Chapitre 9 - Exil
La première nuit hors de la cité avait été des plus difficiles pour le duo d'exilés. Riks avait longuement marché jusqu'à la plage, y cherchant alors un coin où se poser avec la jeune déviante endormie dans ses bras. Hormis le port qui n'offrait aucune véritable intimité, il n'y avait là rien pour leur permettre de s'installer, même seulement pour une courte nuit. Leur salut se trouva un peu plus loin, dans une petite cabane abandonnée installée sur l'eau avec un petit ponton en bois qui permettait la traversé sans crainte sur l'étendue d'eau salée. Celle-ci se trouvait sur une seconde plage, peu connue du grand public et donc au plus proche de ce que la nature offre.
Après avoir franchi le passage qui tenait difficilement debout, Riks se glissa à l'intérieur de la petite structure en bois, où il trouva un tas de paille et de feuillage, faisant office de lit de fortune. Il était petit, bien trop pour que l'ancien Rangers puisse s'y coucher, mais il conviendrait certainement à la jeune fille qui l'accompagnait. Il la déposa doucement à l'intérieur, la regardant quelques instants dormir. Il savait que, même si elle paraissait dormir paisiblement, ses joues étaient encore humides, et sa tristesse reviendrait au galop lors de son réveil. Tout ceci fendit le cœur du jeune homme, qui avait lui choisi d'abandonner tous ses collègues Rangers, mais aussi sa mère, cuisinière dans un petit restaurant du Sud de la cité. Il observa les étoiles dehors pendant de longues minutes, en repensant à tout ce qu'il avait laissé derrière, à ce choix qu'il avait fait d'instinct, sur le coup, sans totalement réfléchir aux conséquences. Il ne voulait pas abandonner Artémis, malgré ses paroles des plus durs l'autre soir, il s'était attaché à sa protégée, et il ne voulait pas la laisser seule, sans plus aucune famille ni personne pour veiller sur elle.
Lorsqu'il eut fini de papillonner au clair de lune, le jeune homme décida tout d'abord d'observer un peu plus en détail l'intérieur de la cabane, pour savoir si elle ferait une bonne maison, pour au moins une nuit, voir quelques jours. La structure était bien solide, mais elle restait marquée par le temps. Qui sait depuis combien d'années cet édifice tient debout, sur la mer ? En-tout-cas, l'intérieur était assez petits, avec le seul lit qui côtoyait une petite étagère de rangement pour de la nourriture, ainsi qu'une petite table basse en bois. Sur l'un des murs, Riks remarqua des petites marques, comme des griffures, mais qui semblaient vieilles. L'être qui habitait ici était d'assez petite taille pour tenir dans un tel lit de fortune, mais avait aussi des griffes. Et au vu de la hauteur, l'ancien Rangers en déduisit qu'il devait s'agir d'un enfant, ou du moins, un adolescent, certainement déviant. Il devait vivre en marge, et certainement chasser dans la mer à proximité. Heureusement pour Riks, il avait encore son épée avec lui, et il pourrait donc lui aussi chasser.
Il sortit donc de la cabane, pour se poser devant, sur le ponton en bois. Il dégaina son épée, observant la surface de l'eau à la recherche d'un poisson, tout en faisant attention à ne pas perdre l'équilibre, ou que le pont en bois ne s'effondre sous ses pieds. Après une bonne dizaine de minutes, un premier poisson s'approchait. Il tenta sa chance, mais son ombre se refléta au dernier moment, et sa lame finit simplement par trancher l'eau. Il soupira, avant de reprendre sa position, pour attendre une nouvelle prise potentiel. Une heure passa, et les ratés s'enchaînaient pour Riks. Mais, petit à petit, il comprenait comment il fallait faire, et à force d'échec, il se disait qu'il arriverait bien à réussir, au bout d'un moment. Il patienta de longues minutes supplémentaire, pensant avoir fait fuir tous les poissons des alentours avec le temps, mais finalement, une forme se dessina non loin de la surface. Il attendit que la proie se rapproche un peu plus, restant parfaitement immobile, son épée prête à fendre l'air pour transpercer le poisson dès qu'il serait à porter. Quelques instants plus tard, le jeune homme retint son souffle, et donna un coup d'épée, directement en plein milieu du corps osseux du poisson. Ainsi embroché, Riks put sortir le poisson de l'eau, trônant au bout de l'épée, inerte. Fier comme un paon, l'ex-militaire observa sa prise en la faisant doucement glisser de sa lame, la prenant avec sa main libre. Il s'agissait d'un bar relativement gros, qui suffirait largement à rassasier une adolescente comme Artémis. Et en parlant de la jeune déviante, cette dernière s'était réveillée, alors que Riks ne l'avait pas remarqué, trop absorbé par la pêche de leur repas du lendemain.
- Artémis ? Pardon si je t'ai réveillé, je faisais un peu de pêche. Le jeune homme observa la fille qui frottait doucement ses yeux, pour chasser la fatigue, mais aussi quelques larmes encore présentes.
- Ce n'est rien... On est où ? La déviante se souvient simplement du désespoir d'avoir perdu ses parents, avant de s'assoupir. Le paysage qui s'offre à elle lui semblait tout à coup étranger.
- Au bord de la mer, non loin du port. J'ai réussi à trouver cette cabane pour nous poser un peu. L'ancien Rangers passa juste à côté d'Artémis pour aller poser le poisson qu'il venait de pêcher, laissant la jeune fille sortir de la petite maison en bois.
- C'est très gentil, mais... on va rester combien de temps, ici ? La question, des plus innocente, décontenança Riks.
- Je ne sais pas encore, Artémis... Le jeune homme répondit, le cœur fendu, à la question de la blondinette.
