Chapitre 4 - Le voleur

Le soleil était déjà haut dans le ciel, lorsqu'Artémis débarqua dans l'Est de la cité. L'endroit était le quartier marchand de la ville. Les bouchers, les poissonniers, couturiers et autres vendeurs avaient des étals partout dans la zone, criant à tout va pour attirer des clients. La blondinette quant à elle, savait parfaitement où aller. Elle se dirigea vers un maraîcher, venant récupérer une commande que sa mère était venue passer très tôt ce matin-là. Sortant de sa bourse les pièces demandées, elle récupéra le petit panier d'osier, souriant au vendeur, qui avait l'habitude qu'Artémis vienne récupérer les commandes de ses parents. Se préparant à repartir chez elle, elle fut interpellée par une certaine agitation, venant d'un autre marchand de légumes, semblait-il. Se dirigeant vers la foule, essayant tant bien que mal de ne pas flancher à cause du torrent de pensées qui déferlait dans sa tête, elle se faufila parmi les gens pour voir ce qui se passait. Un homme, à peine vingt ans, aux courts cheveux bruns, portant une tenue assez classique de l'époque, s'énervait sur le marchand. « Je t'ai donné trois pièces d'argent, tu dois m'en rendre une, vu que tu sembles ne pas savoir compter ! » Malgré le ton acerbe du client, l'homme qui tenait l'échoppe, un grand gaillard bien bâti, aux cheveux commençant à devenir grisonnants, restait d'un marbre implacable. Tandis que la foule continuait d'affluer pour savoir ce qui se passait, deux hommes se glissèrent dedans avec une grande dextérité. Artémis était aux premières loges pour voir deux Rangers fendre la foule, reconnaissables à leur tenue militaire d'une couleur bleu foncé et leur badge. Ils étaient la police de Lestall. L'un d'eux, le plus jeune, s'avança vers le jeune mécontent. « Tu refais parler de toi, Corbok ? Un tour en prison ne t'a donc pas suffit ? » Les deux soldats semblaient bien connaître le fauteur de troubles. « Monsieur Riks ? Je ne faisais rien de mal, vous savez... » L'homme répondit aux Rangers, dans un sourire narquois. Avant que les soldats n'aient pu faire quoi que ce soit de plus, le jeune adulte utilisa un fumigène pour s'enfuir. La fumée créa un puissant mouvement de foule autour de l'étal. Ne voyant rien, Artémis fut renversée, mais eut le réflexe de se rattraper à ce qui ne bougeait pas et qui était proche d'elle. Ce fut l'habit du Rangers le plus âgé. Gênée de s'être accrochée à l'habit d'un soldat, elle se releva rapidement. « Excusez-moi... ! » Le Rangers observa Artémis, lui souriant simplement, comme pour lui dire que ce n'était rien. Il avait bien compris que ce n'était qu'un accident, et elle était jeune après tout. La foule finit enfin par se dissiper, mais Artémis dû prendre quelques instants supplémentaires pour reprendre ses esprits et ramasser les légumes tombés dans le grand mouvement. Les Rangers, quant à eux, s'entretenaient avec le marchand, s'assurant qu'il n'y ait pas eu de vol ou autres problèmes. Quand ils furent assurés que tout était en ordre, ils reprirent leur patrouille. Artémis quant à elle, observa longuement les deux soldats, avant de reprendre le chemin de sa maison le panier de légumes sous le bras.

