Chapitre 86 : S T R U G G L E

Quand Alix se réveilla le lendemain, il était dans le cocon réconfortant des bras d'Élias. Ses parents avaient choisi, malgré les cours de les laisser se reposer la matinée. Par la même occasion, ça leur laissait le temps à eux de réfléchir à la marche à suivre. Ils en avaient déjà presque parlé toute la nuit, sans vraiment de résultat. Comme tout le monde, jamais ils n'auraient pensé se retrouver dans une telle situation. Ils avaient besoin de parler de tout cela plus en détails, avec Alix, mais surtout avec Élias. Recueillir sa version des faits. Il était le principal concerné et ils ne pouvaient pas simplement agir sur les dires d'Alix, même s'ils vouaient une confiance totale à leur fils, ils connaissaient aussi sa tendance à l'exagération, bien que sa crise de larmes de la veille ne semblait rien d'exagéré, il avait réellement été ébranlé. La situation dans laquelle ils se retrouvaient était étrange, une part d'eux voulait, sans se poser de questions, se rendre au commissariat, quitte à faire une erreur, mieux valait fauter en se basant sur des soupçons et des supputations que de ne rien faire et laisser Élias seul dans sa détresse, mais une autre partie d'eux, peut-être la plus rationnelle, ou la plus lâche, répugnait à prendre le rôle de délateurs et de s'imposer dans les affaires d'autres familles, et peut-être au passage la briser. Et immédiatement ils se reprochaient de penser avec un tel conformisme, parce qu'au fond, le réel problème, plus que de ne pas vraiment savoir comment agir, vers qui se tourner, c'était le tabou constant autour des histoires de familles, des abus des parents sur leurs enfants, c'était mal vu de s'en mêler, et quelque part, peut-être inconsciemment, ils l'avaient intégré, ne s'en rendant vraiment compte qu'une fois qu'ils se retrouvaient dans cette situation de porte-à-faux.

Bien que réveillé, Alix n'osait pas bouger. La réalité, c'est qu'il avait honte d'avoir craqué la veille. Une part de lui savait qu'en parler à des adultes, à ses parents, était la meilleure option, mais une autre s'en voulait pour n'avoir su garder le secret d'Élias. Il avait en lui cette peur sourde que ça le décide à l'abandonner. Pourtant ce matin encore, il était là, juste là, et pour la première fois il le tenait entre le creux de ses bras, et non l'inverse. Et Alix ressentait ce sentiment de sécurité qui lui manquait terriblement, pourtant il ne pouvait s'empêcher d'écouter la petite voix, sournoise, qui lui chuchotait que tout ça n'était qu'éphémère, comme un songe qui vous retient encore un peu dans ses miasmes le temps de quelques inspirations le matin venu avant de définitivement s'estomper.

Quand Élias resserra sa prise sur lui, ses bras faisant le tour de ses hanches et son visage niché dans son cou, Alix sentit sa respiration se bloquer et il se força à se détendre. Il étendit un bras pour attraper son téléphone portable sur la table de nuit. Il l'avait coupé la veille, parce qu'il ne cessait de sonner et qu'il ne se sentait pas la force de discuter avec qui que ce soit.

Il avait huit appels manqués, tous d'Andrea. Alix soupira. Il se nota mentalement de le rappeler, mais il n'en avait pas la moindre envie, l'énergie lui manquait. Quand il pensait à tout ce qu'il avait à faire, à régler, écouter les problèmes de cœur d'Andrea à cause d'une simple photo et d'un baiser qui ne voulait rien dire, lui semblait si accessoire. Pourtant il savait bien qu'il devrait faire un peu plus d'efforts, qu'Andrea n'allait pas bien et qu'ils n'avaient pas prit le temps d'en parler réellement, les amenant à s'éloigner un peu. Alix n'avait juste pas le courage de le faire pour le moment. Peut-être par égoïsme, il choisit de ne pas le rappeler aujourd'hui. Il aurait tout le temps de le faire le lendemain, ou même de le croiser dans les couloirs s'il trouvait le courage d'aller en cours cet après-midi.

Élias grogna, émergeant doucement du sommeil. Alix lui jeta un regard timide, n'osant pour la première fois être le premier à prendre la parole. Il y eut un petit moment de flottement où ils se dévisagèrent puis Élias lâcha seulement un ''désolé'' un peu piteux.

« Non. »

Le ton ferme et sans appel qu'employa Alix surprit le blond.

« Je refuse que tu t'excuses pour une chose dont tu n'es que la victime. »

Par contraste avec son ton, il glissa doucement ses main sur ses joues, prenant son visage en coupe. Avec une précaution inouïe, il retraça la marque bleutée de l'ecchymose apparue sur son menton pendant la nuit. Elle n'était pas très marqué mais bel et bien présenté.

« Tu ne vas pas y retourner cette fois-ci, dis-moi. Tu ne vas pas le laisser continuer à te faire du mal de cette façon. »

Élias avait fini par intégrer qu'il ne pourrait plus empêcher Alix de s'en faire pour lui. Il ne pourrait plus lui mentir, minimiser les choses pour le protéger. Ça lui paraissait même tellement absurde. Comme si protéger Alix était son rôle, c'était stupide, il n'était pas un soldat -bien que son père l'eut un jour espéré- ni un un genre de dieu omnipotent. Il n'avait pas le pouvoir de protéger Alix. C'était stupide et au final il n'avait fait que l'inverse, n'arrivant qu'à mettre Alix en danger, parce qu'en lui cachant les choses, il n'avait rien fait d'autre qu'attiser sa curiosité, menant le garçon droit dans l'entre du mal, droit devant son père.

