CHAPITRE 12 : Le monastère de Sanse
La vie des ostrovois est rythmée par de nombreuses fêtes religieuses et chaque monastère a leur propre cérémonie. La plus connue et partagée est la célébration dorée ; où les grands-prêtres et grandes-prêtresses vont procéder à la purification des autres membres du monastère. Mais chaque monastère, chaque région, et même île, à sa propre variante.
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Avalé par la forêt, je me sentais si petit entouré de cette végétation immense. Stanislas avait sorti une de ses dagues et vérifiait par-dessus notre épaule si personne ne nous suivait. Son corps entier était en alerte, à l'affût du moindre mouvement suspect alors que Mona à l'inverse semblait plus sereine et plus lumineuse que jamais. Ses tresses dansaient dans son dos alors qu'elle déambulait aux abords du sentier pour s'approcher de plantes dont je ne pourrais dire le nom. Bien vite, la nuit viendra tamiser le ciel de ses couleurs sombres et le soleil n'était plus qu'une tâche orange à l'horizon ; laissant place à la lune et aux étoiles. Avec la disparition de l'astre brillant, les températures commençaient à chuter et la fraîcheur nocturne m'arrachait quelques frissons. Pourtant, on continuait à avancer, sans se soucier du temps qui s'écoulait.
Nous n'avions aucun moyen de nous éclairer cependant et la lune devenait insuffisante pour y voir correctement. Stanislas fut le premier à abandonner, les rayons argentés traçant les contours de son masque bestial.
« On devrait faire demi-tour, il commence à se faire sombre et Vìtek va s'inquiéter, commença-t-il, et puis ce n'est pas comme si on allait trouver quelqu'un au bout du chemin.
— Tu peux faire demi-tour si tu veux, moi je continue. La voix de Mona était plus glaciale que l'air ambiant, je suis certaine qu'on trouvera quelque chose au bout.
— Alors je fais demi-tour, bonne balade Mona. »
Il ne cherchait pas le conflit pour une fois ni à réprimander les choix de Mona alors qu'il tourna les talons et commença à rebrousser chemin, seul. Je ne savais pas qui suivre. J'étais aussi convaincu que la capitaine qu'on allait trouver quelque chose -n'importe quoi- au bout de ce chemin ; mais la fatigue commençait à rendre chaque foulée de plus en plus difficile. Je n'eus pas de choix à faire alors que Mona s'arrêta et ira rejoindre Stanislas pour le stopper dans sa marche.
« Pourquoi tu veux pas la retrouver ?
— De quoi ? Demanda Stanislas avant de se dégager de la prise de la brune, ce n'est pas que je veux pas la retrouver, mais c'est que je sais qu'elle ne reviendra pas et je comprends pas pourquoi tout le monde s'obstine à vouloir la chercher ici. Maintenant, excuse-moi, mais j'aimerais continuer mon chemin.
— Tu veux qu'on abandonne ? Tu veux pas la revoir au moins pour lui dire au revoir ? Tonna Mona en se plaçant à nouveau devant le maître d'armes, comment est ce que tu peux accepter de la voir partir comme ça après toutes ces années ?!
— C'est son choix Mona ! S'énerva-t-il, le sien pas le nôtre ! Elle l'a fait, elle est assez grande pour faire ses propres décisions et nous sommes assez grands aussi pour les accepter. On perd du temps à rester ici, laisse moi rentrer.
— T'es qu'un sale égoïste, abandonna-t-elle s'écartant de son chemin, tu te cherches juste des excuses ; en réalité t'en a rien à faire d'elle. Est-ce que tu tiens à nous au fond ? Si je partais sans te dire pourquoi, sans donner de nouvelle pas même un adieu, tu réagirais pareil ? Tu me laisserais partir ?!
— Bon dieu Mona, on tourne en rond et je ne veux pas m'énerver plus-
— Réponds-moi alors ! Tu me laisserais partir comme ça ?!
— Non Mona. Souffla-t-il, Mais là c'est différent, tu n'es pas Cecilie, elle n'est pas toi. Je n'ai pas la même relation avec toi qu'avec elle.
— Tu ne vas pas me faire croire que vous étiez pas proche. Réectifia Mona.
— Je- tu sait quoi ? J'abandonne. Soupira-t-il, tu veux savoir pourquoi je veux pas la retrouver ? Parce que j'ai pas envie de la revoir ; de la voir nous dire qu'elle reviendra pas et devoir accepter son départ une seconde fois. Voilà. T'es contente maintenant ? Je peux partir ?
