PROLOGUE : Les premières pages d'une épopée intemporelle...
«Un dicton court dans les rues de Nemesto depuis sa créations : "Si vous voyez le jour sur le pavé humide des rues du cinquième arrondissement, sur ces mêmes dalles, vous sombrerez dans la mort.»
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Je m'étais promis de prouver le contraire à celui qui avait inventé cette phrase. Je ne savais pas encore comment ; mais même à cette époque, j'avais l'ambition de voler plus haut que le lit où je suis né. C'est avec cette idée que j'ai commencé à écrire dans ce carnet rouge. Vous ne trouverez pas mes premiers écrits alors que j'apprenais à avoir une plume convenable à la lecture de mon futur public, mais sur ces lignes, ces premières pages, vous aurez une histoire véridique, une aventure que vous allez croire inventée par un pouilleux qui rêve de tour d'ivoire ; mais c'est sur la tête de notre humble roi que je vous promets que ma plume ne dessine que la stricte vérité.
Pour comprendre qui je suis devenu et comment j'ai réussi tant d'exploit, il nous faut retourner en arrière, en l'an 560; date qui -j'en suis sûr- sera célébrée des années plus tard, pour ma naissance. Si je suis né à Nemesto, grande capitale aux mille et unes merveilles ; j'étais de l'autre côté du pont ; là où les riches et opulents cachaient la misère pour ne point gâcher le paysage. Je ne me suis jamais demandé qui étaient mes parents, jamais connus alors qu'ils m'ont déposé devant un orphelinat déjà trop bondé. Je ne me souviens pas non plus pourquoi l'orphelinat m'a mis dehors ; le seul restant de mémoire que je garde est le visage d'une dame aux joues rouges de colère agitant son fouet de cuisine au-dessus de ma tête.
J'ai compris bien vite que la vie ne sera pas clémente avec moi et qu'elle sèmera sur ma route autant d'obstacle qu'elle trouvera nécessaire. Quand j'étais enfant, je trouvais tout cela injuste, à raison bien sûr. Je n'avais que quelques années quand j'ai dû commencer à faire la manche ; à peine plus quand des adultes m'ont attrapé par le bras pour me forcer à travailler. Je n'étais pas seul, c'est une chose qui m'a sauvé tout du long de ma vie : la compagnie. Si nous étions pauvres, nous l'étions tous ensembles, dans la joie comme dans la peine, on se serrait les coudes et j'avais petit à petit formé un groupe, un semblant de famille avec celles et ceux qui n'en avaient plus. Si mes parents ne m'avaient pas donné d'amour, les femmes qui avaient tout perdu me prenaient dans leur bras comme si j'étais leur propre fils. Contre leur poitrine, encerclé dans leur membre frêle, j'avais l'impression d'être dans une forteresse intouchable. Je rêvais d'y rester pour toujours. Ces sensations étaient éphémères, comme les habitants des rues. Chaque semaine, j'en voyais disparaître et de nouveaux visages me sourire ; au départ je pensais qu'ils partaient en voyage, puis je comprenais qu'ils mourraient et que leur corps reposais sous ces dalles. L'idée de disparaître me terrifiait. Elle me terrifie toujours d'ailleurs, mais je suis persuadé que si je quitte ce monde un jour, ma mémoire et mes histoires persisteront au-delà des siècles.
Alors oui, j'ai attrapé une plume dans les caniveaux, suppliais un marchand de me donner un pot d'encre et un bout de papier pour écrire et je priais tous les soirs les patrons, ces êtres divins qu'on disait capable de tout, de ne pas me laisser disparaître. Nombreux sont ceux qui se moquaient ouvertement de moi, certains pensaient que j'usais de mes talents d'orateur et de conteur pour quelques pièces et j'étais connu comme un menteur, un charlatan, mais surtout un beau parleur et un enfant avec une grande imagination. De leur raillerie et de leur méchanceté, je ne prêtais aucune attention ; si je devais être un trublion avant de devenir roi, je le ferais, je serais même le fou de notre majesté avant de le détrôner s'il cela me permettait de réaliser mes rêves. Je m'en sentais capable.
