CHAPITRE 9 : La Šerik
Avec le développement de la technologie et de la science, les réglementations autour de son utilisation et des inventions se durcissent. Si le gouvernement pensait ainsi limiter l'esprit des scientifiques, au contraire, elle ne faisait qu'accroître leur curiosité.
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Le sang n'avait pas encore eu le temps de sécher sur mon visage quand Dmitri s'interposa, sourire aux lèvres. Vìtek gisait au sol et je le pensais mort, comme ce père qu'on venait de tuer. Poussé par un instant de survie et animal ; j'attrapais mon revolver et le braquais sur Dmitri. Au moindre faux pas, à la moindre parole de travers ; il terminait six pieds sous terre. Si j'en avais eu le courage, je l'aurais tué sans aucun remord pour tous les crimes qu'il a dû commettre -qu'il a dû nous faire commettre-. Il ne tremblait pas, calme, il levait les mains et donna un petit coup de pied dans Vìtek pour nous inciter à le récupérer. On n'était pas des humains pour lui, pour les nobles nous ne valons pas mieux que les machines qui décorent leur demeure, nous ne sommes que des pions qu'ils s'amusent à avancer, à tuer pour gagner la partie dont le peuple a toujours été perdant. Stanislas s'approcha et tira le canonnier jusqu'à nous ; vérifiant son pouls, sa respiration, s'il avait une blessure apparente : rien. Il semblait dormir, ou bien avait-il été drogué je ne pouvais le savoir.« — C'est quoi la Šerik ? Demandais-je la voix étranglée par les émotions.
— La Šerik, c'est l'avenir. Commença-t-il, enfin, notre avenir ; ceux qui le méritent. Peut-être que vous en entendrez parler dans quelques années ; on vous le vendra comme une révolution, une nouvelle ère pour l'humanité, mais sachez que jamais vous n'en profiterez. Ce sont des nobles qui façonnent le monde pour les nobles. Je suis d'ailleurs assez étonné qu'Estéban Modry en face parti, mais on ne sait jamais le véritable visage des gens.
— Allez droit au but Dmitri, agacé je relevais mon arme et m'approchais de lui pour qu'il accélère.
— Donc c'est une organisation secrète. Des riches, ils travaillent sur la science en tout genre : confection de nouvelles armes, nouvelles techniques de médecine. Ils travaillent même avec des étrangers, c'est rare pour Ostrovy, vous savez ; on travaille peu avec les autres pays. Bien entendu, c'est illégal : on va dire que les expériences et la main d'œuvre de leur projet pourrait... Demander quelques sacrifices humains. Il y a quelques années, alors qu'ils étaient un peu moins discrets, ils avaient essayé de faire passer un de leur projet par les chambres : c'était un centre de recherche sur la petite île à l'ouest de Nemesto. C'était censé être révolutionnaire : proposer aux habitants du cinquième un travail dans la science : formation, expérience, tout y serait. Un beau projet, si on oubliait qu'en réalité les pauvres allaient être utilisé comme cobaye de leur expérience.
— Et vous avez refusé d'approuver le financement ? Stanislas avait repris la parole.
— ... Oui et non. Il fallait l'accord des deux chambres.
— Laissez-moi deviner, tranchais-je, la chambre noble a dit oui et la chambre commune a dit non, c'est ça ? Jamais la chambre commune n'accepterait ce genre de projet.
— Figure-toi que c'est l'inverse Člověk.
— De quoi ? M'étonnais-je.
— La chambre commune a approuvé, car elle était ignorante du réel plan de ce projet. C'est une partie de la chambre noble qui en voyant ce qu'il en résultait dans l'ombre qui a fait opposition ; ça ne s'est joué qu'à quelques voix près. Ils ont été dénoncés à la brigade qui tente de mettre la main sur les membres de ce groupe et de le démanteler, mais il est bien difficile d'accepter d'enfermer l'avenir du pays certaines fois et quelques pots-de-vin suffisent à faire changer la balance...»
