CHAPITRE 21 : Libération


Jumeau de Naüda et Helansko, Belosd est le Patron du savoir et de l'intelligence. Pendant longtemps confondu avec Ieta puisque l'esprit était associé au savoir et que l'un ne semblait point être détaché de l'autre, Ieta est pourtant une Patronne de l'esprit spirituel. Belosd quant à lui, porte l'esprit de réflexion, celui qui porte la connaissance, la culture avec lui. Il est aussi gardien des mémoires, des souvenirs et de l'histoire..

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Les flammes grandissaient dans la zone de recherche A et à l'intérieur de l'orangerie, les alarmes se mirent aussitôt à sonner dans toute l'enceinte. N sortit de sa canne une longue épée et se jeta sur moi ; avant qu'il ne puisse s'approcher l'éclat d'un sabre viendra croiser son arme. Le gardant à distance, Stanislas s'était interposé, repoussant son assaillant d'un geste sec. Les deux hommes masqués se regardèrent en silence pendant un long moment avec que Stanislas reprenne l'assaut. Ils étaient là, venus pour nous. Cecilie n'avait pas perdu de temps et courrait vers moi, m'attrapant par le poignet pour m'attirer plus loin de la zone de bataille. Ses cheveux étaient attachés et elle tenait à la taille ses bâtons de dynamite et dans son dos un fusil. Une fois plus loin de N ; elle s'arrêta et me donna de quoi me défendre :

« Pas le temps de discuter faut qu'on trouve les autres, ordonna-t-elle, tu sais où ils sont ?!

— On a été séparé, j'ai vu Vìtek, il ne devait pas être loin de ma cellule.

— Ok, on commence par ça et on reste ensemble.»

Pour rien au monde, je ne me serais séparé d'elle à cet instant précis. J'étais heureux, émus, nerveux, terrifié même de la revoir elle et Stanislas. Les gardes étaient dans les couloirs, en panique autant que les scientifiques. Cecilie n'avait aucun remord à les tuer et pour la première fois, je n'avais pas d'hésitation à lever mon arme. C'était eux ou moi, eux ou le reste du monde et je n'étais pas en tord d'agir contre eux. Après mes échanges avec N, ces convictions me paraissaient suffisamment abjectes pour que la mort tombe sur lui et son équipe. À chaque porte, on l'enfonçait et on espérait y trouver Vìtek. On en était arrivé à ma cellule et par un désir cathartique, j'y étais entré pour détruire chaque vitre et les bureaux qui m'observaient derrière comme un rat de laboratoire. C'était une perte de temps, mais jamais je n'avais été aussi satisfait auparavant.

Toutes les pièces se ressemblaient, seul le matériel à l'intérieur semblait changer. Je n'avais eu qu'une chaise, d'autres avaient des tables ; des machines dont je ne souhaitais pas savoir l'utilité. Les lumières rouges des alarmes rendaient l'ambiance de ces longs couloirs mornes inquiétants ; j'espérais qu'aucun mal ne soit fait à Vìtek face à notre intrusion. Et puis on l'a trouvé. Vivant, éveillé, Cecilie se jeta à son cou, mais ne perdit pas plus de temps avec ses embrassades. Je le détachais alors que notre cuisinière posait ses questions : lui non plus ne savait pas où était Mona ; mais il avait une idée.

« J'ai entendu des scientifiques de parler de la dernière salle du sous-sol et de la personne dedans. Peut-être que c'est Mona, peut-être pas.

— C'est la seule piste qu'on a donc allons-y. Affirmais-je.

— Vìtek tu te sent aptes à nous suivre ? Demanda Cecilie avec inquiétude.

— Je ne pourrais peut-être pas me battre, mais hors de question que je reste une seconde de plus ici tout seul. »

Jamais je n'avais pu autant comprendre Vìtek qu'à ce moment précis. On était mal en point et inapte à se battre, mais on avait la détermination de continuer, de voir cet endroit se faire détruire et en partir pour de bons. Sur le corps d'un garde, on avait repris ses armes et protections avait de continuer vers le sous-sol comme nous avait indiqué notre canonnier. La sécurité était moindre par ici, j'imaginais qu'ils étaient tous à l'étage prêts à sécuriser les sorties plutôt qu'à nous pourchasser dans les couloirs sinueux. Ceux qu'on croisait étaient vides terrassés par Cecilie alors que derrière elle, j'enfonçais les différentes portes en espérant trouver Mona au plus vite. Il ne restait que la dernière porte du couloir et derrière nous la trace de notre passage. Cecilie n'était pas une meurtrière sanguinaire, elle savait où viser pour que la mort soit rapide et la moins douloureuse. Certains gardes semblaient même juste endormi contre les murs, si on oubliait la mare de sang qui glissait à leur pied.

