CHAPITRE 7 : L'informateur du Bronze


Le Royaume d'Ostrovy est uni depuis des siècles sous une seule bannière, une seule langue et une seule couronne. Cela n'a pas toujours été le cas ; certaines régions gardent les vestiges d'anciennes civilisations, du royaume de Batili au Nord ou encore la République de Hlasovani; les livres d'histoires et les musées préservent ces écrits encore difficiles à déchiffrer.

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Personne n'osait reparler de l'accident de la semaine dernière. Ni Vìtek, ni moi, ni aucun membre de l'équipage. Je ne m'étais pas excusé et je pense que personne n'osait me demander de le faire. Lui non plus n'avait pas émis le moindre remords. Mona était restée à côté de moi, en silence pour m'écouter parler, pleurer et crier ce que j'avais sur le cœur. Qu'importe le nombre d'insultes, de remarque que j'ai pu lui lancer, elle n'en tenait pas compte ; elle n'essayait pas de me raisonner, de me remettre dans le droit chemin ni de me dire d'aller parler avec Vìtek. Elle savait. Elle savait qu'il était difficile à vivre, voir impossible, qu'il était compliqué comme on l'était tous sur ce navire. Elle ne m'en voulait pas de l'avoir frappé.J'aurais aimé qu'elle me le dise, car je l'ai compris bien trop tard. Je m'en suis voulu de m'être emporté ; pas de l'avoir frappé, car il le méritait, mais d'avoir manqué de contrôle. J'aurais aimé qu'on me dise que ce n'était rien, c'était normal et que ce n'était pas ma faute. Mais personne ne me dit rien, et je pensais être autant en tord que lui. Je trouvais ça injuste et justifié en même temps. Si les premiers jours après le drame la tension était encore dans l'air, après une semaine ; nous étions redevenus comme avant. J'évitais Vìtek et il ne me parlait plus en retour. Il évitait aussi Cecilie pour une raison que j'ignorais encore. Cela ne m'étonnait pas pour autant, ils ne s'étaient jamais montré d'affection auparavant et ce n'était pas aujourd'hui que ça allait changer.Cela faisait donc un mois que j'étais à bord du Bronze et j'étais assez étonné des changements qui se mouvaient en moi. J'étais encore en pleine croissance ; mais je sentais que le travail de Stanislas portait ses fruits sur mon corps et mon esprit de stratégie et de groupe s'était affûté. Pendant des années, je me battais seul, pour moi, mais dorénavant, j'avais des gens à mes côtés qui me protégeraient et que je protégerais en retour au prix de ma vie s'il le fallait. Ce n'était pas encore une famille; nous étions devenu proches, mais pas encore intime et nous avions nos vies encore secrètes, nos blessures ouvertes cachées. Mais je pouvais les considérer comme des proches, pour certains des amis, des mentors et des modèles de vie.Je m'étais habitué aussi au rythme de vie sur le dirigeable ; bientôt, nous quitterons les îles du marquisat de Severs pour partir vers l'Est : les commerçants affluaient par là-bas et nous pourrions aisément prendre le dessus d'un navire de marchandise. Il fallait bien ravitailler le Bronze et se faire un peu d'or pour continuer à vivre sans inquiétude. Alors pour préparer ce nouveau voyage ; Mona organisa une réunion, qui plus est Vìtek avait fini de décortiquer le médaillon.

« Bon. Avant notre départ j'aimerais savoir ce qu'on fait de ce médaillon ; son intérêt et si nous pouvons le revendre. Commença Mona. Vìtek, nous t'écoutons.


— Pour répondre rapidement : il a un grand intérêt. Ils en parlent partout dans les journaux et Estéban est prêt à débourser une grande somme pour la retrouver. Rien que pour ça, nous devons la garder et faire augmenter son prix. Mais ce qui m'intrigue le plus est son fonctionnement. Tout d'abord, ce n'est pas un médaillon, mais une montre, montre jamais à l'heure qu'importe le nombre de fois où j'ai dû remonter les aiguilles.


— Tu n'as pas essayé de réparer le mécanisme ? Demanda Cecilie ne comprenant pas le problème.


— Là est le problème. Le mécanisme n'est pas défectueux, il a été fait comme ça. Si je décale les aiguilles lorsque midi sonne, elles ne bougent plus pendant deux heures pour se décaler à nouveaux. Ce n'est pas un hasard ; Estéban a fait exprès et je pense qu'il s'agit d'un autre fuseau horaire et que la suite de "l'aventure du médaillon" devra se faire là-bas.


