CHAPITRE 2 : L'équipage du Bronze et la malédiction de la bière.



« Chaque équipage digne de ce nom doit avoir les membres essentiels : un timonier, un canonnier, un cuisinier , un maître d'arme et bien entendu un capitaine. Si il manque l'un d'entre eux, l'équipage entier s'effondre.»

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Sur le pont du Bronze, je réalisais petit à petit l'état pitoyable du dirigeable. De l'extérieur, les plaques métalliques offraient un air impressionnant grâce aux rayons du soleil, mais une fois dessus, je comprenais qu'elles étaient surtout utiles pour l'équilibre et la survie du navire. Le pont grinçait, certaines partie se fissuraient et j'avais l'impression que les lattes n'attendaient qu'une chose : se briser. Si j'essayais de faire attention, Mona avançait d'un pas ferme sans aucune crainte pour son dirigeable ; elle levait la main au-dessus de sa tête et sifflait pour attirer l'attention de deux personnes. Ils étaient moins impressionnants que Mona, mais ils avaient tout au moins une tête de plus que moi au minimum et étaient adultes. De l'extérieur, les plaques métalliques offraient un air impressionnant grâce aux rayons du soleil, mais une fois dessus, je comprenais qu'elles étaient surtout utiles pour l'équilibre et la survie du navire. Cela viendra avec le temps, me rassurais-je à l'époque, mais je savais que jamais je n'arriverais à leur cheville.

«Eh bien Mona, t'as cru qu'on faisait famille d'accueil ? Se moqua une femme à la peau clairsemée d'éphélide.

- Pas encore, j'augmente juste nos rangs rien de plus !

- Avec un gamin ?»

Je comprenais leur appréhension ; imaginez apparaître de nulle part un adolescent boutonneux, mal coiffé et dont les vêtements sont tâchés de bière, seriez-vous ravi ? En apprenant à me connaître ensuite, vous seriez heureux bien entendu -Qui ne le serait pas ?- mais le doute était prévisible. La femme qui avait répondu à la capitaine me toisait du regard ; je n'allais pas me laisser faire, pas dès le premier jour ! Alors je la fixais en retour commençant une bataille de regard dont elle ne savait même pas l'existence. Elle avait les cheveux blonds, mais ses racines étaient brunes, plus tard, je réaliserais que sa couleur de cheveux n'avait que peu d'importance puisqu'elle la changeait aussi souvent qu'elle le pouvait. Son visage était barré de trois cicatrices profondes et récentes, l'une d'elles déchirant en deux ses lèvres. Posant ses mains sur ses hanches ; elle désigna d'un coup de menton mon pantalon.

«Tu t'es pissé dessus en voyant Mona ?»

En quelques secondes, ma peau prit la couleur de mes cheveux. Un lourd silence pesait sur mes épaules et je vis Mona derrière se retenir de rire. Ses yeux m'épiaient, tous m'observaient comme s'ils attendaient quelque chose ; une contre-attaque. Si je voulais être accepté, je ne pouvais pas me laisser marcher dessus, je devais avoir un minimum de répondant ! J'avais une langue déliée, je savais parler, mais jamais ma vie ne semblait autant en jeux.

« C'est pas de la pisse ! Rétorquais-je la voix tremblante, c'est la juste de la bière.

- Drôle d'odeur pour de la bière quand même !

- Aussi pourri que ton haleine pourtant, ça devrait pas tant te choquer.

- Pardon ?! »

Elle m'agrippa par le col de ma chemise et me souleva du sol comme une vulgaire poupée de chiffon. Je ne devais pas avoir peur, je ne devais pas être faible ; alors je maintenais son regard, et je lui riais au nez tout en pinçant le mien, la provocation marchait et ses traits se tordaient entre le dégoût et la colère. Son autre main se leva, le poing fermé, mais jamais il ne viendra percuter mon visage. Me reposant mon sol, elle fit semblant d'essuyer ses mains de la saleté de ma personne tout en riant aux éclats laissant paraître sa dentition difforme.

« Bon, on te passera un autre pantalon gamin, tâche de ne pas "renverser" de la bière sur toi à chaque fois hein. Stan' t'es en charge du nouveau j'ai d'autres chats à fouetter.

- T'as cru que j'étais ta nourrice Cecilie ? Gronda-t-il en se leva de sa caisse.

- Allez soyez serviable, Mona s'interposa entre les deux et haussa le ton bien qu'elle restait toujours amicale, il a nulle part où aller et il m'a bien été utile. Sans lui je serais sûrement derrière les barreaux d'la brigade.

- J'lui fais le tour du navire et ma garde s'arrête là. Suis-moi le pisseur.

- C'est de la bière voyons Stan' ! De la bière ! Se moqua Cecilie qui disparaissait derrière une porte.»