Il avait tout abandonné, et il ne savait pas comment ils allaient se débrouiller hors de la ville. Entre l'Insurrection, les possibles criminels et autres déviants hostiles vivant en dehors des murs de la cité, il ne pourrait pas protéger Artémis seul. Pendant qu'il commençait à vider les entrailles du poisson pour préparer un petit repas, il jeta un regard vers la jeune fille, qui s'était assise au bord de l'eau, balançant doucement ses jambes d'avant en arrière, son regard posé sur les étoiles au-dessus d'eux. Riks savait qu'elle était triste, sûrement dévastée, mais il ne comptait pas ressasser ce qui s'était passé il y a quelques heures seulement. Pourtant, une question revenait dans sa tête.
- Artémis ? Le combattant prit sur lui, la gorge sèche, avant d'interpeller la déviante.
- Oui ? Tu as besoin de moi ? La blondinette essayait d'avoir un ton de voix qui ne laissait rien paraître, mais elle savait très bien qu'il était facile de sentir que sa voix était prête à se briser à tout moment.
- J'ai une question... Il lâcha sa lame, encore enfoncé dans le poisson qu'il était en train de préparer.
- Laquelle ? La déviante ne se retourna pas, gardant son regard vers les astres céleste.
- Que s'est-il passé... lors de l'explosion ? Riks dut s'arrêter quelques instants, avant de pouvoir finir sa phrase. Il avait essayé de contrôler le ton de sa voix pour qu'il ne paraisse pas accusateur.
- Je... La voix de l'adolescente se brisa en quelques instants, alors qu'elle pleurait silencieusement.
- Ce n'est pas grave si tu ne peux pas m'en parler ce soir... Ce que tu as vécu... personne ne devrait avoir à le vivre, un jour. Riks se glissa doucement dans le dos d'Artémis, passant doucement ses bras autour d'elle.
Cette dernière finit par se tourner, pleurant à grosses gouttes, avec quelques rares sanglots, dans le torse de l'ancien protecteur de Lestall. Ce dernier lui caressa doucement le dos, comme pour essayer de l'apaiser. Ce fut qu'après de longues minutes que le flot de larmes se calma un peu, et que la jeune déviante envoya un merci par télépathie, qui sembla n'être qu'un murmure pour Riks. Le jeune homme ne comprit pas d'où était venu ce mot, regardant partout autour de lui, avant de reposer son regard sur la jeune fille, qui l'observait. Il comprit finalement comment il avait entendu ça, et il offrit un doux sourire à l'adolescente. « Tu devrais te reposer un peu. La nuit est déjà bien entamée, mais nous aurons des choses à faire, demain. » Artémis, pour seule réponse, hocha la tête, avant de quitter ce moment de répit auprès de son sauveur, repartant se coucher dans le petit tas de paille servant de lit de fortune. Riks l'observa faire, attendant que la jeune déviante se soit endormi pour reprendre sa préparation du poisson pour le lendemain. Mais petit à petit, entre le bruit reposant des petites vaguelettes venant s'échouer contre l'écorce et le souffle lent mais apaisé de sa colocataire, le jeune homme sentit la fatigue le gagner, lui aussi. Il mit donc le poisson à sécher pour le reste de la nuit, avant de se coucher à même le sol en bois, non loin d'Artémis. Malgré mille pensées qui tournoyaient encore dans sa tête, il finit par sombrer dans les bras de Morphée.
Alors que le soleil commençait déjà à pointer assez haut dans le ciel, les bruits venant du port finirent par réveiller les deux exilés. Riks soupira en ouvrant les yeux, manquant un peu de sommeil malgré tout. Il remarqua bien vite qu'Artémis avait aussi un peu de mal pour se réveiller, se frottant les yeux encore bouffis de sommeil avant de s'étirer.
- Bien dormi ? Le combattant s'assit, attendant que la jeune déviante émerge complètement.
- J'ai connu mieux... L'adolescente s'étira une nouvelle fois, avant de se lever pour sortir prendre un peu l'air.
Riks la regarda quitter la cabane, dans une ambiance qui devenait presque pesante. Mais après quelques petites minutes, Artémis revient avec le poisson qui avait eu le temps de sécher dans la nuit.
- On mange ? Je commence à avoir faim... Comme une seconde réponse, son ventre se mit à légèrement gargouiller.
- Il faut d'abord le faire cuire un peu... on va avoir besoin d'un feu, donc. Le jeune homme sorti de la cabane, observant les alentours pour voir s'ils pouvaient faire un feu, dans les environs.
La plage était proche, mais impossible de faire un feu dessus. Heureusement, quelques arbres poussaient plus loin, vers la colline qui remontait jusqu'à Lestall. Riks s'y avança donc, accompagné par Artémis. « Je vais m'occuper de récupérer des branches, essaye de trouver de quoi allumer le feu. » La jeune fille opina, même si elle ne savait absolument pas comment elle pourrait faire. Elle posa le poisson sur une grande feuille qu'elle avait trouvé sur un arbre non loin, et chercha des pierres qui seraient capables de produire une étincelle.
Pendant ce temps, l'ancien soldat coupait les branches, à la main ou à l'aide de son épée. Il réussit à en faire un tas assez grand, capable d'alimenter le feu pour la journée. Il rangea son épée, tenant le ballot de branche sous le bras pour rejoindre Artémis. Sur le trajet, il observa au loin les navires qui allaient et venaient dans le port. De nombreuses cargaisons partaient et arrivaient depuis ce dernier, et il s'agissait d'un point central pour la région. Mais heureusement pour les exilés, la plupart des personnes là-bas ne faisaient pas attention à ce qui pouvait se passer plus loin.