J'avais du mal à assimiler toutes ces nouvelles informations et les conséquences qu'il pouvait en découler sur nous, mais sur le royaume tout entier. Quel serait le prochain projet de la Šerik ? Que voulaient-ils faire encore ? Si Estéban était affilié à ce groupe, combien d'autres scientifiques en faisaient parti ? Baissant mon arme ; Dmitri ne cessait de sourire et une voix derrière moi reprit la parole :
« Tu ne veux pas savoir qui fait partie de cette organisation Člověk ?»
Appuyé sur sa canne, le visage cacher derrière son masque ; l'inconnu m'observait, attendait mon prochain mouvement. J'avais baissé mon arme et au même moment Dmitri leva la sienne pour viser Stanislas : si j'avais encore du mal à tuer quelqu'un, je savais que le noble n'aurait aucun remord à le faire.
« Vous en faites partie ? Demandais-je.
— Pas vraiment. Mais j'en faisais partie il y a longtemps. Vous avez de la chance que seul moi vous traque pour le moment. La Šerik n'hésitera pas à envoyer des mercenaires après vous.
— Qu'est-ce que vous voulez faire avec ?
— Cela ne regarde que moi. Demande plutôt ce que Mona veut faire avec. »
J'étais un pion. Depuis le début et je ne savais pas sur quel jeu, dans quel terrain j'étais. Ce que je savais en revanche ; c'était que je ne pouvais faire confiance à personne et que j'avais envie de le voire à disparaître. Je me jetais sur lui et d'un pas de côté, il esquiva. J'étais fatigué, faible et avec la lune comme seul repère ce combat s'annonçait bien pitoyable. Mais je n'abandonnais pas, je reprenais l'assaut et chaque coup frappait le vide, ou bien l'effleurait à peine. Seul un parviendra à le toucher ; un crochet du gauche percuta son visage et frappant sur l'attache de son masque, ce dernier tomba. Je n'ai malheureusement pas pu voir son visage ; comme un monstre défiguré, il se pencha pour se cacher et reprenait son casque entre ses mains. Je n'ai pu qu'entrevoir sa joue; ce qu'il en restait, celle-ci étant marquée par une vive brûlure. Il était à terre, j'aurais pu continuer à le frapper ; lui faire manger la poussière, mais alors que je sortais la dague de mon manteau ; une main m'attrapa.
« Arrête Člověk. Murmura-t-elle avec son accent si reconnaissable, on a assez fait de mal pour cette nuit.
— Mais il le mérite-
— Il le mérite autant que toi Mona, se moqua Dmitri, vous n'êtes pas bien différent après tout. Ils ne sont pas au courant n'est ce pas ?
— Mona ? Ma voix s'étranglait alors que le regard de la capitaine s'assombrissait.
— Tu ne leur as pas dit que tu étais avec la Šerik n'est ce pas ?»
Le sourire du noble s'étirait dans une grimace terrifiante. Fier de son emprise sur nous, sur son savoir et son rang ; imbu de sa personne, il dominait et il le savait mieux que quiconque. Pourtant, alors qu'il jubilait et baissait sa garde, une large main viendra empoigner son visage par l'arrière et le jeter contre le mur. Au premier coup, j'entendais son nez se briser, le second percuta son arcade sourcilière. La main viendra encercler sa gorge et l'étouffer petit à petit. Cecilie maintenant son frère comme un criminel, son propre sang coulant le long de ses phalanges.
« T'as encore loupé une occasion de te la fermer Dmitri, gronda-t-elle à quelques centimètres de son visage.
— Cecilie, je- incapable d'aligner plus de deux mots la gorge du blond formait des sons informes et étouffés à la recherche d'air.
— Laisse le partir. Ordonna Mona.
— Pour qu'il recommence ? La voix de la cuisinière enflait de colère, pour qu'il nous utilise encore ? Il mérite de crever ici sur ce pavé sale. Il ne mérite pas-
— Cecilie c'est un ordre. Lâche le.