Cette réputation me suit encore au jour où j'écris ces lignes, certes ça en était peut-être, mais il y avait aussi de la bière et ils n'avaient pas à savoir la vérité exacte. Mona disparaissait vers la ville en m'adressant un clin d'œil. Celui qu'on surnommait Stan' -un diminutif pour Stanislas- était terrifiant. Il n'avait pas cette prestance comme la capitaine, il n'était pas aussi large ou grand, mais habillé que de noir, seul ses yeux gris clairs ressortaient. C'était un spectre, un cauchemar qu'on n'aimerait pas croiser de nuit. Il avait la peau foncée et abîmée par le temps, son crâne était rasé et tailladé de toute part. Sur sa mâchoire, il portait un masque épais, en bois et en acier brossé. Je ne comprenais pas ce qu'elle représentait. On aurait dit une mâchoire d'animal, des crocs usés par le temps, mais prêt à dévorer leur proie, cette protection lui donnait un air bestial et sauvage. Stanislas ne quittait jamais son masque ; à cette époque, je me demandais si Mona avait déjà vu à quoi ressemblait réellement le maître d'armes de son équipage sans ses artifices. Il n'avait pas de sourcil non plus, laissant impossible de lire ses émotions ; si ce n'est par sa voix souvent grave et agacée. Ses vêtements n'avaient rien d'élégant ; après tout, il était un pirate et personne ici ne semblait s'adonner à un concours de grâce. Tout en noir : un pantalon de l'armée de terre, large aux milliards de poches, un haut serré ; des protections ainsi qu'une veste lui retombant aux genoux renfermant des dagues dans la doublure. Il portait des gants améliorés avec des mécanismes qui m'étaient inconnus et avait toujours à sa taille deux pistolets et des munitions ainsi qu'une grenade aveuglante accrochée à sa ceinture.

Le tour du dirigeable fut assez rapide et Stanislas en profita aussi pour me présenter rapidement les autres membres ainsi que leur rôle ; nous n'étions pas beaucoup, mais je devais vite prendre mes marques. Ainsi, il était maître d'armes et Cecilie à la cuisine. Mona était capitaine et timonière bien qu'elle soit médiocre en navigation causant souvent du trouble lors des voyages. Enfin, il y avait Vìtek ; le canonnier que je rencontrerais tôt ou tard. Je trouvais qu'ils étaient peu pour des pirates ; les livres et les histoires racontées m'avaient donné cette vision de flotte avec une myriade de matelots qui courraient, se battaient et pillaient dans tous les sens. Mes réflexions semblaient amuser Stanislas qui ricanait derrière son masque.

« Nan, on tire notre force de notre petit nombre. On est plus discret et dans les vols rapides, tu vois ? Enfin, on essaie d'être discret, mais à part Vìtek, on rate tous le coche. Et puis on évite les chances de trahison, c'est comme une petite famille, Expliqua-t-il avant de se stopper devant une porte, Ah voilà les dortoirs. C'est pas du luxe, mais c'est-, oui je te l'accorde c'est pas extraordinaire...


- On dort tous ensemble ? Demandais-je bien que l'idée ne me dérangeait pas tant que ça.

- Pour le moment. On avait le projet d'aménager une partie de la calle en plusieurs chambres pour qu'on soit plus à l'aise, mais personne n'a jamais pris le temps de le faire et je vais pas te mentir que tant que j'ai un lit, qu'importe où et qu'importe avec qui, je peux dormir.

- Je comprends, c'est pareil pour moi, déjà avoir un lit, c'est très bien ! Mais avec moi en plus, il manque pas un lit donc ?

- Hm ? Stanlislas lança un regard dans la chambre, Ah bah oui. Tente de gratter un lit au jeu de cartes ce soir ! Cecilie aime bien les paris et si tu la bats, tu pourrais gagner ta place ici. Sinon on se débrouillera pour te trouver un truc. »

M'assénant une lourde tape dans le dos ; j'en crachais mes poumons alors qu'il me donna quand même de quoi me changer ; c'était de vieux vêtement à Vìtek et il me promit que ça ne le dérangerait pas que je les emprunte le temps de quelques jours. Il m'avait aussi invité à me reposer dans son lit, trouvant ma pâleur et mes yeux creusés aussi terrifiant que déconcertant.

Lorsque je rouvris les yeux, le soleil était en train de se coucher sur l'horizon et mon ventre criait famine. Par habitude, j'avais réussi à ignorer cette douleur lançant et m'étais dirigé vers le pont. Tout semblait surréaliste et j'avais l'impression d'être en train de rêver alors que je déambulais dans les différents couloirs du dirigeable. Une silhouette se dessina au loin, encore inconnu jusque-là. C'était une personne de petite taille ; ne dépassant pas le mètre soixante et large. J'en déduisis qu'il s'agissait Vìtek, qui ne m'avait pas encore remarqué ; ses yeux plongés sur de la paperasse entre ses mains. Ses vêtements étaient couverts de suies et de taches d'huile, sa peau rosée était abîmée par la manipulation de produits corrosifs. Il portait de grosses lunettes au bout de son nez retroussé et de temps à autre chassait d'un geste de main une mèche brune qui s'échappait de son chignon tordu. J'allais l'interpeller lorsqu'il passa à côté de moi en soupirant d'une voix sèche :