— Je comprends Stanislas, j'ai aussi peur de devoir lui dire au revoir pour de bons et sans elle, ça va être difficile. Mona baissa les yeux, je veux juste croire qu'elle reviendra, juste la revoir.
— Elle ne reviendra pas Mona, j'ai essayé de la convaincre ce soir-là, mais j'ai rien pu faire.
— De quoi ? »
Stanislas nous expliqua le départ de Cecilie. C'était son tour de garde et il était sur le pont pour observer le soleil se lever au loin, parfumant l'air de ses rayons chauds et les nuages de ses teintes bigarades. La cuisinière était déjà en train de préparer ses affaires et fut surprise de le croiser sur le pont. Il avait essayé de la retenir, d'attendre ou de réfléchir encore, mais elle ne l'écouta pas et ses émotions la submergèrent bien plus vite qu'il ne s'y attendait. Il n'élabora pas plus, mais je compris qu'elle avait dû pleurer ce jour-là, je me souvenais encore de ses yeux rougis lorsqu'elle a pris son envol.
« "C'est mieux ainsi" voilà ce qu'elle m'a dit, murmura Stanislas, j'ai tout essayé, je lui ai dit qu'on avait besoin d'elle, qu'elle est importante pour le Bronze, que je voulais pas la voir partir et que je tenais à elle.
— Stanislas...
— Qu'est-ce que j'aurais pu faire de plus pour la garder avec nous Mona ? »
La carapace se fissura un instant, laissant passer dans sa voix un tremblement qu'il ne put retenir ; une fragilité et une faiblesse qu'il voulait garder pour lui. Pour se défendre et reconstituer ses murailles impénétrables ; Stanislas se redressa, se grandit et les épaules larges pour paraître intouchable. Mona s'approcha de cette statue d'ébène, et enlaça la forteresse qu'il bâtissait ; et une à une, les pierres s'effondrèrent et s'effritèrent au sol. J'entendais les murmures de Mona, mais je ne parvenais pas à les comprendre ; je voyais à peine les bras de Stanislas enlacer en retour celle de la capitaine. Ils restèrent ainsi que quelques secondes avant de se séparer.
« Je vais rentrer je pense... Hésita le maître d'armes.
— Rentrons ensemble, il se fait tard. »
Me sentant un peu à l'écart, je marchais quelques pas derrière eux. Les minutes se firent de plus en plus longues alors que je ne voyais pas le bout du chemin sinueux. Je ne reconnaissais pas non plus la forêt bien que je mettais cette impression sur l'ambiance onirique que la nuit créait. Mona et Stanislas ne semblaient pas s'en inquiéter ; avancer et discutant de tout et de rien alors que je commençais à m'inquiéter. Me rapprochant d'eux, je me raclais la gorge avant de prendre la parole d'une voix que j'espérais calme :
« Je ne veux pas vous affoler mais... on marche depuis bien plus longtemps que notre trajet aller.
— Vraiment ? S'étonna Mona, je n'ai pas l'impression qu'on marche depuis longtemps pourtant.
— Cela fait au moins trois quarts d'heure qu'on a faits demi-tour, on avait même pas marché trente minutes pour venir.
— On a dû dévier du chemin d'origine tout simplement ; ce n'est pas comme si cette île était grande et-
— Je peux vous aider ?
Sortie de nulle part, une silhouette encapuchonnée tenant une lanterne apparut devant nous. Mona ne put s'empêcher de hurler et Stanislas fit un bond en arrière face à cette apparition inattendue. J'eus un sursaut aussi alors que la silhouette s'approcha encore.
« Je ne voulais pas vous faire peur, dit-elle, je me dirige vers le monastère. Je peux vous y amener pour la nuit.
— À vrai dire, on allait plus vers le village... Répondait Stanislas la voix encore étranglée.