La dernière porte était ouverte ; on s'était tous arrêtés pour reprendre notre souffle. C'était un long escalier sombre et étroit et au bout de cette descente se trouvait une large porte blindée. Il y avait une petite fenêtre et sans attendre, je me redressais pour observer au travers. Mona. Elle était là, assise sur une chaise, attachée avec des chaînes et un tissu sur les yeux. Elle semblait avoir été blessée à plusieurs endroits, dont au visage. J'essayais d'ouvrir la porte, mais celle-ci était verrouillée.

« Je m'en charge !»

La voix grondante dans la cage d'escalier, elle nous fit signe de reculer alors qu'elle allumait son bâton de dynamite. C'était radical et la porte explosa en mille morceaux à la fin de la détonation. Cecilie avait aussi été poussée par le souffle de l'impact, mais on était tous indemne. Quelques flammes persistaient après, mais je les ignorais, pénétrant dans la cellule de Mona. Cecilie s'occupait d'enlever ses chaînes alors que je lui libérais la vue. Sa lèvre inférieure était gonflée et un de ses yeux tailladé de part en part.

« Comment est-ce qu'ils t'ont attrapé ? Demandais-je tout autant inquiet que curieux.

— Je vous cherchais dans la forêt et ils me sont tombée dessus, gronda-t-il, mais qu'importe ; où est Stanislas ?

— Avec l'autre type, on est venu vous récupérer au plus vite.

— Avant de les rejoindre, j'ai besoin de passer par une pièce. Cecilie, tu as une arme pour moi ?

— J'ai un fusil, ou un sabre. Proposa-t-elle.

— Le sabre ça ira, allons-y. »

Armée, Mona essuya le sang sec de son visage du revers de sa main avant d'avancer sans un mot de plus. Froide, austère, quand elle était souriante, je la trouvais forte et imposante ; sans aucune émotion, elle était terrifiante. C'est à peine si elle nous avait regardé; sa carapace charnelle était avec nous, mais son esprit ailleurs. Je ne voulais pas savoir à quoi elle pensait, ni ce qu'elle voulait faire dans cette autre pièce. Au vu de ses muscles tendus, de la rage qui l'habitait, je comprenais qu'elle n'allait rien laisser sur son passage. Son pas était lourd, agressif ; je tremblais à chaque fois qu'elle levait son arme, à chaque corps qui tombait à ses pieds. Mais j'étais heureux en même temps, elle était vivante, toujours aussi forte et plus déterminée à en finir qu'avant.

Les alarmes couvraient nos pas et nos voix alors qu'on suivait tous Mona dans les couloirs. Elle n'allait pas en direction de la serre ni des cellules, elle allait plus loin ; écartait de son chemin tout opposant et montait les escaliers. On avançait sans jamais s'arrêter et j'avais l'impression que la structure de la zone de recherche A nous avalait, un labyrinthe dont je ne pourrais jamais faire de cartographie plausible. On tournait, montait, mais j'avais aussi l'impression de descendre, je n'aurais pas été étonné d'avoir à un moment la tête à l'envers alors que par les fenêtres, le paysage se distordait. Nous n'avions rien d'autre à faire que de continuer, de se perdre dans l'encéphale de la Šerik.

On arrivait dans l'hippocampe de ce cerveau : une vaste bibliothèque, une salle d'archive qui n'avait pas de fin. Mona prit une grande inspiration.

« Cecilie, tu as de quoi faire du feu ?

— J'en ai, mais j'aimerais savoir ce que tu comptes faire avant.

— Ce que j'aurais dû faire il y a des années, souffla-t-elle, cette fois-ci, il ne restera aucune trace. »

C'était un spectacle étrangement fascinant. Je trouvais cet autodafé empli d'émotion. C'était la fin d'une ère pour Mona et Vìtek qui observaient les flammes danser. Je voyais dans le regard de notre canonnier une lueur d'espoir, d'un renouveau. C'était peut-être une manière radicale de faire table rase du passé ; mais c'était notre manière. On ne faisait pas dans la finesse, dans le délicat, on avait pas le temps pour ça. Là où on passait, c'était fugace, violent et on laissait notre marque ; une partie de notre histoire. On brûlait le savoir, la science, ce don offert par Belosd, patronne du savoir que l'homme avait corrompu de son ego.

« Voilà. Murmura Mona, plus aucune trace ne doit exister.

— On ne devait pas garder des preuves pour les condamner ? Demanda Cecilie.

— Depuis quand la justice a-t-elle été juste ? Ils auraient trouvé un moyen de s'innocenter. Répondit Vìtek la voix sèche.