« J'ai pas le temps, on voit ça au repas. »

Il ne m'a même pas daigné lever son attention sur qui je pouvais bien être avant de disparaître derrière une porte décoré du panneau "salle des machines". Je grimaçais face à cette rencontre désagréable, mais je continuais aussi ma route vers le pont où Mona m'attendait, appuyée au bastingage. Il me manquait une pièce à voir et elle se gardait l'honneur de me la présenter elle-même : la salle à manger. Je ne savais pas ce qu'avait de particulier cette pièce, mais la capitaine semblait la porter dans son cœur, même en y entrant, je la trouvais tout à fait banale. Une grande table en bois massif au centre, dans un coin une sorte de bar avec quelques bouteilles vides ou pleines et une décoration assez misérable, simplette. Elle me disait qu'un jour, je comprendrais pourquoi cette pièce était sa préférée et pourquoi elle avait de la valeur. Le jour où je vous narre mes histoires, je comprends enfin l'importance de cette pièce pour Mona, pour tout le monde et moi-même. Je regrette les remarques désagréables que j'ai pu faire alors que j'étais jeune. Mais je ne pouvais pas comprendre l'importance de la salle à manger, pas encore.

Bien vite, les autres nous rejoignaient, tous sauf Vìtek. Cecilie apporta les denrées des cuisines pour qu'on puisse tous se sustenter. Ce n'était pas de la haute gastronomie, mais je n'avais jamais vu autant de nourriture étalée devant moi en même temps, et surtout, pour moi. À la taverne, les plats étaient assez limités et je n'avais le droit qu'à quelques bouchées par jour. Soupe, viande et pain frais venaient d'être déposée sur ma table ; je me sentis comme un enfant roi. Je mangeais, comblais mon corps qui avait depuis des années crié famine et pour la première fois aussi, je goûtais à de l'alcool plus fort la bière. C'était de la mauvaise qualité, mais ça réchauffait mes entrailles ; un bienfait dont je ne comptais pas me passer. Tout le monde buvait, discutait et rigolait ; très vite, nous avons commencé à jouer et les langues se déliaient ; j'étais plus bavard et je racontais les aventures dans la Taverne avec Mona. Bien entendu, je me décrivais comme un vaillant garçon qui s'était placé entre la capitaine et la brigade pour la protéger de mon corps ; ce que Mona n'hésitait pas à rectifier à chaque occasion.

Alors que la lune trônait dans le ciel, je titubais sur le pont espérant pouvoir rejoindre les chambres avant de m'effondrer par terre. J'avais perdu aux jeux contre Cecilie et je savais que dans tous les cas, j'allais dormir à même le sol. Mes jambes s'entrecroisaient et se liaient, à chacun de mes pas, je devais me rattraper contre un mur ou une barrière pour ne pas m'effondrer. Si la situation pouvait être misérable de l'extérieur, je ne pouvais m'empêcher de ricaner bêtement. Appuyé contre un mur ; je fus vite rejoint par Cecilie qui n'était pas dans un meilleur état. À plusieurs reprises, nous avons tenté l'un après l'autre d'ouvrir la porte, mais chaque échec nous tordait de rire et nous nous amusions à nous pousser pour empêcher l'autre de réussir. Alors qu'elle tombait dos contre le sol, pliée de rire, je remarquais qu'elle semblait aussi avoir une auréole se dessinant sur son pantalon.


« Alors toi aussi, tu t'es pissée dessus hein ? Ricanais-je en la pointant du doigt.

- Hein ? Sa voix déraillait tandis qu'elle suivait mon doigt pour exploser de rire, mais naaan, c'est de la bière voyons !

- Drôle d'odeur pour de la bière hein !

- Ooh eh hein, rétorqua-t-elle avec grande répartie, c'est toi qui nous as maudit avec tes histoires de bière là ! Jamais, non jamais je ne m'étais renversée de la bière dessus avant ! C'est la première fois, j'te jure... »


Pouffant de rire comme des idiots, aucun de nous deux n'ira dormir dans un lit ce soir ; bien trop épuisé par cette soirée; nous abandonnions nos corps sur le pont le temps d'une nuit. À mon réveil, Cecilie était déjà repartie travailler, mais m'avait laissé à côté de moi une bouteille de bière vide avec un mot avec : "la malédiction de la bière".

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Désolé du petit retard, j'étais un peu fatigué hier soir mais voilà le jour trois du Nanowrimo !

On continue les aventures et on présente enfin tous les personnages ou presque. Pour le moment lequel vous préférez ? Lequel vous intrigue le plus ?

6 178 / 50 000 mots déjà, ça monte vite !

Précision : comme toujours c'est un premier jet. Plein de faute certainement et un style qui peut paraitre bancale. Donc si vous avez des avis, conseils, des remarques je suis preneur.

Ce soir je vous mets le prochain chapitre quand même.

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