— Pourquoi je devrais t'obéir après ce que tu nous as fait ?! Tu nous as menti, c'est toi qui nous as traîné là-dedans Mona ; c'est toi qui-
Essoufflées, les larmes lui piquaient les yeux alors qu'elle relâchait son ainé. Ses yeux sombres se posèrent sur Mona, son visage, strié de cicatrices, n'avait jamais été aussi terne, aussi marqué par la peine.
— Pourquoi tu m'as menti Mona ? »
Avec toute cette agitation, l'homme masqué n'avait pourtant pas bougé. Il aurait pu s'enfuir, s'éclipser dans le tumulte, mais non ; il observait en silence. Dmitri n'avait pas ce courage et à peine eut-il l'occasion qu'il prit ses jambes à son cou s'enfuyant loin de son bourreau, le visage couvert de sang. Stanislas n'avait rien dit ; il n'avait pas bougé. Peut-être savait-il tout ce qui se tramait dans l'ombre depuis le début ou bien n'avait-il pas envie de prendre part aux discussions. J'aurais aimé qu'il dise quelque chose, qu'il réagisse, qu'il prenne parti, laisse parler ses émotions. Je n'arrivais pas à rester aussi calme ; aussi neutre que lui bien que j'aurais aimé. Comme Cecilie, je me sentais trahi, j'étais en colère, triste, inquiet et je ne comprenais pas ce qu'il se passait. J'aurais aimé être comme Vitek, inconscient pour ne pas à avoir subir les tourments de mon esprit.
« C'est pour ça que la brigade te cherchait Mona ? Demandais-je d'une voix tremblante.
— Rentrons au dirigeable pour en parler, si vous voulez bien me suivre. Proposa Mona.
— Mona ? Interpella l'homme masqué.
— Non. Coupa-t-elle d'un ton sec, nous ne sommes pas dans le même camp cette fois-ci.
— En agissant ainsi, tu finiras seule et ne réussiras dans rien. »
Sans réponse et rien pour le retenir, l'homme masqué s'en alla. J'allais le poursuivre quand Stanislas me rattrapa par l'épaule. Nous avions des choses plus importantes à faire que de le traquer. Mona avança la première en direction du dirigeable ; Stanislas portait Vìtek dans ses bras suivant la capitaine. Cecilie hésitait ; j'étais à côté d'elle et on s'est échangé un regard. Elle aussi était perdue dans ses émotions et se sentait manipulée de toute part ; mais elle avançait quand même. Nous avions tous besoin de réponse et seul Mona pouvait nous les fournir.
Avant tout, je me dirigeais vers l'infirmerie avec Stanislas et Vìtek. Il était vivant mais encore inconscient. Dmitri n'avait pas menti : aucune marque de blessure ni de violence n'était à noter sur son corps. J'en profitais aussi pour me passer un coup sur le visage et me changer. Le sang avait séché est formé des croûtes sur ma peau. Je n'osais pas me regarder dans la glace ; je ne me reconnaissais pas. Ma peau était propre et je me sentais si sale, je voyais le visage terrorisé de cette enfant ; les traits éteint de son père. À chaque fois que j'enlevais une tache, l'odeur âcre du sang embaumait les sens. Je me penchais au-dessus des toilettes pour vomir tout ce que je pouvais. Il y avait surtout de la bile n'ayant que peu mangé aujourd'hui. Stanislas était resté à côté de moi et posa une main sur mon dos, tenant de l'autre mes cheveux. Je me sentais misérable ; mais cela m'enlevait d'un poids.
Mona et Cecilie nous attendaient la salle à manger ; chacune en silence assise à un bout de table. Elles ne se regardaient pas, la capitaine fixait le vide qu'elle avait créé entre elle et son équipage alors que Cecilie tenait sa tête entre ses mains. Je pris place sur une chaise et Stanislas restait de bout contre un mur.
« Je vais éclaircir un premier point. Je ne fais plus partie de la Šerik. J'étais avec eux avant que ça ne dérape.
— Comme par hasard, murmura Cecilie.