À ma naissance, le patron Remesk a dû poser son doigt sur moi et m'insuffler un savoir que peu ont. Ma plume glissait habilement sur les feuilles, traçant des courbes légères et précises de ce que je désirais. Je n'ai pas jeté mon dévolu sur les corps ou les paysages, ni sur la peinture ou les arts nobles, car je n'y avais pas accès. Non, c'est aux abords de l'aérodrome, des dirigeables et des voyageurs et pilotes que j'ai trouvé une passion nouvelle, une seconde raison de vivre : les cartes ; les mondes inconnus que je voyais au loin ou que j'imaginais dans les étoiles et ces voyages qu'un jour, je ferais peut-être. J'étais jeune, je vous rappelle, je pensais que tout était possible et tant de choses impossibles à la fois. Je rêvais de quitter Nemesto, ce quartier et de voler un dirigeable pour voguer sur la mer de nuage ; explorer toutes ces îles flottantes dans les cieux. Je grattais alors ma mine de plomb sur mon papier jaunis tous les jours, dans les échoppes du coin, je trouvais les cartes de notre royaume et je les recopiais, j'apprenais les bases de cet art dont je n'avais pas encore le mot à l'esprit. Quand j'étais adolescent, une femme au manteau brodé de fil d'or passa dans les quartiers insalubres pour une raison que j'ignorais encore. Elle se dirigeait vers l'Ouest. Si je connaissais bien mon quartier ; on m'avait toujours dit de ne pas aller à l'Ouest, de ne pas regarder l'île solitaire qui y flottait trop longtemps, car on la disait maudite. Je n'y croyais pas bien sûr ! Mais par précaution, sûrement, je ne m'y étais jamais rendu.
Cette dame à la peau piquée par le soleil m'adressa un regard curieux ; elle regardait surtout la liasse de papier que je tenais sous mon bras et que je laissais tomber derrière moi à chaque pas que je faisais. Avant que je ne puisse crier gare, elle attrapa une des feuilles qui traînait et observa une carte dont j'étais pas peu fier à l'époque. Elle n'en dit rien, mais eut un grand sourire ; dans ses yeux une lueur comme de l'admiration alors qu'elle me tendit la feuille en hochant de la tête. Alors que je pensais qu'elle en avait fini avec moi -ou inversement- , elle me fit signe de la suivre et de l'attendre devant une papeterie. C'est là, que je reçus ce petit carnet rouge. Oui, il était neuf à l'origine, c'est le temps, les voyages et les années qui l'ont jauni, taché, gratté et usé. Avec ce petit carnet, elle y avait glissé plusieurs feuilles de papier épais pour mes cartes. Moi qui étais pourtant si bavard, je n'avais aucun mot, rien de suffisant pour exprimer ma gratitude envers elle. La grande dame passa une main dans mes cheveux roux avant de disparaître. Ce n'est que des années plus tard que j'appris qui était donc cette inconnue ; une femme, une scientifique du nom de Gullveig Klesani, qui marquera le monde de demain.
Les ambitions sont de belles choses, mais travailler dessus et les réaliser est bien plus difficile qu'il n'y parait lorsqu'on est pauvre. À mes seize ans, j'ai donc décidé de travailler ; enfin, de devenir le larbin d'un couple dans une taverne et d'être payé une misère. J'avais réussi à avoir un toit sur ma tête ; une douche une fois par semaine et les habitués du bar me payaient des verres lors des jours heureux. Je mettais de côté ce que je pouvais et ainsi, si mes calculs étaient juste, dans une trentaine d'année, je pourrais acheter un petit dirigeable et partir d'ici. À l'époque, ma notion du temps était plutôt erronée, mais la jeunesse aime rêver et s'imaginer capable de tout. Du matin jusqu'à soir le tard, je travaillais d'arrache-pied pour quelques misères et je passais mes nuits à remplir des bouts de papier de carte. J'avais réussi à mettre la main sur des livres plus élaborés de cartographie ; je me posais à une table dans un coin de la taverne et avec la lueur d'une lampe à huile rouillée, je traçais, traçais... Jusqu'à ce que la flamme s'éteigne.
