Chapitre 70 : H U S H U P
Le lendemain, et toute la semaine qui suivit, que ce soit en cours, ou même quand ils sortaient entre amis, Élias fit comme si de rien n'était, et ça avait le don d'insuporter Alix au plus haut point. Que se soit avec lui, avec Nuccya, ou avec leurs professeurs, somme toute, devant tout le monde, Elias apparaisssait avec son air parfait de délégué, cheveux bien coiffés et lunettes sur le nez, chemise boutonnée jusqu'en haut. C'en était déroutant, presque absurde, par ce que ça ne lui ressemblait pas le moins du monde, et en meme temps, c'était tellement lui. Élias avait toujours été ce garçon modèle, mais maintenant qu'il le connaissait, Alix savait qu'il était tellement plus que cela. Il était aussi drôle et aimant, craquant, intelligent. Et terriblement séduisant, tout ce qui fait qu'Alix était tombé éperdument amoureux de lui. Alors pourquoi s'évertuait-il à paraître parfait aux yeux de ceux pour qui il ne comptait pas alors que dans les jolies mirettes d'Alix il l'était déjà ?
Cela dura toute la semaine. Alix avait l'impression de retrouver le garçon qu'il était deux ans au paravant, toujours cette once de jugement dans le regard, même si désormais il savait que ce n'était pas vraiment cela. Et si lui-même était resté le même garçon têtu, il serait, sans doute aucun, pour se vider l'esprit -aussi un peu pour agacer Élias il devait le reconnaître-, allé coucher avec la première personne qui lui serait passée sous la main, fille ou garçon, peut-être même les deux, qu'importe. Mais il se trouvait que désormais, et même s'il n'aurait jamais cru que cela arriverait un jour, coucher lui faisait plus de mal que de bien, et au lieu de le conforter dans son égo et de faire taire sa peur panique de l'abandon en lui donnant un semblant de contrôle illusoire, ça le laissait des questions tourbillonnantes plein la tête et le coeur bien vide, conscient que la seule personne capable de le combler était Élias et qu'il n'était pas à ses côtés, ne l'avait jamais vraiment été, il s'inventait des histoires pour rien. Ils étaient de simples connaissances, camarades de classe, des amis tout au plus.
S'il y réfléchissait bien, Alix ne s'était jamais sentit si éloigné d'Élias, ce qui était une contradiction en soi. D'une parce que maintenant qu'ils avaient couché ensemble, ils auraient dû être être bien plus proches, et de deux, parce qu'ils n'avaient jamais passé autant de temps ensemble que ces dernières semaines.
En effet, chaque soir après les cours, ils sortaient, soit au parc soit en ville. Et le seul responsable de ces sorties n'était autre que le pétillant et solaire Andrea. Ce garçon à qui personne ne pouvait rien refuser. Son cousin, Dwight, était en France pour ses vacances et Andrea était ravi de lui faire rencontrer son petit groupe d'amis, ce qui incluait des sorties presque tous les soirs après les cours, et un tout nouveau groupe snapchat sur lequel les vidéos stupides s'enchaînaient.
Alix avait bien comprit que si Andrea voulait vraiment intégrer son cousin, il avait également une autre motivation derrière toutes ces escapades, cela lui faisait une raison toute trouvée pour passer du temps avec Éos. Alix savait que ces deux-là se rapprochaient peu à peu, et il ne pouvait s'empêcher de se dire qu'il avait joué son petit rôle là-dedans, il aimait se jeter des fleurs, c'était bien connu.
Alix aimait beaucoup ces moments passés tous ensemble, comme un vrai groupe d'amis. Même s'il n'avait pas l'occasion de parler vraiment et comme il se devait à Élias et que ça devenait de plus en plus difficile pour lui de le côtoyer sans comprendre ce qu'il y avait entre eux et ce qu'il pouvait en attendre, et ce même s'il soupçonnait Andrea de tout faire pour leur laisser du temps juste tous les deux. Il avait promis à Alix de l'aider dans ses affaires de cœur. Mais ça n'avançait à rien, sinon à leur laisser gérer la gêne de quelques instants de silence à se regarder dans le blanc des yeux. Alix en venait à regretter d'avoir forcé les choses pour qu'ils couchent ensemble. Pourtant jamais il n'avait regretté une partie de jambes en l'air. Pas même quand certains de ses partenaires devenaient vraiment collants, ne voulant simplement pas comprendre qu'Alix ne fonctionnait qu'avec des baises ponctuelles, qu'il ne voulait pas entendre parler de couple, ni même de sex-friends. Il voyait la même personne deux ou trois fois, quatre tout au plus, parce qu'il ne voulait surtout pas se laisser le temps de s'accrocher, ça aurait été contre productif quand on sait que tout ce qu'il faisait était pour s'éviter la rudesse de l'abandon. Quand on ne s'attache pas, et qu'on évite autant que faire se peut de laisser les autres s'attacher, on s'évitait d'être blessé, tout le monde sortait gagnant. Et voilà que c'était lui qui brisait ses propres règles pour courir après Élias, du quel il s'était amouraché sans même le voir venir, comme un train chargé d'une cargaison d'explosifs, qui loupe l'aiguillage et qui n'a plus que deux choix, percuter les habitations de plein fouet ou dérailler, sauvant des vies, mais pas son coeur.