— J'étais avec eux avant même que je parte à l'aventure ; je rêvais de changer le monde. Continua-t-elle avec peine, j'ai vite compris que nous n'avions pas la même idée. Ils étaient tous riches, nobles, j'avais juste l'intelligence et des idées. Je voulais agir pour le bien de tous ; à partir du moment où les projets voulaient assouvir les habitants du cinquième arrondissement. Je suis partie à ce moment-là, mais cela ne leur a pas plus.
— C'est pour ça que tu as commencé la piraterie ? Questionna Stanislas.
— Oui. Ils ont réussi à me mettre la brigade à dos et donc j'ai commencé à vivre ainsi. J'avais juste le Bronze et je voulais juste me faire oublier. À l'époque, il n'y avait pas Estéban Modry avec nous, je ne pensais pas que ce collier avant un lien avec tout ça et quand tu es revenu avec Člověk, je voulais savoir ce qu'il en découlait et me débarasser de tout ça.
— Et l'homme masqué ? Demandais-je.
— Je ne sais pas s'il est encore dans la Šerik . Il y était déjà quand j'y suis entrée, mais personne ne connaît son nom ni son visage. Je sais qu'il voulait faire des expériences sur des hommes avec des exosquelettes, mais j'ai préféré rester à l'écart.
— Pendant toutes ces années, tu nous as menti... Cecilie se redressa, qu'est ce que ça t'aurais coûté de nous dire la vérité ?
— Je pensais que ces histoires étaient finies et qu'elles ne reviendraient pas ! C'était du passé et je ne voulais pas y repenser... Mais maintenant nous sommes au cœur du problème.
— On pourrait vendre le médaillon et disparaître le temps que ça se calme ; proposa Stanislas.
— Et on ferme les yeux sur les sacrifices humains qu'ils vont faire pour la "science" ? Cecilie eut un rire sec, vous ne valez pas mieux que Dmitri, que toute la Šerik réuni en fait. Juste parce que t'avais honte de ça, tu nous fous tous dans la merde. Je pensais que tu valais mieux que ça Mona.
— Cecilie... Soupira Mona.
— Non, j'en ai assez entendu. La cuisinière se releva et essuya ses yeux embués, après des années à tes côtés, j'apprends que maintenant qui tu es vraiment ; mais t'inquiètes pas, je n'ai aucune raison de mal le prendre. Comment savoir sur combien de choses tu nous as menti ? »
Sans réponse à sa question ; Cecilie quitta la pièce laissant derrière elle un silence morne. Déçu, je suivais Cecilie sur le pont ; alors que je m'approchais d'elle ; elle me fit signe de m'arrêter et de ne pas la suivre. Je respectais son choix ; la solitude était certaines fois de bonne compagnie ; elle m'avait été proche pendant tant d'années déjà. J'entendais les voix s'élever dans la salle à manger et je ne voulais pas y retourner. Du calme oui, voilà ce que je désirais. Comme Cecilie je préférais être seule, loin de tous. Allant dans la chambre ; je m'effondrais sur mon lit. Une nuit sans rêve, une nuit vide.
Les premiers rayons de soleil vinrent perturber cette accalmie ; plissant des yeux, il n'y avait personne dans le dortoir, j'étais seul. Me préparant, je remarquais que pour une fois le lit de Cecilie était parfaitement fait, au carré et d'une rigueur militaire qui ne lui correspondait pas. Sortant sur le pont, je me dirigeais vers les cuisines. La solitude me suivait partout où j'allais. Chambre, cuisine, ponts, salle à manger, il n'y avait personne. Je m'avançais sur la proue alors que je vis enfin une silhouette ; je reconnus les cheveux rosés de Cecilie. Elle se retourna vers moi, l'air surpris et les yeux encore rougis. Elle semblait préparer des affaires et les ranger à bord d'un gyrocoptère.
« Cecilie ? »Je manquais une respiration alors qu'elle monta à bord de sa machine et s'envola sans un regard en arrière. Pas un mot, pas même un sourire, c'est comme ça que Cecilie quitta l'équipage du Bronze.
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Et bientôt 10 chapitres ! Hésitez pas à donner vos avis.
23 166 / 50 000 mots, bientôt la moitié !
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