— Mais nous n'avons pas le temps ni les moyens de partir à l'autre bout du monde, rapella Mona en soupirant, rien d'autre ?


— Un dernier point. Gravé sur la plus petite aiguille, se trouve une phrase ; ce n'est pas de l'Ostrovois et je ne sais pas ce que c'est, mais une chose a retenu mon attention : la mention de la Šerik.


— On a toujours aucune information là-dessus... Marmonnais-je agacé de ce mystère planant au-dessus de nos têtes.


— J'ai été voir dans les lieux de savoir du marquisat, mais aucune information, dessus, reprit Cecilie, on pourrait aller voir à la bibliothèque de la capitale, mais cela risque de prendre plusieurs jours de recherche et on prend le risque de se heurter contre un mur.


— Sinon on peut prendre le raccourci... Proposa Stanislas.


— Le raccourci ? Demandais-je ne voyant pas de quoi ils parlaient.


— Non Stan', on ne prendra pas le raccourci. Et puis il a sûrement d'autres choses à faire que de nous aider.


— C'est un contact, me répondit Mona, il s'appelle Dmitri et il est proche des sphères politiques. Il accepte de nous aider de temps à autre en échange de services qu'on lui fait.


— Des services étranges, rappela la cuisinière, je vous rappelle ce qu'il nous a demandé de faire la dernière fois ?! Hors de question que je travaille pour lui encore une fois. C'est un meurtrier.


— Et nous sommes des pirates Cecilie, râla le maître d'armes, tu penses qu'on est mieux que lui ? Non ; et il nous a souvent aidés quand on était dans le pétrin ou quand on avait besoin d'informations.


— Il voulait qu'on tue des enfants Stanislas. Ils n'avaient même pas dix ans pour la plupart, le plus jeune n'avait même pas quatre ans ! Sa voix s'accélérait, nous volons oui et j'ai déjà tué. Mais jamais je ne m'attaquerais à des enfants.


— Excuse-moi, c'est vrai que c'est mieux de tuer des adultes ! Scanda Stanislas, et puis on n'a même pas eu à les tuer au final ; de quoi tu te plains ? T'étais contente de pouvoir continuer tes recherches ce jour-là non ?!


— Par Ieta, tu as perdu la tête ?! Tu veux vraiment qu'on compare le meurtre d'un adulte et d'un enfant ?!


— Bon arrêtez. Coupa Vìtek en donnant un coup ferme sur la table, je suis d'accord sur le fait que les méthodes de Dmitri sont... Douteuses. Mais il est une source fiable et il peut nous aider.


— Jetons nous dans la gueule du loup alors et redevenons ses marionnettes bonnes à tout faire alors, cracha Cecilie en désaccord avec la tournure de cette discussion.


— J'irais voir Dmitri dans ce cas. Qu'importe ce qu'il demandera, cela convient à tout le monde ?


— T'es sur Vìtek ? S'inquiéta Mona, je peux t'accompagner si le souhaite.


— Non, ça ira et puis il est difficile de te faire accéder à ses bureaux sans éveiller de soupçon. Je ne sors presque jamais du dirigeable et je serais discret comme d'habitude. Cela ne devrait pas durer longtemps ; une journée ou deux s'il me donne sa mission le jour même.


— Si t'as envie de tenter le coup, je vais pas te retenir, lâcha Cecilie sans émotion, pendant ce temps j'irai à la bibliothèque tenter de glaner quelques informations.


— Stanislas, Člověk: un avis ? Demanda le mécanicien.


— Si tu te sens d'y aller seul, je te fais confiance, répondit Stanislas.


— Oublie pas de rapporter les informations qu'il te passe. Terminais-je avec une certaine rancœur dans la voix. »

La discussion dura encore une demi-heure et un vote conclut la réunion : une lettre allait être envoyée à Dmitri et une fois réponse reçue, Vìtek ira s'entretenir avec lui. Pendant ce temps, nous restions sur les îles de Severs pour éviter les trajets supplémentaires. Cecilie aura ainsi le temps de faire ses recherches auprès de la bibliothèque et pendant que le monde autour de moi s'activait à faire de nombreuses tâches, je restais sur le dirigeable à la recherche d'un objectif, d'un devoir ou d'un ordre à accomplir. J'étais prêt à quitter les abords de la capitale et à vivre de nouvelles aventures, mais le destin en avait décidé autrement. À vrai dire, j'avais toujours quelque chose à faire, des cartes, nettoyer le dirigeable, aider Stanislas avec l'entretien des armes. Il m'arrivait aussi de me glisser dans la salle des machines et d'observer le médaillon et son étrange mécanisme. Qu'avait donc Estéban derrière l'esprit pour inventer une machine aussi petite et pourtant si étrange ? Avait-elle un message caché ? Allait-elle nous mener jusqu'à la gloire ou à notre déclin ?

