CHAPITRE 3 : Le début des vraies aventures : le médaillon d'Estéban Modry


Estéban Modry est le modèle scientifique de cette époque. À chacun de ses articles, il révolutionne la médecine, la mécanique, l'arithmétique ; mais ce que le peuple aime le plus chez lui, ce sont ses inventions. Toujours aussi improbable, toujours aussi belles, toujours aussi mystérieuses...

- Article du Soleil Levant, Journal phare de la capitale Nemesto, datant du 17.09.576

__________

Nous n'avions pas tardé à prendre le cap, rester sur la capitale après l'incident à la taverne n'était pas une bonne idée, et même si nous ne voulions pas nous faire oublier ; pour réfléchir prendre de la hauteur pouvait toujours servir. Ce n'était pas la première fois que je montais sur un dirigeable et au Royaume d'Ostrovy, avoir le mal de l'air était une tragédie. On voguait plus loin que je n'avais jamais été allé -c'est à dire pas bien loin pour être honnête- et je m'accommodais aux autres membres de l'équipage. Le seul qui semblait réticent à ma présence était Vìtek, mais je ne le voyais jamais, celui-ci étant toujours dans la salle des machines ou des canons. Je côtoyais plus Stanislas qui essayait avec grand mal à m'apprendre à utiliser une arme à feu ou une dague. J'étais mauvais. Je suis toujours mauvais, mais je ne peux être parfait sur tous les points.

C'est à l'aube du cinquième jour que Mona nous appela tous en réunion, dans la salle des cartes. C'était ma pièce préférée, je n'étais pas timonier encore, mais la capitaine m'autorisait à refaire les cartes qu'elle avait tenté de reproduire. Ses indications étaient plutôt mauvaises et son échelle fausse, mais j'arrivais à rattraper le coup ou à corriger du mieux que je pouvais ses erreurs. Au centre de la pièce, se trouvait une grande table avec une carte usée de la capitale et des îles aux alentours. Les assiettes entassées et les bougies fondues s'accumulaient autour du large siège en cuir de Mona ; penchée en avant sur ses notes. Elle tenait dans une main une plume et de l'autre un journal à la date du jour avec en première page une photographie d'un homme recevant un prix scientifique.

« J'ai choisi notre prochaine cible ; et pas une petite ! Dit-elle en lançant le journal sur la table.

— Estéban Modry ? Cecilie se pencha en avant pour attraper le journal, pourquoi lui ?

— Il vient de recevoir un prix, il est sur le devant de la scène et il s'y nous arrivons à lui subtiliser son médaillon nous serons bien plus connu que Kirek ! Imaginez-vous sur la une du journal "des pirates ont volé le plus grand des scientifiques ! ", et puis il est riche.

— C'est vrai que notre réputation n'est pas des plus belles en ce moment, Stanislas prit place dans l'un des sièges et attendit qu'on lui passe le journal, depuis le dernier accident, on a une mauvaise côte et on est plus surveillé.

— Ah, on a mauvaise réputation ? Au moment même où j'osais demander le silence et leur regard s'abattit sur moi.

— Ouai. Notre dernier casse y'a eu des blessés dans des civils, heureusement pas de mort, mais ça craint. Répondit Mona fusillant du regard Cecilie, on est pas des "pirates" on s'amuse pas à violenter des gens, on veut juste rendre leur monnaie de la pièce aux riches et s'accaparer d'objet qu'on pourrait revendre cher et ensuite redonner l'argent à ceux qui en ont besoin... Souvent nous-même.

— On est obligé d'en reparler ? La voix de Cecilie sifflait dans l'air, donc t'as parlé d'un médaillon ; développe.