Le lendemain des évènements du marché, Artémis était en vadrouille dans le Nord de la cité. Le quartier était destiné à un public bien plus adulte. Abritant une forge, l'armurerie, ainsi qu'un colisée. La place principale de la zone était souvent occupée par des combats de rues, encadrés par des organisateurs, voir les Rangers. Ceux-ci avaient leur quartier général assez proche de l'endroit, ce qui leur permettait de garder un œil sur ce qui s'y passait. Il y avait d'ailleurs un combat amical en cours, dans une ambiance bonne enfant. Artémis observa un peu, ses pas se dirigeant dans une direction qu'elle ne regardait pas, trop absorbée par l'affrontement. Elle finit par entrer en contact avec une personne dans un choc frontal qui les fit tomber tous les deux. Se rattrapant gauchement sur le sol, la blondinette s'empressa de s'excuser. « Excusez-moi ! » Avant même de voir sur qui elle était tombée. « Ce n'est rien, petite. » Elle reconnut une voix de Rangers, de ceux qu'elle avait aperçus hier au marché. Regardant enfin devant elle, elle remarqua un soldat en train de ramasser un paquet de feuilles qu'il avait fait tomber suite à la maladresse de la jeune déviante. Soucieuse de rattraper sa bourde, elle s'empressa de l'aider à récupérer une partie des feuilles, avant de se relever pour lui tendre. « Merci beaucoup. Tu ne t'es pas fait mal, au moins ? » Le Rangers souriait doucement à la jeune fille qui lui avait rentrée dedans quelques instants plus tôt, s'assurant quand même qu'elle n'ait rien. « Non, c'est bon ! » Elle lui sourit en retour, contente de sa gentillesse. Ça changeait des membres de la NDA se dit-elle. Ils semblaient tous froids et distants. Au contraire de ce soldat des Rangers, qui était si chaleureux. D'un certain calme, qui plus est. Observant brièvement par dessus son épaule, elle regarda le contenu des feuilles. « Hmm ? Que regardes-tu ? » Il l'avait repérée assez facilement, alors qu'Artémis se recula rapidement, jouant avec une de ses mèches blondes, feignant l'innocence. « Hein ? Rien du tout, monsieur le Rangers ! » L'homme soupira, avant de rigoler légèrement. « Tu peux m'appeler monsieur Riks, aussi. J'ai bien vu que tu regardais les feuilles, hein. C'est des rapports sur des vols récents au marché. » La curiosité piqua Artémis, qui s'approcha un petit peu plus, pour essayer à nouveau de regarder les feuilles. « Tu n'as normalement pas le droit de les regarder, tu sais ça ? » Riks ne semblait pas énervé, il l'observait d'un regard compréhensif. Malgré tout, il lui montra quelques feuilles. « Tu m'as l'air bien curieuse... Alors je te laisse regarder un peu. » Non contente d'avoir gain de cause, Artémis se mit à lire les quelques feuilles que le Rangers lui présentait. Il y avait là des témoignages, des explications, des pertes estimées en coût, mais personne ne semblait savoir à quoi ressemblait réellement le coupable. « Vous ne savez pas qui fait ça ? » Le Rangers hocha la tête négativement. « Nous n'avons eu aucune information, tous les vols se font de nuit. Il y a beaucoup de nourritures volées, de la nourriture très basique. » Il feuilleta encore un peu les rapports. Arrivant sur les objets volés, un détail attira l'attention d'Artémis. Il y avait des habits, de petites tailles, dans les denrées volées. « Les habits notés... Ils sont de petites tailles, a peine plus petites que celles de mes habits. » La réflexion sauta aux yeux du Rangers, qui réfléchit en vitesse. « Ça pourrait être un enfant, qui vole ? » L'interrogation laissa Riks dubitatif. « Un enfant déviant qui essaierait de survivre... ? » Sans s'en rendre compte, Artémis venait de parler à voix haute, en repensant au jeune homme chat avec qui elle avait passé toute une journée dans la forêt de l'Est du territoire. Le jeune Rangers écarquilla des yeux en entendant la réflexion d'Artémis, même si ça semblait une piste plausible. Il glissa discrètement, comme pour lui-même. « C'est possible... Vu le traitement de la NDA et les parents qui rejettent de plus en plus souvent les enfants déviants... » Après un instant de réflexion, il observa Artémis en souriant. « C'est une piste à chercher ! Merci de ton aide, jeune fille. » Il nota brièvement sur une note les informations qu'il venait d'obtenir. « Je m'appelle Artémis ! » Riks sourit, voyant une adolescente si énergique. « Alors merci Artémis. Tu as l'air de vouloir aider, je me trompe ? » Une opportunité d'aider un déviant ? Artémis ne voulait pas la rater. Elle hocha vigoureusement la tête. « Que dirais-tu de m'accompagner sur cette affaire ? Je sais que je ne devrais pas embarquer une adolescente dans tout ça, mais tu sembles avoir des bonnes idées, ça pourrait être utile. Qu'en dis-tu ? » Une mission, avec un Rangers ?! La déviante ne tenait plus en place. Elle allait pouvoir être utile, et peut-être même sauver un enfant des griffes de la sinistre NDA ! « Je suis partante ! » L'entrain de la blondinette réchauffa le cœur de Riks, qui lui offrit un grand sourire. « Tâche de me rejoindre au pont qui relie le Nord à l'Est, ce soir à la nuit tombée. J'espère que ton idée est bonne. Car si elle s'avère vraie, nous pourrons sûrement sauver un enfant, ce soir. » Artémis avait raison de placer sa confiance en ce Rangers, on dirait. Il n'était clairement pas comme la NDA. Elle hocha la tête, comme simple confirmation du rendez-vous, avant de quitter le Rangers, le saluant d'une main. Elle repartit vers l'armurerie, où son père travaillait. Elle devait aller le voir pour lui demander la permission de sortir plus tard que prévu, ce qui ne serait sûrement pas de tout repos.