Quand Riks eut fini de disposer les branches, il prit les deux pierres qu'Artémis avait réussi à trouver. Ce n'était pas grand-chose, mais toujours ça de pris. Il les entrechoqua, plusieurs fois, produisant quelques étincelles, mais le feu ne prenait pas. « Artémis, tu peux souffler à l'intérieur des branches ? » La déviante hocha la tête, se plaçant bien en attendant que les étincelles tombent dans le creux au milieu. Dès qu'elle les vit, elle souffla à plein poumon, plusieurs fois. Et après de longues minutes d'acharnements, la flammèche prit enfin. Riks finit par y mettre aussi de son souffle, et le feu prit enfin dans les branches. « On a réussi ! » Un même cri de joie poussé par les deux exilés, qui allaient enfin pouvoir manger un repas des plus corrects. Le jeune homme embrocha un morceau du poisson, avant de le donner à Artémis, puis, d'en prendre un lui-même. Après quelques minutes au-dessus du feu, la jeune déviante récupéra son morceau, sur lequel elle souffla légèrement pour le refroidir, avant de croquer dedans.
- C'est trop bon ! Répondit-elle, sous le regard satisfait de Riks.
- Je suis content que ça te plaise. Au moins, nous aurons quelque chose dans l'estomac. L'ancien Rangers prit un morceau de poisson, laissant son regard divaguer dans les flammes dansantes du petit feu.
- Qu'est-ce qu'on va faire ensuite ? La question d'Artémis sortit le jeune homme de ses pensées, alors qu'elle prenait un autre morceau du poisson.
- J'aimerais t'apprendre à manier l'épée. La proposition surprit la blondinette, qui regarda l'adulte sans comprendre.
- Pourquoi cela ? Je n'ai pas besoin de me battre, et je n'ai pas d'épée, moi !
- Si tu dois un jour te battre, je préfère que tu saches au moins manier une épée. Si tu sais en manier une, tu n'auras pas trop de mal à t'adapter a d'autres lames. Le jeune homme avait encore en souvenir son combat contre le déviant dans la ruelle sombre, où Artémis aurait pu aussi combattre si elle avait su utiliser une épée.
- Mais pourquoi je me battrais... ? La question, innocente en surface, cachait bien la peur d'Artémis pour le fait qu'elle finisse par devoir combattre pour sa survie.
- On ne sait pas ce qui peut arriver, Artémis. Maintenant que nous ne sommes plus dans Lestall, je préfère prendre toutes les précautions, d'accord ? Son intention était bonne, et elle était celle de protéger la jeune déviante, comme il l'a fait depuis déjà quelques mois.
- Très bien... J'accepte. Pour la première fois depuis leur départ, Riks remarqua quelque chose de différent dans le regard d'Artémis. La tristesse était toujours bien présente, mais il y avait comme une nouvelle flamme qui s'éveillait en elle. Très légère, mais présente. Comme une détermination à vivre, maintenant qu'elle avait tout perdu.
Les deux acolytes finirent leur repas, avant de se lancer à l'entraînement, sur la plage. Ils laissèrent le feu consumer les branches restantes pendant qu'Artémis apprenait le maniement de l'épée. Elle prit d'abord la lame en main, cherchant une prise qui lui convienne, tout en prenant en compte le poids de l'arme, qui était assez conséquent pour une adolescente. Lorsqu'elle eut pris ses marques, Riks lui apprit d'abord les attaques les plus basiques qu'une recrue des Rangers apprend. Au fur et à mesure, les coups d'épée de la déviante devenaient un peu plus précis, et elle comprenait bien où viser. Elle s'entraînait en visant l'ancien combattant, qui se tenait assez loin pour être en sécurité.
- C'est pas mal déjà. Tu comprends comment attaquer et où viser. Mais sache que ton adversaire ne restera jamais immobile contre toi. Accompagnant les dires avec le mouvement, Riks se mit à bouger, de gauche à droite, désorientant Artémis au passage.
- Il faut s'adapter au mouvement de son adversaire... La jeune déviante comprit rapidement, et répéta les mouvements précédents, en s'ajustant aux mouvements du jeune homme.
Mais alors qu'ils continuaient leur entraînement, Riks sentit comme une présence, non loin d'eux, qui les épiait.
- Artémis, rends-moi l'épée s'il te plaît. La jeune fille ne comprit pas pourquoi un tel empressement, mais elle redonna l'arme à son propriétaire, l'observant.
- Qu'est-ce qui se passe ? Il y a un problème ? Elle suivit son regard, vers les arbres, où aucun bruit ne venait troubler la paisible après-midi.
- Je crois qu'il y a quelqu'un qui nous observe... Riks osa un pas en avant, son épée en main, prêt à toute éventualité.
Artémis ferma les yeux pour déployer ses sens, notamment sa télépathie. Si une personne était dans les parages, ses pensées la trahiraient certainement.
Qu'est-ce qu'ils foutent là eux ?! Ce n'est pas possible de juste surveiller l'arrivée d'une cargaison tranquille !
Artémis ne savait pas exactement dire à qui appartenait ces pensées, mais elles lui semblaient familières. La personne en question les connaissait. La jeune déviante se rapprocha de l'ancien Rangers, pour lui tapoter doucement sur l'épaule.
- Quoi ? Murmura Riks, en tournant rapidement la tête.
- Je crois savoir qui c'est... Le chuchotement d'Artémis surprit le jeune homme, qui retourna son regard vers la forêt.
- Qui que tu sois, je te conseille de vite sortir de ta cachette ! Soit il n'avait pas écouté la blondinette, ou il l'avait volontairement ignoré, mais il faut croire que la pisteuse se savait repérée. Après quelques instants, elle se glissa hors des taillis où elle se cachait, s'avançant vers les deux exilés.
Ils furent tout deux choqués de découvrir qu'il s'agissait de Tana, la fameuse déviante qui avait déjà posé quelques problèmes à Artémis par le passé. Elle portait une longue cape sur ses maigres habits, qui ne laissait voir aucune arme. Elle avait les bras contre le corps, observant le combattant armé face à elle, d'un air de défi.
- Sinon quoi ? Tu vas oser attaquer une jeune fille sans défense ? Elle parla d'une voix mielleuse, plantant son regard dans celui de Riks.
