T2 | 05 - PERLE

∞ PERLE 

∞ Le poids des souvenirs douloureux me rattrape une fois seule dans ma chambre. Ils sont toujours aussi destructeurs et me hantent. Ils sont lourds à porter. Telle une chape de plomb, ils m'achèvent et m'ensevelissent...  Merci à rosnaly2 Georgette59 orrace57 FIBULON bamboue mimiminou54 edmarah29 pour avoir participé à ce préambule ! 

Dimanche 02-12-18 | Trattoria « Una Storia importante » 83 Via Giampaolo Orsini 50 126 Firenze FI, Italie.

∞ ∞∞ ∞

Je ne pensais pas aussi bien dormir dans la chambre, qui m'a vue grandir de l'âge de mes sept ans à mes vingt-un ans. Je jette un regard au mur de gauche qui est recouvert de photos. Elles ont été prises lors des anniversaires, des Noëls en famille, des vacances. Épinglées de façon pêle-mêle, elles retracent quatorze ans de ma vie.

Je souris, je m'amuse, je fais la fête avec mes parents, ma petite sœur, mes frères. Il y a aussi mes amies du collège. Puis, il y a son fantôme...

Je me lève, me dirige vers le bureau et vais m'asseoir sur le fauteuil à roulettes. C'est là que j'ai passé le plus clair de mon temps quand j'étais adolescente. Étudier était mon activité préférée. C'était surtout la seule.

J'ouvre le premier tiroir du meuble en bois clair. Mes stylos sont bien rangés dans leur bac rigide à côté d'une rame de papier à carreaux. Dans le deuxième, trois classeurs de couleurs différentes sont empilés tête-bêche. Puis je pose le bout de mes doigts sur la poignée du dernier. J'hésite à l'ouvrir. Je retire ma main comme si le métal venait de me brûler pour m'empêcher d'aller plus loin.

Je sais que c'est un avertissement que je devrais écouter. Ce n'est pas pour rien que mon corps réagit ainsi. Je remonte mes genoux vers ma poitrine. J'encercle mes jambes pliées de mes bras crispés pour comprimer mon être telle une œuvre de César.

Je ne dois pas le lire. Pourtant tout me revient en un flash. Je revis ces trois soirs, celui de Nelo aussi, puis l'arrestation, le procès. La déchirure que ça a causée dans la relation entre mon père et sa sœur... On tape à la porte et je sursaute.

Trois petits coups donnés avec l'index plié qui me font penser à un pivert cognant contre un tronc. Je ferme les yeux pour tenter de calmer ma respiration erratique avant d'aller ouvrir. Mais je constate que j'ai dû mettre trop de temps quand j'aperçois le montant s'entrebâiller doucement.

— Perle ? Tu es réveillée ?

— Oui, mamma. Entre.

— Il me semblait bien avoir entendu du bruit.

Elle s'approche pour embrasser ma joue et j'en fais autant à mon tour.

— Je redécouvrais ma chambre.

— Je n'ai touché à rien. Je l'ai laissée telle qu'elle était quand tu es partie vivre dans ton appartement.

C'est bien ça, le problème.

— Un vrai musée.

Je force mon sourire, mais c'est mon corps tout entier qui grimace de douleur.

— On passe à table dans vingt minutes. C'est pour cette raison que je suis montée. Tu connais ton père, il est à cheval sur l'heure.

— Je m'en souviens, mamma.

— Et ce n'est pas ton cadeau d'anniversaire qui va arranger les choses.

— Tu n'aimes pas la montre que je lui ai choisie ?

— Oh, si ! Elle est magnifique, mais il la consulte sans cesse. Tu as commis des folies. Tu le connais, il ne veut jamais rien. Ses cadeaux, c'est de vous avoir auprès de nous.

— Tu sais bien que j'aime vous gâter. Ton sac te plaît ?

— Je l'adore, depuis le temps que je rêvais d'en posséder un de cette marque.

— Alors, c'est tout ce qui compte, je l'embrasse sur le front. Je vais prendre une douche et j'arrive.

— Très bien, ma chérie.

Ma mère sort en ayant retenu les questions qu'elle aurait aimé me poser. Je rentre dans ma petite pièce d'eau réalisée après les tristes évènements qui ont bouleversé notre famille. Retourner me laver dans la salle de bains était devenu un calvaire. Mon père en avait construit une aussi pour Nelo. Je passe sous la douche et laisse l'eau chaude accomplir son œuvre. Je chasse mes idées noires pour les remplacer par celui qui a dû replonger dans ses ténèbres.

Je me demande comment s'est passée sa matinée ? Comment est-il arrivé à gérer la pression ?

Mal, je suppose... Heureusement que Gianni est avec lui. Mais lui, comme moi, nous rentrons demain à Paris. Est-ce que Renzo en fera autant ? Rien n'est moins sûr, vu l'état de son père.

C'est la tête pleine de questions que je m'habille.

Je passe ma lingerie. Termine d'accrocher les agrafes de mon soutien-gorge, quand il me vient une idée coquine qui devrait l'aider à aller mieux.