Le soir venu, Artémis n'avait pas eu d'autorisation pour sortir de nuit. Ses parents ayant trop peur qu'il puisse lui arriver quelque chose. Elle décida donc de faire ce que tout enfant à fait au moins une fois dans sa vie. Faire le mur. Se glissant dans une cape que sa grand-mère lui avait léguée, elle se glissa par la fenêtre de la maison, surveillant bien qu'elle n'était pas repérée, avant de partir pour le Nord de la cité, pour rejoindre Riks. La cité était d'un calme sans pareil, contrastant largement avec la journée. Seulement éclairée par les rayons de la lune et les étoiles qui parsemaient le ciel. Aucune pensée ne venait brouiller les réflexions d'Artémis, qui pouvait déployer ses sens plus aisément, et notamment son pouvoir. Elle était pleinement capable de repérer des pensées distinctement et plus lointaines quand il n'y en avait pas, ou très peu. Sa capacité de télépathe lui permit de s'assurer que personne n'était dans les parages. Seule la taverne semblait animée. Normal au vu de l'heure, se dit la jeune déviante, avançant sans faire plus de bruit vers le point de rendez-vous. Elle entendit quelques bribes de pensées en arrivant au niveau du pont, avant de voir que Riks l'attendait. « Ah, tu es enfin là ! » Il avait gardé sa tenue de Rangers, mais avait en dessous des habits plus chauds, lui permettant de patrouiller plus facilement dans la fraîcheur mordante de la nuit. « Tu pensais que j'allais ne pas venir ? » Artémis jaugea le Rangers du regard, répondant sur un ton qui aurait pu paraître provocant, mais qui fit sourire le jeune adulte. « Je me doutais que tu viendrais, plutôt. Tu semblais avoir un certain intérêt pour cette affaire. » Artémis détourna le regard en entendant la remarque du soldat. Il avait touché juste en disant ça, ils le savaient tous les deux. Mais Riks ne préféra pas ajouter de commentaire, observant d'un coup d'œil l'Est de la cité, qui semblait si calme et paisible. « Bon, on y va ? » Sans autre réponse , la blondinette s'engagea sur le morceau du pont en bois restant, se dirigeant directement vers le marché. Lui ayant emboîté le pas, le Rangers aux cheveux bruns suivit, observant de tous côtés pour repérer une quelconque activité suspecte. Artémis, elle, déployait ses sens de télépathe le plus loin qu'elle pouvait, même si ça devait la fatiguer. Si elle pouvait repérer une pensée, elle pourrait trouver le voleur. Le Rangers regardait de tous côtés, sans rien voir qui pourrait plus attirer leur attention. « J'ai bien l'impression qu'il n'y a rien, ce soir... » Il soupira, observant Artémis qui avait fermé les yeux pour se concentrer d'avantage. Elle ne captait elle non plus aucune pensée, seulement les petits bruits significatifs d'une ville endormie. Mais alors qu'elle allait relâcher son attention, une bribe lui parvint. Il y avait de la nourriture, normalement. Une pensée simple, mais qui retint l'attention d'Artémis. « Bon, on va rentrer Artémis, on ne trouvera rien de plus ce soir... » Riks était prêt à rentrer bredouille, mais la jeune fille tendit une main vers lui, comme pour lui intimer de ne pas bouger. Il était dans une incompréhension totale, observant la jeune fille avec stupeur. Là ! Je l'ai retrouvé ! Je vais pouvoir manger quelque chose, ce soir... Artémis ouvrit les yeux, glissant son regard dans les différents étalages. Avant même que Riks puisse réagir, de très légers bruits de pas résonnèrent. « Tu l'as... trouvé ?! » Riks fut surpris, dans un premier temps, mais il se mit à courir dans la direction des bruits, suivi rapidement par Artémis. Les bruits de pas se dirigèrent vers une ruelle sombre du quartier, où l'on ne distinguait