- Tu n'es pas une jeune fille sans défense... tu es une déviante ! Artémis osa se placer aux côtés de son protecteur, soutenant le regard de l'insurgée.
- Oh, et toi, tu n'en es pas une, Artémis ? La question figea la blondinette sur place.
- Comment connais-tu son nom ?! Riks était de plus en plus tendue, pointant son épée vers l'intrus, prêt à attaquer.
- Je le connais, c'est tout. La déviante soupira. Tu peux ranger ton arme le Ranger, je ne suis pas là pour faire de mal à quiconque, sinon je vous auriez déjà égorgé depuis longtemps. Le ton nonchalant de Tana surprit les deux exilés, mais Riks baissa finalement son épée.
- Je vais quand même garder un œil sur toi... Il rangea son épée, avant de revenir sur les dires de la jeune déviante. Et pour ta gouverne, je ne suis plus un Ranger. L'information surprit Tana.
- Comment ça, plus un Ranger ?
- Nous avons été chassés de Lestall... Ce fut Artémis qui répondit, provoquant un regard dubitatif de la part de la déviante de l'Insurrection.
- C'est une blague ? Une déviante qui passe inaperçu et un Ranger qui sont chassés de Lestall, vous vous foutez de moi ?! Tana avait perdu son côté provocateur, étant dans une totale incompréhension.
- Non, elle dit la vérité. Sa maison a explosé hier, avec ses parents à l'intérieur. Elle a été accusée sans preuve et banni. J'ai choisi de l'accompagner, pour ne pas la laisser seule au milieu de nulle part. Les explications de Riks étaient assez claires, et la jeune déviante pisteuse semblait... compatir, avec ces deux êtres qui étaient l'opposés d'elle.
- Les Rangers sont assez idiots pour accuser sans preuves ? Ce n'est pas croyable... Tana soupira longuement, avant de reprendre. En-tout-cas, c'est surprenant qu'un humain comme toi a choisi d'aider une déviante. Enfin, j'avais compris qu'il y avait quelque chose entre vous, mais je ne pensais pas que tu irais jusqu'à faire ça pour elle. Les paroles de l'insurgée gênèrent légèrement les deux exilés, qui osaient à peine se regarder.
- Disons que les choses ont un peu changé... Les Rangers sont devenus de plus en plus extrêmes, presque autant, voir plus que la NDA. La simple mention des tueurs de déviants fit grimacer l'arbalétrière.
- Et ils ont voulu mettre un coup chez ceux qui voulaient protéger les déviants... Tana remarqua après coup qu'elle avait parlé tout haut. Elle détourna le regard, gênée.
- Tu sais... il n'y a pas que des humains méchants. Tout comme il existe des déviants gentils, qui peuvent vivre en harmonie avec des humains. Artémis souriait légèrement, alors que la pisteuse buvait ses paroles, qui venaient remettre en question tout ce qu'on lui avait inculqué depuis sa plus tendre enfance.
- J'ai l'impression de comprendre... ou du moins, je le vois avec vous deux. Vous êtes à l'opposé totale de la NDA et de l'Insurrection. Tana pesait chaque mot qu'elle disait, car ils étaient éprouvants. Elle venait d'admettre qu'elle voyait autre chose que la haine et la guerre dans ce duo inséparable.
- Comment tu t'appelles ? Je crois que nous n'avons encore jamais parlé de façon... plus familière. Riks s'était un peu plus détendu, et il voulait officiellement enterrer toute tension avec l'insurgée.
- Je m'appelle Tana. Le ton de la pisteuse était plus posé, et elle accepta de s'avancer pour serrer la main de Riks, en signe de confiance mutuel.
Artémis remarqua à ce moment-là l'équipement de la déviante. Elle portait une arbalète dans son dos, avec quelques carreaux dans la poche de son pantalon qui lui arrivait un peu au-dessus des genoux tandis que dans l'autre poche, le manche d'une dague dépassait.
Finalement, après cette échauffourée, le trio fit un peu plus connaissance, dans la cabane qui servait d'abri aux exilés. Tana leur expliqua un peu son rôle dans l'Insurrection, celui de pisteuse qui cherchait constamment de nouveaux renseignements. Elle leur expliqua aussi pourquoi elle était dans les parages à ce moment-là, venant s'assurer qu'une livraison pour le camp de l'Insurrection était bien arrivée et que l'acheminement se ferait sans crainte. Elle évita soigneusement de préciser des informations cruciales, comme l'emplacement de leur base. Puis, elle écouta le récit de ce qui s'était passé le soir précédent. La proclamation de la loi martiale, l'incendie qui avait ravagé la maison d'Artémis, et le départ précipité du duo, banni de la grande cité.
- Mais attends... Il y a quelque chose qui cloche. Artémis n'était pas proche de la maison quand il y a eu l'incendie, et tu dis que le commandant des Rangers est partie avant que le général ne parle ? Tana réfléchissait, essayant de comprendre ce puzzle des plus complexes.
- C'est exact. J'ai vu le commandant qui s'éclipsait pendant que la foule se massait, il a pu partir en étant inaperçu, étant donné qu'ils étaient tous réunis sur la place centrale, et qu'il a quitté l'estrade avant que la foule ne s'amasse. Riks donnait tous les détails possibles, en espérant que Tana pourrait peut-être leur donner un petit coup de main.
- Tout ça est définitivement bizarre... La NDA était là aussi ou pas ?
- Oui, ce sont même eux qui ont empêché les Rangers de m'attaquer immédiatement. Artémis répondit, ne se rappelant que trop bien les voix dissonantes des Rangers et de la NDA, qui n'étaient clairement pas en accord, prêt à se jeter dessus comme deux meutes de loups rivales.
- Je suppose que s'ils considèrent que c'est une déviante qui a causé l'incendie, la NDA doit gérer l'affaire ? Tana eut comme seule réponse un hochement de tête approbatif de la part de l'ancien Ranger, qui connaissait bien le système en place.