— Dans ce cas, je ne peux vous aider. Je ne vais que vers le monastère. »
Quel étrange personnage, pensais-je alors que la religieuse continuait sa marche vers le monastère. Je lançais un regard vers Mona qui cherchait en Stanislas des paroles sages, mais aucun de nous trois ne savait quoi faire. Nous pouvions continuer à marcher, espérer trouver le village ; ou bien suivre cette femme et aller au monastère. Elle avait de la lumière et semblait connaître les lieux et la forêt pouvait être dangereuse dans le noir. Rattrapant la jeune religieuse, elle ne parlait pas, ne faisait aucun bruit et avançait le regard dans le vide. On aurait dit un fantôme et je craignais que ce soit notre esprit et la fatigue qui nous joue des tours. Est-ce que les esprits existaient vraiment ? Dans les mythes les plus anciens, il y avait des mentions récurrentes d'être farceur, des spectres invitant les vivants dans des lieux reculés pour les tourmenter. Je n'eus pas le temps cependant d'alerter mes deux collègues de mes inquiétudes que nous arrivâmes sur le site du monastère.Je dois avouer, je n'avais jamais mis les pieds dans un lieu religieux aussi grand avant. Dans le cinquième arrondissement se trouvait un petit bâtiment miteux servant de lieu de culte, mais le monastère de Sanse était un complexe bien plus imposant. Passant une première arche, il y avait plusieurs tours nommées portes qui se succédaient. Elles étaient toutes décorées de gravures, sculptures et écritures rehaussées de couleurs chaudes et de dorures. À chaque porte, se trouvait un bassin dans lequel on devait laver nos pieds et nos mains. La religieuse n'avait toujours rien dit, nous menant au cœur de l'enceinte. C'était un petit cloître avec un couloir protégé d'une colonnade. D'autres religieux et profanes vivaient ici, en silence et en respect avec la nature qui nous entourait. Des fleurs, des plantes poussaient à même les murs et au cœur, soutenant l'arche de pierre se trouvait un arbre ancestral protégé de plusieurs chaînes et gravés des symboles des patrons.
« Vous avez accès aux salles de prières, les réfectoires, le cloître et vos dortoirs. Suivez-moi, vous devez changer de vêtements avant.
— Nous vous remercions de votre accueil, mais nous sommes à la recherche de quelqu'un à vrai dire, commenta Mona d'une voix basse.
— Vous n'êtes point ici pour la cérémonie ? S'étonna la jeune femme. Malheureusement, je ne pourrais pas vous aider avant celle-ci. J'ai de nombreux préparatifs à faire encore. Voici vos chambres. »
La religieuse nous fit avancer dans un couloir et nous présenta une des chambres. Il y avait de simples matelas posés au sol et sur chacun des vêtements pour les profanes. De l'autre côté du couloir, se trouvait le réfectoire. Alors qu'elle s'apprêtait à partir, Stanislas lui attrapa le poignet pour la retenir. Paniquée par son geste, elle trébucha et tomba au sol, dévoilant son visage de son voile. Elle devait avoir mon âge, loin d'être adulte et ses yeux clairs laissaient paraître sa timidité. Se redressant pour cacher ses cheveux sombres et ses yeux ; elle s'excusa d'un geste du main notre ami.
« Je suis désolé, je ne voulais pas vous faire peur-
— Ce n'est point grave. Mais comme je vous l'ai dit, je dois vous laisser ; je dois me préparer pour la cérémonie.
— Une dernière question s'il vous plaît, insista Mona. Elle s'appelle Cecilie, plus grande que moi, les cheveux sûrement roses et trois cicatrices barrent son visage. Elle a des taches de rousseur et peut faire peur aux premiers abords. Est-elle passée par ici ?
— Elle n'avait pas les cheveux roses, mais... oui, le reste correspond à une profane qui a logé ici quelque temps. Je ne peux vous en dire plus maintenant ; je dois y aller. »
On avait encore une myriade de questions qui allaient rester en suspens alors que la petite silhouette disparue dans le couloir. Nous avions au moins la certitude que Cecilie était passée par ici. Mona lança un regard victorieux à Stanislas qui roula des yeux avant d'attraper ses vêtements pour se changer dans la chambre. J'avais espéré pouvoir le voir sans son masque, mais il préférait le garder, même dans un monastère. Enlevant mes vêtements ; je me dirigeais vers la salle d'eau pour me laver avant de mettre la tenue réglementaire dans les lieux saints. C'était une longue tunique, trop grande pour moi aux symboles religieux brodés en bleu sur un tissu de lin ocre. Retombant sur les genoux, on avait en dessous un pantalon reprenant les teintes azur du fil ainsi que des chaussures ouvertes. Les accessoires étaient à mettre de côté si on le désirait, mais point obligatoire. J'enlevais le ruban de mes cheveux, mais préférais garder contre moi le pendentif en bois du renard. Alors que nous avions fini de nous préparer, les cloches sonnèrent le début de la cérémonie.
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Je profite aussi de ce premier jet de roman pour développer un peu plus l'univers d'Ostrovy à chaque fois. Que pensez-vous que sera cette cérémonie ? La fameuse cérémonie dorée ou autre chose ?
29 595 / 50 000 mots du Nanowrimo, on frôle les 30k !
Hésitez pas à donner vos avis, vos théories ou autres commentaires.
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