pratiquement rien, dans la nuit noire. Riks s'avança le premier dans le passage, son épée à la main. Il n'y avait plus de bruit, le calme était pesant. Il faut pas qu'il m'attrape... Il faut pas qu'il m'attrape... ! Artémis pouvait entendre de nouveau les pensée de la personne, arrivant à situer où il se trouvait, elle se glissa au niveau de Riks. « Range ton arme, il a l'air apeuré. » Riks était encore une fois surpris qu'elle puisse savoir tout ça, alors que lui n'avait rien entendu. Se pourrait-il que la jeune fille qui l'aide, soit une déviante ? Il ne pouvait en avoir le cœur net de suite, mais il avait compris que sans elle, ce voleur ne serait pas attrapé aussi facilement. Il rengaina son épée, laissant la jeune fille sur le devant de la scène. Elle hésita sur la façon de parler, ne sachant pas exactement si c'était un adulte ou bien réellement un enfant qu'elle aurait en face d'elle. « Eh, tu peux sortir de ta cachette, on ne te veut aucun mal ! » Elle put entendre une réponse dans la pensée de l'individu. Aucun mal... Mensonge ! Ils sont sûrement de la NDA... Étant prête à prendre quelques risques de plus, Artémis avança doucement d'un pas. « Nous ne sommes pas de la NDA ! L'homme avec moi est un Rangers qui enquête sur les vols dans le marché, je l'accompagne simplement. » Riks, resté en arrière, était ébahi par ce qui se passait sous ses yeux. Avant de voir dans la pénombre une forme se mouvoir hors d'une petite cachette. Artémis avait raison, il s'agissait là d'un enfant, visiblement plus jeune qu'Artémis et dans un état des plus préoccupant. « Comment as-tu pu... Entendre ? » Le jeune garçon aux cheveux noirs comme le jais, observait la jeune déviante, commençant à comprendre. « Il y a des choses que l'on se doit de cacher, hein ? » Une phrase si anodine, mais qui était lourde de sens. L'enfant comprit qu'il s'agissait d'une déviante qu'il avait devant lui, et qui disait donc vrai. Riks, quant à lui obtint enfin la dernière pièce du puzzle pour comprendre le comportement d'Artémis depuis le début des recherches nocturnes. Souriant doucement, il observa le garçon à la chevelure noire. « Tu sembles bien mal en point, petit. Je peux t'amener avec moi à la maison de quartier, si tu le souhaites. Tu pourras être pris en charge, et tant que personne ne connaît ta nature, tu pourras vivre facilement là bas. » Les deux déviants se regardèrent, autant surpris l'un que l'autre. Le garçon ne savait comment remercier Riks, alors il fonça pour se blottir contre le torse de son sauveur. Alors qu'Artémis, quant à elle, comprit qu'il n'y avait pas que des chasseurs de déviants, à l'intérieur des murs de la ville. Posant un regard solennel sur Riks, elle sourit. « Je peux te faire confiance pour que tu t'en occupes, Riks ? » Attrapant délicatement l'enfant dans ses bras, le Rangers posa un regard empli de sérieux sur la jeune déviante. « Tu peux, Artémis. Je ne souhaite pour rien au monde qu'un enfant vive dans une situation pareille. Déviants ou pas, nous sommes avant tout des humains, dans le fond. » Les paroles du soldat réchauffèrent le cœur de la jeune fille aux cheveux blonds, qui sourit largement à Riks, avant que celui-ci ne sorte de la ruelle, accompagné par Artémis. Ils firent tous ensemble un bout de trajet, avant que Riks prenne la direction de l'îlot central, alors qu'Artémis reprit la direction du Nord pour rentrer chez elle, ne voulant pas attirer plus l'attention. La nuit avait été des plus mouvementée, mais Artémis avait découvert un allié de poids dans la ville, et avait pu sauver un enfant des griffes de la terrible NDA.

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