Alors qu'ils continuaient de discuter, le soleil commençait à décliner, et le ventre d'Artémis se mit à gargouiller. La jeune déviante regarda vers Riks, gênée. Ce dernier se leva, attrapant son épée pour repartir pêcher un poisson, de quoi nourrir les trois personnes.
- Tu comptes vraiment pêcher avec un truc comme ça ? Tana ricana légèrement en voyant le combattant faire.
- Car tu as une meilleure idée, peut-être ? Riks soupira en entendant le commentaire désagréable de l'insurgée.
- Oh que oui ! Laisse-moi faire, et admire un travail de professionnelle.
Le jeune homme se recula, observant avec Artémis la jeune déviante qui observait l'eau turquoise bougeant au grès des vagues. Elle mit une petite minute avant de repérer un poisson assez gros pour rassasier deux personnes au moins. Elle utilisa son pouvoir de télékinésie pour soulever le poisson hors de l'eau, le faisant atterrir devant les deux exilés. Alors qu'il bougeait encore, un carreau vint se planter directement dans sa tête, sans que la jeune déviante n'a pas eu à bouger le petit doigt. Riks et Artémis admirèrent la prouesse, le regard subjugué, avant d'applaudir légèrement. Tana était gênée d'être d'un coup le centre de l'attention, mais ces remerciements lui mirent du baume au cœur.
- Je dois avouer que ta technique est intéressante. Mais il ne sera pas assez gros pour nous trois, je pense. Riks dégaina directement sa lame, pour pouvoir commencer à préparer le poisson.
- Je ne reste pas pour manger avec vous. Je dois encore faire mon rapport à l'Insurrection, et je ne peux déroger aux règles, je suis désolée. Tana pu lire la tristesse et le désarroi sur le visage des deux exilés, qu'elle devait malheureusement quitter.
- Tu reviendras, hein ? Artémis attrapa légèrement la cape de la jeune fille, comme pour la retenir, et que l'inévitable ne se produise pas immédiatement.
- Je te le promets, Artémis. Ne t'en fais pas. Elle posa doucement sa main sur la tête de la blondinette, l'ébouriffant légèrement, en souriant. Un sourire des plus sincères, qu'elle offrait à la jeune fille.
Après avoir laissé le duo, la déviante de l'Insurrection changea de plan en réfléchissant à la discussion avec les deux exilés. Elle se souvient que le commandant de la NDA lui avait proposer un marché, et une idée nouvelle émergea. Elle se mit en route vers les portes de la ville, espérant ne pas arriver trop tard pour rentrer sans avoir besoin de faire un long détour par les catacombes.
Alors que le soleil déclinait inexorablement derrière les imposants murs de la cité, Tana avait réussi à entrer par la grande porte, juste avant la fermeture. Heureusement pour elle, l'entrée était moins gardée, et la clôture de l'entrée approchant, les gardes ne décidèrent pas de fouiller la jeune fille, simplement de lui demander d'où elle venait. Un mensonge de plus et la déviante était en ville, marchant vite pour rejoindre la place centrale de la cité, se frayant un chemin dans une foule dense qui rentrait chez elle après une dure journée de labeur. Au milieu de tout ça, la jeune fille remarqua au loin une patrouille de Rangers qui repartaient vers l'Est, le quartier commerçant, tandis qu'une patrouille de la NDA semblait quadriller le Sud, du côté de l'entrée. Fort heureusement, aucun des deux groupes ne posa de problèmes à la jeune déviante, qui se fraya un chemin jusqu'à atteindre la place centrale. Là, il lui fallut jouer des coudes et des épaules pour continuer sa route vers l'imposante structure de la NDA. L'endroit était un passage incontournable pour les personnes qui rentraient chez elle, partaient vers le Nord de la cité pour divers activité du soir, ou simplement se rendre dans un restaurant du Sud, ou acheter une dernière provision aux marchands de l'Est qui allait bientôt fermer. Tana eut un peu pitié pour Artémis, qui devait avoir beaucoup de mal dans une telle foule, avec son pouvoir.
Finalement, la jeune fille arriva à se défaire de la population de Lestall, arrivant devant le checkpoint de la NDA. Ce dernier avait été reconstruit depuis l'assaut manqué de l'Insurrection, et il semblait bien plus résistant que le précédent. Le bois avait été remplacé par d'imposantes briques, avec deux tours de guets en hauteur où des archers étaient installés. Ils remarquèrent les premiers la jeune fille dans sa cape, mais attendirent qu'elle atteigne les deux sentinelles en dessous d'eux, qui allaient s'en occuper.
- Halte ! Que venez-vous faire à une heure si tardive, jeune fille ? L'un des gardes arrêta Tana. Il était un peu plus âgé que son camarade, portant la traditionnelle tenue de combattant de la NDA, avec une épée longue qui restait pour l'heure dans son fourreau.
- Je viens voir le commandant. La jeune déviante répondit simplement, restant encapuchonnée de sorte à ce qu'ils ne puissent voir qu'une partie de son visage.
- À cette heure-ci ? Pourquoi souhaitez-vous le voir ? Le soldat attendait une réponse assez convaincante, pendant que son collègue patientait un peu plus loin, écoutant la conversation.
- J'ai besoin de m'entretenir avec lui, c'est urgent. La jeune insurgée ne se démonta pas, soutenant le regard du combattant, qui paraissait sceptique.
- En quoi est-ce si urgent, hein ? L'homme semblait bien ne pas vouloir laisser passer Tana. Et tenter un passage en force actuellement serait une très mauvaise idée pour la déviante.
- Cela concerne seulement le commandant. Dites-lui que la fille du Nord veut le voir. Les deux sentinelles échangèrent un regard un peu surpris, mais après quelques instants de réflexion, le plus jeune garde quitta son poste pour aller informer le haut gradé, tandis que l'homme qui restait se tourna vers Tana.