Je m'installe sur mon lit en adoptant une pose lascive afin de prendre un selfie. Je vérifie la photo et j'écris en légende :

PERLE : Ciao, mio Tenebroso.

Je termine de m'habiller en sachant pertinemment que je n'obtiendrai pas de réponse immédiate.

Je suis la dernière à arriver dans la salle à manger. Alors je lance un bonjour général qui évite de claquer la bise à tout le monde.

— Tu n'as rien oublié ?

— Mais non, papino.

Je me dirige vers lui et l'embrasse sur la joue.

— Voilà qui est mieux, il me sourit. Allez, mangeons, maintenant que Perle nous a rejoints.

Je me retrouve à côté de Nelo. Quant à Mattéo et Tara, ils me font face. Bien sûr, mon père en chef de famille se trouve en bout de table et ma mère est assise à l'opposé du patriarche. Il rayonne de bonheur d'avoir autour de lui son clan au complet.

La discussion bat son plein quand je sens mon téléphone vibrer. Le plus discrètement possible, je le sors pour voir si c'est une réponse de Renzo.

En effet, c'est bien lui.

RENZO : Tu pensais m'exciter avec cette photo ?

Ce n'est pas vraiment ce à quoi je m'attendais comme réponse. Mais au moins, je connais son humeur. Tel que je le pensais, il ne doit pas aller fort.

— Tu devrais le remettre dans ta poche avant que la patrouille te grille.

Nelo a forcément vu ma manœuvre sous la table. Je le range sans répondre. De toute façon, je n'ai pas la possibilité de lui envoyer un message sans que mes parents me repèrent. Ils ne supportent pas qu'on soit sur nos portables en étant à table.

Et puis, pour lui répondre quoi ?

— Pas de messe basse quand on mange, nous reprend mon père.

Forcément, il nous a grillés et même sans élever la voix, il a cette capacité à se faire entendre. Et j'ai l'impression d'être à nouveau une gamine qui est en train d'être réprimandée.

Après quelques minutes, je me lève pour récupérer les assiettes vides et les déposer à la cuisine. Je sors mon téléphone, qui vibre à nouveau. J'hésite à consulter le message en sachant pertinemment qu'il provient de Renzo, qui doit fulminer en n'obtenant pas de réponse alors que la mention lue s'est affichée à côté de son texto.

— C'est un drôle de mec que tu as trouvé là !

Je sursaute en entendant la voix grave de mon frère. J'ai failli lâcher mon téléphone en pensant que c'était mon père. Il partage avec lui cette même aura et voix grave, qui sont très utiles à Nelo pour commander ses troupes dans l'armée.

— Nelo ? Tu m'as fait peur.

— Tu as des choses à te reprocher, Piccola ?

— Non, pourquoi ?

— C'est lui qui t'envoie des messages ?

— Dis donc, tu ne veux pas me lâcher un peu ?

— Pas tant que je ne te saurai pas heureuse. Et ce n'est pas avec Renzo que tu vas l'être. Ce mec est toxique.

— Tu ne le connais pas.

— Bien assez pour me forger une opinion.

Nelo énumère ce qu'il a trouvé sur Renzo, ce qui correspond à ce que l'on peut dénicher sur internet ou les réseaux sociaux.

— Il est tout autre en privé.

— Arrête de te voiler la face, tu sais très bien que ce mec va te tirer vers le fond. Tu vas mieux, Perle... Il n'est pas bon pour toi.

— Je suis assez grande pour savoir ce que je fais. Et avec qui.

— C'est ton choix, mais alors ne t'étonne pas de m'avoir sur ton dos.

La porte s'ouvre sur notre petite sœur.

— Vous avez besoin d'aide, les inséparables ?

— Non, mais, si tu veux, tu peux prendre les assiettes à dessert, je lui demande en forçant mon sourire. Quant à toi, apporte le plateau avec les tasses à café. Je m'occupe du tiramisu.

Mon frère me fusille du regard, car il ne peut rien ajouter face à Tara. Il la suit jusqu'à la salle à manger, ce qui me laisse quelques secondes pour lire le message.

RENZO : Je suis en réunion. Arrête de m'emmerder.

C'est confirmé, il est de mauvaise humeur. Je vais donc clôturer cet échange avant que ça parte en cacahuètes.

PERLE : Je ne voulais pas te déranger.

Je n'ai même pas le temps de fourrer mon téléphone dans la poche – que ce dernier – m'informe de l'arrivée d'un nouveau texto.

RENZO : Alors pourquoi tu réponds ?

PERLE : Par politesse !

RENZO : Tu peux te la foutre où je pense !

J'encaisse la réponse. Visiblement mal, car je serre ma mâchoire tout aussi fort que mes poings. Que Renzo soit en réunion ne justifie pas de me traiter ainsi.

PERLE : Je ne suis pas ton paillasson. Va te faire foutre, Barresi.