Trois jours après, la réponse du "raccourci" nous parvint dans une lettre finement parfumée et à l'écriture légère. Il acceptait de le rencontrer et demandait aussi à voir ce fameux "médaillon". J'étais réticent à l'idée de passer le collier à un inconnu, mais tous ici semblaient lui faire confiance alors je me pliais aux exigences de cet étrange homme. Vìtek prit avec lui le strict nécessaire ; il trouverait un moyen de nous prévenir si sa mission se mettait en place après sa visite chez Dmitri; par lettre ou qu'importe, il ne partait jamais sans donner de nouvelles à Mona. Personne ne semblait inquiet, à vrai dire, vu que c'était Vìtek, je n'avais aucune empathie pour lui et la terrible sentence qui l'attendait : qu'importe ce que c'était, j'espérais que ce soit douloureux et cruel. Avant qu'il ne parte, j'avais proposé de garder l'aiguille du médaillon : il pouvait bien noter le mot sur un papier et le transmettre à Dmitri ; mais je craignais un vol ou un malheur si on devait laisser lui laisser le médaillon quelque temps. Mes précautions semblaient puériles aux yeux de Vìtek, mais pour faire bonne figure auprès des autres ; il accepta.Le premier jour, on ne s'inquiétait pas de son silence ; entre le trajet, la réunion, il n'avait sûrement pas trouvé le temps de communiquer. Personne ne s'inquiétait pour lui. Le second jour, le doute commençait à monter sur le Bronze ; ce n'était pas dans ces habitudes; Vìtek était le premier à demander des nouvelles et à en donner dès qu'il pouvait. "Peut-être n'a-t-il pas le temps tout simplement" justifia Cecilie qui ne se souciait que peu du sort du canonnier. À partir du troisième jour, je trouvais ça aussi étrange et Mona commençait à en parler avec insistance : c'est à l'aube du quatrième jour qu'on décréta qu'il y avait un problème.«Je vais aller voir Dmitri, annonça Mona déterminée.


— Hors de question, s'il a des problèmes ; ils attendront qu'une seule chose : que tu y ailles. Entre nous, tu es celle qui est le plus recherchée Mona et ce serait prendre un trop grand risque de t'envoyer. Expliqua Stanislas d'une voix qu'il souhaitait calme. Je me propose d'y aller. Cécilie, je pense que tu es la plus apte à m'accompagner.


— Tu te souviens de ce que j'ai dit ? Je ne retourne pas dans son bureau et ma décision était définitive.


— Rappelle-moi de ne jamais compter sur toi si je suis en danger, déclara Stanislas profondément déçu avant de se tourner vers moi, Člověk tu viens avec moi.


— T'es sûr que c'est une bonne idée Stanislas ? Demandais-je, je sais à peine me battre et-


— J'ai confiance en toi. »

Comme un enfant félicité par son parent ; j'eus un sourire béas avant de le suivre qu'importe où il irait. Nous n'avions pas de temps à perdre, et même si je n'aimais pas Vìtek, je ne voulais pas vraiment sa mort pour autant. Mona et Stanislas semblaient être vraiment inquiets pour notre canonnier et je n'aimais pas voir leur trait se dessiner sous l'angoisse et la peur. Si je ne le faisais pas pour sauver la vie de Vìtek, je le faisais pour eux. Enfilant un manteau et de quoi me camoufler dans la foule ; je gardais contre moi les armes que me donnait Stanislas en priant à ne jamais avoir à les utiliser.

Le trajet jusqu'à la capitale n'était pas bien long et en deux heures à peine, nous étions devant une grande demeure. C'était un cabinet d'avocat à vrai dire, mais je me doutais que Dmitri vivait aussi ici au vu de la taille de la bâtisse. Stanislas allait sonner, mais avant même qu'il ne puisse faire le moindre son, un serviteur vint nous ouvrir.

« Messire Stanislas et Messire Člověk, Sieur Dmitri vous attendait. »

À cet instant même, je sentais que je sautais à pieds joints dans la gueule du loup.

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Le chapitre 7 !

Je pense qu'il est temps d'organiser le plan de l'histoire, depuis le début j'improvise mais le mystère s'agrandit et les liens entre les personnes et de nouveaux aussi.

Pensez-vous que Dmitri a trahi notre équipage ? Qu'est-il arrivé à notre adorable Vìtek ?

17 896 / 50 000 mots, bientôt 20 000 !

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