— Autant tout détruire, concluais-je, effacer leurs recherches est le pire affront qu'on peut leur faire.

— ... J'espère quand même que certains iront derrière les barreaux. »

Comme Cecilie, on l'espérait tous au fond. On savait que des hommes comme Estéban Modry ne passeront jamais devant un tribunal ; mais si les scientifiques de plus bas rang, si l'existence morale de la Šerik venait à être condamnée ; ce serait déjà une grande victoire pour nous et un frein pour eux. À notre niveau, nous ne pouvions par faire plus ; je savais que des organisations similaires allaient naître ; je les vois même aujourd'hui grandir et prospérer ; sacrifier des hommes et des femmes dans des missions suicidaires au nom de la science. Jamais on ne pourra les arrêter, mais j'espérais à ma façon, apporter une pierre à la résistance qui devait se former.

Il ne manquait plus que Stanislas ; à vrai dire depuis notre séparation, je m'inquiétais pour lui. Je ne doutais pas de ses capacités à se battre et à mettre à terre N ; mais si les gardes que j'avais croisé venaient à l'encercler le combat ne serait plus en sa faveur. La serre était elle aussi à feu et à sang suite à l'explosion fracassante de leur entrée. Il n'y avait aucune trace de N et au sol gisait le cadavre de plusieurs mercenaires. Continuant d'explorer ; je vis au loin une silhouette avancer, se tenant le flanc. Stanislas était encore debout.

« Stanislas ! Sans attendre de réponse j'accourais à ses côtés.

— Vous voilà enfin... Il a pris la fuite ; dit-il avec rage, après avoir envoyé ses chiens contre moi il en a profité.

— Ce n'est pas important, reprit Cecilie, on devrait partir maintenant !

— Hors de question ! Criais-je avec Vìtek à l'unisson, il est parti vers où ?!

— Vers la porte là-bas ; si vous voulez vous venger, prenez ça. Termina-t-il en tendant son épée.

— Occupez-vous de Stanislas, si on ne revient pas après cinq minutes venez nous chercher.

— Quoi ?! Attendez- »

On n'attendait pas. Le temps était contre nous et Vìtek et moi avions le même objectif : le faire payer. Pour le passé, le présent et le futur qu'il nous infligeait. J'avais pris l'épée et Vìtek avait attrapé le fusil de Mona ; deux balles devraient suffire pour le tuer. Derrière lui, une traînée de sang nous menait jusqu'à son repère. Aucun garde sur le chemin, ni scientifique ; on était seul. J'étais épuisé et mon ventre se tordait à chaque croisement : je n'étais pas un assassin, jamais je ne le serais d'ailleurs. Je suis même assez mauvais en combat et pourtant à cet instant précis je me sentais aussi fort que les plus grands soldats de notre armée et aussi faible que l'adolescent que j'étais. Ma seule arme et mon attaque n'étaient guidées que par une vengeance, un désir de justice qui soit enfin aveugle du rang et de l'influence de ces enfants. Vìtek semblait être aussi nerveux que moi, il tremblait sous l'adrénaline et l'angoisse qui l'habitait.

Le soleil se levait ; nous baignant de ses rayons chauds alors qu'on sortait de la zone de recherche A. Elle était perdue au milieu d'une plaine, au bord d'une falaise et le vent nous balayait mettant en branle notre équilibre. Là, il se tenait ; droit et appuyé sur sa canne, à quelques mètres de nous. Lui, il était inébranlable, toujours de marbre, silencieux et fier, même blessé, il semblait intouchable. Le vent venait à peine soulever son long manteau alors qu'il se tenait dos à nous, ne nous accordant même pas un regard. Vìtek me devança, hurlant à gorge déployée, les larmes perlaient à nouveau sur son visage. Il leva son fusil, visa la nuque de N et tira. La balle filait ; on le tenait, avec aucune échappatoire pour lui comme pour nous, on l'avait. On aurait dû l'avoir. Mais alors que l'impact aurait dû avoir lieu, lorsque la balle transperça sa cape ; le mannequin s'effondra au sol.

Un rire perfora nos tympans. Derrière nous, il triomphait encore. Il n'avait plus son manteau, ni son haut-de-forme et sa chemise était tachée d'un halo carmin. Tenant sa canne à la main, il dégaina sa lame et passa une main dans ses cheveux châtains. On ne pouvait pas tomber, ni perdre dorénavant. L'aube marquait la fin de cette histoire.

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On a dépassé les 50 000 mots !  Je suis très fier d'en être arrivé là.
Ceci est donc l'avant dernier chapitre, il me reste le chapitre final et l'épilogue à écrire et je compte bien tout faire avant la fin Aout (en deux jours donc oui.)

Pensez vous qu'ils pourront battre le terrible N ?

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