- Je vais devoir vous fouiller en attendant, il y a de nombreux problèmes en ce moment dans la cité et nous devons renforcer les contrôles. Ça, ce n'était pas quelque chose que la jeune déviante avait anticipé.
- Vous m'excuserez, mais je préférerais que cela soit une femme qui me fouille... vous savez, question d'intimité. Elle ne savait pas si cette technique pourrait marcher, mais elle avait au moins l'effet de mettre mal à l'aise le garde, qui détourna le regard de la jeune fille.
- Hmm... Je ne sais pas s'il y a une combattante disponible immédiatement. Et je ne peux quitter mon poste de garde, alors vous allez devoir attendre que mon collègue revienne. L'homme, visiblement gêné, se résigna à ne pas fouiller Tana, attendant donc le retour de la seconde sentinelle.
Les minutes passèrent, et la pénombre s'installait doucement sur la cité, avant que le jeune homme ne revienne.
- Le commandant Coroks accepte de vous voir ! Enfin une bonne nouvelle pour Tana, qui commença à s'avancer d'un pas avant d'être stoppé net par le second garde.
- Je n'ai pas encore pu procéder à la fouille de cette jeune fille, camarade. Pourrais-tu aller chercher une soldate disponible pour la fouille ?
- Mais monsieur... le commandant a expressément demandé de ne pas retarder l'entretien, il souhaite ne pas s'éterniser ce soir au QG. La réponse du subalterne fit grimacer l'aîné, qui enleva sa main du passage de la jeune déviante.
- Bien, dans ce cas, nous allons t'emmener jusqu'au commandant. Suite à ces paroles, les deux hommes se mirent en marche, encadrant de chaque côté Tana, qui ne disait rien de plus.
Sur le chemin, le plus âgé des combattants signifia aux soldats encore présents de prendre leur relève plus tôt que prévu. Ils étaient légèrement agacés, mais ne protestèrent pas plus que ça. L'un d'eux dit qu'il ne fallait pas contredire un sergent, ce qui fit comprendre à la jeune déviante pourquoi l'homme plus âgé était considéré comme un supérieur par le cadet. Après quelques minutes de marche supplémentaires, ils arrivèrent à l'intérieur du bâtiment principal du QG. Ils montèrent deux étages, jusqu'à arrivé devant une imposante porte, avec marqué ''Commandant'' dessus. Le sergent toqua, attendant l'autorisation d'entrée. « Vous pouvez entrer. » Tana reconnu bien vite la voix de celui qui était à l'intérieur. Elle ravala sa salive, la boule au ventre, de se retrouver face à face avec lui. Puis, le sergent ouvrit la porte, entrant dans la pièce avec le jeune soldat et la déviante. Coroks était assis sur sa chaise, les mains collées, observant les troupes et la jeune fille. Quelques documents trônaient sur son bureau massif en bois, mais il semblait ne pas s'en préoccuper, posant un regard neutre sur l'insurgée.
- Nous n'avons pas eu le temps de fouiller cette jeune fille, commandant. Il est préférable que nous restions avec vous s'il y a un souci. Le sergent proposait son aide avant de voir le regard de son supérieur devenir bien plus courroucé.
- Insinuez-vous que je ne peux pas gérer une jeune fille tout seul, sergent ? Le ton dur de Coroks fit ravaler son commentaire au combattant de la NDA.
- Ce n'est pas ça, commandant ! Nous souhaitons simplement veiller à ce que votre entretien se déroule sans aucun problème.
- Et je n'ai pas besoin de vous dans ce bureau. Retournez à votre tâche pour l'instant, je demanderais à d'autres soldats d'escorter cette jeune fille quand j'aurais fini. Les paroles acérées du commandant de la NDA valaient comme un renvoi à leurs activités, et les deux combattants obtempérèrent rapidement.
- Tu as eu de la chance d'arriver jusqu'à moi, tu le sais ? Quand ils ne furent plus que tous les deux, le ton de Coroks s'apaisa, lorsqu'il posa son regard sur la déviante.
- Je sais atteindre mes cibles, vous savez. Cette réponse aurait pu valoir de menace, mais Tana n'avait pas dégainé d'arme, observant simplement son interlocuteur.
- Je sais bien... Pourquoi es-tu là ? Tu as enfin choisi d'accepter mon offre ? L'homme se détendit légèrement, attendant la réponse avec impatience.
- Que s'est-il vraiment passé hier soir ? La question fit mouche, et l'imposant combattant grimaça.
- En quoi ça t'intéresse ? Coroks jaugeait maintenant ses paroles, car il savait contre qui il était.
- J'ai retrouvé ceux qui ont été exilés par votre faute. Et ils m'ont assuré être innocents. Je veux savoir ce qui s'est vraiment passé. Tana devait avouer certaines choses pour obtenir ses informations, même si cela la tiraillait.
- Riks et Artémis... Penses-tu vraiment qu'ils sont innocents ? Cette gamine a incendié la maison, et... Avant qu'il ne finisse sa phrase, Tana frappa de ses deux mains sur le bureau.
- Artémis n'y est pour rien !! C'est une pauvre gamine qui n'a rien d'une terroriste ou d'une déviante prête à commettre un tel acte ! La jeune fille laissa sa colère éclatée, alors que le commandant restait stoïque.
- Dans ce cas, comment expliques-tu qu'elle était proche de la maison lors du départ de feu ?
- Elle ne l'était pas. Mais étrangement, le commandant des Rangers a quitté la place centrale juste avant l'incendie. Tana livrait de précieuses informations, et cela lui coûtait, mais elle espérait faire pencher la balance de son côté.
- Donc... le rapport préliminaire du commandant des Rangers, est faux ? Coroks était quelque peu sceptique, écoutant la jeune fille.