C'est lors d'un de ces jours classiques que ma vie bascula. Ce n'est pas très original, mais avant les grandes épopées, il faut bien une base plus tranquille ; un élément déclencheur. Cet élément déclencheur s'appelait Mona. Une femme comme je n'en avais jamais vu : elle devait se pencher pour passer le cadre de la porte et ses hanches faisaient trembler les lattes au sol à chaque pas. Ses bijoux claquaient contre sa peau, deux plaques accrochées à ses oreilles et ses cheveux étaient couverts de tresses, d'anneaux et de fantaisie comme je n'en avais jamais vu. Elle n'était pas seule, mais à cette époque les autres n'avaient pas d'importance ; seule, elle brillait, ressortait de la foule d'alcoolique et de brigands qui composaient cette taverne. J'étais derrière le comptoir et si j'avais pu instaurer une forme de respect auprès des habitués, je me sentais écrasé par sa prestance à peine eut-elle posé ses yeux sur moi.
« Trois pintes de votre meilleure bière ! S'exclama-t-elle.»
J'ai tenté de répondre, j'ai sûrement bafouillé une réponse tremblante et honteuse alors que je me retournais vers les tonneaux pour la servir. Si son corps et son aura étaient impressionnants, sa voix ne l'était pas, douce, même chaleureuse et ses rires étaient légers, je l'entendais par-dessus mon épaule discuter avec ces compagnons. Je reconnaissais un accent des îles d'Andélè au Sud de la capitale qui conférait à ses r un son plus chantant et roulé et ses l plus long. Alors que je déposais les trois pintes souhaitaient, ses yeux se posèrent sur moi et je me figeais à nouveau sur place; incapable même de respirer.
« Merci p'tit.»
Un clin d'œil ; un sourire, elle s'éloignait du comptoir pour prendre une table non loin avec ses camarades. Les heures défilèrent et elle restait et consommait beaucoup au grand plaisir des patrons. L'histoire aurait pu s'arrêter là et si ça avait été le cas, ce carnet, cette histoire et mes aventures n'existeraient pas. La nuit commençait à tomber alors que je nettoyais quelques tables ; Mona était encore là, j'avais entendu son nom en passant à côté de sa table. Le bar était tranquille jusqu'au moment ou la porte d'entrée s'ouvrit dans un fracas assourdissant. La brigade passait régulièrement avec ses méthodes brutales pour faire des contrôles ; si je n'étais pas adepte de leur méthode on m'a très vite fait comprendre que me taire me permettrait de garder une vie tranquille. Leur insigne était différent, un engrenage se dessinait par-dessus la couronne royale qu'ils arboraient avec fierté. C'était la première fois que je croisais des membres de la Brigade de Défense des Sciences et des Technologies. Curieux de savoir ce qu'ils faisaient ici, j'allais les interpeller, mais le plus haut gradé me devança en pointant son arme derrière moi, en direction de Mona. D'habitude, je me serais décalé pour laisser les forces de l'ordre opéré ; mais alors que je commençais à partir sur le côté, un bras encercla ma gorge et une dague se glissa contre ma peau.
« Désolé p'tit, mais c'est toi ou moi.»
Sa voix avait perdu toute sa douceur, sa chaleur et seul restait son accent du sud et son rire maintenant grave.
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Début du Nanowrimo 2022 !
1900/50 000 mots de fait
En espérant que l'histoire va vous intéresser jusqu'au bout !
Petite précision : c'est le premier jet de cette idée et ainsi elle est loin d'être parfaite. Vos commentaires, avis et conseils sont appréciés.
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