Alix soupira. Par dessus tout ça, la présence du cousin d'Andrea le mettait mal à l'aise, d'une manière qu'il ne s'expliquait pas vraiment. Et ça le dérangeait fortement. Outre le fait qu'il semble toujours tout rapporter à sa religion et qu'il les forçait presque à dire les bénîcités avant chaque repas qu'ils avaient pu prendre avec lui, de manière presque pathologique, allant au-delà de la simple foi, Dwight avait une manière étrange de suivre Andrea comme son ombre, comme s'il avait peur qu'il disparaisse. C'était plutôt risible quand on voyait sa carrure, il ne semblait pas du genre à être effrayé de quoi que ce soit. Alix pouvait même parier que dans son lycée aux USA -s'il était toujours au lycée, à vrai dire Alix ne connaissait pas son âge- il était le genre joueur de football américain à se balader toujours avec son blazer aux couleurs de l'équipe sur le dos. Le genre de personne qu'Alix avait passé toutes ses années collège à éviter scrupuleusement. Et visiblement, ça avait quelque chose de réciproque. Parce que Dwight agissait de manière différente avec lui, il était distant, froid, et quand il n'y avait personne autour, blessant, presque méchant. Pourtant ça ressemblait plus à une sorte de peur teintée de maladresse que de la réelle méchanceté. Le bleu ne comprenant pas vraiment, mais il ne voulait pas en parler à Andrea. Après tout ce que ce dernier faisait pour l'aider, dénigrer son cousin qu'il adorait serait vraiment la pire chose à faire. Et puis peut-être qu'il ne se faisait que des idées, peut-être que Dwight était comme cela avec tout le monde, mais qu'il croyait une fois de plus que tout tournait autour de lui. Il n'en savait rien.
Une chose était certaine cependant, Élias s'emblait vraiment bien s'entendre avec Dwight, avec Éos aussi, et chaque après-midi où ils se voyaient, il semblait sourire un peu plus, alors qu'importe si Alix voyait un peu moins souvent ses amis Prune et Lior, si jamais cela pouvait aider Élias. Le bleu n'avait jamais fait preuve d'autant d'altruisme, ça ne lui ressemblait pas, son ascendant scorpion empêchait toujours son lion d'être trop généreux, au-delà de ce qui était bon pour lui-même. Mais là, c'était différent, les problèmes d'Élias étaient autrement plus importants que la peine de cœur à laquelle il s'exposait. Et dire que le blond refusait d'aller dénoncer les sévices que lui faisait subir son père à la police. Alix ne savait pas quoi faire. Ni même vraiment comment aborder le sujet, il se sentait terriblement maladroit et préférait pour la première fois ne rien dire. Ce n'était pas à lui de prendre la décision, ça ne lui appartenait pas. Il était si... impuissant... Et pour quelqu'un qui aimait beaucoup tout contrôler, l'impuissance s'approchait à peu de chose près du pire enfer au monde.
« Élias ? » Demanda-t-il doucement.
Ils étaient tous les deux dans un parc de leur ville, assis à une table devant un petit kiosque à gaufres. Andrea et Éos étaient un peu plus loin, le châtain avait forcé l'autre garçon à l'air bougon à l'accompagner sur la petite balançoire et il riait au éclats. Face à cela, même Éos ne pouvait garder son rictus impassible et un petit sourire ornait ses lèvres un peu gercées par le froid. Dwight pour sa part était partit rejoindre une amie. C'était la première fois qu'il leur parlait d'une amie extérieure, Andrea s'était tout de suite enthousiasmé à cette idée, partant même sur des théories farfelue selon les quelles son cousin avait une amante secrète, une française, et qu'en réalité venir le voir n'avait été qu'un prétexte pour la voir elle, ce qui expliquait que Dwight rentre toujours si tard les soirs.
« Qu'est-ce qu'il y a ? »
Alix se reconcentra sur Élias qui venait de lui répondre, tourné vers lui, les joues et le haut des oreilles un peu rouges. Alix ne savait pas réellement ce qui avait provoqué son rougissement, mais il adorait cela. Il voulait le voir plus souvent.
« Il faudrait qu'on parle de... Et bien tu sais... de... »
Pour une fois, Alix ne trouvait pas ses mots. Il ne voulait pas dire qu'ils avait fait l'amour, le terme était bien trop fort, mais ils n'avaient pas juste baisé non plus, Alix ne voulait pas le croire, il était perdu.
« Je ne suis pas sûr qu'on devrait en parler... »
C'était comme un coup en plein cœur. Le pire c'était sans doute qu'il se doutait que le blond aurait cette réaction, après tout, il s'était montré distant avec lui depuis ce jour.
« Moi je crois que si. » Insista Alix.