- Je ne l'ai pas lu, et je n'ai que leurs témoignages... Mais Riks m'a dit avoir vu le commandant quitter l'estrade avant que la foule n'arrive, et Artémis est arrivée devant sa maison quand l'incendie était déjà en cours. Tana priait intérieurement pour qu'il la croie.
- Tout ça ne colle pas... Enfin, ce ne serait pas le premier rapport bizarre ces derniers temps... Le commandant regardait le plafond, murmurant à lui-même.
- Comment ça ? Tana était d'un coup plutôt intrigué.
- La mort du précédent général des Rangers... Nous n'avons eu qu'une partie du rapport, et encore, il était très sommaire. Le reste est soit disant classifié. J'ai l'impression que les Rangers cherchent à nous cacher des choses. Coroks réfléchissait, quand il vit Tana se reculer légèrement du bureau.
- Vous m'aviez proposé quelque chose... Cela tient toujours ? Tana ravala une ultime fois sa fierté, alors que le colosse de la NDA avança son visage vers elle, comme intéressé.
- Cela tient si tu acceptes. Cela ne dépend que de toi. Coroks sentait enfin qu'il allait avoir un premier pied au cœur de l'organisation ennemie.
- J'ai des conditions. Tana ne comptait pas seulement accepter l'offre sans prendre sa part dans le juteux marché.
- Que sont-elles ?
- Je ne vous aide pour l'instant que sur une seule mission. Celle de comprendre ce qui s'est passé, pour que Riks et Artémis puissent revenir vivre à Lestall. De plus, je veux pouvoir aller et venir en ville et au QG de la NDA sans fouille ni question sur mon identité. Les conditions étaient assez simples, mais elle ne cachait pas un lien qui semblait se former entre la jeune déviante et les deux exilés.
- Tu souhaites vraiment qu'ils reviennent ? Pourquoi cela ? La question du commandant désarçonna Tana.
- Je pense qu'ils ont tout deux leur place à Lestall. Ils sont un duo... si particulier. Je n'avais jamais pensé auparavant qu'humain et déviant pourrait si bien s'entendre, et pourtant... Ils m'ont prouvé le contraire. Les paroles de la jeune fille semblaient avoir troublé quelque peu Coroks, qui mit quelques instants pour avaler les paroles de la déviante, avant de reprendre.
- C'est une cause louable... Je vais informer le général de la NDA de ta demande au plus vite, et je te préviendrais le plus tôt possible des ordres que je devrais te donner concernant la mission. Sur ces mots, le commandant se leva, se dirigeant vers la porte du bureau.
- Vous acceptez mes conditions, donc ? Tana l'observa, alors qu'il ouvrait la porte.
- Assurément. Tu acceptes donc notre offre ? Coroks ouvrit la porte, plongeant son regard dans celui de l'insurgée.
- Je l'accepte. La réponse décocha un sourire au commandant, qui quitta le bureau, suivi de la jeune déviante.
- Très bien. Je vais trouver un soldat pour te raccompagner.
Le commandant descendit d'un étage, avant de trouver un soldat qui allait déposer ses affaires dans les vestiaires avant de finir sa journée. Il interpella ce dernier, pour lui indiquer de ramener Tana à l'entrée du QG, lui assurant qu'il n'y avait aucune fouille à faire. Ainsi, les deux combattants se quittèrent, partant chacun d'un côté.
Après avoir laissé la pisteuse, Coroks remonta au second étage du bâtiment du QG de la NDA. Mais, au lieu de retourner à son bureau comme d'habitude, il se dirigea un peu plus loin dans le long couloir de l'étage, jusqu'à atteindre la porte donnant accès au bureau du général. Il toqua une seule fois, une frappe puissante, qui était devenue sa marque de fabrique. « Entre, Coroks. » La voix du général retentit rapidement, ferme, mais un poil fatiguée. Le commandant ouvrit la porte, se glissant dans le bureau avant de refermer la porte derrière lui. Lorsqu'il se retourna ensuite vers son supérieur, il vit un bureau semblable au sien, en un peu plus grand, remplis de pile de dossiers à droite et à gauche, avec une tasse de café à moitié pleine posé au milieu, non loin d'un rapport. Le général était assis derrière le bureau, sur une imposante chaise en cuir. Lorsqu'il se retourna ensuite vers son supérieur, il vit un bureau semblable au sien, en un peu plus grand, remplis de pile de dossiers à droite et à gauche, avec une tasse de café à moitié pleine posé au milieu, non loin d'un rapport. Son épée au tranchant recouvert d'une huile bien particulière trônait non loin, dans son étui.
- Je croyais que tu m'avais dit vouloir finir plus tôt, ce soir... Qu'est-ce qui t'amène ? Le chef de la puissante armée parlait au commandant comme à un véritable collègue de travail, malgré la différence de grade et le contexte militaire.
- Disons qu'il y a eu un petit contretemps... Coroks ne savait pas encore exactement comment évoquer tout ce qu'il devait dire à son général.
- Quel genre de contretemps ? Le vieil homme semblait tout d'un coup intrigué, se penchant légèrement pour écouter les explications.
- Une personne est venue me voir. Elle m'a dit avoir rencontré Riks et Artémis, les exilés. Ils lui ont dit que la jeune déviante était innocente, et ils semblaient même accuser le nouveau commandant des Rangers d'être le commanditaire de l'incendie. Le colosse pesait ses mots avec minutie, observant la réaction de son supérieur.
- Donc... La déviante serait innocente, et le commandant des Rangers aurait tenter de l'assassiner, ou d'au moins l'envoyer autre part... Qu'en penses-tu ? La question troubla Coroks, surtout avec les mots qui l'ont précédé.
- Je ne pense pas à la piste de l'assassinat... Mais pourquoi aurait-il voulu l'exiler ? Vous pensez qu'elle saurait quelque chose en lien avec l'assassinat du précédent général des Rangers ? Le puzzle semblait devenir de plus en plus complexe, et non se résoudre plus facilement, maintenant.
