Chapitre 1 : Eden
- Lydia ! Descends tout de suite !
J'entends les pas frappants de la jeune fille retentir dans les escaliers de chêne massif qui trône dans leur maison. Je les observe de l'extérieur et je ne vois que sa mère dans le salon où la bais-vitrée impeccable me donne une vue d'ensemble. Lydia arrive devant sa mère la tête basse. Comme à chaque fois, sa mère lui prend le bras, tellement fort qu'un bleu s'imprime sur sa peau et qu'elle s'efforce de cacher avec des tee-shirts demi-manches ou de magnifiques bracelets encerclant son bras, pile à l'endroit. Elle commence à lui hurler dessus, parce que ses notes n'atteignent que 16. Comparé à moi, je trouve que c'est une très bonne note.
Je ne sais pas pourquoi je la regarde tous les soirs depuis l'extérieur mais depuis qu'elle est arrivée il y a deux mois, je ne peux pas m'empêcher de la voir et de la surveiller. Elle a quelque chose qui m'attire énormément. Je ne sais pas pourquoi, mais quand je vois sa mère la traiter ainsi j'ai envie d'être là pour la protéger, pour être le témoin invisible de ce qu'elle subit chaque fois qu'elle ramène une note chez elle.
Comment je le sais ? Nous sommes dans la même classe, la même école et nous vivons dans le même lotissement, perdu dans les forêts environnantes. Cela me permet d'être discret.
Les heures tournent et finalement l'ensemble des lumières s'éteignent. Je baisse la tête, un peu déçu de ne plus la voir. Je commence à rebrousser chemin vers la forêt quand le grincement d'une fenêtre à l'étage me ramène vers la maison. Je fais le tour et voit Lydia, le visage crispé par le bruit de sa fenêtre, commencer à l'enjamber. Elle porte un sac sur son dos et ses légendaires bottines à talons qui ne la quittent jamais. Elle va bien se casser une cheville.
Elle descend grâce à la palissade du rosier grimpant et touche le sol cinq minutes plus tard. Elle commence à partir en venant vers moi. Je reste figé, impossible de bouger tellement je suis admiratif de sa témérité. Quand elle pose ses premiers pas dans la forêt, elle regarde ses pieds jusqu'à ce qu'elle voit le bout de mes pattes. Elle a un mouvement de recule et tombe sur les fesses. Je la regarde toujours, assis et incapable d'esquisser le moindre geste. Je ne voudrais pas lui faire peur.
- Un loup ?!
Je me couche devant elle pour ne pas qu'elle parte en courant. Elle ne quitte pas mes yeux et semble intriguée.
- Ses yeux...
Oui, je sais. Mes yeux sont gris argentés et restent ainsi sous ma forme lupine. Je me relève, ne voulant l'effrayer plus, et commence à me retourner.
- Attend.
Comment ça "attend"? Je me retourne une dernière fois, retrouvant le vert intense de ses yeux. Et je cours, sur une fausse piste pour revenir chez moi. J'inspecte les alentours et me transforme en ma forme originelle et dans son simple appareil. Je monte mes propres escaliers, dans la maison de mon père. Quand je rejoins mon lit, je passe un caleçon et m'effondre sur celui-ci, le visage de la fille que j'aime graver sur les paupières.
J'arrive au lycée en courant, comme tous les matins et rejoins mon meilleur ami qui descend du bus scolaire. Il lève les yeux au ciel en me voyant tout sourire.
- Tu loupes toujours ton bus et tu arrives à avoir le sourire.
- Le sport dès le matin, c'est très agréable.
- On en reparlera quand j'aurais un semblant de muscle dans le corps.
Il m'affiche son plus beau sourire et je ne peux m'empêcher de rire. C'est notre deuxième semaine de cours et j'ai vraiment l'impression d'y être depuis des mois. Peut être parce que je galère toujours autant avec les cours et que le dos et les cheveux flamboyants de Lydia sont plus intéressants. En tout cas, dès que je l'ai vu sortir de sa voiture lors de son emménagement, je n'ai plus pu détourner les yeux d'elle.
Nous ne nous sommes jamais parlé et je ne suis pas de son cercle d'ami, celui des footballeurs. Je me demande comment elle a pu les rencontrer mais ils se connaissaient avant la rentrée.
- Alors, ta séance d'espionnage nocturne a été fructueuse ?
Malakay me sort de ma rêverie alors que mon regard était rivé sur la source de mes pensées. Je tourne la tête vers lui découvrant de nouveau son sourire idiot et je le pousse amicalement pour qu'il arrête de se moquer de moi.
- Figure-toi qu'elle m'a vue.
- Sérieux ? Et elle a eu quoi comme réaction ?
- Elle était étonnée mais pas effrayée. Elle n'a vu que mon loup, rien de bien intéressant.
- Mais si...
- Messieurs, le cours peut se faire sans vous mais pas les heures de colles alors décidez-vous vite avant que je ne ferme la porte.
Nous nous dirigeons alors vers notre salle de cour. Une fois la matinée fini nous retrouvons nos casiers pour aller manger. Je surprends en passant une conversation entre Lydia et une de ses amie, Angel si je me souviens bien.
- Un loup ?
- Oui je te jure, avec des yeux gris argent.
- Mes les loups n'habitent plus les environs depuis des années.
- Alors ils sont revenus. Je n'ai pas rêvé, il a même semblé me comprendre.
- Mouais. En parlant d'iris argentés, Carter ne te lâche pas des yeux.
Mon visage devient écarlate et je me retourne vers mon casier pour ranger mes affaires et aller manger.
- N'importe quoi. De toute façon je sors avec Chuck, tout le monde le sais.
Oui, un peu trop de monde. Je claque la porte de mon casier et rejoins Malakay.