— Le médaillon donc. Hier, j'ai envoyé Vìtek en ville pour renseigner un peu dessus. »

Mona pointa du doigt le canonnier qui était comme à son habitude silencieuse. Je venais à peine de réaliser sa présence parmi nous, assis sur une chaise au fond de la pièce, les bras croisés. Ses cheveux gras retombaient en cascade sur ses épaules et il se balançait d'avant en arrière tout en essuyant ses lunettes avant de prendre la parole :

« Il a fait plein d'invention, mais je me disais que pour reprendre du service, on n'allait pas lui voler la plus grosse ; c'est trop risqué. Nan, le médaillon est un bon parti pris. C'est un collier banal, mais avec de nombreuses rumeurs autour. Esteban y tient beaucoup et ne s'en sépare que pour dormir. Le collier brille dans le noir et on peut y voir au centre une clef : qu'est-ce qu'elle ouvre ? Personne ne sait, mais on se doute tous que c'est important. Si on le pique, il voudra forcément le récupérer : on pourra demander une belle rançon. Si on arrive à trouver à quoi il sert avant ; ça nous donnerait une avance sur le reste du monde.

— Et si le collier mène à rien ? Stanislas semblait peu convaincu, si la clef était un attrape-couillon ? On aura juste l'air con.

— Alors on est des couillons, mais le monde entier en fait parti aussi. Ce médaillon semble vraiment avoir de l'importance ; toutes les photographies, toutes les mises en scène de Modry est avec ce médaillon. J'ai pu retrouver un vieux article dessus et il le décrivait comme "un mécanisme complexe, mais parfaite représentation de son cerveau."

— Ok, et on lui choppe comment ce médaillon ? Repris-je tentant de m'impliquer un minimum, s'il ne s'en sépare jamais ça risque d'être difficile. On le subtiliserait chez lui la nuit ?


— C'est malin, mais c'est pas exactement le plan ; répondit Vìtek, ce soir, il a une cérémonie dans le nouveau Nemesto par rapport à sa dernière invention. J'ai pas trop compris ce que c'était, mais on dirait une sorte d'automate en forme animale. Mais on s'en fiche, ce n'est pas important. J'ai réussi à subtiliser deux invitations. Voilà ce que je propose : deux y vont et tentent de trouver Estéban avant son discours à 21 heures. Les deux autres sont à l'extérieur pour assurer les arrières et entrer par des moyens moins légaux à l'intérieur, un reste au dirigeable au cas où. Le mieux serait de lui voler le médaillon avant son discours pendant qu'il se prépare ou après ; en fin de soirée, mais on perdra en effet de prestige.

— Il faut être discret ? Soupira Stanislas sentant qu'il allait abandonner l'idée de participer.

— Il vaut mieux, Mona reprit la parole et la tête de la discussion, je ne pourrais pas y aller, je suis trop... Repérable et toi non plus Stan'.

— Je me placerais en arrière du bâtiment pour surveiller, affirma le maître d'armes. On a un plan d'ailleurs ? Ça se passe où ?

— À côté du tribunal, au Dragon d'or : c'est la plus grande salle de cérémonie du quartier ; il va y avoir beaucoup de sécurité donc. Vìtek semblait hésiter sur ses mots, je pense que le nouveau pourrait y aller ; il n'est pas connu et avec un peu de nettoyage et de maquillage, il peut faire "propre" sur lui.

— Envoyer le nouveau sur l'avant ?! S'étonna Cecilie, il y connait rien dans le métier, c'est risqué. Je veux bien l'accompagner, mais si ça finit comme la dernière fois ce n'est pas de ma faute... Vìt', tu restes sur le navire ?

— Je préférerais ; mais avec les radios, je peux vous aider à distance, je les ai réparé depuis la dernière fois ça devrait mieux se passer.

— Bien. Cela te va Člověk ? Me demanda Mona, c'est beaucoup pour une première, mais c'est dans le feu de l'action qu'on apprend le mieux.

— Cela me va ; affirmais-je, je sais déjà voler, mentir et amuser la galerie. Il faudra juste d'autres vêtements que ça pour passer inaperçu.

— Oh, t'inquiètes pas pour ça.»