« Je sais pas. Je sais pas quoi faire d'autre. J'ai jamais... »

« Tu n'as pas besoin de le savoir. Tu n'es plus tout seul, on va trouver une solution, ensemble. Ça fait bien longtemps que j'aurais dû te prendre la main et plutôt que te dire que tout irai bien, tout faire pour que ça devienne vrai. J'ai pas assuré, j'ai pas vu plus loin que le fait que tu viennes chercher du réconfort, j'étais bien trop heureux que tu m'accordes la moindre importance sans qu'on soit en permanence en conflit. Et d'un seul coup, tu n'étais plus le garçon parfait qui me faisait sentir un peu bête et pas à la hauteur. D'un coup j'étais celui qui était stable et tu étais l'incertain . C'est égoïste, peut-être même un peu creepy, à la limite du toxique, malsain, mais je crois que ça me plaisait. Et au lieu de réagir, je n'ai fait que laisser les choses s'enliser. C'était évidement que tu n'allais pas bien, et au final je n'ai fait que penser à moi. Et parce que tu es trop gentil, je sais bien que tu vas essayer de me contredire, de me rassurer -si, je le vois dans tes yeux- mais là, c'est toi qui a besoin d'être rassuré, épaulé. »

Élias retînt de justesse les larmes qui lui montaient aux yeux, brisant le lien visuel avec Alix, lui tournant le dos pour se lever. Il avait bien du mal avec ce genre de preuves formelles d'affection.

« On devrait descendre. »

C'était une marque de pudeur. Élias n'était pas du genre à dévoiler ce qu'il ressentait et Alix comprenait aisément pourquoi.

Ils dévalèrent les escaliers, et même s'il allait bientôt être midi, Alix leur prépara un petit-déjeuner. Sur le comptoir, un mot de sa mère, indiquant de lui passer un coup de fil au moment où ils se lèveraient.

Ainsi, il saisit son téléphone et composa le numéro tout en se faisant une tartine de crème de marrons.

"Alix ?"

"Ouais, tu m'as dit de t'appeler."

"Vous comptez aller en cours cet après-midi ?"

"J'en sais rien... Je..."

"Vous faites comme vous voulez Alix. J'ai pas spécialement envie que vous loupiez, surtout avec le bac qui approche, mais je comprendrais que vous n'ayez pas la tête à ça. Dans tous les cas, revenez tous les deux à la maison ce soir. On voudrait parler à Élias."

Au final, ni lui, ni Elias n'avaient eut le courrage de sortir pour aller en cours. Le temps de l'après-midi s'était étiré de manière étrange, comme en suspension.

Arrivé au soir, alors que Myrtille était partie dormir chez ses grands parents et que Leo était remonté dans sa chambre, David et Florence s'installèrent d'un côté de la table tandis qu'Alix et Élias s'asseyaient de l'autre. Pour Élias, ça avait quelque chose d'angoissant, comme s'il allait devoir faire face à son propre procès.

"Élias, on aimerait que tu nous racontes ce qu'il se passe avec ton père. On sait que ce n'est pas facile, alors prend ton temps, dis les choses comme elles te viennent, on ne te jugera pas. On est là pour t'aider." Commença Florence d'une voix douce pour l'encourager à se confier.

Ce fût laborieux, mais Élias finit par tout leur expliquer, s'interrompant de temps à autre pour camoufler quelques larmes au fond d'un mouchoir. De temps à autre, Alix serrait sa main sous la table sans rien dire.

Si ce qui avait fait découvrir son secret au bleu étaient les coups, de son histoire, ce qui se révélait, bien plus que la violence physique, -qui au fond n'était pas si coutumière, seulement plus marquante- c'était la violence psychologique.

La discussion s'éternisa un peu, Élias, s'il avait accepté de se confier avait un peu plus de mal à l'idée de se faire aider, à dénoncer officiellement son père.

David, qui s'était un peu renseigné sur les procédures lui expliqua plusieurs fois les recours auquel il avait droit. Il lui conseilla de téléphoner au 119, le numéro national de protection des enfants en danger. Où il pourrait parler à un professionnel qui pourrait mieux le conseiller.

Le garçon promis de réfléchir, il ne se sentait psychologiquement pas prêt à faire quelque démarche que ce soit, mais il nota quand même le numéro de téléphone.

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[EDIT (23/03/2022) : Version révisée]

J'ai un peu galéré pour ce chapitre, il est très important et je suis pas certaine d'en être fière.
Et je voulais vous faire une petite note que je trouve importante au vu des éléments abordés dans ce chapitre, que vous soyez victime ou témoins de violences, la ligne verte 119 est disponible depuis mai 2021 (donc un peu anachronique pour mon chapitre qui se passe en 2019, mais je pense que c'est plus important de préciser un numéro utile que de respecter fidèlement la temporalité), ainsi qu'un tchat en ligne à l'adresse allo119.gouv.fr
Vous pouvez également leur faire part de soupçons de violences.
Ce sont une équipe composées de juristes, psychologues et travailleurs sociaux qui sauront vous guider dans les démarches à effectuer.

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