En sortant du bahut, je prends la direction de la forêt, laisse mes vêtements en boule dans mon sac de cours et me transforme. J'attrape mon sac entre mes dents et cours librement jusqu'à chez moi.
Après dépôt de mes affaires je repars en direction de chez Lydia. Je la trouve assise contre un arbre à dix mètres de chez elle, un carnet de dessin à la main et un crayon de bois dans l'autre. Elle est gauchère, je n'avais pas remarqué. Je reste caché ne voulant pas revivre le même piteux entretien que nous avons eu hier.
Sauf que c'est elle qui me remarque. Elle relève la tête et me regarde dans les yeux. Je m'apprête à m'enfuir mais elle m'arrête d'un geste de la main. Je m'assois alors à cinq mètres d'elle et la regarde. Elle est tellement belle.
- Est ce que tu me comprends ?
Je ne bouge pas d'un millimètre, je ne veux pas lui faire de faux espoirs. Je n'ai pas l'intention de me lier à elle de cette façon là, je ne le veux pas.
- Tes yeux ressemblent énormément à ceux d'un garçon dans ma classe. Il s'appelle Eden Carter.
Je ne bouge toujours pas, même si elle parle de moi et même si j'aimerais tellement qu'elle s'intéresse à moi. Pas en tant que loup, mais en tant qu'homme.
- Je parle aux animaux maintenant. Je suis vraiment folle.
Non tu ne l'es pas, tu es la fille la plus parfaite que je connaisse. Je me relève et me retourne je suis resté trop longtemps. Je commence à marcher et je l'entends me suivre. Un sourire s'affiche dans mon inconscient et je me retourne pour la voir éviter les racines et les trous avec ses bottines. J'essaye de garder mon calme pour me pas que mon amusement soit visible sur ma gueule. Je m'arrête et m'assoie face à elle. Alors qu'elle relève la tête, je penche la mienne.
- Quoi ? Tu as déjà marché avec des talons ? Je te jure que c'est bien moins pratique que les coussinets.
Je ne peux pas m'empêcher de sortir la langue, amusé qu'elle me parle comme si j'étais quelqu'un d'à part entière. Elle lève les yeux au ciel et je reprends ma course avant qu'elle ne puisse me rattraper. Je la perds de vue et je me sens soudain soulagé, je rentre chez moi.
Je commence mes devoirs, mais impossible de me concentrer, mes pensées étant focalisées sur elle. Vers 23h, quelqu'un frappe à la porte. Seul habitant de la maison, je descends et vais pour l'ouvrir, tombant sur la mère de Lydia.
- Est ce que Lydia est ici, elle ne répond pas à son téléphone et je ne la trouve pas.
Même pas un bonjour.
- Je ne sais pas où elle se trouve, mais je connais bien la forêt je peux aller chercher.
- Excellent. Allez.
Son empressement me fait tiquer mais je ne relève pas, lui demandant de rester chez moi le temps que j'aille la chercher. Elle m'indique mon manteau mais lui assure que je n'ai pas froid.
J'hume l'air à la recherche de son odeur et la retrouve pleurant contre un arbre, l'une de ses bottines à côté de son pied. Sa cheville est gonflée.
Je m'approche doucement pour ne pas l'effrayer et elle lève les yeux sur moi. Elle essaie tant bien que mal d'effacer son mascara ravagé et je m'accroupis près d'elle et examine sa cheville. Grâce à mes sens je remarque juste la légère entorse mais pas de fracture.
- Qu'est ce que tu fais là, Eden ?
- Ta mère s'inquiétait.
- J'en doute.
Je ne relève pas, même si je le sais. Je l'aide à se relever mais elle ne parvient pas à marcher. Je ne lui laisse aucune option et la prend dans mes bras pour la ramener chez moi où ça mère nous attend. Je la dépose sur mon canapé et entreprend de bander sa blessure sous les yeux de la malade. Quant à sa mère elle s'impatiente et je lui propose de la ramener et elle n'objecte pas.
Je passe le pas de la porte avec Lydia dans les bras, je suis ses indications et monte jusqu'à sa chambre où je la dépose sur son lit. Je regarde autour de moi. Même si je connais assez bien le rez-de-chaussée je ne connais pas sa chambre. Elle est dans les tons verts comme ses yeux. Beaucoup de meuble et de photos tapissent les murs de la chambre qui est sous les toits avec un immense double velux sur l'un des pants, laissant voir le ciel. Je ne parle pas et je ne sais pas quoi lui dire. Mon silence et bien moins ambiguë quand je suis un loup. Quelqu'un déboule dans la pièce.
- Maman a dit vrai, tu as un chevalier servant.
- Je ne suis pas sûr qu'elle l'ait dit dans ces termes là.
- Matthew, je suis le grand frère.
- Eden, le voisin.
- Et camarade de classe.
Je me retourne vers elle. Elle enlève sa deuxième chaussure en regardant ce qu'elle fait.
- Je ne vais pas rester plus longtemps.
- Attend.
Je me retrouve hier, alors qu'elle me disait la même chose ou qu'elle disait la même chose à un loup. Je tourne la tête et elle incite son frère à sortir. Une fois celui-ci sortit elle me regarde de ses deux émeraudes.
- Merci.
- Il n'y a pas de quoi.
- Pourquoi es-tu si réservé ? D'après Angel tu me dévore des yeux.
- Il ne faut pas croire tout ce que les gens disent.
- C'est pour ça que je te le demande.
Je ne sais pas quoi répondre.
- Je devrais y aller.
Je ne lui laisse pas le temps de répliquer et m'échappe de cette maison. Je cours dans la forêt, ne fait pas attention à mes vêtements et les déchire pour ma transformation.
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