Stanislas ricanait et sortit une large caisse avec à l'intérieur des vêtements en tout genre. On pourrait croire qu'ils se préparaient à une sorte de mascarade tant il y avait de costume différent. Des tenues militaires, de la garde ou même de la brigade passant par celle d'un juge ou des vêtements dignes de la haute noblesse. Certains étaient ridicules, des monticules de froufrous et de fils pailletés. De près, on voyait que c'était de la piètre qualité, mais de loin l'effet était suffisant pour se fondre dans une foule. Vìtek s'occupait de sortir le plan du bâtiment et d'apporter les différentes radios sur lesquelles il travaillait depuis plusieurs jours. C'était de la camelote, mais je leur trouvais un certain charme avec leurs fils, leurs plaques superposées et leurs boutons mal enfoncés. Avec Cecilie, on allait les porter à l'intérieur de nos manteaux mais nous ne pourrons les utiliser que dans des endroits discrets. Chacun se préparait de son côté pour cette soirée qui s'annonçait mémorable.Je me sentais ridicule dans mes vêtements. Ils étaient trop grands et en même temps tout semblait trop serré. Je portais un pantalon en cuir sombre me collant les cuisses et de grandes bottes. Après avoir enfilé une chemise trop grand et un jabot couleur crème, Mona m'avait conseillée de porter un veston par-dessus pour cacher le problème de taille. Après avoir enfilé cette pièce en velours gris et resserré l'arrière ; il ne me manquait plus qu'un long manteau noir dans lequel je pouvais cacher ma radio. Stanislas m'avait aussi confié un petit revolver qui s'encra dans une poche intérieure ainsi qu'un couteau rétractable : c'était surtout par précaution, si je restais avec Cecilie, je n'aurais pas à les utiliser. Il ne manquait plus qu'une chose : me maquiller et me coiffer. La cuisinière semblait elle aussi devoir passer par cette douloureuse étape et passer de la poudre sur son visage. Il était impossible d'effacer ses cicatrices, mais elle pouvait les amoindrir. Peignant ses lèvres en carmin et ses paupières d'un rose poudré ; elle ne me mettra que de la poudre sur mon visage et de quoi rosir mon teint maladif. La plus grande partie du travail se passait sur mes cheveux qu'elle peinait désespérément à dompter. Chaque coup de brosse se heurtait à un nouveau nœud et à un cri plaintif de ma part. Je ne saurais dire combien de temps, on passa dessus, mais je pourrais vous dire combien de fois Cecilie a proposé qu'on coupe mes cheveux. Les cheveux coiffés et attachés dans une queue-de-cheval basse avec un ruban vert ; nous étions fin prêts pour la grande cérémonie.

« Au moindre problème, isolez-vous et contactez nous d'accord ? Répéta Mona d'un ton ferme.

— Message reçu ; allons y maintenant Člověk.

— C'est parti. »

J'avais le trac. C'était une grande première pour moi ; je savais volé oui, mais c'était voler les étales lors des marchés ; pas m'infiltrer dans une soirée mondaine, suivre à la trace un riche scientifique et lui subtiliser son médaillon ! Heureusement pour moi, Cecilie semblait confiante et les autres aussi ; de ce que j'avais entendu, les plans de Vìtek avaient peu de chance d'échouer ou bien seulement avec quelques séquelles mineures. Grâce aux invitations, nous arrivions à entrer aisément dans la salle du Dragon d'Or. Je n'avais jamais vu autant de richesse dans un seul endroit. C'était aussi la première fois que je passais dans le second arrondissement, le nouveau Nemesto. Le poumon de la capitale, et même du Royaume tout entier ; l'économie, la politique et la justice battaient à plein rythme dans ces rues : l'avenir d'Ostrovy se jouait chaque jour dans ces bâtiments.

