre. »
Elle hausse la voix, et laisse enfin couler une haine stockée depuis huit ans.
- « Orion Prime tombera pour tous les Shareplaces qu'ils nous ont pris. Trouvez-moi un FAM et je vous livre la station. »
Alors qu'ils emportent Dorian qui se met à pleurer de rage et de peur, elle n'a pas un regard pour lui. Il n'existe plus, le bouffon millionnaire de la SH.
Et si Gorylkin pense à sa future bataille, Ada n'a d'yeux que pour les Portes d'Empyrée.
LA QUESTION DU JOUR PAR INGO IZAN
- Pour notre question du jour, nous recevons Mildred Yonis, qui est...vous êtes quoi, déjà ? Je ne veux pas me tromper.
- Délégué aux affaires Xenos au Conseil de la SH.
- L'homme idéal. La question du jour, donc, c'est : après tout ce temps où nous fréquentons des Xenos, pourquoi on a pas créé une grande fédération humaine - Xeno ? Pourquoi il n'y a pas de jumelages politiques, de collaborations ? Est-ce qu'on serait pas des racistes finalement ?
- La plupart des Xenos que nous pouvons croiser sur les mondes humains sont déjà très proches de l'humanité. Un dialogue est possible. Mais ils ne représentent qu'une partie infime de l'ensemble des civilisations de l'univers. Dans la plupart d'entre elles le mot « collaboration » que vous venez d'employer n'a aucun sens. À vrai dire, il y a un tel abîme culturel entre eux et nous que toute relation nous met en danger, eux comme nous. Au ministère, nous avons un conte qui illustre cette situation, on l'appelle « la métaphore du repas ». Un Xeno et un humain, amis, se retrouvent un soir dans une maison, et ils ne savent pas trop quoi faire, alors l'humain propose qu'on passe au dîner. Et le Xeno le mange. Ce n'est pas une invention : dans beaucoup de cultures Xeno, manger quelqu'un d'autre est un honneur, ou une marque d'amour profond. Mais cela peut fonctionner dans l'autre sens : les Xenos sont souvent démunis devant le mensonge. Des colons humains ont souvent exploité comme des esclaves, toute leur vie, des Xenos, qui pensaient juste rendre service, à tel point que nous avons dû déployer un arsenal législatif et policier pour combattre ces écarts. Après de nombreuses tentatives, il faut l'avouer, malheureuses, la position de la SH est la suivante : on ne dîne pas avec les Xenos.
- L'amitié humains-Xeno est un doux rêve, alors ?
- C'est pire que cela. Mettez un humain sur une île déserte avec un Xeno, un vrai, qui habite à l'autre bout de l'univers. Au bout de deux jours, face à la non communication ou à l'incompréhension mutuelle qui engendre frustration et peur chez l'humain, et des sentiments incompréhensibles pour nous chez le Xeno, l'un va tuer l'autre. Je crains qu'il ne faille des millénaires de maturité à l'humanité pour passer ce mur d'incompréhension - et cette humanité sera alors si différente qu'elle deviendra incompréhensible pour des gens comme vous et moi.
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