J'éteins mon portable pour ne plus me sentir oppressée par cet échange houleux. À la base, je voulais juste lui souhaiter une bonne journée. Je ne pensais pas mettre le feu aux poudres ni le déranger. S'il tient une réunion, un dimanche après-midi, c'est que la situation doit être critique.

Mon frère a raison tout comme Manon. Renzo a le pouvoir de me rendre folle, vulnérable, dépendante, de me faire sortir de mes gonds. J'attrape l'élastique se trouvant sur mon poignet – mélangé à mes bracelets – et je résiste à cette envie de le claquer contre ma peau. Je dois me reprendre. J'attache mes cheveux en réalisant une queue-de-cheval. Je respire à plein poumon puis je souffle. J'accomplis cet exercice à plusieurs reprises avant de retourner auprès de ma famille, de leur amour et leur bienveillance.

En parlant de ma meilleure amie, elle se trouve assise à ma place, à côté de Nelo bien sûr.

— Salut, Bichette. Ta mère m'a invitée pour prendre le café.

Je dépose le tiramisu à table avant de lui claquer la bise.

— Je vais chercher une autre assiette...

— Ne t'embête pas, elle me coupe avant de se tourner vers mon frère, je vais partager celle de Nelo. Ça ne te dérange pas ? Hein ?

— Aucunement.

Il lui répond en se fendant d'un sourire. Expression faciale, que je n'arrive pas à déchiffrer. Ses lèvres étirées d'un côté se trouvent à mi-chemin entre le contentement et l'énervement teinté de résignation. Le reste de son visage n'affiche pas plus d'indications. Me laissant dans l'expectative. La seule chose qui me précise son état fébrile, c'est l'ongle de son index qui frappe le dessus de la table en bois recouvert d'une nappe à fleurs. Son doigt manque de rythme, ce qui n'est jamais bon. Je dois intervenir.

— Manon, as-tu eu des nouvelles de Gianni ?

Elle me balance un regard assassin avant de riposter vivement, mais je n'avais pas le choix.

— Non !

Le toc, toc sur la table, diminue, il devient régulier, jusqu'à disparaître sans laisser de traces du stress qui montait en lui. Il engouffre une grosse cuillère de tiramisu pour cacher son manque de contrôle. Manon tire la tronche, mais ça lui passera.

Le dessert était excellent, tout comme le reste du repas. Ma mère nous sert le café que nous allons prendre sur la terrasse couverte. Le téléphone de Manon sonne sous le regard courroucé de mon père.

— Désolée, Andrea. J'ai oublié de le mettre en mode silencieux.

Depuis qu'elle me côtoie, elle connaît les règles des Marcillac. Et d'habitude, elle les suit. Elle grimace en lisant le message. Elle me regarde et m'adresse un signe de la tête, ce qui ne passe pas inaperçu au regard de mon frère.

— On revient.

Elle attend qu'on se trouve dans l'entrée pour m'informer.

— C'est Gianni.

Je souffle de soulagement. J'ai cru que c'était Renzo qui passait par ma meilleure amie pour continuer à m'insulter.

— Et ?

— Il est là, elle ajoute à voix basse. Le texto, c'était pour m'informer qu'il se trouvait devant chez toi.

— Il savait que tu allais venir ici ?

— Oui, c'est l'excuse que je lui ai donnée pour ne pas le voir cet après-midi. Mais je ne pensais pas qu'il aurait le culot de venir. Tu dois m'aider.

— Tu veux que je fasse quoi ? Tu t'es mise dans la merde...

— Va lui parler. Dis-lui que je ne suis pas là. Je ne sais pas, invente un truc. S'il te plaît.

Ses mains jointes, qu'elle accompagne de son regard de chat Potté, me font craquer. Elle m'embrasse la joue et me promet de me le rendre au centuple. Et comme je me sens un peu coupable de l'avoir contrariée, je vais tenter de lui porter secours. Elle se décale et se planque sous l'escalier pour entendre sans être vue.

J'ouvre la porte sur un Gianni qui me salue accompagnée d'un sourire lumineux.

∞ ∞∞ ∞

De se retrouver dans sa chambre d'adolescente permet aux souvenirs de remonter. Ils s'exposent sur le mur avec toutes ces photos, mais aussi dans ses tiroirs. On dirait qu'il n'y en a pas que des bons, non ?

Nelo prend à nouveau son rôle de grand frère protecteur envers Perle. A-t-il raison de l'être ?

Encore une fois, Renzo se montre blessant envers Perle. Son entourage lui conseille de se tenir loin de lui. Devrait-elle les écouter ?

Gianni vient voir Manon. Perle arrivera-t-elle à le convaincre que son amie n'est pas là ?

Je suis persuadée que vous vous attendiez à voir quelqu'un d'autre derrière la porte. N'est-ce pas ?

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📍 Demain, on pourra lire le chapitre de RENZO :

🎭 Une plongée dans...

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🐞 Bonne journée, mes Sexy Love, gros bisous 🐺

✨ Kty.Edcall.Autrice ✨

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