Le Dragon d'Or était un édifice impressionnant, je n'avais pas le temps de m'attarder sur chaque détail ; surtout qu'il y avait beaucoup de monde dans le hall principal. Il y avait deux étages ; le rez-de-chaussée accueillait les festivités et le buffet. Il y avait une fontaine au centre de la salle et au fond un escalier en triples volées avec un palier central en marbre et dorure. Le balcon de l'étage tenait sur des arcs en voûte et des colonnades représentant chacune un patron ou un héros mythique. Je me perdais à observer chaque fenêtre, chaque miroir, même le sol était un chef d'œuvre à lui tout seul avec son damier et les nervures du marbre ; Cecilie dut me tirer la manche pour me remettre sur le droit chemin et avancer vers notre objectif. Un serveur nous interpella avec son plateau en argent pour nous offrir une coupe de champagne et des petits plats pour nous sustenter. Cecilie savait parfaitement jouer le jeu, si d'habitude elle garde un air distant et froid ; elle avait toute l'élégance, la tendresse qu'il fallait pour se fondre dans la foule noble. Passant une main dans ses cheveux blonds ; je la suivais discrètement à travers les gens : peu de gens s'intéressaient à nous, tous occupés à rire, boire et s'amuser.Esteban n'était pas encore arrivé pour son discours et nous avions remarqué sur le plan un second escalier pour mener aux chambres de l'étage sans avoir à emprunter l'escalier principal. Refermant sa veste en queue-de-pie ; ma collègue me fit signe de passer avant alors qu'elle ouvrit une porte tout en s'assurant qu'aucun garde ne la repère. Je me glissais rapidement à l'intérieur et nous voilà dans les coulisses du Dragon d'Or. La splendeur qui m'avait frappé à mon arrivé redescendait bien vite alors que je voyais les serveurs, les employés courir et se tuer au travail dans des couloirs étroits et mal aérés. Tous semblaient nerveux et menés à bout ; plus on avançait plus je voyais la machine mortelle qu'était ce théâtre. Passant à côté des loges des danseuses ; elles se maquillaient et essuyaient leurs larmes ; d'autres serraient leurs tailles jusqu'à en perdre le souffle. Elles portaient des tenues légères et ignoraient les remarques acerbes de leur patron prêt à les remplacer si elles ne brillaient pas sur scène. Nous passions bien vite sur l'envers du décor et empruntions un escalier en colimaçon pour atteindre le premier étage. J'entrouvrais la porte pour glisser un regard dans le couloir et m'assurer de l'absence d'obstacle. Personne. Je trouvais presque cela trop facile, mais je voyais au regard de Cecilie que c'était étrange. Mais sans danger sur notre chemin il ne nous pas semblé nécessaire de prévenir les autres.Avançant dans le couloir ; j'essayais de me remémorer les paroles de notre canonnier. La troisième porte sur la gauche... À moins que ce ne soit sur la droite ? Je suivais mon instinct d'origine et tentais d'ouvrir la porte. Fermée à clef : nous nous y attendions. Je commençais à crocheter la porte alors que je fis signe à Cecilie de surveiller le couloir. J'avais du mal ; la pression rendait mes mains moites et je dus m'y prendre en plusieurs fois pour réussir à déverrouiller la pièce. Au même moment du bruit se faisait entendre à l'intersection des deux couloirs et nous pûmes nous mettre à l'abri dans la loge d'Estéban à tant.


« Qu'est-ce qui t'as pris autant de temps bon sang ?! Gronda Cecilie.

— J'ai fait de mon mieux !

— Bon, on a pas le temps ; on prend ce fichu collier et on se casse.

— Je ne pense pas non. »

Une troisième voix nous surprit de derrière et sans crier gare Cecilie sortit son revolver pour le pointer sur la silhouette face à nous. La chambre du scientifique était sans dessus-dessous et le corps de ce dernier était attaché au pied du lit, encore conscient, mais sonné. Debout en face de nous ; un autre homme habillé tout de noir. Il portait un chapeau haut de forme ; un long pardessus et un masque recouvrant tout son visage. Dans sa main droite, il tenait une canne, de l'autre, il faisait se balancer le médaillon d'Estéban Modry.

__________

En fin de compte je publierais le lendemain matin; ça me permet de bien relire et de corriger deux trois tournures de phrase ainsi.

Voilà le jour quatre du nanowrimo !

8 833 / 50 000 mots déjà ! Je suis assez étonné d'autant écrire.

Comme toujours, n'hésitez pas à commenter, les avis me permettront d'améliorer le tout lors du second jet.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top