« Alix... C'est pas que je... Désolé, je ne sais juste pas ce qu'il y a dire là dessus... »
« Pas... Tu ne sais pas ce qu'il y a à dire ? » Grimaça Alix, incrédule, parce qu'Élias venait à peu de choses près de balayer tous ses sentiments d'un simple revers de main, ce qui avait plus l'effet d'une gifle.
« Écoutes Alix, comme tu l'as dit l'autre fois, je suis avec Nuccya et je ne peux pas... lui faire cela. On a déjà été trop loin. » Ses yeux verts semblaient le supplier de le croire, ou du moins de ne pas poser plus de questions.
« Tu ne l'aimes pas Élias... Je ne te dis évidemment que ce qu'on fait est bien, mais être avec elle, faire semblant de l'aimer est tout aussi cruel, tu dois être honnête avec elle, et avec toi-même aussi. Indépendamment du fait que tous les deux, on ait... couché ensemble. »
Le blondinet baissa les yeux, heurté par la vérité présente dans les mots d'Alix. Il avait raison, tellement raison, tout ce qu'il allait réussir à faire avec tous ses mensonges allait être de faire souffrir Nuccya. Même s'il n'était pas amoureux d'elle, elle restait une amie chère à son cœur et il ne voulait pas que cela arrive. Elle avait été là pour lui quand il en avait eut besoin, sans rien demander en retour. Pourtant quand il pensait à cela, il ne pouvait s'empêcher de sentir planer tout autour de lui la silhouette, noire et menaçante de son père, comme une main invisible et étouffante qui s'enroulait tout autour de lui, bloquant sa respiration dans sa gorge, et cela lui rappelait les raisons qui l'avaient poussé à s'empêtrer dans son mensonge. Sauver les apparences, contenter son père.
La main d'Alix vint se poser sur sa joue, en un contact frais, faisant taire le tumulte orageux de ses pensées, et il verrouilla son regard dans ses prunelles bleues, en quête de réponses. Il avait les joues froides, et ce n'est que quand une bourrasque de vent vint soulever les feuilles mortes entre les allées du parc, ébouriffant leurs cheveux, qu'il se rendit compte des deux sillons humides et froids laissés par ses larmes. Il avait pleuré. Encore et sans s'en rendre compte.
« Je ne sais plus où j'en suis Alix... Je suis perdu comme jamais, et ça me fait peur. »
Voir le blond perdre de sa superbe comme ça, en public et en pleine journée, était terriblement déroutant, bien plus que quand ça arrivait la nuit, dans sa chambre, quand il avait trop bu, ou fumé.
« Je sais mon chat. Je vois bien que ça ne va pas. Je te rappelles que c'est chez moi que tu viens sonner quand tu es au plus mal. C'est dans mon lit que tu viens pleurer. »
Puis avant que son message ne soit mal interprété le bleu s'empressa d'ajouter :
« Je suis pas en train de dire que ça me dérange, outre le fait que te voir triste me brise le cœur évidemment, mais simplement que même si tu viens chez moi, je ne sais pas comment t'aider, parce que tu ne me dis rien, et je suis perdu, j'ai l'impression d'être inutile, voire pire, un fardeau avec mes sentiments trop évidents. Et j'en remets toujours une couche au lieu de me taire... Juste, je crois sincèrement que tu devrais aller porter plainte contre ton père. Je sais que tu as peur, que tu as l'impression d'être seul a te battre, mais c'est faux. Je suis là moi aussi, juste à côté de toi. »
Une fois de plus il venait d'étaler ses sentiments, et même si c'était à demi-mots, il se demandait encore comment Élias faisait pour ne pas le voir, de manière limpide, claire comme de l'eau de roche. Ou peut-être faisait-il exprès que de ne pas s'en rendre compte.
« Tu penses que je devrais rompre avec Nuccya ? »
Ce n'était même pas le sujet le plus important, mais il était dur pour Alix de ne pas laisser son cœur hurler un grand oui, pour répondre ce qu'il fallait réellement. Parce qu'Alix n'avait jamais été du genre à contenir ses sentiments, ni à taire ce qu'il pensait, mais pour Élias, il pouvait faire un effort, se contenir.
« Ce n'est pas à moi de répondre à cette question, mais je pense qu'au fond de toi, tu sais déjà ce que tu dois faire. »
Élias ne dit rien de plus, comme perdu dans ses pensées et Alix espéra du plus profond de son cœur qu'il prendrait la bonne décision.
Andrea revint vers eux, tirant Éos par le bras. Alix sourit en constatant qu'ils s'étaient pas mal rapprochés tous les deux, et ça leur faisait du bien. Andrea était plus rayonnant que jamais et Éos lâchait de temps à autre des rictus qui ressemblaient presque à des sourires. Alix savait qu'ils s'étaient embrassés pour la première fois à la soirée de Lysandre, vraisemblablement au même moment où Élias l'avait également embrassé, à une différence près, il ne semblait pas y avoir entre eux d'obstacles insurmontables comme ceux se dressant entre Élias et lui. En tout bon Lion, Alix ne savait pas s'il devait se réjouir pour ses amis, ou bien les jalouser. Sans doute un peu des deux.
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[EDIT (16/02/22) : Version révisée]
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