- Ne m'as-tu pas dit l'avoir surpris un soir à se battre contre un déviant avec ce Ranger ? Tu te doutes bien qu'il doit y avoir un lien entre eux, et qu'elle a peut-être enquêter de son côté sur l'assassinat du général. Les souvenirs de Coroks remontèrent quelques instants, alors qu'il se revoyait observer le combat avant de choisir le bon moment pour intervenir.
- Certes... Mais dans ce cas, pourquoi les rapports couvrant l'incendie et l'assassinat sont en grande partie classifié et traité par les Rangers ? Le commandant observait tous les dossiers, minutieusement, n'en voyant aucun lié à ces deux incidents.
- Les Rangers cherchent à devenir la nouvelle NDA, c'est un fait. Depuis que le nouveau général a pris ses fonctions, ils ont choisi de pousser les voix les plus extrêmes sur le devant de la scène... Le général se mit à réfléchir, buvant quelques gorgées de café, pensif, avant d'être interrompu brusquement par Coroks.
- Dans ce cas, nous pourrions enquêter sur eux !
- Tu rêves, Coroks... Nous n'avons même plus le monopole sur les affaires concernant les déviants en ville, et tu veux qu'on fasse une enquête sur les Rangers ? Le chef de la NDA posa un regard dur sur son cadet, qui ne se démonta pas.
- J'ai un moyen, mais ce n'est pas sans contrepartie. Le général connaissait ce regard, celui empli de détermination que le commandant arborait depuis qu'il avait été nommé lieutenant, alors qu'il était lui-même seulement un commandant.
- Explique-moi. Il attendait quelque chose d'assez convaincant et réaliste pour accepter une proposition.
- La jeune fille en question qui est venue, est une déviante de l'Insurrection. Je l'avais rencontré lors d'une expédition solitaire au Nord du territoire il y a quelque temps. Elle semble tenir à Riks et Artémis et veut les aider. Elle est prête à nous aider pour une enquête, et elle est, je pense parmi les plus douées en repérage chez les membres de l'Insurrection, elle pourra se montrer très utile. Le général osa un regard quelque peu sceptique vers son commandant, avant de répondre.
- Donc... Tu me demandes d'accepter de faire équipe avec une ennemie, pour ramener des exilés qui ne sont peut-être pas si innocents qu'on le pense ? Tu as perdu la tête ou tu es sérieux, Coroks ? Le ton du général était des plus tranchants, mais il voyait bien que le colosse de la NDA ne perdait pas son regard, qui restait fixé dans celui de son supérieur.
- Je suis très sérieux monsieur. Elle a accès à des sources et des renseignements que nous ne pourrions pas atteindre, et elle n'est pas de la NDA, les Rangers ne soupçonneront pas de liens entre elle et nous. Les arguments semblaient faire mouche, mais le général prit quelques instants pour réfléchir.
- Mais cela veut dire que nous exposons nos troupes et les citoyens de Lestall, ainsi que nos potentiels renseignements à l'Insurrection. Es-tu prêt à prendre un tel risque ? L'homme avait confiance depuis toujours en son commandant, mais cette fois-ci, il se devait d'avoir une assurance claire.
- Je ferais attention à quels renseignements filtre, et elle ne communiquera qu'avec moi. Je ferais remonter les renseignements directement à vous. Le général sembla légèrement se calmer, attendant maintenant la partie cruciale du marché.
- Qu'elles sont ses contreparties ?
- Un accès facilité à la cité et au QG. Aucune fouille ni demande d'identité lorsqu'elle doit venir en ville ou me retrouver pour m'informer. Les conditions semblaient plutôt avantageuses pour la déviante, sans être forcément un fardeau pour la NDA.
- Mmh... Cela me semble correct. J'attendrais malgré tout un rapport complet à chaque nouvelle information qu'elle rapportera, et si j'apprends qu'elle est prise dans un acte répréhensible, le marché ne tient plus. Suis-je clair, Coroks ? Cette dernière question était bien celle qui allait sceller dans le marbre le juteux marché du renseignement qui s'organisait.
- Très clair, monsieur. Je préparerais un rapport dès demain matin sur l'entretien de ce soir que j'ai eu avec elle et vous, en guise de trace écrite du marché. Le colosse s'inclina légèrement, pour remercier son supérieur du temps accordé et d'avoir accepté le marché, avant de commencer à marcher vers la porte pour repartir.
- Si tu penses qu'humains et déviants peuvent cohabiter... Tu as encore du chemin avant de prendre ma place, Coroks. Le commandant savait que ces paroles n'étaient pas en l'air, mais il sentit malgré tout un ton bien différent, comme si le général pensait le contraire. Mais il n'en fit rien de plus, quittant le bureau, pour repartir du QG, afin de rentrer chez lui, dans l'Ouest de la cité.
Tana, quant à elle, fut ramenée jusqu'au checkpoint d'entrée de l'installation de la NDA. Elle remercia rapidement le soldat qui l'avait accompagné, avant de repartir d'un pas rapide pour quitter la cité. La nuit était déjà tombée et les portes étaient maintenant fermé, le seul passage serait donc celui des catacombes. Elle s'y dirigea à toute vitesse, espérant ne pas croiser de patrouille nocturne ou d'habitants. Mais heureusement pour elle, rien ne venait perturber la quiétude qui s'était emparée de Lestall. Malgré tout, il y avait comme une tension dans l'air. Lorsque la déviante arriva devant le passage secret, dans la ruelle sombre, elle sentit presque une présence. Elle dégaina son arbalète, chargée, observant tous les coins d'ombres. Peut-être avait-elle imaginé, ou véritablement sentit qu'on l'épiait dans l'ombre de la nuit ? Dans tous les cas, après quelques instants à viser l'obscurité, elle rengaina son arme, avant de se glisser dans la trappe pour descendre dans les catacombes, avant de les traverser pour rentrer à l'abbaye de l'Insurrection.
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